Séance en hémicycle du 8 octobre 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • l’âge
  • retraité

La séance

Source

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures.

Photo de Bernard Frimat

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mon intervention se fonde sur l’article 48 de notre règlement.

Depuis hier, le droit d’amendement est contesté dans cette assemblée.

Ce matin encore, nous avons déposé un certain nombre de sous-amendements à l’amendement n° 1182 du Gouvernement.

Lors de son annonce hier, M. Woerth a évoqué le financement à venir de ses propositions, dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Monsieur le président, la possibilité pour tout parlementaire de sous-amender cet amendement pour proposer au Sénat de se prononcer immédiatement sur le financement des mesures est un droit indiscutable, un droit constitutionnel.

Nous avons décidé d’exercer ce droit. Or nous avons appris par les services du Sénat que la présidence refusait de mettre les sous-amendements en débat.

Sur quel article du règlement se fonde cette décision, contraire à la Constitution, contraire à toute décision de jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment la célèbre décision de 1986 sur le droit d’amendement ?

Ce refus est une violation explicite du règlement, de la Constitution. Quels sont vos arguments ?

Nous avons déposé des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er A sur des dispositions de financement du système de retraite en général, amendements qui ont été déplacés d’emblée avec 300 autres amendements à la fin du débat. D’ailleurs, il n’y a pas que les nôtres…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous avons tenté de les réécrire pour qu’ils viennent en discussion à l’article 1er A, ce que le règlement permet.

Lors d’un premier coup de force en conférence des présidents, mercredi soir, la présidence du Sénat a refusé cette réécriture. Jeudi, vous avez fait référence à cette jurisprudence, qui n’en est pas une, pour refuser une tentative de notre groupe de sous-amender un amendement de M. About.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About. C’est un scandale de vouloir sous-amender mes amendements !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Vous n’étiez pas là !

Nous contestons et regrettons fortement ce premier abus autoritaire de la présidence.

Mais là, il s’agit de tout autre chose : nous sous-amendons un amendement du Gouvernement déposé jeudi en fin de matinée.

Notre seule possibilité de modifier cet amendement est le sous-amendement. Nous ne pouvions procéder autrement, et c’est bien pourquoi le droit de sous-amender existe.

Je note au passage que la décision de la conférence des présidents ne peut s’appliquer, au cas d’espèce, à nos sous-amendements que vous venez de refuser, car ils portent sur une nouvelle disposition qui n’existait pas au moment où la conférence s’est réunie mercredi soir.

Monsieur le président, voici mes questions : est-il interdit de sous-amender les nouveaux amendements du Gouvernement en matière financière ? Sur quel article de notre règlement se fonde le refus de la présidence, alors qu’il suffit de lire l’objet de nos sous-amendements, qui ont un lien évident avec l’amendement sous-amendé ? Faut-il croire que M. Larcher comme M. Woerth ne veulent pas entendre parler de propositions alternatives pour financer leurs propres propositions ?

En tout état de cause, nous saisirons le Conseil constitutionnel sur ce grave incident.

M. Alain Vasselle s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Monsieur Fischer, je suis particulièrement sensible à l’attention que vous me portez avec ce rappel au règlement.

Si mes informations sont bonnes, et j’ai des raisons de croire qu’elles le sont, vingt-sept sous-amendements ont été redéposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Parmi ceux-ci, six sous-amendements ont été acceptés. Il s’agissait de sous-amendements à l’amendement du Gouvernement.

En revanche, les vingt et un autres étaient identiques à ceux sur lesquels s’était prononcée la présidence hier, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

… par l’intermédiaire de M. Roland du Luart. À ce titre-là, ils n’ont pas été acceptés. Ces sous-amendements concernent l’article 6. Je vais transmettre votre remarque à M. le président du Sénat, puisque c’est le propre des rappels au règlement.

Je vous propose de poursuivre à présent la discussion de l’article 5. Nous reparlerons de ce sujet éventuellement…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

… – puisque l’adverbe « éventuellement » fleurit dans notre ordre du jour – à l’article 6.

Je sais que votre intention n’est en aucun cas d’essayer d’interrompre le rythme de nos travaux.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Vous connaissez excellemment le règlement.

Je vous donne acte de votre rappel au règlement et, si vous en êtes d’accord, nous allons poursuivre nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. Guy Fischer. Nous souhaitons que la discussion sur ces sous-amendements puisse avoir lieu avant l’article 6.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous devons savoir ce que deviennent nos sous-amendements avant le début de la discussion de l’article 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Votre rappel au règlement est enregistré. Il sera transmis dans son intégralité à M. le président du Sénat.

Je vous propose d’évoquer de nouveau cette question au moment où nous arriverons avec pertinence à l’objet de votre propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Didier Guillaume, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe a souhaité que le débat se déroule de la façon la plus sereine possible et c’est, me semble-t-il, le cas. Le Sénat s’honore de débattre sur le fond. Parfois, nous regrettons d’ailleurs que le Gouvernement n’entende pas nos propositions.

Ce matin, dans un rappel au règlement solennel, le président About a voulu vérifier le rythme de l’avancée de nos travaux et a demandé la réunion de la conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Nous aimerions savoir ce qu’il en est pour nous organiser.

Nous pensons, pour notre part, que le rythme de nos travaux est correct eu égard à ce qui a été demandé et accepté en conférence des présidents. On peut constater qu’il n’y a aucune volonté d’obstruction et d’allonger les discussions, mais, au contraire, le souhait de débattre au fond et d’avancer.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Nous n’allons pas trop vite, mais nous avançons comme il convient sur un sujet aussi important pour nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Quand on sait combien ces derniers sont attachés à la retraite par répartition, à l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans, au départ à taux plein à 65 ans et non à 67 ans, ce débat mérite, me semble-t-il, autre chose que de l’ironie, des sarcasmes ou du cynisme lorsque tel ou tel collègue dans l’hémicycle évoque un sujet qui lui tient à cœur.

Même s’il peut paraître un peu long, ce débat sur les retraites est fondamental pour notre société et, sans aller trop lentement, il ne faut pas aller trop vite non plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le président, ma question est simple : qu’en est-il de la demande de ce matin de M. About ? Pouvons-nous continuer à siéger et à débattre tranquillement et sereinement d’un sujet aussi fondamental ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Je demande la parole, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde une nouvelle fois sur l’article 29, alinéa 2.

Je rappelle que deux présidents de groupe ont demandé la réunion de la conférence des présidents – elle est donc de droit – sur le rythme et l’agenda de nos travaux.

Il est question non pas d’aller plus vite, je l’ai dit ce matin, mais de nous donner plus de temps. En effet, c’est un sujet important, et il faut en parler longuement. Par conséquent, je souhaite, si nous avançons ainsi à pas lents mais sûrs, que nous puissions continuer le débat, y compris toute la journée de demain.

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mes chers collègues, je ne vais pas laisser s’instaurer maintenant un débat sur ce point.

Monsieur About, j’ai transmis votre demande à M. le président du Sénat, que j’ai eu au téléphone pendant la suspension de séance. Il m’a indiqué qu’il serait présent dans notre hémicycle ce soir entre zéro heure trente et zéro heure quarante-cinq. Il n’a pas évoqué la tenue d’une conférence des présidents avant cette heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

On ne va pas faire une conférence des présidents à minuit et demi !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Nous reprenons l’examen des amendements déposés à l’article 5 et faisant l’objet d’une discussion commune. Je rappelle que ces amendements ont déjà été présentés.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements, qu’elle a classés en trois catégories.

Ceux de la première catégorie visent à prendre des mesures d’accroissement des recettes de la sécurité sociale, soit par l’augmentation de certaines cotisations, soit en modifiant l’assiette et en augmentant certains prélèvements.

Tous ces amendements relatifs aux recettes sont importants et peuvent être discutés, mais ils ont vocation à être insérés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale s’ils étaient adoptés. Plusieurs amendements portent sur des dispositifs que le Gouvernement proposera lui-même de modifier, en particulier tous ceux qui concernent les retraites chapeaux.

Les amendements de la deuxième catégorie ont pour objet d’exclure du relèvement de l’âge légal de la retraite certaines catégories socioprofessionnelles très particulières. Je ne les citerai pas toutes, mais nous vous avons écoutés avec attention, mes chers collègues, et nous avons beaucoup appris.

Toutes ces exonérations catégorielles déséquilibreraient le projet de loi et ne seraient ni équitables ni justes. La justice veut que tous les assurés participent à l’effort demandé, même si nous avons prévu des mesures d’accompagnement pour tous ceux qui ont commencé à travailler très tôt, puis pour tous ceux qui ont un emploi pénible. On ne peut exclure ainsi du dispositif des catégories entières de salariés.

Enfin, les amendements de la troisième catégorie tendent à supprimer des alinéas de l’article 5. Cela reviendrait à vider cet article de sa substance ou, à tout le moins, à modifier l’équilibre du texte, en limitant, par exemple, le relèvement de l’âge légal de la retraite ou en ralentissant le rythme prévu pour le faire.

Ces propositions ne sont, bien sûr, pas acceptables non plus, car elles porteraient atteinte à la pérennisation du système de retraite, qui est précisément, vous le savez très bien, mes chers collègues, l’objectif prioritaire de ce projet de loi.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements présentés à l’article 5.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Cette série d’amendements traite de plusieurs questions.

Tout d’abord, ont été évoquées les recettes, au travers des stock-options, des retraites chapeaux, des jetons de présence accordés aux administrateurs, ou encore des parachutes dorés.

Je tiens à vous dire que tous ces revenus ont fait l’objet soit de taxations spéciales, dont les recettes sont affectées au budget de la sécurité sociale, soit de cotisations sociales supplémentaires, ou ont été pris en compte dans le forfait social que j’avais d’ailleurs moi-même créé en tant que ministre du budget. Nous avons donc augmenté à plusieurs reprises les taxes sur ces éléments de rémunération, contrairement à la gauche qui, il faut le savoir, les avait plutôt réduites. Depuis deux ans, nous avons régulièrement relevé le niveau des prélèvements obligatoires sur ces dispositifs.

Certes, ces mesures passent probablement totalement inaperçues dans la mesure où ces produits financiers sont très emblématiques, mais, je le répète, nous les avons soumis à plusieurs reprises, d’une manière ou d’une autre, à taxation, dont le montant se situe d’ailleurs souvent dans la moyenne européenne.

Monsieur Fischer, nous avons très clairement intégré dans notre projet de loi des recettes fondées, notamment, sur les produits du capital.

Concernant les revenus les plus aisés, nous augmentons la taxation de la tranche la plus élevée de l’impôt sur le revenu, tout comme les prélèvements sur les entreprises au travers de l’annualisation du calcul des allégements de charges.

De plus, pour financer les mesures que j’ai présentées hier au Sénat, nous élevons à 19 % le prélèvement libératoire sur la résidence secondaire – la résidence principale n’est pas concernée – et nous augmentons les cotisations sur les revenus du capital en relevant de 0, 2 point le prélèvement social de 2 %, qui passera ainsi à 2, 2 %, ce qui portera le total des contributions sociales à 12, 3 % au lieu de 12, 1 %, au titre, entre autres, de la CSG, de la CRDS et du RSA. On finance donc bel et bien les mesures qui vous sont proposées.

À cet égard, je note, monsieur le sénateur, que vous vous préoccupez du financement de ces mesures qui vont dans le bon sens, et je m’en réjouis. Je ne sais pas si vous étiez, à l’époque, autant attaché au financement de la retraite à 60 ans !

Par ailleurs, ont été évoquées, dans un certain nombre d’amendements, plusieurs conventions collectives. Nul ne peut remettre en cause la difficulté des métiers que vous avez cités, mais beaucoup d’autres sont, eux aussi, difficiles.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

À cet égard, les propositions du Gouvernement me paraissent meilleures. Pourquoi se limiter à la mégisserie, aux métiers de charcutier ou de marin-pêcheur ? Il n’y a pas de raison particulière de se cantonner aux conventions collectives qui régissent ces professions, alors qu’il en existe dix fois plus.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Le Gouvernement prévoit des mesures en faveur de la pénibilité pour tous !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Pour tous les métiers ! Tous les métiers peuvent être exposés, à un moment ou à un autre, à des facteurs de pénibilité. Par le biais de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

C’est le contraire de ce que vous proposez, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… les personnes concernées bénéficieront d’un taux d’incapacité. Or un seuil d’incapacité de 10 % déclenche la retraite à 60 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Chiche, monsieur le ministre ! Faites ce que vous dites !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

La même logique doit prévaloir pour tous, c’est une question de justice.

