Intervention de Jean-Patrick Courtois

Réunion du 7 septembre 2010 à 16h00
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Patrick CourtoisJean-Patrick Courtois, rapporteur :

La commission a donc fort logiquement adopté ces dispositions tout en leur apportant quelques précisions techniques.

Du côté des nouvelles possibilités offertes aux forces de l’ordre par la technologie, le texte permet une utilisation accrue de la vidéosurveillance sur la voie publique, aussi bien dans une perspective de prévention que de répression de la délinquance. En particulier, les articles 17 et 17 bis du projet de loi étendent les possibilités d’usage de la vidéosurveillance sur la voie publique par les personnes morales de droit privé, notamment par délégation des personnes publiques. La commission a adopté à ce sujet un amendement permettant de garantir les compétences et la moralité des délégataires privés qui exerceront cette mission. Par ailleurs, afin d’améliorer la protection des libertés publiques et l’uniformité du contrôle de la vidéosurveillance, elle a ouvert la possibilité à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, de contrôler les systèmes vidéo. La CNIL pourra ainsi à la fois conseiller les collectivités et demander au préfet de sanctionner les manquements qu’elle constatera.

La LOPPSI comporte par ailleurs un nouveau dispositif autorisant le recours à l’identification d’une personne par empreintes génétiques pour permettre, en dehors du cadre d’une procédure judiciaire, de découvrir l’identité d’une personne décédée inconnue. Ce dispositif s’appliquerait notamment aux victimes de catastrophe naturelle, aux militaires décédés au cours d’opération des forces armées et aux personnes disparues faisant l’objet d’une recherche administrative. Les empreintes génétiques seraient conservées dans une sous-base étanche du fichier national automatisé des empreintes génétiques, ce qui permettrait d’effectuer les rapprochements nécessaires avec l’empreinte génétique des personnes décédées inconnues. La commission a renforcé les garanties prévues pour éviter toute utilisation des données conservées non conforme à la finalité pour laquelle elles ont été recueillies et pour prévoir leur effacement lorsque les recherches qui les ont motivées ont cessé.

Outre la codification des dispositions concernant les fichiers d’antécédents judiciaires, le Gouvernement propose la validation législative d’un nouveau type de traitements de données utilisés dans les enquêtes de police, dénommés logiciels de rapprochement judiciaire. Ceux-ci ont pour objet non pas de collecter de nouvelles données, mais d’établir parmi celles dont disposent déjà les services de police un rapprochement des modes opératoires permettant de renforcer les capacités d’élucidation des affaires. Les nouveaux outils mis en place, qu’il s’agisse des logiciels CORAIL – cellule de rapprochement et d’analyse des infractions – ou LUPIN – logiciel d’uniformisation des procédures d’identification –, dont Mme Boumediene-Thierry, Mme Klès et moi-même avons pu observer le fonctionnement à la préfecture de police, ont démontré leur efficacité. Le texte retenu par les députés pose de sérieuses garanties destinées à encadrer ces dispositifs. La commission a toutefois adopté un amendement donnant au procureur de la République un accès direct à ces logiciels afin de lui permettre d’exercer les fonctions de contrôle que le législateur lui assigne.

Enfin, j’ai pu constater à de nombreuses reprises que, faute de moyens suffisants, le recueil d’empreintes génétiques ou digitales dans le cadre des enquêtes sur les cambriolages n’est aujourd’hui effectué que dans un petit nombre de cas. De ce fait, il est difficile pour les enquêteurs de relier les infractions les unes aux autres et à leurs auteurs, ces derniers n’étant souvent condamnés que pour le dernier vol commis.

Afin de permettre une utilisation accrue des fichiers d’identification pour lutter contre ce type de délinquance, j’ai proposé à la commission la création d’un fonds dédié à la police technique et scientifique, alimenté par une taxe sur les conventions d’assurance. En effet, les assureurs bénéficient indirectement de l’activité de la police technique et scientifique lorsqu’elle permet de retrouver les biens volés. J’ai d’ailleurs recueilli leur accord de principe sur cette mesure. La commission vous proposera d’adopter un nouvel amendement pour améliorer le mode d’alimentation de ce fonds en prévoyant un prélèvement sur la valeur des objets retrouvés. Ce système de financement permettra d’établir un lien plus solide entre l’efficacité de la police ou de la gendarmerie et l’alimentation du fonds.

Le deuxième thème traité par le projet de loi concerne la prévention de la délinquance.

Dans ce domaine, les députés ont introduit des dispositions conférant au préfet la faculté de prendre une mesure de « couvre-feu » à l’encontre des mineurs de treize ans. Le « couvre-feu » serait soit de portée générale, visant alors tous les mineurs de treize ans, soit de portée individuelle, prononcée par le préfet à l’encontre d’un mineur de treize ans ayant déjà fait l’objet de mesures ou de sanctions éducatives et dont les parents ont signé un contrat de responsabilité parentale.

Le « couvre-feu » de portée générale peut déjà être décidé par le maire et ne constitue donc pas une réelle nouveauté. En revanche, la commission a amendé les dispositions relatives au « couvre-feu » individuel. En effet, outre de nombreux problèmes d’application pratique, il s’agirait d’une quasi-peine complémentaire à l’encontre d’un mineur déjà condamné : elle relève par conséquent davantage du juge des enfants que d’une autorité administrative.

