Intervention de Maurice Vincent

Réunion du 19 octobre 2011 à 21h30
Troisième loi de finances rectificative pour 2011 — Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi modifié

Photo de Maurice VincentMaurice Vincent :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le Gouvernement nous sollicite en urgence pour éviter in extremis la faillite de Dexia, une grande banque emblématique pour les collectivités territoriales.

Ce texte comporte deux volets : une garantie de refinancement immédiate de 32, 85 milliards d’euros et une contre-garantie de 6, 65 milliards d’euros à la Caisse des dépôts et consignations pour les actifs toxiques de cette banque.

Le plan de sauvetage a suscité un long débat à l’Assemblée nationale et, ici même, en commission des finances.

Sur le premier volet, qui concerne la garantie de 32, 85 milliards d’euros, je reste sur ma faim et je souhaiterais poser deux questions à M. le ministre.

La première est multiple : comment, entre 2002 et 2008, Dexia a-t-elle pu adopter un modèle économique aussi risqué et aberrant, en finançant 600 milliards d’euros d’actifs de long terme par des dettes de court terme ? Pourquoi la Commission bancaire n’est-elle pas intervenue ? Pourquoi l’État, qui était forcément informé, n’a-t-il pas agi ?

Auditionné par la commission des finances, M. Mariani a expliqué que la stratégie de Dexia avait été totalement transparente.

Ma seconde interrogation, monsieur le ministre, porte sur le problème de ce que l’on appelle le « Dexia résiduel ». On nous dit qu’il y a des actifs de bonne qualité et d’autres de moins bonne qualité : avez-vous une idée de la part respective des premiers et des seconds ? Il s’agit, bien sûr, d’une donnée déterminante pour mesurer le risque qui est sur le point d’être pris aujourd’hui au niveau des finances de l’État.

Au demeurant, je voudrais surtout intervenir sur le deuxième volet du projet de loi de finances rectificative, à savoir la garantie demandée au regard des prêts toxiques, à hauteur de 6, 65 milliards d’euros.

Je tiens à le rappeler, depuis plus de deux ans maintenant, avec d’autres élus des collectivités concernées, de toutes tendances politiques, j’interpelle le Gouvernement sur ce stock d’emprunts toxiques contractés entre 2002 et 2008 pour lui expliquer combien il constitue un problème national et une véritable bombe à retardement.

Certes, il y a eu l’intervention de la mission Gissler, mais celle-ci n’a pas traité le stock passé ; elle a simplement contribué à éviter de voir se poursuivre de telles pratiques funestes.

Nous n’avons pas eu, il faut le dire, beaucoup de réponses, et il semble que le problème ait été gravement sous-estimé. Il nous revient aujourd’hui brutalement, indirectement, au travers de la part des emprunts toxiques, qui est la seule due à la responsabilité de Dexia.

Monsieur le ministre, selon vos évaluations, le montant de ces emprunts toxiques s’élève à 10 milliards d’euros, mais il faut y ajouter, pour les collectivités concernées, les emprunts relevant d’autres banques. Sans doute le problème qui est aujourd’hui devant nous se chiffre-t-il, au total, entre 12 et 15 milliards d’euros.

Nous avons donc perdu beaucoup de temps et la solution esquissée dans ce projet de loi de finances rectificative me paraît partielle et précipitée. En définitive, elle consiste à reporter, pour 6, 65 milliards d’euros dans un premier temps – sur le dos du contribuable, disons-le –, mais vraisemblablement pour 9, 5 milliards d’euros in fine, les risques pris par le passé. Je le disais, c’est une solution partielle, puisque les autres banques ne sont pas concernées.

De nombreuses collectivités territoriales restent donc dans l’incertitude, et il importe que le Gouvernement puisse la lever rapidement. Il lui appartient, en particulier, de clarifier le modus operandi. Comment, concrètement, les collectivités confrontées à ce nouveau schéma feront-elles ? Et quid de celles qui ont souscrit des emprunts toxiques auprès d’autres banques ? Faudra-t-il un autre texte ? Voilà autant de questions qui restent en suspens.

Malgré tout, la discussion du texte en commission nous a permis d’obtenir, toujours de la part de M. Mariani, des précisions intéressantes que nous ignorions jusqu’à présent. Ainsi avons-nous appris que 347 collectivités sont concernées par les emprunts les plus toxiques, hors charte Gissler, et que les hôpitaux y sont exposés à hauteur de 1, 5 milliard d’euros.

Sur les questions qui restent aujourd’hui devant nous, je sens bien monter, ici et là, ce que j’appelle une « approche morale » du problème des collectivités territoriales. Voici ce que nous avons entendu dans la bouche de plusieurs élus : ce sont les collectivités et les maires qui sont responsables ; en conséquence, il est normal qu’ils se débrouillent tout seuls, sans que l’on ait à s’en occuper spécialement.

Je tiens à contester fortement cette approche des choses, non pas parce que je suis concerné, puisque chacun sait que ce sont mes prédécesseurs à Saint-Étienne qui, malheureusement, se sont trouvés en première ligne, mais parce que je la trouve à la fois injuste et inefficace.

Elle est injuste dans la mesure où la quasi-totalité des maires ont agi en situation de confiance. Il y a eu des exceptions, bien sûr, mais, en général, ces élus ont fait confiance à des banquiers qu’ils rencontraient régulièrement, en particulier à Dexia. Ils ont péché par naïveté humaine, ce qui, de mon point de vue, n’est rien en comparaison des responsabilités prises par les organismes financiers et les banques.

En effet, ces derniers ne pouvaient pas ignorer le caractère spéculatif des produits qu’ils diffusaient dans l’économie, pas plus que les termes de la circulaire de 1992, qui interdisait, sur le principe, toute opération spéculative aux collectivités territoriales. Leur devoir de conseil était donc de refuser de proposer de tels produits.

C'est la raison pour laquelle on ne peut mettre sur un même plan les responsabilités des uns et des autres.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je terminerai en disant simplement que la stigmatisation des collectivités ne mène à rien, car elle est inefficace et ne permet pas de trouver des solutions. L’urgence, aujourd’hui, est d’éclaircir l’environnement économique de ces collectivités pour qu’elles puissent rapidement retrouver un rythme d’investissement normal. C’est la seule solution efficace et c’est aussi le préalable indispensable pour relancer la croissance économique dont nous avons tous besoin. Je proposerai donc, avec d’autres, un amendement visant à compléter le dispositif avant d’adopter, éventuellement, ce projet de loi de finances rectificative pour 2011.

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