Si l’on octroie un droit supplémentaire, il faut bien que ce soit prouvable à un moment donné : on réclame aux personnes qui ont commencé à travailler plus tôt une traçabilité de la carrière, en leur demandant des preuves. En effet, une personne pourrait très bien arguer qu’elle a commencé à travailler tôt et bénéficier injustement d’un droit.

De la même façon, il doit y avoir traçabilité de la pénibilité…

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Vous vous contredisez, monsieur le ministre ! Vous venez de parler des métiers pénibles !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… tant que nous n’aurons pas, en liaison avec la médecine du travail et la branche AT-MP, les outils de mesure nécessaires.

Mais le comité scientifique est là pour cela, et nous aurons l’occasion d’en reparler au cours de la discussion.

Le Gouvernement ne ferme évidemment pas la porte à la pénibilité différée. Mais nous voulons examiner cette question dans des conditions scientifiques et de preuves suffisantes, car nous ne saurions accepter des dérives. Quand il y a des dérives dans un système de retraite, ce sont tous les salariés qui les paient ! Voilà pourquoi nous devons naturellement nous montrer très vigilants.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements présentés sur l’article 5.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique

En ce qui me concerne, je répondrai à la question qui m’a été posée par Mme Josiane Mathon-Poinat, au travers de l’amendement n° 918, à propos des ouvriers des parcs et ateliers.

Vous le savez, madame la sénatrice, ces ouvriers relèvent du régime de retraite des ouvriers de l’État et sont, à ce titre, dans une position qualifiée de « quasi-statutaire ». Ils relèvent donc de la réforme des retraites de 2003, et non pas de celle des régimes spéciaux de 2007.

Très clairement, si nous leur appliquions aujourd'hui la montée en puissance du régime de 2007, ils seraient en décalage par rapport à la loi dont ils relèvent comme agents publics.

C'est la raison pour laquelle je confirme l’avis défavorable du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l’amendement n° 835.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Le groupe CRC-SPG demandera un scrutin public sur cet amendement, car nous sommes très attachés à un certain nombre de points, qui motiveront d’ailleurs plusieurs demandes de scrutin public.

Je rappelle que cet amendement tend à abroger deux dispositions, inadmissibles à nos yeux, du code général des impôts, dispositions qui, au regard de cette réforme, nous semblent encore plus particulièrement injustes.

L’article du code que nous visons prévoit, en effet, que les contributions dues au titre de la CSG et de la CRDS sont prises en compte dans le calcul des revenus entrant dans le champ d’application du bouclier fiscal. Vous le savez, c’est l’un des points fondamentaux sur lesquels nous sommes en désaccord avec vous.

Nous considérons que cette mesure est particulièrement injuste sachant que, rappelons-le, la CSG et la CRDS sont destinées à alimenter le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES. Toutes deux contribuent ainsi au financement de la sécurité sociale, financement dont on ne cesse de nous rappeler la nécessité pour mieux justifier toutes les atteintes et les régressions du droit à la retraite que contient cette réforme.

La CSG et la CRDS sont des contributions et des impôts de solidarité, qui permettent le maintien du régime de retraite par répartition. Il est normal, et même indispensable, que chacun y participe, en proportion de ses revenus, qu’il s’agisse d’un revenu d’activité, de remplacement, d’un revenu issu du patrimoine ou de produits de placement.

Nous le répétons une fois de plus, le bouclier fiscal est une mesure révoltante, qui vise à protéger les plus riches de nos concitoyens. Il n’est pas acceptable que les citoyens les plus fortunés de France reçoivent des chèques de remboursement des caisses de l’État, au motif d’un plafonnement de l’impôt.

Selon l’économiste Thomas Piketty, « le bouclier fiscal institué par le pouvoir en place fonctionne de facto comme une machine à subventionner les rentiers » ; j’aime cette expression ! Il est donc d’autant plus révoltant que la contribution solidaire de ces personnes au financement des retraites fasse partie des impôts pris en compte dans le calcul !

Alors que l’on ne cesse de diminuer le nombre d’emplois publics au nom de la RGPP et de la réduction des dépenses de l’État – on nous dit pourtant que les caisses sont vides ! –, on rend de l’argent à ceux qui en ont le moins besoin ! Apparemment, les caisses ne sont vides que lorsqu’elles entravent la réalisation d’un projet idéologique de la droite !

Le Figaro nous a ainsi révélé que Liliane Bettencourt

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

– mes chers collègues, nous n’avons pas abusé !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mes chers collègues, je vous demande donc d’adopter cet amendement pour donner un semblant d’équité à cette réforme qui, comme l’ensemble de la politique du Gouvernement, « clive » les Français en deux catégories traitées distinctement et favorise ceux qui, à notre sens, en ont le moins besoin.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Je serai bref, monsieur le président, parce qu’il nous faut avancer le plus rapidement possible dans l’examen de ce texte !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Nous n’allons tout de même pas être encore à y travailler samedi, dimanche, la semaine prochaine, à la fin du mois d’octobre et même début novembre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur Fischer, vous êtes naïf ! Vous nous avez bien parlé des cotisations de solidarité ? Et vous voulez que les riches paient pour la solidarité ? Mon cher collègue, ce n’est pas logique ! (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Mme Raymonde Le Texier. Il ne faut pas exagérer ! Cela n’a pas de sens !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous poser une question concernant le bouclier fiscal.

Certes, ce n’est pas vous qui l’avez défendu dans cet hémicycle, mais vous êtes un habile orateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je ne vous connaissais pas, mais j’ai pu remarquer que vous faisiez des déclarations publiques très concrètes au moment opportun, que vous abordiez le débat politique.

Pour que nous partions sur de bonnes bases et que notre assemblée puisse juger objectivement des effets du bouclier fiscal, le temps est venu de dresser un bilan.

Le bouclier fiscal a été mis en place pour dissuader les riches d’aller s’installer en Suisse – je cite ce pays parce que je pense à certaines personnes, mais je pourrais tout autant évoquer d’autres lieux – pour payer moins d’impôts.

Il a également été instauré pour…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… les faire revenir afin qu’ils aillent chez l’épicier du coin, consommer ici ou là et, donc, créer des richesses !

Le bouclier fiscal a eu cette utilité, n’est-ce pas ? Autrement, on ne comprendrait pas sa raison d’être ! Voilà donc pourquoi vous vouliez absolument mettre en place le bouclier fiscal.

Monsieur le ministre, faisons maintenant le bilan. Je sais bien que vous ne côtoyez pas ces gens-là, mais sans doute disposez-vous d’informations les concernant. Dès lors, pouvez-vous nous dire combien de riches exilés fiscaux sont revenus grâce à la mesure instaurant le bouclier fiscal ?

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

À l’occasion de l’examen de cet amendement, nous revenons sur certaines questions. Mais je ne comprends pas pourquoi M. le ministre ne veut jamais nous répondre de façon précise !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous avons tous fait le même constat : il faut pérenniser le système de retraite par répartition. Vous et nous pensons qu’il faut le réformer, parce que nous ne pouvons laisser s’aggraver le déficit financier qui, à terme, ferait exploser le système.

Vous avez choisi de financer la réforme en augmentant exclusivement ou, en tout cas, principalement, l’âge légal de la retraite, c'est-à-dire en faisant porter essentiellement l’effort sur les salariés.

Je vous l’ai répété à plusieurs reprises, le fait d’augmenter l’âge légal ne contribuera à la pérennité du système que pour un tiers ! Ce n’est pas moi qui l’ai inventé, c’est le Conseil d’orientation des retraites qui l’a écrit dans un document qui vous était destiné pour vous aider dans vos choix !

J’ai traduit cela autrement ce matin en vous disant qu’avec ce seul critère, il faudrait augmenter non pas de deux ans, mais de six ans l’âge légal ! Par conséquent, votre mesure garantira peut-être une stabilité sur quelques années, mais il ne s’agit nullement, comme vous le laissiez entendre à l’origine, d’une réforme systémique assurant la pérennité jusqu’en 2025 !

Pour régler ce problème, nous, socialistes, proposons d’aller chercher 45 milliards d’euros d’ici à 2025 de la façon suivante :

D’abord, 2 milliards d’euros grâce à la majoration des prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options de 5 % à 38 %, comme le propose la Cour des comptes.

Ensuite, 3 milliards d’euros grâce au relèvement du « forfait social » appliqué à l’intéressement et à la participation de 4 % à 20 %.

Par ailleurs, 7 milliards d’euros grâce à l’application de la CSG sur les revenus du capital actuellement exonérés, en maintenant l’exonération sur les livrets d’épargne et les plus-values sur la résidence principale, afin que vous ne fassiez pas de fausses accusations, et la remise en cause de la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales. Vous savez de quoi je parle, c’est la niche Copé !

Enfin, 7 milliards d’euros grâce à l’augmentation de la contribution sur la valeur ajoutée, instaurée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle de 1, 5 % à 2, 2 %, en exonérant les petites entreprises, car nous voulons qu’aucune de nos mesures ne nuise à la croissance.

Ces quatre mesures permettraient de mobiliser 19 milliards d’euros en 2010, ce qui, compte tenu d’une croissance, même minime, représenterait, pour 2025, environ 25 milliards d’euros.

Telles sont les mesures que vous qualifiez de « bombardement fiscal ». Mais je veux entendre, une fois, une critique précise, et non une communication destinée à affoler le peuple !

En quoi ces mesures constituent-elles un bombardement fiscal pour les Français alors qu’elles ne portent que sur les revenus du capital ? Nous ne proposons aucune autre taxation ni impôt. Rien ! Mais il est vrai que certains, parmi les plus aisés, seraient davantage taxés, alors que, pour vous, le seul financement possible repose sur les revenus du salariat !

Pour résoudre le grand problème qui se pose à la nation, celui du sauvetage du système par répartition, et pour trouver les 45 milliards d’euros qui manquent, vous voulez, dites-vous, mettre en place une réforme systémique destinée à assurer la pérennité du système pour les nouvelles générations. Je vous prends au mot !

Commencez par écouter les propositions des syndicats. Ils ne sont pas bêtes : ils ne nient pas le problème et ne vous répondent pas non plus que les caisses sont pleines !

Écoutez aussi l’opposition ! Nous sommes nombreux, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, et les Français nous font plutôt confiance à l’occasion des élections que, depuis quelques années, nous gagnons : élections municipales, régionales. Les résultats des cantonales ne vont pas être mauvais non plus !

Cela permettrait de trouver un consensus national, si tant est que l’unique point de mire est la façon de trouver les 45 milliards d’euros qui manquent sans mesures injustes, et grâce à des efforts partagés.

Voilà ce à quoi tendent nos propositions, car nous en avons ! Nous ne vous laisserons pas affirmer le contraire tout au long des débats. Non, l’opposition ne se contente pas de dire : demain, on rase gratis !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Eh oui, il n’y a pas de bombardement fiscal !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix l'amendement n° 835.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici le résultat du scrutin n° 8 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 840.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote sur l'amendement n° 845.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Alors que vous demandez à nos concitoyens de se serrer la ceinture, de travailler et de cotiser plus pour profiter de la retraite moins longtemps, comment pouvez-vous laisser les plus fortunés s’engraisser toujours plus, et ce en toute impunité ? Comment pouvez-vous fermer les yeux devant ces inégalités sociales insupportables ?

En élargissant les sources de financement de notre système de retraite, il serait largement possible de le conserver en l’état. Malheureusement, vous faites de cette réforme un combat idéologique. Vous gagez notre système de retraite sur une surenchère d’antidépenses publiques pour plaire aux marchés financiers, aux spéculateurs.

Pourtant, le financement existe, et vous le savez ! Il faudrait simplement toucher au « grisbi », mais vous vous y refusez !

Vous videz les caisses de l’État, le mettez en déficit ; vous cassez les services publics et les acquis sociaux pour vendre l’État providence au secteur privé et aux marchés financiers. Mais la ficelle est un peu grosse !

Les trois millions de Français qui ont défilé dans les rues voilà quelques jours ont compris ce qui les attendait. Vous leur demandez de payer pour un système de retraites que vous avez vous-même dégradé. Vous leur demandez de payer la quasi-totalité de la réforme, refusant de mettre le capital à contribution.

Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à une éventuelle possibilité de porter respectivement de 10 % à 14 % et de 2, 5 % à 8 % les taux des contributions patronales et salariales sur les attributions de stock-options. Avec ce type d’effet d’annonce, vous tentez vainement de faire croire que vous allez demander aux plus fortunés de mettre la main à la poche. Mais, bien sûr, il n’en est rien ! Pis, même dans le cadre d’une taxation éventuelle des stock-options, la part contributive salariale serait plus importante que la contribution patronale !