Par ailleurs, un article introduit par le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale prévoyait que le président du conseil général serait informé par le procureur de la République sur les infractions commises par les mineurs sur le territoire du département afin de pouvoir proposer aux parents de ces mineurs la signature d’un contrat de responsabilité parentale. Cette obligation d’information systématique posant autant de problèmes pratiques que de questions de principe, la commission a souhaité replacer ce dispositif dans le cadre des échanges d’informations ayant lieu au sein des groupes de travail du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, ce qui permet au passage de renforcer le dispositif de prévention de la délinquance rénové par la loi du 5 mars 2007, dont l’application est encore insuffisante.

Le troisième sujet abordé par le projet de loi, sur l’initiative de la commission des lois de l’Assemblée nationale, a trait au renforcement des pouvoirs de la police municipale.

Les policiers municipaux pourront ainsi désormais procéder à des contrôles d’identité, et non plus seulement des relevés d’identité, et effectuer des contrôles d’alcoolémie routiers préventifs. La commission n’a validé ces nouvelles dispositions que sous réserve d’un encadrement juridique renforcé. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’examiner de nouveaux amendements sur ce sujet.

En outre, en vertu de l’article 32 ter, les directeurs de police municipale, cadre d’emplois réservé aux communes ayant plus de quarante agents de police municipale, deviendraient agents de police judiciaire, sous l’autorité des seuls officiers de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales, à l’exclusion du maire, lui aussi officier de police judiciaire. Les directeurs de police municipale pourraient ainsi constater l’ensemble des crimes, délits ou contraventions. Cette disposition a également été validée par la commission des lois.

Le quatrième thème du projet de loi est la lutte contre l’insécurité routière, lutte que la LOPPSI entend renforcer, dans un contexte de ralentissement de la diminution des accidents mortels.

L’installation d’éthylotests antidémarrage, l’instauration de peines obligatoires de confiscation du véhicule ainsi qu’un meilleur dépistage de l’usage d’alcool et de stupéfiants constituent les grands axes du projet de loi dans ce domaine. La commission a, pour l’essentiel, validé ces dispositions.

Le cinquième sujet traité par le projet de loi est la gestion et la conservation des biens saisis dans le cadre de procédures judiciaires, qui, actuellement, sont souvent réalisées dans des conditions très insatisfaisantes.

La loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale devrait remédier à une partie de ces difficultés. La LOPPSI prévoit quant à elle de faire intervenir de façon plus prégnante l’autorité administrative dans la gestion des biens saisis, en ouvrant deux nouvelles possibilités.

En premier lieu, les biens saisis susceptibles d’être confisqués pourraient être affectés, sur décision de l’autorité judiciaire, aux services de police, de gendarmerie et des douanes, sans attendre le prononcé de la peine complémentaire de confiscation. Si, au terme de la procédure, celle-ci n’est pas prononcée, les biens seraient restitués à leur propriétaire, accompagnés d’une indemnité compensant l’éventuelle perte de valeur.

En second lieu, le préfet devrait être obligatoirement informé par le procureur de la République de l’ensemble des saisies réalisées dans le cadre de procédures judiciaires concernant des biens dont la confiscation est prévue par la loi. S’il l’estime nécessaire, le préfet pourrait alors faire procéder à la vente anticipée de ces biens. La commission a cependant considéré que la possibilité donnée au représentant de l’État dans le département de s’immiscer dans des procédures judiciaires présentait un risque sérieux de contrariété à la Constitution. Pour ce motif, elle a souhaité supprimer l’article 35 bis, et elle examinera un nouvel amendement demain.

Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale tend en outre à créer de nouveaux délits, comme la correctionnalisation de la vente à la sauvette ou la distribution d’argent à des fins publicitaires sur la voie publique, et à renforcer les sanctions dans divers domaines : ainsi pour la falsification de moyens de paiement commise en bande organisée, les vols commis à l’encontre d’une personne vulnérable et en cas de cambriolage ou certaines infractions au droit de la propriété intellectuelle commises sur internet. La commission a adopté à ces sujets divers ajustements.

Par ailleurs, fidèle à l’approche globale de la sécurité promue par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié le 17 juin 2009, la LOPPSI couvre également le champ de la sécurité extérieure. Elle comporte notamment une très attendue rénovation du statut juridique des agents de renseignement. Serait notamment punie la « désignation » d’une source. Cette notion de « désignation » ouvrant la voie à une incrimination très large mettant en cause l’équilibre nécessaire entre les exigences de la défense nationale et la liberté d’expression, la commission lui a substitué la notion de « révélation » déjà retenue dans le projet de loi pour l’incrimination destinée à protéger l’identité des agents des services de renseignement.

Enfin, le texte que nous examinons comporte un nouveau régime juridique pour encadrer les activités d’intelligence économique. Je pense qu’il faut saluer ces dispositions qui instaurent une procédure d’agrément des dirigeants des organismes exerçant une telle activité, doublé d’un régime d’autorisation administrative de ces organismes, de manière à « moraliser » un secteur d’activités en pleine expansion. Dans un domaine connexe, nous aurons d’ailleurs à examiner un amendement du Gouvernement qui crée une commission nationale des activités privées de sécurité.

Voilà, mes chers collègues, quelques-uns des principaux sujets abordés par ce texte très riche, qui trace de nouvelles perspectives pour l’activité du service public de la sécurité au cours des prochaines années, et que je vous invite à adopter.

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