Quant à votre plan de sauvetage, il n’est pas sans poser un certain nombre de questions. Voilà la Caisse des dépôts et consignations appelée au secours d’une de ses anciennes directions qu’on a privatisée. Rappelez-vous qu’il s’en est fallu de peu pour qu’Édouard Balladur ne privatise aussi la Caisse elle-même : quelle ironie !
N’oublions pas que la mission première de la Caisse des dépôts et consignations est non pas de récupérer des actifs toxiques, mais plutôt de gérer l’épargne des Français et de financer des politiques d’intérêt général des collectivités territoriales, en particulier le logement social.
Dès lors, on peut se demander à juste titre pourquoi le portefeuille risqué qui lui échoit n’est garanti que dix ans. Que la Commission européenne ait des réserves sur les aides apportées à une banque multinationale comme Dexia, cela se conçoit, qu’elle se préoccupe des garanties apportées par l’État français à sa Caisse des dépôts et consignations semblerait beaucoup plus étonnant.
Par ailleurs, dans l’inventaire des raisons du naufrage, on ne peut faire l’impasse sur la défaillance des autorités de contrôle. Certes, l’autorité compétente d’avant-2008 était belge, mais cela n’empêche pas de se demander si l’Autorité de contrôle prudentiel française a aujourd’hui les moyens de remplir sa mission, alors que nombre de financiers avouent être eux-mêmes dépassés par les produits qu’ils ont créés.
Dans le même esprit, les éléments avancés par le Gouvernement pour anticiper les futures crises bancaires ne me semblent pas bien solides. Mme Lagarde, en traversant l’Atlantique pour passer de Bercy au FMI, a ainsi changé d’avis sur la recapitalisation des banques. Quant aux fameux tests de résistance censés pourvoir à toute éventualité, ils ont été brillamment réussis par Dexia, qui a en fait sombré par manque de liquidité et non par défaut de fonds propres.
Enfin, se pose inévitablement la question du rôle dévolu à la Banque postale. Le Gouvernement ayant choisi de la privatiser, sans surprise, celle-ci ne se cache pas d’avoir désormais des objectifs de rentabilité. Adossée à la Caisse des dépôts et consignations, qui gère le livret A des Français, c’est donc elle qui va désormais financer les collectivités locales.
Quand on sait qu’en 2008 le Gouvernement avait investi dans la recapitalisation de Dexia 440 millions d’euros issus du livret A, lesquels sont aujourd’hui valorisés à 30 millions d’euros, il y a évidemment de quoi être quelque peu échaudé.
Troquer la confiance des Français contre celle des marchés est une stratégie sans avenir. Il n’est pas plus utile de s’abriter derrière une règle d’or, surtout, d’ailleurs, quand elle n’est que de papier. Car, soit dit en passant, si d’aventure la garantie de 40 milliards d’euros – 2 points de PIB – devait être exercée rapidement, je serais curieux de voir ce qu’il en serait de ce fameux déficit qu’on essaie de contenir.
Aussi, monsieur le ministre, il est de votre responsabilité, pour la France, que la politique reprenne enfin le pouvoir dans ce pays