Il est évident que le système est conçu pour faire systématiquement peser le coût des réformes sur les salariés et pour exclure consciencieusement du partage de l’effort national le capital, même lorsque celui-ci est responsable d’une crise économique désastreuse.

Les stock-options, qui sont utilisées comme des rémunérations différées pour ne pas toucher au levier des salaires, ne doivent pas échapper à la taxation normale. Comment tolérer que les revenus du travail soient taxés à 40 %, alors que les stock-options ne le sont qu’à 10 % ? Il y a là une injustice insupportable à laquelle il faut mettre fin.

Enfin, les stock-options doivent participer au financement de l’assurance vieillesse en plus de l’assurance maladie, afin de garantir notre système de retraite et les droits qui y sont rattachés.

Avec cet amendement, nous replaçons les choses dans le bon sens, puisque nous mettons le capital à contribution. Il est plus que temps de contraindre le capital à participer au financement dont nous avons besoin pour sauvegarder notre régime de retraite et de protection sociale.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 839.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Tous les amendements ayant été présentés en même temps avant la suspension du déjeuner, permettez-moi de rappeler l’objet de cet amendement n° 839. Il concerne les rémunérations sous forme de stock-options et de retraites chapeaux dont venez de nous parler, monsieur le ministre.

Il est vrai, et vous nous l’avez rappelé, que des dispositions existent concernant la taxation de ces rémunérations. Mais, nous, nous souhaitons qu’elles soient taxées davantage. En effet, si les mesures prévues pour moraliser de telles pratiques existent depuis longtemps, elles n’ont pas donné les résultats escomptés, et vous le savez bien. Voilà pourquoi nous voulons non pas moraliser, mais, grâce à la loi, corriger ces injustices sur le plan du droit, afin de garantir l’égalité des droits.

Un changement majeur est intervenu à la faveur de la crise économique que nous vivons : le discours de justification idéologique du capitalisme et du libéralisme triomphants est bel et bien en lambeaux, et il vous sera difficile de le pérenniser.

Les parachutes dorés, qui demeurent inchangés dans les entreprises sauvées par le contribuable – je vous le rappelle, mes chers collègues –, les retraites chapeaux pour les dirigeants d’entreprise à l’heure où l’on demande au peuple d’accepter de reculer l’âge légal de la retraite par esprit de solidarité, tout cela ne prend pas ! On ne peut pas toujours tout demander aux mêmes, sans jamais en prendre un petit peu dans la poche des autres.

Grâce à ces sommes exorbitantes, les chefs d’entreprise sont à l’abri pour leurs vieux jours, c’est le moins que l’on puisse dire, contrairement à un grand nombre de retraités. Je vous rappelle en effet qu’un million de retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Ce n’est pas le cas, par exemple, de Lindsay Owen-Jones, l’ancien PDG de L’Oréal, qui reçoit, lui, une pension annuelle de 3, 4 millions d’euros, soit quatre cents fois le minimum vieillesse. Deuxième sur le podium de ces retraites – que l’on ne peut même plus qualifier de dorées –, l’ancien PDG de Vinci, Antoine Zacharias, perçoit 2, 2 millions d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

D’ailleurs, je ne sais pas si le bouclier fiscal a permis de le rendre fidèle à notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Pour justifier ces pensions, l’argument patronal est toujours le même : il faut fidéliser les dirigeants en intégrant ces retraites chapeaux dans leur contrat et les protéger d’une chute brutale de revenus lors de leur départ en retraite. Tant pis si les retraités, autres que ces managers ayant droit à des retraites chapeaux, voient leurs revenus diminuer de moitié.

En tout cas, les entreprises auront fidélisé leurs managers, un peu comme votre bouclier fiscal, monsieur le ministre, qui aurait pour but de fidéliser les riches. Nous venons d’en parler.

Cette justification concernant ces rémunérations ne tient pas un instant lorsqu’on connaît les différentes et colossales rémunérations de ces dirigeants. La rémunération annuelle brute globale des patrons du CAC 40 atteignait, avant la crise, 2, 2 millions d’euros, en moyenne, je le souligne.

Mais le MEDEF, par l’intermédiaire de la voix de Laurence Parisot, nous dit qu’il n’est pas question d’augmenter les cotisations patronales pour financer le régime des retraites, au motif fallacieux que cela handicaperait la compétitivité des entreprises. Bizarrement, nous n’entendons plus Mme Parisot « monter au créneau » pour défendre la compétitivité des entreprises menacées par les retraites chapeaux.

Vous parlez de moralisation. Plutôt que de faire usage de mots qui n’ont jamais eu cours en économie, car c’est quelque peu contradictoire – vous en conviendrez –, parlons de la réforme de la fiscalité avec un seul objectif, celui de redistribuer les fruits de la croissance au profit d’une plus grande justice sociale.

Telles sont les explications que je souhaitais ajouter pour essayer de vous convaincre, mes chers collègues, de voter cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour explication de vote sur l’amendement n° 849.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

De 1993 à 2009, le volume des cotisations sociales a augmenté de 19 %, pendant que le produit intérieur brut du pays s’est accru de 33 % et que les revenus financiers ont explosé de 125 %.

Cet amendement permet, en prenant en compte l’augmentation de la richesse du pays, de moduler la part patronale des cotisations sociales qui n’ont pas augmenté d’un iota depuis 1979.

Ce refus de taxer les cotisations sociales, notamment lors de la précédente réforme des retraites, a entraîné de facto le transfert de la dette sociale vers les générations futures et a contribué à mettre de plus en plus dans le rouge les comptes sociaux.

Pour nous, cette augmentation nécessaire de la part des cotisations patronales va de pair avec une remise à plat des exonérations sociales, qui pèsent 30 milliards d’euros pour la seule année 2009. Elle doit aussi se conjuguer avec la nécessaire modulation des cotisations patronales en fonction de la masse salariale et des richesses produites.

Concrètement, les entreprises qui favorisent la financiarisation de l’économie, au détriment de l’emploi et des salaires, verraient augmenter leurs cotisations sociales. Celles qui développent l’emploi et augmentent les salaires auraient des diminutions de cotisations. En effet, plus d’emplois et de meilleurs salaires, ce sont davantage de cotisations sociales et, finalement, un financement assuré de nos retraites en contribuant à désintoxiquer notre économie du virus de la financiarisation.

Ces mesures étaient au cœur de notre proposition de loi garantissant le financement de la retraite à 60 ans pour lutter contre la place prise par la finance internationale dans notre pays.

En effet, le volume des cotisations sociales ne représente plus aujourd’hui que 15 % de la valeur ajoutée des entreprises, alors que la part des prélèvements dédiés à la finance atteint, quant à elle, 29 %.

Pour opérer ce rééquilibrage de la répartition des richesses et pour faire face à l’augmentation du nombre de retraités, qui est passé de 7 à 15 millions en 30 ans, une véritable politique industrielle et de l’emploi doit accompagner l’augmentation du taux de cotisation patronale que nous appelons de nos vœux par cet amendement.

Ce serait un juste retour des choses face à un projet de réforme du Gouvernement, qui pèse sur le dos des salariés et qui prévoit comme seule hausse de cotisations, celle des cotisations salariales des fonctionnaires.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l’amendement n° 843.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Au travers de cette réforme phare du Président de la République, il y a la volonté de la majorité UMP d’effacer la notion même de droits sociaux au profit de vos règles libérales et du tout financier, au risque de rendre la vie des salariés modestes de plus en plus difficile.

Le droit à la retraite, au temps libre et au repos est une grande conquête sociale et ne saurait être soumis à vos dogmes financiers. Vous voulez effacer la notion de droit au profit de vos règles libérales, quitte à développer des arguments mensongers. Les premiers d’entre eux sont les contraintes économiques, le déficit et la crise.

En réalité, tout se passe comme si vous instauriez un règlement intérieur, dont les dispositions seraient les suivantes : « Europe libérale », « pas touche au capital », « servir avant tout les amis de la bande du Fouquet’s », pour nous expliquer, ensuite, que tous les droits acquis par nos concitoyens doivent être soumis à ce règlement intérieur.

Les sénateurs du groupe CRC-SPG, accompagnés de milliers de manifestants, disent non à ce règlement intérieur.

Nous proposons une autre répartition des richesses pour assurer le droit à la retraite à 60 ans à taux plein, sans allongement de la durée des cotisations.

Les moyens existent pour le faire. Nous avons déposé une proposition de loi qui explique très clairement la manière de dégager les milliards d’euros nécessaires pour financer cette retraite à 60 ans sans allongement de la durée de cotisation.

Il s’agit, d’abord, de faire cotiser les revenus financiers à hauteur de 9, 9 %, ce qui rapporterait l’équivalent du déficit de la caisse des retraites, soit plus de 30 milliards d’euros.

Il s’agit, ensuite, de proposer, pour inciter au développement de l’emploi stable et bien rémunéré, une modulation des cotisations patronales.

Il s’agit, enfin, de mener une véritable bataille pour l’emploi, en particulier dans le domaine industriel.

C’est cette possibilité de mettre en place une réforme, alternative et garantissant le droit à la retraite, qui justifie la détermination des sénateurs du groupe CRC-SPG à s’opposer à votre réforme régressive et à être aux côtés des salariés en lutte pour défendre nos propositions alternatives.

Pour ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter pour cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Mme Marie-Christine Blandin. Je trouve que c’est un excellent amendement, particulièrement intelligent et pondéré dans sa proposition.

Marques de satisfaction sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Depuis cinquante ans, le ratio des produits du travail n’a cessé de se dégrader en passant de la masse salariale vers une capitalisation, dont on aurait pu espérer, à la limite, qu’elle dynamiserait l’outil de production industrielle. Pas du tout !

C’est une capitalisation spéculative, uniquement destinée à enrichir certains et à mettre sur les marchés boursiers des flux financiers qui, parfois, disparaissent dans des paradis fiscaux, ou bien s’en vont dans des placements, délétères et destructeurs d’empois. On marche vraiment sur la tête !

Quand je dis que cet amendement est intelligent, c’est parce qu’il est pondéré. Il renvoie à une modulation. Si nous procédions ainsi, je pense que les bulles spéculatives, les vraies et fausses alertes à la crise, la dégradation de l’emploi et l’impasse dans laquelle nous nous précipitons, tout cela serait derrière nous. En plus, nous aurions des moyens de solvabilité pour les guichets sociaux.

Aussi, mon groupe et moi-même soutiendrons cet amendement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l’amendement n° 847.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Avec cet amendement de suppression de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, nous visons un objectif double.

Premièrement, nous voulons à nouveau mettre en exergue l’incohérence entre vos discours et vos actions. Ainsi, le Premier ministre, qui est censé porter cette réforme des retraites, peut être qualifié de pompier pyromane. Celui qui, aujourd’hui, crie au feu et ne cesse de dire que cette réforme est inéluctable à cause de la faiblesse des comptes publics, est aussi celui qui, voilà huit ans, a réduit les cotisations sociales patronales sur les bas salaires.

Bien évidemment, cela n’a créé aucun emploi. Par ailleurs, cette mesure n’a entraîné aucune augmentation de salaire.

Deuxièmement, cette mesure a creusé les déficits des comptes sociaux de près de 30 milliards d’euros par an. Ainsi, depuis 2002, par un allégement global des cotisations sociales sur les salaires jusqu’à 1, 6 fois le SMIC, ce sont près de 250 milliards d’euros qui ont été perdus, ce qui est considérable.

Cette ristourne généralisée, véritable cadeau aux actionnaires, aux côtés d’ailleurs de bien d’autres, comme vient de le démontrer le rapport de la Cour des comptes sur les niches fiscales en faveur des entreprises, est l’une des toutes premières causes de nos déficits.

Par cette réforme, vous présentez maintenant la note aux salariés en les contraignant à une vie professionnelle plus longue. Mes chers collègues, est-ce là une réforme juste ?

De la sorte, par cet amendement, nous vous proposons de réorienter cette dépense fiscale vers les caisses d’assurance sociale qui en ont bien besoin.

Une telle mesure serait tout particulièrement utile aux caisses de retraite qui trouveraient là une ressource substantielle, permettant le maintien du droit à la retraite à 60 ans.

Vous voyez que des solutions existent. Pourtant, vous ne cessez de dire qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses publiques. Cela est normal puisque, depuis dix ans, vous vous employez à les vider.

Aussi, par notre amendement, nous vous proposons de les remplir à nouveau, en supprimant cet avantage excessif.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix l’amendement n° 847.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus à voter ?

