Les Français tirent les premiers, en effet, mais dans un accord partagé et pour aller dans la bonne direction.
Je rappelle que, par ailleurs, un délai interviendra obligatoirement après cette adoption. Il est, en effet, lié à l’autorisation préalable de la Commission européenne. M. Placé lui-même a trouvé légitime que la Commission vérifie si l’État applique ou non les directives. Nous avons donc besoin de ce délai et nous avons bien sûr besoin d’un avis favorable de la Commission pour rendre opérationnel ce dispositif d’accord.
Je vous remercie d’ailleurs, au nom du Gouvernement, d’avoir accepté le calendrier d’urgence qui vous a été proposé. Cela permettra à Dexia de trouver des financements de marché. Ce point est avéré. En effet, si Dexia tombe, ce n’est pas sur un problème de solvabilité ou de fonds propres. Dexia avait, il est vrai, franchi les stress tests avec un niveau de Core Tier One, c’est-à-dire de fonds propres en dur, supérieur à 11 %, soit un niveau supérieur à la moyenne des banques américaines et très largement supérieur à la moyenne des banques qui, elles-mêmes, avaient franchi les stress tests.
Ce qui fait tomber Dexia, ce n’est pas une question de solvabilité, c’est une question de liquidité. Ce modèle économique très particulier selon lequel on finançait les projets à long terme sur du court terme s’est développé de façon très spectaculaire à une période où l’accès à la liquidité était quasiment inaltérable. C’est évidemment ce même modèle qui, au terme d’une inversion du processus, a, au travers de la crise des subprimes et la chute de Lehman Brothers, provoqué un phénomène planétaire. Avec l’instabilité de la zone euro, le ralentissement économique, les doutes sur l’économie américaine et les interrogations mondiales sur le ralentissement de l’activité internationale, ce modèle a malheureusement accéléré cette raréfaction de la liquidité qui n’a pas permis à Dexia de poursuivre son activité.
En effet, nous voulions une réponse globale. En effet, premier axe, nous voulions éviter une rupture de charges sur l’activité des prêts aux collectivités locales qui aurait suspendu la politique d’investissement d’intérêt général. Nous voulions maintenir l’activité de prêt, car elle soutient l’activité économique, garante de la préservation et de la création d’emplois. Nous souhaitions un accord global qui permette à l’État français, dans un schéma familier, sérieux et cohérent, de mettre en place un acteur public puissant – les uns et les autres, à gauche comme à droite, d’ailleurs, ici, comme à l’Assemblée nationale, le souhaitaient ; c’est un acte fort et puissant – pour la partie Caisse des dépôts comme pour la partie d’avenir du joint-venture entre la Caisse des dépôts et la Banque postale.
Le deuxième axe très structurant de cet accord entre les États belge, français et luxembourgeois, c’est la protection des dépôts des particuliers en Belgique, les 8 millions d’euros à travers la DBB ; c’était un point important.
Le troisième axe structurant de cet accord au niveau des trois États, c’est la cession de la BIL par l’État luxembourgeois avec un partenariat qui est adossé et qui va, lui aussi, dans la bonne direction.
Nous apportons donc bien une réponse globale, une réponse durable, une réponse stable, qui évite, au fond, le défaut. Et en ce sens, nous tirons les leçons de ce qui s’est passé avec Lehman Brothers. Je le rappelle, la banque Lehman Brothers a été montrée du doigt. L’administration américaine de l’époque a annoncé qu’on allait faire un exemple pour donner à réfléchir aux autres. Et que s’est-il passé ? L’interconnexion des systèmes étaient telle qu’elle a provoqué une capillarité, une contagion immédiate du dispositif qui a créé une crise internationale, laquelle a entraîné le monde entier dans une récession.
C’est donc bien le défaut et le choix de l’administration de faire un exemple qui a provoqué la crise. Si nous n’avions pas tiré les leçons et si nous avions écouté quelques sirènes, un choix de défaut aurait pu entraîner un risque systémique puissant.
C’est la raison pour laquelle les gouvernements se sont coordonnés très rapidement. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes mis en situation d’offrir une réponse stable sur un pôle public. Certes, d’aucuns objecteront, à juste titre, que c’est un retour en arrière. J’en conviens, mais c’est un retour en arrière sur des positions désormais stabilisées, sur une activité essentielle où, à l’évidence, les effets du ralentissement économique commencent, là aussi, à se lire dans la difficulté d’accès au crédit, y compris pour les collectivités locales.
