Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’une des logiques de l’article 5 est de réaliser des économies, afin de remettre à flot les comptes de l’assurance vieillesse.
Seulement, mes chers collègues, qu’appelez-vous donc « économies » ? Économies par rapport à quoi ? Économies au bénéfice de qui ? La raison d’être des cotisations sociales, notamment de celles qui sont collectées pour l’assurance vieillesse, est non pas de faciliter une sorte d’« épargne », mais bien de payer aujourd’hui, immédiatement les prestations servies à ceux qui ont cessé de travailler.
Ainsi, faire des économies, dans ce contexte, revient tout simplement à rationner les pensions versées et à limiter par conséquent le revenu réel de nos retraités. De ce fait, les économies d’aujourd’hui vont rapidement être les dépenses de demain.
Je me permets de rappeler un premier aspect du débat. Nous comptons dans notre pays plus de 12 millions de foyers comptant au moins un retraité, sinon deux. Ces retraités ont perçu en 2008 un total de 228 milliards d’euros de pensions et retraites, c’est-à-dire une somme représentant plus du quart de l’assiette sur le revenu et près de 40 % de la somme apportée par les salariés.
L’un des éléments d’évolution de la situation des retraités réside dans la réduction lente, mais certaine, du nombre des retraités disposant d’un faible revenu. Ainsi, en 2002, plus de 40 % des retraités de notre pays disposaient d’un revenu inférieur à 9 000 euros et percevaient une pension moyenne de 8 100 euros. Mais, en 2008, nous comptons un peu moins de 3 millions de retraités disposant d’un revenu inférieur à 9 400 euros.
Ainsi, ce qui vous inquiète, c’est bel et bien que les pensions moyennes progressent, même si les mesures Balladur les conduisent ensuite dans la nasse du gel définitif du pouvoir d’achat. C’est bel et bien cette progression naturelle des pensions, produit de carrières professionnelles plus accomplies, lancées dans les années soixante et développées plus encore dans les années soixante-dix et quatre-vingt, que votre réforme veut briser.
Je ne sais s’il faudra dire demain qu’on juge une société à ce qu’elle fait pour ses anciens. Mais le fait est que votre réforme va conduire à la diminution du revenu moyen des retraités. Vous risquez fort, du fait des pertes de recettes fiscales – au titre, bien sûr, de l’impôt sur le revenu, mais aussi de la taxe sur la valeur ajoutée – de perdre rapidement le peu que vous aurez confisqué aux retraités de 2015, 2020 ou 2025.
N’oubliez pas que, dans notre pays, une bonne part de la dépense fiscale, comme des dépenses sociales, est étroitement liée à la situation des personnes âgées.
Vous avez déjà beaucoup œuvré en ce sens, entre la mise en cause de la demi-part des veuves et le plafonnement des pensions de réversion.
Mais vous aurez demain plus encore à payer en remise d’impositions locales, sans compter que nombre de retraités devront être largement aidés pour répondre au problème de la dépendance ou pour faire face à leurs dépenses de santé.
En d’autres termes, les économies que vous attendez de votre réforme seront englouties dans la multiplication des dépenses d’aide sociale ou des allégements fiscaux qui seront mécaniquement mis en œuvre en raison du faible niveau de revenus des retraités. Bien plus, la stagnation du revenu des retraités conduira l’État à engager encore plus de fonds dans l’allocation de logement et dans les aides personnalisées pour les retraités vivant en HLM.
Ces raisons sont largement suffisantes pour que nous votions contre cette mesure d’économie que vous escomptez faire sur le dos des salariés et des retraités avec cet article.