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici le résultat du scrutin n° 9 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 834.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote sur l'amendement n° 844.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Monsieur le ministre, votre politique pour le financement des retraites s’explique par une seule formule : « 85% à la charge des salariés, 10 % à celle du patronat ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

C’est symptomatique de toute votre politique, jusqu’à la caricature !

Le versement d’un chèque de 30 millions d'euros à Mme Bettencourt

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Vous nous aviez habitués à tenir le sempiternel discours sur la faillite de la France, sur des caisses de l’État qui seraient vides. Et d’un seul coup, nos compatriotes se sont rendu compte que c’était vous qui les vidiez en faisant des cadeaux, en toute légalité, à vos amis les plus chers, si je puis dire.

On comprend aujourd’hui toutes les gesticulations auxquelles vous êtes soumis pour tenter d’expliquer l’inexplicable.

Car en France, selon une étude de l’INSEE, 8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté ; 1 million d’entre elles sont retraitées, alors que d’autres retraités des beaux quartiers s’offrent des îles et des tableaux à tout va.

Oh ! sur les travées de l ’ UMP. – Mme Annie David approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Ces 8 millions de personnes représentent 13 % de la population française.

Toujours selon la même étude, ce sont les familles monoparentales qui sont les plus touchées par la pauvreté. Ainsi, 30 % d’entre elles, soit 1, 64 million de personnes, vivraient sous le seuil de pauvreté, alors que le pourcentage est de 19, 7 % pour les couples ayant trois enfants et de 16, 9 % pour les personnes seules.

La moitié des retraités touchent mensuellement moins de 1 000 euros et connaissent des fins de mois très difficiles.

Toutes les réductions de pensions ne sont que le fruit de « vos » réformes, et toutes les mesures d’âge que vous avez prises, et qui devaient, aux dires de M. Fillon, résoudre tous les problèmes, ont eu pour conséquence une chute de 20 % des pensions.

Cette situation n’est pas le fruit du hasard ; elle est la conséquence directe de votre politique qui abonde, jusqu’au gavage, une minorité des plus riches et appauvrit un nombre toujours plus important de familles.

Pourtant, il est possible d’opter pour d’autres solutions, mais celles-ci sont très éloignées de vos schémas de pensée. Je considère même que vous n’y accédez plus !

Vous balayez d’un trait de plume notre volonté de taxer les plus riches. Vous fuyez cette question pourtant centrale en matière de financement de nos retraites. Le partage des richesses pour vous se résume au bouclier fiscal. Vous avez réinventé la recette du pâté d’alouette, une alouette pour un cheval !

Avec la crise, les Français se sont rendu compte que vous étiez en capacité de mobiliser des millions d’euros pour venir en aide aux plus fortunés, comme les banques. Quand il s’agit des retraites, vous voulez nous faire oublier que ces mêmes entreprises ont des moyens suffisants pour les financer. Au cours du premier semestre 2010, les entreprises du CAC 40 ont vu leurs résultats augmenter de 85 % et ont mis de côté un pactole de 41, 5 milliards d’euros. Pourquoi ces revenus seraient-ils à l’abri de toute taxation sociale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Un établissement bancaire a vu ses profits multipliés par soixante-dix dans la même période ! Et les banques ne devraient pas participer à la solidarité nationale pour les retraites ?

Comme nous l’avons écrit dans l’exposé des motifs de notre proposition de loi, « trois chiffres illustrent l’impossible coexistence du capitalisme financier avec notre système de protection sociale par répartition : entre 1993 et 2009, le volume des cotisations sociales a augmenté de 19 % tandis que le PIB, notamment en raison des gains de productivité, augmentait de 33 % et que les revenus financiers des entreprises et des banques progressaient de 143 %...

« Par ailleurs, la part des produits financiers dans la valeur ajoutée des entreprises est désormais près de deux fois supérieure – 29 % contre 15 % – à celle de leurs cotisations sociales.

« Il devient donc de plus en plus difficile pour les entreprises et le secteur financier de concilier le maintien d’un taux d’emploi élevé, leur contribution au financement de la protection sociale et les revenus qu’ils doivent servir au capital, eux-mêmes détournés de l’investissement productif. »

Votre politique, monsieur le ministre, ne suscite que bas salaires et chômage à l’autre bout de la chaîne. On sait que 1 million de chômeurs de moins, ce sont 5 milliards d’euros supplémentaires qui rentrent dans les caisses de la sécurité sociale. Ce n’est pas rien !

Vous préférez favoriser la spéculation boursière, les revenus du capital plutôt que de participer à développer l’emploi.

Selon l’INSEE, les revenus financiers des entreprises représentent 305, 2 milliards d’euros. On n’arrive même pas à s’imaginer cette somme quand on gagne moins de 1 000 euros par mois !

Et, dans le même temps, l’on assiste à des suppressions d’emplois, qui participent à l’augmentation de ces revenus financiers eux-mêmes. « Surexploiter », « délocaliser », telles sont les devises qui permettent au modèle social que vous défendez de faire flamber les revenus financiers. C’est un modèle qui marche sur la tête !

Le capital que vous défendez a besoin de plus en plus de revenus. Cette réforme des retraites, que vous voulez imposer, prépare en sous-main l’entrée des grands groupes d’assurance qui attendent avec « angoisse » l’heure de prendre en charge ce secteur.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Vous étiez convaincu que rien ne vous arrêterait ; aujourd'hui, vous commencez à vous poser des questions. En jetant quelques miettes au peuple, vous pensez que vous allez vous en tirer à bon compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

M. Jack Ralite. Mon explication de vote est presque terminée, monsieur le président.

C’est trop long ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Mes chers collègues, vous ne m’empêcherez pas de dire qu’il y a des riches et des pauvres, et que vous, vous attaquez les pauvres et gavez les riches !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Protestations sur celles de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Aujourd’hui, un autre palier a été franchi. Des grèves reconductibles sont annoncées dans plusieurs secteurs. Ce n’est pas par caprice. Elles répondent à une nécessité.

Monsieur le ministre, vous n’avez pas d’autre solution que de retirer le présent projet de loi et de vous mettre autour d’une table pour négocier une réforme qui tienne compte de l’intérêt de l’ensemble des salariés, de l’ensemble de notre économie.

Vous pensiez pouvoir passer en force. C’est avoir peu de considération pour le peuple de France, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Au contraire, nous, nous avons de la considération !

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

… qui a montré à de nombreuses reprises au cours de son Histoire ses capacités de résistance.

Mes chers collègues, je vais vous rappeler un souvenir, qui devrait vous être cher.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l’Ump

C’est terminé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

En 1944, à Philadelphie, les Alliés, dont le général de Gaulle, ont décidé un premier progrès. C’était avant les accords de Bretton Woods, avant la création de l’ONU, avant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1948 : il s’agissait de la déclaration d’une nouvelle politique des droits sociaux. La retraite française par répartition en est une expérience créatrice.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Contrairement à vous qui la laissez mourir, nous, nous voulons la sauver !

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Rappelez-vous, au mois de mai 1944, le Débarquement n’avait pas commencé !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mon cher collègue, votre temps de parole est largement épuisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Vendredi, vous verrez qu’un grand retournement aura lieu. Vous ne pouvez pas continuer ainsi ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Permettez-moi d’ajouter qu’il est agréable, au sens ironique du terme, de voir les représentants des riches interrompre un représentant des pauvres : j’ai été maire d’Aubervilliers, j’habite dans une HLM et je sais ce qu’est la pauvreté !

Très bien ! et applaudissements sur mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

M. Jack Ralite. Vous devriez avoir honte de réagir ainsi !

Vifs applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Mesdames, messieurs de la majorité, lorsque l’orateur précédent a reproché au Gouvernement de favoriser les futurs dispositifs d’assurance privée, vous avez ri, ou souri, ou éclaté de rire.

Or, si vous prenez le métro, vous pouvez voir sur les panneaux publicitaires depuis quarante-huit heures les nombreuses affiches d’un grand assureur portant le slogan : « C’est le moment de prendre une assurance privée pour votre retraite »…

Rires sur les travées du groupe CRC-SPG.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 670.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, cette explication de vote porte sur l’ensemble des amendements que nous avons présentés et qui ont pour objet de soustraire aux dispositions de l’article 5 les assurés dont l’activité relève de certaines conventions collectives.

Monsieur le ministre, vous avez estimé injuste notre demande. Vous vous êtes interrogé sur la raison justifiant l’exemption de telle catégorie de profession plutôt que de telle autre. Votre raisonnement n’est pas totalement faux.

Mais, pour notre part, nous voulons la retraite à 60 ans pour tous, et c’est la raison pour laquelle nous avons déposé l’amendement n° 3 tendant à la suppression de l’article 5. Or cet amendement ayant été repoussé, nous avons ensuite énuméré, convention par convention, les branches professionnelles que nous voulions voir exclure du dispositif proposé.

Ces conventions collectives visent des femmes et des hommes qui se lèvent tous les matins pour se rendre à leur travail, parfois avec des horaires décalés, voire en 3x8, parfois le week-end. Ils peuvent être exposés à des produits chimiques, au bruit, travailler dehors, accomplir des gestes répétitifs.

Nous voulions attirer votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur les conditions de travail de ces millions de femmes et d’hommes, que la réforme que vous voulez leur imposer met de plus en plus en colère. Ils sont opposés aux deux années supplémentaires de travail que vous voulez leur infliger pour qu’ils puissent avoir droit à une retraite digne.

L’augmentation du nombre d’années de cotisation fera l’objet d’un autre débat.

Lors de votre intervention, vous avez plaidé pour une reconnaissance de la pénibilité métier par métier. Chiche, monsieur le ministre ! C’est ce que nous vous demandons, mais ce n’est pas ce que vous inscrivez dans votre texte, puisqu’il individualise la pénibilité. Vous ne voulez pas prendre en compte les métiers pénibles. Vous nous parlez de pénibilité par métier, mais ce n’est pas ce que vous prévoyez. Je vous avoue que je n’ai pas compris votre explication sur ce point.

Selon vous, on ne peut pas préjuger la pénibilité : elle doit être constatée une fois les salariés frappés d’une certaine invalidité. Vous refusez de ce fait la pénibilité différée.

Pourtant, comme vous le savez, il s’agit là d’un point de blocage dans les négociations sur la pénibilité engagée entre les partenaires sociaux et le MEDEF, puisque ce dernier ne veut prendre en compte ni la pénibilité différée ni les risques psychosociaux.

Monsieur le ministre, si vous nous faites des propositions sur la reconnaissance de la pénibilité métier par métier, en vous référant à l’ensemble des professions déjà répertoriées dans des listes visant des maladies professionnelles, si vous revenez sur l’article 25 que nous examinerons ultérieurement, peut-être pourrons-nous alors faire un pas dans votre direction.

En revanche, si vous maintenez votre position en faveur de la pénibilité individualisée, avec une reconnaissance médicale d’invalidité, l’examen de l’article 25 promet de grands débats !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 676.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il me paraît nécessaire de revenir sur cet amendement parce qu’il ne m’a pas semblé que vous aviez su prendre l’exacte mesure de sa portée, concernant les salariés des coopératives agricoles.

La défense de cet amendement mettait l’accent principalement sur l’historique des caves coopératives vinicoles du midi de la France. Or, aujourd’hui, d’autres régions qui auraient pu se croire à l’abri sont également touchées, celle des vins de Bordeaux, par exemple.

On assiste à une concentration de plus en plus forte des caves coopératives. L’avenir de leurs salariés s’en trouve affecté. Pour cette seule région, les fusions ont abouti à passer de quarante à cinq groupes coopératifs qui regroupent 75 % de la production organisée. Le même processus se produit dans le Languedoc-Roussillon.

Il est possible que ces concentrations permettent de mieux répondre aux besoins de la viticulture d’aujourd’hui. Vignerons, salariés et sociétés de négoce sont exposés aux mêmes défis.

Mais comme l’a déclaré le président de la Fédération des caves coopératives d’Aquitaine, la coopération « a les cartes en main pour faire partie des acteurs majeurs de cette sortie de crise. », ajoutant : « La grande richesse du système coopératif est le facteur humain, mais c’est aussi, sans aucun doute, le socle de sa fragilité extrême. »

Il estime, en effet, que les salariés ont également leur mot à dire dans les restructurations nécessaires. Je cite ses propos : « Les conseils d’administration doivent prendre conscience que leur rôle a changé ; ils doivent être aujourd’hui les décideurs des grandes orientations de leurs entreprises et les garants de la pérennité de leur structure et du revenu de leurs adhérents, mais déléguer la majorité du pouvoir à un nombre restreint de décideurs, politiques et salariés. »

Mme Jacqueline Panis s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En faisant en sorte que les salariés des caves coopératives vinicoles continuent à bénéficier du même nombre d’années de cotisation, vous pourriez ne pas remettre en cause les règles conventionnelles qui régissent les relations entre les employeurs et les salariés des caves depuis 1983 pour ce qui est de l’âge du départ en retraite.