C’est bien pourquoi la mise en place de ce nouvel acteur devrait permettre de satisfaire les besoins de poursuite des investissements des collectivités locales. Nous en sommes très conscients. Nous sommes très attentifs à ce risque de ralentissement d’accès au crédit pour les particuliers, pour les entreprises, comme pour les collectivités locales. Ce projet de loi de finances rectificative vise à stabiliser cette part de marché.
Madame Bricq, vous avez, me semble-t-il, beaucoup insisté sur les banques françaises. Je dois à la vérité de reconnaître que tel n’est pas l’objet du présent texte, mais je puis comprendre que son examen offre un point d’appui pour une réflexion plus large sur la situation des banques.
Nous maintenons, je le rappelle, le diagnostic et la conclusion sur la situation des établissements bancaires français. Nous avons toujours dit que dans cette instabilité, dans cette turbulence des marchés, dans cette interrogation, dans cette incertitude qui nourrit le ralentissement économique mondial, la question bancaire devait être réglée à l’échelon européen.
Nous y sommes et des propositions sont sur la table, notamment celles de la Commission reprenant l’EBA, l’agence bancaire européenne, qui a fixé des niveaux de fonds propres pour amortir les chocs, y compris souverains.
Nous considérons qu’il n’y aura probablement pas, en fonction du niveau qu’on atteindra, si c’est celui de la Commission – c’est-à-dire à 9 % – une nécessité très importante – peut-être même pas du tout de nécessité – d’utiliser le guichet public qui serait offert dans le cadre d’une coordination européenne par les établissements bancaires français.
Il n’y a pas de recapitalisation publique. Il y aura d’abord le devoir, pour les banques, de travailler sur leurs résultats avec, en effet, la volonté d’éviter des distributions de dividendes ou de bonus.
Je me suis déjà exprimé sur le sujet depuis une quinzaine de jours pour que l’augmentation du ratio de fonds propres se fasse au détriment de la distribution des dividendes et des bonus, et non pas au détriment de la poursuite de l’activité de prêts aux entreprises ou aux particuliers.
Si d’aventure certaines banques avaient des difficultés, elles pourraient trouver des financements auprès des marchés. Nous espérons que les différentes étapes internationales, européennes, puis, mondiales, à travers le G20, donneront des raisons aux investisseurs de continuer à croire dans la zone euro et dans l’activité mondiale, donc, de croire au retour à meilleure fortune.
Dans cet esprit, les établissements bancaires pourraient avoir accès aux marchés. Si d’aventure certains ont des difficultés – cela ne se produira pas en France, je vous le dis, mais peut-être dans d’autres pays, je pense aux établissements qui n’ont pas passé le cut des stress tests du mois de juillet, ils étaient, on le sait, neuf à être insuffisamment solvables, seize à être dans la limite acceptable, aucun n’était français, ils se situaient plutôt en Espagne ou en Allemagne – si d’aventure, donc, cela ne fonctionnait pas, il y aurait la possibilité d’utiliser l’un des articles du Fonds européen de stabilité financière dans le cadre de l’évolution de l’accord du 21 juillet. Ce dernier permet d’avoir un accès à ces dispositifs et à une coordination européenne en la matière. En l’occurrence, tel n’est pas l’objet du présent texte, mais je profite de l’occasion pour vous répondre, madame la rapporteure générale.
Le texte qui vous est soumis porte bien sur Dexia, une banque belge garantie à 60, 5 % par l’État belge. J’entends l’argument selon lequel c’était une banque belge dans laquelle l’État français était minoritaire, ce qui, à en croire certains, aurait autorisé le Gouvernement français à intervenir.
À cela, je rétorque que nous sommes dans un État de droit, lequel, par définition, respecte évidemment l’État de droit dans un autre pays ami. Nous jouons notre partition à la hauteur de ce que notre participation permet d’obtenir.
Vous m’avez interrogé sur l’avenir du groupe Dexia. Le groupe Dexia aura une activité qui ira décroissant avec la politique de cession d’actifs. C’est la raison pour laquelle nous ne parlons pas de bad bank. C’est la raison pour laquelle nous ne parlons pas d’activité de défaisance.