Rien ne justifie aujourd’hui que ces salariés soient pénalisés de cette façon. La situation de crise ne justifie en aucune manière que les droits sociaux soient tirés vers le bas.

En 2005, les 850 coopératives existantes rassemblaient 100 000 vignerons coopérateurs et 22 000 salariés, soit 8 100 équivalents temps plein. Le chiffre d’affaires s’élevait à 4 750 millions d’euros et le secteur coopératif pesait pour 51 % dans la production vinicole française et produisait 70 % des vins de pays. C’est dire le poids économique de ce secteur, qui est actuellement en pleine évolution !

Vouloir, comme vous le faites aujourd’hui, allonger le temps de travail pour l’ensemble de ces salariés me semble parfaitement inadmissible. En effet, les salariés de ce secteur sont confrontés à des conditions de travail souvent pénibles et, chacun le sait, l’espérance de vie des travailleurs moins qualifiés est inférieure à celle des autres salariés.

Donc, si voulez être logique, monsieur le ministre, ce n’est pas l’allongement de la durée de travail qu’il faut pour ces travailleurs-là, mais bien la réduction de leur durée de cotisation, si l’on veut réellement prendre des mesures tenant compte de l’âge, comme vous pouvez l’avancer dans vos arguments.

Vous connaissez, comme nous, l’âge de départ moyen des salariés. Le taux d’emploi des personnes âgées de 59 ans n’est plus que de 40 %. En allongeant la durée de cotisation et en relevant l’âge légal de départ à la retraite, vous allez aboutir à l’allongement de la durée d’attente pour des seniors hors travail.

Au lieu de servir à ces derniers des pensions de retraites pendant cette période, il faudra leur verser des allocations ASSEDIC, à moins que vous ne souhaitiez les voir basculer vers les dispositifs de revenu minimum pour en faire des assistés sociaux et transférer la dépense vers les départements.

Tels sont les compléments que je tenais à apporter afin de vous inciter, mes chers collègues, à voter cet amendement.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Didier Guillaume applaudit également.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. J’ai le tournis, ça va trop vite !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 691.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Vous avez trop accéléré le rythme, monsieur le président ! (Exclamations sur les travées de l ’ UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. Guy Fischer. Je voudrais vous donner un exemple pratique. Pour illustrer mon vote sur cet amendement relatif à la situation des salariés de l’industrie des glaces, sorbets et crèmes glacées

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

, je me permettrai, mes chers collègues, de me servir de cet emballage que je me suis procuré.

M. Guy Fischer brandit un emballage de cornets de glace. – Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Cet emballage, que je vous montre, présente de manière séduisante et attirante l’un de ces produits qui fascinent la plupart des enfants et des petits-enfants et qui sollicitent notre gourmandise naturelle. Je vois Mme Christiane Demontès acquiescer.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

À sa manière, cet emballage donne aussi des indications sur le travail dans cette industrie. Pour les voir, il faut oublier l’image et lire quelques-unes des mentions figurant sur les différentes faces du carton.

Tout d’abord, cet emballage concerne ce que l’on appelle un produit de distribution, ou encore « marque de distributeur », en l’occurrence Grand Jury, mais je ne fais pas de publicité !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Ensuite, l’emballage nous dit où est fabriqué le produit. Sur la face où figurent les ingrédients utilisés, une petite mention précise : « EMB 61006 ». Elle correspond au lieu de fabrication du produit. Ainsi, 61 désigne le département de l’Orne et 006, la commune d’Argentan.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Vous voyez, mes chers collègues, que j’ai pris un bon exemple !

Pour tout dire, je peux même ajouter que l’entreprise dont il est question et qui produit cette « marque de distributeur » est tout simplement la société Ségès Frigécrème, entreprise bien connue sous cette appellation et qui, comme l’ensemble des sociétés de l’agroalimentaire, fabrique à la fois des produits sous cette marque et des produits pour plusieurs grands groupes de la distribution.

Je vous propose d’aller un peu plus loin encore.

L’un des côtés de cet emballage porte un certain nombre de données.

On y trouve la date limite d’utilisation optimale, autrement dit la date à partir de laquelle la qualité du produit n’est plus garantie. Cette date figure en chiffres, soit « 12/2011 », c'est-à-dire décembre 2011.

Ne vous inquiétez pas, les collaborateurs de notre groupe, particulièrement productifs depuis le début de ce débat – je leur rends d’ailleurs hommage –, n’ont pas attendu Noël 2011 pour manger les glaces contenues dans l’emballage !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Plus intéressantes sont les autres indications. Ainsi, on peut lire « LO 159 », ce qui est non pas un code secret, mais uniquement une indication du jour de fabrication. Ce carton de crèmes glacées a donc été usiné le 159ème jour de l’année, c’est-à-dire le 8 juin. C’était un mardi, si je me souviens bien…

Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mais ce qui retient davantage encore notre attention, c’est l’indication « 00:48 ». Et j’atterris !

Nouveaux rires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je sais bien qu’on nous a dit que la pénibilité ne se mesurait pas au recours au travail de week-end ou de nuit, et que vous ne l’apprécieriez, avec votre texte rétrograde, qu’à concurrence du handicap supporté par le salarié. Le handicap serait une sorte de droit à la retraite !

C’est ce qui nous a fait plaider pour tenir compte de la pénibilité. Nous y reviendrons longuement. Plutôt que de voter cette réforme des retraites, il faudrait réformer le texte, le « retraiter » !

Sourires

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Très drôle !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. Guy Fischer. C’était l’instant sourire ! Ne doutez pas que les salariés de Ségès Frigécrème seront informés de votre vote sur cet amendement.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président. Mes chers collègues, maintenant que la glace est rompue

Sourires.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur l'amendement n° 773.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Cet amendement du groupe CRC-SPG vise à supprimer les alinéas 1 et 2 de l’article 5.

Il s’agit de marquer clairement notre opposition au contenu de cet article et de rejeter le passage à la retraite à 62 ans.

Nous avons, depuis plusieurs mois, entendu un docte discours tenu par les ministres, porté par des messages publicitaires à fin évidente de propagande.

Par ailleurs, la réforme proposée serait la seule possible, au motif que le même type de réforme est mis en œuvre ailleurs en Europe.

La discussion vient de montrer abondamment que tout cela n’était qu’un écran de fumée. La vraie raison de la réforme, c’est qu’il faut réformer les retraites pour garantir à la France que les agences de notation continuent de donner à l’abyssale dette publique, creusée par des années et des années de cadeaux fiscaux et de remises de cotisations sociales, la remarquable note AAA.

La commission des affaires sociales n’a pas auditionné Marc Ladreit de Lacharrière, le fondateur et patron de l’agence Fimalac – un établissement qui, d'ailleurs, sert aussi de véhicule aux opérations spéculatives de l’intéressé –, mais je pense qu’elle aurait dû le faire, ne serait-ce que pour avoir le bonheur de lui poser la question et d’entendre sa réponse !

Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Cela dit, quelle satisfaction le maintien de la note AAA peut-il bien apporter aux salariés de notre pays, qui gagneront deux ans de chagrin en plus pour une retraite peau de chagrin ?

Pendant ce temps, comme chacun sait, la réforme Balladur continue de faire peser ses conséquences, et le pouvoir d’achat des retraités suit toujours, de manière inaltérable, la même pente, celle de la baisse.

Pendant ce temps, on va allonger le nombre des annuités et reculer l’âge de départ en retraite, mais aussi plafonner un peu plus encore le revenu des retraités.

La démarche n’est pas innocente : il ne faut pas être grand clerc pour deviner que c’est précisément au moment où arriveront à l’âge de la cessation d’activité des salariés, et surtout des femmes salariées, ayant effectué des carrières complètes que la réforme fera pleinement jouer ses effets !

C’est donc tout naturellement que nous confirmons notre opposition nette et claire au contenu de cet article 5 et que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement par la voie d’un scrutin public.

Cet article constitue d'ailleurs une véritable bombe à retardement : les jeunes ont compris que, pour eux, la prolongation des études les conduirait à prétendre à une retraite non pas à 62 ans, ni même à 65 ans, mais à 67 ans au moins. Et à quel prix ? Au passage, monsieur le ministre, je salue la mobilisation de cette jeunesse qui vous fait peur. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix l'amendement n° 773.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici le résultat du scrutin n° 10 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 333 rectifié.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 918.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

À travers cet amendement, nous entendons prévoir que les dispositions de l’article 5 du présent projet de loi ne s’appliquent pas aux ouvriers des parcs et ateliers.

Le statut de cette catégorie d’agents a été très affecté par la réforme issue de la loi d’octobre 2009, que nous avions d’ailleurs dénoncée à l’époque. Les ouvriers des parcs et ateliers auraient dû bénéficier d’un cadre statutaire spécifique commun État-collectivités ; à la place, ils n’ont obtenu qu’un droit d’option dans le cadre d’emploi existant.

Les conditions de leur intégration prévues par loi n’ont pas été fixées. Elles devaient l’être par voie de décrets, mais ces textes n’ont jamais été pris.

En conséquence, règne le flou le plus complet sur les conditions et le maintien de leur rémunération globale, comme sur l’instauration, le cas échéant, d’une indemnité compensatrice, ce qui ne peut entraîner qu’une dégradation des conditions de travail des ouvriers des parcs et ateliers.

Ruptures de carrière, manque de reconnaissance, problème des titres et des diplômes, menace de mobilité pour ceux qui resteraient au service de l’État et passeraient, par exemple, au service des directions interdépartementales des routes : il est temps de pallier les carences du Gouvernement et de dissiper le flou qui est préjudiciable à cette catégorie d’agents.

Il est temps de clarifier la situation des ouvriers des parcs et ateliers. Tel était l'objet de cet amendement, défendu avant l’interruption de nos travaux par notre collègue Josiane Mathon-Poinat.

La loi d’octobre 2009 prévoit un décret concernant les pensions des ouvriers des parcs et ateliers. En l’absence d’un tel texte, nous proposons que ces ouvriers soient considérés, au regard de l’article 5 du projet de loi qui nous est soumis, comme bénéficiant d’un régime spécial, puisque leur régime est fixé par voie réglementaire. Nous proposons donc de prévoir que les dispositions de l’article 5 ne leur sont pas applicables.

Les ouvriers des parcs et ateliers relèveraient ainsi des dispositions du dernier alinéa de l’article 20 du projet de loi portant réforme des retraites, qui renvoie à l’horizon 2017 l’étude d’un rapport sur les mesures de relèvement d’âge d’ouverture du droit à pension pour les régimes spéciaux de retraite.

En effet, cette exclusion des pensions des ouvriers des parcs et ateliers du champ d’application de l’article 5 nous semble s’imposer. Outre que nous pensons qu’aucune catégorie de travailleurs ne devrait relever de l’article 5 puisque nous sommes opposés au relèvement de l’âge de départ à la retraite, il nous paraît normal d’exclure systématiquement du champ d’application de cet article tous les travailleurs ayant des conditions de travail pénibles.

En effet, comment peut-on penser relever l’âge de départ à la retraite d’employés déjà fatigués et usés par la rudesse de leur tâche ? C’est inconcevable.

L’espérance de vie en bonne santé de ces travailleurs est trop faible pour qu’on puisse leur infliger deux années de travail supplémentaires. En fin de carrière, ces deux années pèseraient trop lourd.

Que peut signifier le temps de la retraite si l’on ne peut en profiter ? Nous ne voulons pas cautionner cette dérive cynique de notre système de retraite et nous vous invitons, mes chers collègues, à partager notre opposition à la réforme que le Gouvernement essaie de faire passer en force en votant avec nous cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur l'article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Monsieur le ministre, avec cet article 5, qui prévoit le passage de l’âge légal de l’ouverture du droit à pension de 60 ans à 62 ans, nous sommes sur l’« un des points durs », pour reprendre votre propre expression, de ce projet de loi.

Pour ma part, je souhaiterais insister à travers cette explication de vote sur trois éléments.

Premièrement, monsieur le ministre, votre argumentation repose de façon récurrente sur l’augmentation de l’espérance de vie de nos concitoyens. Je veux dire ici, au nom de mon groupe, que nous nous réjouissons bien entendu de cette évolution, qui est due, naturellement, aux progrès de la médecine et des conditions de vie.

Néanmoins, même devant l’espérance de vie, nos compatriotes sont inégaux : entre l’ouvrier et le cadre de 50 ans, la différence est de sept ans. En outre, l’allongement de l’espérance de vie ne signifie pas que l’on est en bonne santé durant cette période. Tous les travaux le confirment, certains métiers sont plus pénibles que d’autres. Pour cette raison, le recul de l’âge légal est source d’injustice.

Deuxièmement, nos compatriotes n’ont pas tous commencé à travailler au même âge. Ceux qui sont entrés très tôt dans le monde du travail n’auront donc pas, à 62 ans, 41 ou 42 années de cotisation, mais plutôt 43 ou 44, et parfois plus. De plus, ce phénomène ne joue pas seulement pour le présent : il se reproduira dans les prochaines années pour certains de ceux qui entrent sur le marché du travail. Ce sont eux – ceux qui ont commencé à travailler tôt, donc les carrières longues – qui seront les plus frappés par cette mesure.

Troisièmement, près de 40 % de nos concitoyens qui ont entre 55 ans et 60 ans n’occupent pas un emploi. Ce n’est pas que nos compatriotes ne voudraient pas travailler, c’est que leurs employeurs ne veulent plus d’eux, parce qu’ils coûtent trop cher ou sont trop vieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Qu’adviendra-t-il alors d’eux entre 60 et 62 ans ? Ils deviendront de vieux chômeurs. Certes, le coût des pensions baissera. Mais celui du chômage augmentera, comme celui du RSA. Ce sera alors bingo pour l’État, si vous permettez l’expression ! En effet, vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit bien d’un transfert de charges vers les départements, opéré par le biais du RSA.

Quatrièmement, j’aborderai l’engagement citoyen, point qui a d’ailleurs été assez peu évoqué, y compris par nous, depuis le début des débats. Mes chers collègues, vous rencontrez tous, dans vos territoires, des responsables d’associations, qu’elles soient sportives, culturelles ou socio-éducatives. Qui sont les administrateurs de ces associations ? Parmi eux, il n’y a guère de jeunes, ce que nous regrettons. En effet, les jeunes ont d’autres préoccupations, en premier lieu l’insertion professionnelle. En réalité, ces associations vivent grâce à de jeunes retraités.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Nos retraités ont en effet du temps et décident de s’engager bénévolement dans la vie associative, faisant ainsi vivre nos associations.

Pour ces raisons et pour beaucoup d’autres aussi, que mes collègues évoqueront, nous vous invitons à supprimer cet article 5…

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Mme Christiane Demontès. … en votant contre celui-ci !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Par cet article 5 – que vous voulez faire voter le plus rapidement possible, nous l’avons compris –, vous bravez l’immense majorité de nos concitoyens – vous en avez d’ailleurs conscience et la fébrilité que vous manifestez en témoigne – qui expriment sans ambiguïté leur refus du report de l’âge de la retraite à 62 ans.

Vous les bravez pour répondre aux injonctions des marchés financiers, qui veulent mettre en cause le droit à la retraite, acquis des luttes démocratiques en faveur d’un progrès de civilisation décidé par la gauche en 1981.

Mme Bernadette Dupont s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le programme du candidat Nicolas Sarkozy était identique, mais enrobé d’un discours sur le travail et ceux qui se lèvent tôt, sur l’efficacité et le volontarisme, tous éléments qui pouvaient abuser, mais qui ne s’appliquent pourtant pas à tout ce qui avait été dit sur le sujet.

En revanche, l’essai intitulé « Besoin d’air » du MEDEF, préfacé par Mme Parisot, était particulièrement clair. D’après ce petit livre, l’abaissement de l’âge légal de la retraite de 65 à 60 ans en 1982 est « une erreur historique », et « l’une de ces dangereuses vues de l’esprit que l’on affectionne en France ». Bravo à tous ceux qui se sont battus pour la retraite à 60 ans, une « erreur historique » et une « vue de l’esprit » ! J’avais pourtant cru comprendre que c’était là un combat pour une vie meilleure.

Cet opuscule comportait également un programme, fondé sur le passage à 42 ans des cotisations à partir de 2020 – nous en discuterons ultérieurement – et plus loin, ce que Mme Parisot appelle la « liberté ». « Nous demandons également la liberté », a-t-on pu y lire. Pour le MEDEF, la liberté signifie substituer au régime de retraite actuel un régime par points.

Mme Parisot explique ensuite ce qu’est un régime par points. Je vous en fais grâce, mais écoutez seulement ceci : « chacun pourrait calculer et anticiper le niveau de sa retraite future, racheter des points, travailler plus longtemps et acquérir des droits supplémentaires, décider du moment d’arrêter sa vie professionnelle ». C’est là une mise en cause totale du droit à la retraite à 60 ans ! Et vous mettez en œuvre ce programme sans états d’âme. En tout cas, ceux qui en ont ne le manifestent pas.

En outre, je constate que Mme Parisot, sur son blog, dresse un petit bilan des événements qui se sont déroulés depuis la parution de ces programmes parallèles. Elle se félicite d’avoir imposé le débat économique dans la campagne pour l’élection présidentielle et d’être ainsi à l’origine de décisions économiques majeures prises par le Gouvernement, comme la réduction de l’ISF pour investissements dans une PME, le renforcement du crédit d’impôt recherche et la réforme de la taxe professionnelle.

On peut lire, toujours sur son blog, en mars 2010, alors que le programme du candidat Sarkozy a déjà commencé à être mis en œuvre : « nous nous battons tous les jours pied à pied pour obtenir les réductions nécessaires des charges fiscales et sociales. Nous avons réussi à faire accepter le principe d’une baisse des cotisations assurance chômage en cas de baisse du chômage. Nous avons obtenu que l’augmentation prévue des cotisations retraite soit repoussée. Tous les jours, nous luttons et nous argumentons pour préserver la liberté d’action des chefs d’entreprise dans la conduite de leur entreprise » – on sait ce que ça veut dire. « Notre succès se mesure aussi à la diffusion de nos idées, sans qu’elles ne nous soient forcément attribuées ».

Eh bien, ces idées, je les attribue à Mme Parisot ! En effet, le Président de la République et le Gouvernement exécutent à la lettre le programme créé de concert en 2007 ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En revanche, quand Mme Parisot avance que « la diffusion de nos idées a progressé », elle se trompe : les idées du MEDEF n’ont pas progressé dans le peuple ! Elles ont reculé et, aujourd’hui, il vous le manifeste !

Bien évidemment, nous ne voterons pas l’article 5.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Avec cet article, nous parvenons au cœur de votre projet de loi, monsieur le ministre, précisément au cœur de son injustice, puisqu’il s’agit de reculer l’âge légal de départ à la retraite. C’est la fin des 60 ans, le passage à 62 ans. Dès la discussion générale, plusieurs de mes collègues vous ont démontré que ce recul n’était ni une fatalité, ni une obligation démographique.

Dès la discussion générale, nous vous avons expliqué que, vu l’état catastrophique de l’emploi des seniors en France, les coûts économisés sur les pensions de retraites seraient automatiquement transférés vers l’assurance chômage, voire les collectivités locales, puisqu’elles sont en charge du RSA. Dès la discussion générale, nous avons dénoncé ce qui constitue le pire de cette mesure, le pire de votre réforme : ce sont les Français qui ont commencé à travailler tôt, le plus souvent dans des métiers difficiles, qui seront le plus pénalisés par ce passage à 62 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Eh oui, ce sont toujours les mêmes qui trinquent !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Des travailleurs durs à la peine, vous exigez qu’ils prolongent leur peine. De la France qui se lève tôt depuis longtemps, vous exigez qu’elle se lève tôt encore plus longtemps ! En dernière analyse, le recul de l’âge légal de la retraite à 62 ans revient à créer une surtaxe de deux années. Malgré toutes les promesses du Président Sarkozy, vous créez bien un nouvel impôt pour les salariés : l’IDR, l’impôt pour avoir droit à la retraite !

Et cette surtaxe de deux années n’entraînera aucune augmentation des pensions, contrairement à ce qu’a prétendu M. le Premier ministre dimanche soir, à la télévision. En effet, dans le cadre d’une émission diffusée sur M6, un journaliste a présenté un cas assez commun au Premier ministre, celui d’un salarié ayant commencé à travailler à 18 ans. Afin de pouvoir partir à la retraite à 62 ans, il devra donc cotiser 44 ans, soit deux années et demie de plus que le nombre d’années requises pour liquider sa retraite, qui sera de 41, 5 années dès 2020.

M. Fillon a déclaré que, dans un tel cas, le salarié toucherait une retraite plus élevée, sous forme de surcote. Cela est parfaitement faux. En effet, seules les annuités supplémentaires cotisées au-delà de l’âge légal de départ en retraite apportent une surcote. Avec votre réforme, pour toucher une surcote, il faudra cotiser au-delà de 62 ans !

Alors qu’aujourd’hui un salarié disposant de tous ses trimestres à 60 ans qui décide de continuer de travailler jusqu’à 62 ans, cumulant ainsi deux ans de surcotisation, obtient une majoration de 10 % de sa pension, 5 % par année supplémentaire. Cette mesure disparaîtra avec l’adoption de votre réforme.

Relatant cet épisode télévisuel, le journal Libération a évoqué « la surcote imaginaire de François Fillon ». Quant à moi, je considère qu’il s’agit d’un lapsus, évidemment révélateur. Il est révélateur du mensonge qui n’est plus tenable. À moins que M. Fillon ne connaisse pas le texte dans le détail, qu’il en ignore les effets les plus pervers, d’où son acharnement à le défendre.

Pour notre part, nous mettrons encore et toujours notre acharnement à défendre les plus modestes, ceux qui commencent à travailler tôt, ceux qui ont les métiers les plus difficiles, ceux qui ont les emplois les plus mal payés, et qui seront pourtant les premières victimes de votre réforme.

Voilà une raison supplémentaire de voter contre l’article 5.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Guy Fischer applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’une des logiques de l’article 5 est de réaliser des économies, afin de remettre à flot les comptes de l’assurance vieillesse.

Seulement, mes chers collègues, qu’appelez-vous donc « économies » ? Économies par rapport à quoi ? Économies au bénéfice de qui ? La raison d’être des cotisations sociales, notamment de celles qui sont collectées pour l’assurance vieillesse, est non pas de faciliter une sorte d’« épargne », mais bien de payer aujourd’hui, immédiatement les prestations servies à ceux qui ont cessé de travailler.

Ainsi, faire des économies, dans ce contexte, revient tout simplement à rationner les pensions versées et à limiter par conséquent le revenu réel de nos retraités. De ce fait, les économies d’aujourd’hui vont rapidement être les dépenses de demain.

Je me permets de rappeler un premier aspect du débat. Nous comptons dans notre pays plus de 12 millions de foyers comptant au moins un retraité, sinon deux. Ces retraités ont perçu en 2008 un total de 228 milliards d’euros de pensions et retraites, c’est-à-dire une somme représentant plus du quart de l’assiette sur le revenu et près de 40 % de la somme apportée par les salariés.

L’un des éléments d’évolution de la situation des retraités réside dans la réduction lente, mais certaine, du nombre des retraités disposant d’un faible revenu. Ainsi, en 2002, plus de 40 % des retraités de notre pays disposaient d’un revenu inférieur à 9 000 euros et percevaient une pension moyenne de 8 100 euros. Mais, en 2008, nous comptons un peu moins de 3 millions de retraités disposant d’un revenu inférieur à 9 400 euros.

Ainsi, ce qui vous inquiète, c’est bel et bien que les pensions moyennes progressent, même si les mesures Balladur les conduisent ensuite dans la nasse du gel définitif du pouvoir d’achat. C’est bel et bien cette progression naturelle des pensions, produit de carrières professionnelles plus accomplies, lancées dans les années soixante et développées plus encore dans les années soixante-dix et quatre-vingt, que votre réforme veut briser.

Je ne sais s’il faudra dire demain qu’on juge une société à ce qu’elle fait pour ses anciens. Mais le fait est que votre réforme va conduire à la diminution du revenu moyen des retraités. Vous risquez fort, du fait des pertes de recettes fiscales – au titre, bien sûr, de l’impôt sur le revenu, mais aussi de la taxe sur la valeur ajoutée – de perdre rapidement le peu que vous aurez confisqué aux retraités de 2015, 2020 ou 2025.

N’oubliez pas que, dans notre pays, une bonne part de la dépense fiscale, comme des dépenses sociales, est étroitement liée à la situation des personnes âgées.