En ce sens, nous tirons, là aussi, les leçons du Crédit Lyonnais. Je n’entre pas dans le débat que chacun ici a en mémoire, à gauche et à droite de cet hémicycle, comme à l’Assemblée nationale. Nous ne créons pas une structure qui vise à ne plus exister. Il y aura, en réalité, une banque résiduelle qui disposera d’actifs. Il serait injuste de faire, par amalgame ou confusion, l’absence de tri dans la réalité de ces actifs, d’inégale valeur, comme chacun le reconnaît. À l’intérieur de ces actifs, certains sont même de très bonne qualité. Je ne doute pas que dans un délai rapide, au moment opportun, quand nous serons revenus à meilleure fortune, il sera possible de faire des cessions avantageuses par rapport à la valorisation de ces actifs.
Et puis, il faudra prendre le temps nécessaire pour permettre la poursuite de l’activité de cette banque. C’est autour de cela que nous travaillons. Car nous nous tenons à distance de tout ce qui, de près ou de loin, se rapproche de ce que, vulgairement ou communément, on appelle une bad bank. De cela, nous ne voulons certainement pas !
Par ailleurs, Dexia Crédit Local n’aura pas d’activité en concurrence directe avec le joint-ventureconstitué de la Banque postale et de la Caisse des dépôts. C’est bien la moindre des choses ! Il est d’ailleurs prévu que ce joint-venture fasse appel à certains services de Dexia Crédit Local pour l’« origination » des prêts. Leurs activités seront donc liées et certainement pas concurrentielles.
Vous avez également interrogé le Gouvernement sur les contraintes du droit communautaire. Je rappelle que, au-delà des éléments de doctrine de la Commission et de la jurisprudence dont nous disposons, la Commission est dotée de pouvoirs très étendus pour apprécier la conformité d’une aide d’État au traité, examen qui fait partie de cette analyse. La garantie qui est accordée le sera sous la double limite de l’autorisation parlementaire et de l’autorisation de la Commission.
Je précise que nous avons d’ores et déjà engagé des discussions avec la Commission. Elle est attentive. Son avis conditionnera naturellement l’activation effective de cette garantie.
Je précise également qu’elle n’a que très rarement – peut-être même jamais – octroyé une garantie au-delà de cinq ans. Cela veut dire qu’une échelle de dix ans relève déjà d’une autre nature. Le fait que le législateur français inscrive la perspective de dix ans donne déjà de la profondeur de champ à la structure pour continuer d’avancer et de poursuivre ses activités.
Nous insisterons beaucoup auprès de la Commission sur le caractère d’urgence, singulier dans la période que nous traversons et systémique au regard de la nature particulière de l’activité de Dexia. Il me semble que ce sont des arguments qui plaident en faveur de la défense de ce dossier auprès de la Commission et du commissaire Almunia avec lequel je me suis déjà entretenu à de nombreuses reprises.
J’en viens à l’amendement déposé par M. Bouvard à l’Assemblée nationale, puisque vous avez sollicité l’avis du Gouvernement sur ce point. Ce qui est en jeu, c’est de s’assurer qu’en 2021 la Caisse ne se retrouve pas à supporter des pertes issues d’un défaut éventuel de Dexia.
Bien évidemment, nous aurons l’occasion de revoir la question le moment venu, notamment pour apprécier le montant des encours résiduels et les risques qui y sont associés.
L’engagement que le Gouvernement peut prendre aujourd’hui devant la représentation nationale est qu’en 2021, si nécessaire, il sera demandé au Parlement de se prononcer sur les moyens donnés à Dexia pour honorer l’intégralité de ses engagements.
Ce que je souhaite, c’est que, dans dix ans, la lecture de nos débats permette à ceux qui seront alors au Gouvernement de retrouver l’esprit du législateur. Ils pourront s’appuyer sur cette base pour trouver dans le discours que je prononce, au nom du Gouvernement, ici, ce soir, au Sénat, après m’être exprimé lundi à l’Assemblée nationale, un acte de clause de rendez-vous quasi obligatoire afin de poursuivre et d’accompagner la Caisse dans l’effort produit. C’est ainsi qu’il faut le lire et c’est ainsi qu’il faudra le comprendre !
Monsieur le président Marini, je vous remercie d’avoir bien voulu centrer le débat sur le sujet qui nous occupe, à savoir le sauvetage de Dexia.