Vous avez déjà beaucoup œuvré en ce sens, entre la mise en cause de la demi-part des veuves et le plafonnement des pensions de réversion.

Mais vous aurez demain plus encore à payer en remise d’impositions locales, sans compter que nombre de retraités devront être largement aidés pour répondre au problème de la dépendance ou pour faire face à leurs dépenses de santé.

En d’autres termes, les économies que vous attendez de votre réforme seront englouties dans la multiplication des dépenses d’aide sociale ou des allégements fiscaux qui seront mécaniquement mis en œuvre en raison du faible niveau de revenus des retraités. Bien plus, la stagnation du revenu des retraités conduira l’État à engager encore plus de fonds dans l’allocation de logement et dans les aides personnalisées pour les retraités vivant en HLM.

Ces raisons sont largement suffisantes pour que nous votions contre cette mesure d’économie que vous escomptez faire sur le dos des salariés et des retraités avec cet article.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Claire-Lise Campion applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Pierre Mauroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

En ce moment solennel où l’on veut abolir la possibilité de partir à la retraite à 60 ans, je souhaite intervenir. J’étais Premier ministre lorsque nous avons instauré cette mesure. Tout le monde ne l’a pas voulue, mais, nous, nous l’avons ardemment souhaitée et désirée. C’est pourquoi nous voulons que cette faculté soit conservée.

La retraite à 60 ans, c’est une ligne de vie, c’est une ligne de souffrance au travail, c’est une ligne de revendication, c’est une ligne d’espoir. Le régime de retraite par répartition repose sur plusieurs générations. Nous n’avons pas le droit de faire fi du passé.

J’ai des souvenirs de cette époque. La France était plus ouvrière encore qu’elle ne l’est aujourd'hui et nombre d’emplois étaient manuels. Je revois ces ouvriers venir me voir, comme ils allaient voir leurs élus, pour dire : « Je ne peux plus avancer. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

Ils s’exprimaient en patois chez moi : « Je ne peux plus arquer ». Ils voulaient un certificat médical, ils venaient nous voir pour nous demander comment sortir de là.

Nous étions alors dans l’opposition : cela a tout de même duré vingt-cinq ans ! Une fois arrivés au pouvoir, nous avons dès 1982 proposé la retraite à 60 ans. Cela a suscité un immense espoir : de toutes les revendications, qu’elles soient ouvrières ou non, celle-ci a été la plus importante. Elle l’est restée. Elle le restera dans l’histoire sociale de la France.

C’est pourquoi, quelles que soient nos convictions et nos idéologies, il n’est pas possible de liquider la retraite à 60 ans de cette façon, en catimini ou presque.

M. le ministre s’étonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

La retraite à 60 ans a immédiatement gonflé nos voiles, provoqué des rassemblements, des meetings de 20 000, 25 000, 30 000 personnes ! On ne voit plus cela aujourd'hui. Ce moment est inscrit dans la mémoire collective des Françaises et des Français. On écrit l’histoire non seulement avec l’avenir des propositions, mais aussi avec le passé des revendications, le vécu de l’ensemble de ces travailleurs.

Aussi, nous pensons qu’effacer cette ligne de la retraite à 60 ans est une erreur profonde. Ce n’est pas ce que nous voulons. Certes, nous sommes partisans d’une réforme, de changements, nous savons bien que les conditions ont évolué, que la situation actuelle est différente et justifie les propositions que nous avons avancées pour sauver le système par répartition, mais ce n’est pas une raison pour rayer cette ligne de vie, cette ligne de combat.

Il reste toutefois des catégories, certes moins nombreuses, qui souffriront de ne pas avoir la possibilité de partir à la retraite à 60 ans.

C’est le cas des jeunes. Alors qu’ils ne trouvent pas de travail, on leur annonce qu’ils devront travailler plus longtemps et on recule l’âge de départ à la retraite. En d’autres termes, il leur faudra travailler davantage pour avoir une retraite plus tard. Mais ils n’ont pas d’emploi !

C’est le cas des seniors, qui sont en graves difficultés et qui souhaitent bénéficier de la retraite à 60 ans.

C’est aussi le cas de ceux qui souhaitent qu’il en soit ainsi pour eux.

Pour notre part, nous pensons qu’il s’agit d’un droit presque fondamental.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

Compte tenu du vécu collectif qui a accompagné l’instauration de la retraite à 60 ans, il faut conserver ce dispositif, même si des modifications doivent intervenir pour répondre à l’ensemble des problèmes de retraites.

Monsieur le ministre, mesdames, messieurs de la majorité, nous vivons un moment où nous prenons conscience qu’entre vous et nous la différence est très grande.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

Vous oubliez facilement quels ont été les attentes, les revendications, les combats du peuple, en particulier ceux de cette France ouvrière dans une industrialisation en difficultés, qui a mal vieilli, qui s’est effondrée dans les conditions que vous savez, qui a créé le chômage de masse. Dans cette situation, il faut garder cette ligne d’espoir, cette ligne de vie et permettre un départ à la retraite à 60 ans avec les adaptations qu’exigent les changements qui sont intervenus.

Voilà pourquoi, de façon un peu solennelle, en pensant à ces millions de Français qui ont été secoués par cette question, qui ont revendiqué et voulu ce droit qui restera pour eux jusqu’à la fin comme un grand combat de leur vie et un honneur pour récompenser leur travail, nous ne voulons pas abandonner la retraite à 60 ans.

Nous savons bien que la situation change, qu’il faudra évoluer et vous connaissez les propositions que nous formulons en ce sens. Mais nous ne voulons pas l’effacer ainsi, en passant, comme s’il s’agissait d’un simple amendement, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

... d’une simple revendication, comme si c’était une loi comme les autres. Non ! C’est peut-être la loi la plus importante de la Ve République, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Monsieur le Premier ministre Mauroy, nous avons un débat de fond. Je comprends votre position, vous défendez le texte de l’époque, je ne reviens pas sur les décisions qui ont alors été prises.

Nous sommes, nous, Gouvernement et majorité – mais c’est aussi le cas de l’opposition –, confrontés à cette réalité : il nous faut prendre nos responsabilités. Vous reconnaissez vous-même que la situation a changé. Nous devons donc modifier un certain nombre d’éléments qui sont constitutifs de notre régime de retraite par répartition.

L’âge de 60 ans, ce n’est pas parce qu’il est rond qu’il est symbolique ou tabou. À l’époque, vous avez baissé l’âge de départ à la retraite. Vous aviez été élus par les Français. Cette décision politique était issue de votre programme Je la respecte, je n’ai pas à la contester.

Mme Patricia Schillinger s’exclame.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Chacun est placé devant son devoir : le devoir, c’est bien de faire évoluer ce système de retraite

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Aujourd'hui, nous sommes confrontés non pas à une réflexion idéologique…

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… sur le concept de la retraite à 60 ans, à 61 ans ou à 62 ans, mais à cette réalité : les retraites ne sont plus financées. Par conséquent, elles ne sont plus durables et il nous faut dès lors réagir de manière très concrète, en réformant le régime de retraite par répartition par des éléments qui le composent.

On peut décider d’intervenir sur le niveau des pensions. Dans ce cas, il faut le baisser de 15 %. Personne ne le veut, vous le premier.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

On peut aussi décider d’allonger la durée de cotisation au-delà du normal : il faudrait la porter à 47 ans. Personne ne le veut non plus. De la même façon, personne ne veut augmenter les impôts des Français à un moment où nous sortons d’une crise et où le pouvoir d’achat et l’emploi doivent être préservés.

Par conséquent, monsieur le Premier ministre, la seule variable d’ajustement, c’est l’âge. Vous l’avez d’ailleurs utilisée à un moment donné. Il est bien naturel de se poser à nouveau la question de l’âge du départ à la retraite au regard de l’espérance de vie des Français.

Marques d’exaspération sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Vous devriez vous arrêter, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

J’ai bien conscience de me répéter, mais nous le faisons tous ! C’est bien logique du reste, car nos convictions ne varient pas à chaque instant.

Nous sommes persuadés que le temps de la retraite, comme celui des études, du travail et, après, du quatrième âge sont des temps de vie. Monsieur le Premier ministre, vous avez raison, il y a une ligne de vie, mais cette ligne bouge. C'est la raison pour laquelle il faut à un moment donné faire évoluer l’âge de la retraite. Nous avons le sentiment que celui que nous avons fixé est responsable, raisonnable.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Par ailleurs, nous avons également tenu compte du fait qu’un certain nombre de Français ne pourront pas travailler jusqu’à 62 ans. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu plusieurs critères : la pénibilité, la carrière des femmes à certaines époques, les carrières longues.

Toutes ces singularités n’existaient pas à l’époque où vous aviez fixé le même âge pour tous. Nous avons tendance à penser que, sur la question de l’âge, il faut aller plus loin et protéger nos concitoyens les plus fragiles. C’est une attitude responsable et raisonnable.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Bernard Angels, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Angels

Monsieur le ministre, il est évident que nous sommes d’accord sur un point : le financement de la retraite pose problème. En revanche, ce que vous proposez est complètement différent de ce que nous proposons ; nous n’avons absolument pas la même ligne politique.

Dans votre projet de réforme, qui paiera la facture ? C’est simple, ce seront d’abord les salariés, à commencer par les plus modestes d’entre eux. Vous entendez également procéder – là encore, vous faites preuve de simplicité – au siphonage en règle du Fonds de réserve pour les retraites. Créé par le gouvernement Jospin, celui-ci avait vocation à sécuriser les retraites des générations futures. Depuis 2002, vous refusez de l’abonder. Aujourd’hui, vous annoncez tranquillement qu’il servira à autre chose.

Qui seront les heureux contributeurs épargnés par ce texte ? Les détenteurs de revenus du capital ! D’ailleurs, vos propositions pour 2010 sont dérisoires : pas plus de 2 milliards d’euros, là où nous proposons 10 milliards d’euros aujourd’hui et 25 milliards d’euros dès 2025.

Monsieur le ministre, vous avez renoncé, et cela devient une habitude chez vous, à la justice fiscale la plus élémentaire. Nous vous proposons une autre cohérence.

En effet, en attendant une politique permettant une reprise future de l’emploi et des salaires, base de cette indispensable réforme, il faut impérativement élargir l’assiette de financement du régime. Vous le faites timidement. Nous vous suggérons de le faire franchement.

Le financement envisagé par le parti socialiste combine augmentation des cotisations et élargissement de l’assiette de financement.

Nous proposons ainsi d’augmenter les cotisations salariales et patronales de 0, 1 % par an chacune, entre 2012 et 2021. Le rendement d’une telle mesure serait de 12 milliards d’euros en 2025.

Quant à l’autre volet, l’élargissement de l’assiette, il consisterait premièrement à taxer les revenus du capital – stock-options et bonus – au taux de 38 %. Cela rapporterait 2, 3 milliards d’euros.

Deuxièmement, à supprimer les niches sociales sur l’intéressement et la participation en taxant ces revenus à hauteur de 20 %. Le rendement de cette mesure serait de 3 milliards d’euros.

Troisièmement, à appliquer la CSG sur les revenus du capital exonérés de cet impôt, à l’exception, bien entendu, du livret A et des plus-values sur la résidence principale. Cela rapporterait 7 milliards d’euros.

Quatrièmement, à créer une contribution sur la valeur ajoutée, dérivée de la nouvelle taxe professionnelle, tout en exonérant les PME. Le gain serait de 7 milliards d’euros.

Cinquièmement, à créer une surtaxe de 15 % sur l’impôt sur les sociétés payé par les banques. Le produit de cet impôt doit abonder le Fonds de réserve pour les retraites dont les intérêts devraient s’accroître de 3 milliards d’euros par an.

Ainsi, nous vous proposons une autre réforme, équitable et efficace.

Équitable, car il est normal de faire participer les revenus du capital et des banques au financement de la réforme.

Équitable, car notre projet s’attaque à de nombreuses niches sociales et fiscales injustifiées.

Équitable, car il fait contribuer les profits au financement du régime en étendant aussi l’assiette de financement à la valeur ajoutée des entreprises.

Efficace, enfin, parce qu’il fait jouer la solidarité nationale à travers l’impôt, par le biais de l’élargissement de l’assiette, plutôt que de l’assurer par la seule augmentation des cotisations.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Les raisons pour lesquelles nous nous opposons à cet article 5, nous n’arrêtons pas de les évoquer. Et, je veux le dire politiquement à M. le ministre, nous continuerons à le faire au-delà de la discussion de l’article 5 et jusqu’au terme de l’examen de l’article 33, parce que c’est au cœur du sujet et qu’en découle tout ce que nous discutons à travers cette loi.