L’objectif du Gouvernement est bien, avec les États belge et luxembourgeois, d’éviter un Lehman Brothers à l’européenne.
Vous notez avec raison que nous avons là une nouvelle occasion de refonder nos outils de financement des collectivités locales. Ce point, je le partage pleinement et avec conviction !
Vous avez également interrogé le Gouvernement sur la situation des salariés.
Dès l’annonce par les gouvernements belge, français et luxembourgeois, le 10 octobre dernier, les Premiers ministres français et belge se sont montrés très attentifs à la situation des salariés.
Le Gouvernement s’assure – et c’est bien le cas – que le travaille, à l’heure actuelle, à préserver l’emploi et l’outil de travail, autant que possible. Les partenaires sociaux de Dexia sont étroitement informés à chaque étape du plan de restructuration ordonné.
Madame Beaufils, vous avez critiqué les tests de résistance qui ont été menés en juillet 2010 et en juillet 2011. Dexia a passé ces tests, c’est vrai, mais j’en ai évoqué tout à l’heure l’origine. M. Placé lui-même a rejoint le constat d’évidence, convenant que l’immense difficulté de Dexia n’a pas été provoquée par un problème de solvabilité, c’est-à-dire de résistance à des chocs de fonds propres, et donc de garantie. Dexia a chuté sur un problème d’accès aux marchés, d’accès aux liquidités pour financer son activité.
Je rappelle au passage que le modèle économique de Dexia, même s’il avait énormément progressé depuis 2008, nécessitait environ 100 milliards d’euros d’accès aux liquidités à court terme pour financer la poursuite des engagements sur lesquels il avait des positions à long terme.
Je vous signale qu’en 2008 le besoin était de 260 milliards d’euros, cela équivaut aux deux tiers de la dette grecque. C’est considérable ! En période de pénurie de liquidités, un tel modèle économique ne peut que s’effondrer.
Madame Beaufils, vous avez regretté que Dexia n’ait désormais plus les moyens de financer ses clients, comme c’était le cas auparavant.
Vous avez regretté, en outre, que la structure de financement dédiée aux collectivités locales ne soit plus publique, comme à l’époque de la CAECL. Or l’État s’apprête justement à créer un acteur public, sous la forme d’une co-entreprise entre la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations, qui puisse être un acteur de référence du financement des collectivités locales. Cette solution, proposée par le Gouvernement, est, je crois, globalement approuvée par les uns et les autres, même si cette approbation ne se traduit pas, dans cet hémicycle, par un vote positif sur l’ensemble du texte.
Cette solution de référence est de nature à rassurer l’ensemble des élus locaux. Cette simple annonce a d’ailleurs permis d’apaiser les tensions et de répondre aux interrogations de nombre d’entre eux.
Monsieur Arthuis, vous avez qualifié la solution que nous proposons pour Dexia de « liquidation d’une banque ». Il me semble que vous allez bien au-delà de ce qui est prévu par ce texte. Celui-ci vise en effet à permettre une cession ordonnée d’actifs, à des conditions avantageuses dès lors que l’on n’est pas pressé par le temps pour y procéder. À vous de choisir l’interprétation que vous souhaitez !
Il faut évidemment du temps pour mener à bien cette opération visant à permettre la poursuite de l’activité de Dexia.
Rien n’indique, par ailleurs, que cette garantie ne sera pas levée un jour, dès lors que les importants portefeuilles obligataires du groupe auront été cédés.
Vous m’avez demandé de confirmer qu’il n’y aurait pas de concurrence opposant Dexia-Crédit local de France et la nouvelle co-entreprise. Je vous le confirme, comme je l’avais déjà indiqué à Mme Bricq.
Je vous remercie, madame Des Esgaulx, d’avoir souligné la réactivité du Gouvernement, ou plutôt, devrais-je dire, des gouvernements, puisque les trois gouvernements ont eu, de façon synchrone, en respectant le même calendrier, la détermination commune d’apporter des réponses et de rassurer non seulement les marchés ou les investisseurs, mais également les élus locaux et les particuliers possédant des dépôts en Belgique.
Votre explication des causes de cette situation était limpide. Nous partageons votre point de vue. C’est précisément ce qui nous a conduits à proposer cette nouvelle organisation.
Je porte, comme vous, un jugement positif sur le management actuel de Dexia. Il serait injuste de mettre sur le même pied la direction d’avant 2008 et la direction d’après 2008.