Je veux dire aussi que si nous voulons chercher à comprendre la manœuvre qui a consisté à vouloir, avant l’article 1er, discuter des articles 5 et 6, la réponse apparaît comme une évidence. Il s’agit de dire aux Français, tout à l’heure quand sera voté l’article 5 : « Circulez, il n’y a plus rien à voir, car, même s’il y a quelques agités au Sénat qui pourront encore discuter pendant trois semaines, ce droit fondamental n’existe plus dans notre pays ». Il faut que les Français, et tous ceux qui sont chargés de véhiculer l’information réelle, sachent qu’en aucun cas, après le vote de l’article 5, tout à l’heure, le droit à la retraite à 60 ans aura été aboli. En effet, aucune disposition n’est votée tant que la loi n’est pas elle-même votée. C’est seulement quand la loi sera votée que cette disposition aura « sauté » du droit social français. Et je veux dire à tous ceux qui vont manifester le 12 octobre que c’est encore plus nécessaire car jusqu’au bout le Gouvernement, qui l’a parfois fort mal utilisé, a le droit, avant la fin de la discussion de l’article 33, de revenir sur le vote de l’article 5 pour satisfaire les aspirations des Français.

Je voulais le dire de façon très nette car nous savons déjà que le plan de communication va se déclencher dans quelques heures et que, tout le week-end, nous allons entendre la petite musique : « c’est fini, il n’y a plus de raison de manifester ; vous pourrez sur les autres articles, à la marge obtenir des petites choses, mais la retraite à 60 ans, c’est fini, maintenant c’est 62 ans ». Ce n’est pas vrai, et si l’ensemble des parlementaires ici présents veulent encore défendre la dignité, voire même seulement l’utilité, de leur fonction, ils doivent le dire avec nous. Sinon, qu’est-ce que cela signifie ? Qu’à partir de tout à l’heure nous ne discuterons de plus rien, que nous discuterons pour la galerie, que nous sommes des pantins ?

Je veux conclure en disant que cette façon de faire de Nicolas Sarkozy – car tout vient de là ! – ne peut pas être viable encore dix-huit mois !

On ne peut pas penser qu’il est possible de gouverner un pays aussi ancien, avec de telles traditions démocratiques, avec de telles traditions d’accueil, de concorde, d’ouverture sur le monde, en mettant le feu tout l’été en désignant des étrangers, en désignant des Roms à la vindicte.

On ne peut pas penser qu’il est possible de gouverner en refusant d’écouter les syndicats, la démocratie sociale, en refusant d’écouter ceux qui manifestent, en refusant d’écouter même les enquêtes d’opinion dont Nicolas Sarkozy est si friand et qui disent que sept Français sur dix ne sont pas d’accord.

On ne peut pas penser qu’il est possible de gouverner en refusant d’écouter l’Assemblée nationale, en refusant d’écouter le Sénat et en le brutalisant au bout de quarante-huit heures en faisant venir les amendements directement de l’Élysée à l’AFP avant même qu’en séance le ministre ait pu faire semblant qu’ils venaient de lui…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… ou du groupe UMP. De telles traditions, de telles conquêtes sociales aussi fortement enracinées, comme l’a rappelé tout à l’heure le Premier ministre Pierre Mauroy, ne peuvent être effacées par de la communication.

Je ne vois pas comment au-delà du 12 octobre cette situation pourra perdurer sans prendre le risque de quelque chose qui devienne ingouvernable. Alors, nous espérons que le Gouvernement va se ressaisir, parce que personne n’a intérêt, pour la France, au blocage total et à l’incommunication absolue entre les Français. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Voilà donc l’une des dispositions phares de ce texte. Une disposition qui, selon vous, est à la fois inéluctable, juste et non négociable. Presque un progrès social, à vous entendre. Quel déni des réalités ! Quelle faculté est la vôtre de continuer à nier la vérité même quand tout accuse et accable. Votre projet est une régression sociale et vous devez l’entendre.

Votre sombre dessein semble prendre l’eau et les choses ne se passent pas comme vous l’espériez, ici et dans la rue. Par conséquent, vous vous radicalisez et nous assistons depuis mardi aux tentatives désespérées de l’Élysée, dont vous n’êtes que le relais, pour sauver ce qui pourrait encore l’être.

La manière dont vous entendez confisquer le débat sur l’examen de ce texte au Sénat en dit long sur la parodie de démocratie à laquelle nous assistons sous votre gouvernement. Il ne vous a pas suffi de dire dès juin 2010 que votre texte était non négociable et de mépriser tous les partenaires sociaux. Il ne vous a pas suffi de couper court à tout débat devant l’Assemblée nationale dans les conditions que nous connaissons. Il ne vous a pas suffi d’introduire dans ce texte deux cavaliers législatifs sur des questions qui auraient dû faire l’objet de textes distincts. Il faut maintenant que vous avanciez l’examen des articles 5 et 6 afin de pouvoir clamer le 12 octobre prochain que la réforme est votée !

C’est un vrai coup de force. Une honte dont ce gouvernement et le locataire de l’Élysée porteront longtemps le fardeau. Car, ne vous y trompez pas, tout cela produit l’effet exactement inverse et l’opposition à votre texte et à vos manières a encore pris de l’ampleur aujourd’hui.

Vous n’avez voulu entendre ni les partenaires sociaux, ni le Parlement, ni le peuple et ses millions de manifestants. Tout cela va se retourner contre vous.

Vous devriez apprendre de vos erreurs actuelles. Vous devriez changer de méthode de gouvernance et ne plus imposer des réformes du haut. Or, malheureusement, nous constatons que vous continuez dans cette démarche, à la fois autoritaire et condescendante car, à vous écouter encore aujourd’hui, il n’y a que vous qui savez et qui êtes crédibles. Nous pensons le contraire.

Votre texte est partisan et il est le reflet d’une législation de classe. Avant même que nos concitoyens n’aient pu commencer à réfléchir par eux-mêmes, vous leur avez martelé dans tous les medias que vos mesures étaient indispensables, les seules envisageables, justes et non négociables. Ce n’est pas audible. De quoi avez-vous peur en voulant ainsi confisquer le débat ?

Vous devez retirer votre texte. Vous devez entendre que les Françaises et les Français sont attachés à leur droit à la retraite.

L’article 5 que vous nous obligez à examiner en priorité constitue l’une des bornes d’âge que vous entendez reculer. Ce recul, tout le monde l’a dit, est un coup très dur porté au droit à la retraite pour des millions de Françaises et de Français.

Dans le monde occidental post-industrialisé les techniques de rationalisation du travail n’ont cessé de progresser. Les gains de productivité ont en moyenne été multiplié par cinq – c’est bien plus dans certains secteurs – au cours des cinquante dernières années.

Après le fordisme, le taylorisme, nous connaissons maintenant le lean management où les scientifiques de l’ergonomie font tout pour traquer de précieuses secondes et où au final le salarié est encore plus transformé en une espèce de machine exécutant des gestes répétitifs toute la journée.

Vous savez pertinemment que les salariés français ont un des taux de productivité à l’heure le plus élevé d’Europe. Cette réalité, souvent évoquée, est un des effets indirects des lois sur les 35 heures. Je ne reviens pas sur ce débat. Pourtant, ce haut taux de productivité à l’heure a des conséquences en termes de conditions de travail des salariés. Dans notre pays, le travail use peut-être plus qu’ailleurs et notamment en Europe.

Mais vous ignorez totalement ces réalités. Et vous tracez un trait comme un comptable qui dit qu’il veut 20 % de profit pour l’année prochaine sans se soucier du fait que cela va entraîner un plan social. Ce n’est pas votre problème.

Vous, vos objectifs sont tout autres : rassurer les agences de notation, dont le FMI fait finalement partie, appliquer le programme du MEDEF et rassurer la France du Fouquet’s et du « premier cercle ». C’est tout. Non, ce n’est pas tout ! C’est aussi faire adopter ce texte le plus rapidement possible, et peu importe son contenu, pour que M. Sarkozy puisse ensuite aller parader à la tête du G20 sans avoir la honte d’avoir reculé. Car le Président a fait de l’adoption de ce texte une affaire personnelle, comme du maintien du bouclier fiscal. C’est donc pour satisfaire à l’oukase d’un seul homme que cette réforme est bâclée, injuste et brutale.

Nos concitoyennes et concitoyens refusent de perdre leurs deux meilleures années de retraite, de 60 à 62 ans de cette manière. Vous devez retirer votre texte !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Didier Guillaume applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour cette explication de vote, je me contenterai de rappeler les caractéristiques de ceux qui font liquider leur retraite à 65 ans. Ils prennent souvent leur retraite à cet âge-là non pas au titre des annuités acquises, mais parce qu’ils attendent ce seuil afin d’éviter la décote.

En moyenne, la durée sans emploi avant ce départ à la retraite est de vingt ans pour les femmes, et de onze ans et demi pour les hommes. Au regard de ces réalités, que la majorité refuse obstinément de voir, cet article est vraiment le grand scandale de ce texte.

Le passage de 65 à 67 ans est une mesure injuste. C’est une discrimination indirecte dont les effets sont dévastateurs, notamment pour les femmes, et ce qu’elles aient un, deux, trois enfants, ou pas d’enfant du tout. Je veux le redire encore, les femmes ont une retraite nettement inférieure à celle des hommes, moins de la moitié des femmes mènent une carrière complète, un tiers d’entre elles travaillent jusqu’à 65 ans pour éviter la décote et il faudrait les faire patienter jusqu’à 67 ans. Quelle injustice !

Elles ont des carrières en dents de scie parce qu’elles mettent au monde des enfants, qui vont, eux, assurer la retraite de tous. Paradoxe, elles sont pénalisées pour cela au moment de leur propre retraite.

Vous venez tout juste de réaliser que la solution résiderait dans une loi ou des sanctions pour l’égalité salariale. Mais, enfin, regardez autour de vous : en dépit d’une loi sur la parité, incluant des sanctions financières, combien y a-t-il de femmes au Parlement ? Combien sont-elles à siéger dans un conseil général, à être à la tête d’un exécutif local ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Avec la création du conseiller territorial, c’est clair ! De ce point de vue, il y a vraiment un recul de la parité. Mais là n’est pas le sujet.

Normalement, la loi est là pour corriger les grandes inégalités.

Nous souhaitons maintenir l’âge légal de la retraite à 60 ans. Pierre Mauroy a rappelé l’avancée sociale qu’a représentée la retraite à 60 ans pour des millions de salariés.

Mais nous voulons aussi laisser la liberté de choix, pour que chacun puisse décider de ce qui lui est le plus favorable. Les règles communes sont importantes, mais les choix doivent rester individuels.

Avec le report de l’âge légal à 62 ans et la retraite à taux plein à 67 ans, vous ajoutez de l’injustice à l’injustice. Et ça, c’est du lourd, Pierre Mauroy l’a bien illustré.

Pour toutes les raisons invoquées sur les travées de l’opposition, nous voterons résolument contre cet article.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’instant est effectivement solennel, et je voudrais inscrire le vote que nous allons opérer dans quelques instants dans la perspective de l’évolution de la société française.

Rien n’a été acquis au premier jour. Si la société du XIXe siècle était celle de la souffrance des travailleurs, qui n’avaient qu’une seule vie, placée sous le signe de la pénibilité, la seconde partie du XXe siècle a été marquée par des conquêtes sociales, faisant suite à l’apparition, notamment, des congés payés, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. Jean-Paul Virapoullé. … pour lesquels j’ai des souvenirs très précis, qui remontent à 1955, lorsque j’étais à Aix-en-Provence. Monsieur Courteau, ce n’est pas une question de gauche ou de droite !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. Jean-Paul Virapoullé. Avez-vous oublié tout ce qu’a fait le général de Gaulle ?

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. Jean-Paul Virapoullé. Mes chers collègues, je vous ai écoutés religieusement. Vous êtes tellement peu sûrs de vos arguments

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

… que la moindre parole de vérité vous excite. Ne soyez pas excités par la vérité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Écoutez-la !

À l’époque, disais-je, on a vu apparaître les premières conquêtes sociales, et la vie a changé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Le travail n’était plus perçu sous le seul angle de la pénibilité, mais il était un droit à la dignité, qui lui-même ouvrait d’autres droits : le droit aux congés, le droit au logement, le droit à l’éducation des enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Puis il y a eu de nouvelles conquêtes, dans le domaine de la médecine, de la politique alimentaire, du mieux-être.

Avant, les personnes âgées, on les accueillait dans nos villages du troisième âge, comme tous ceux d’entre nous qui ont été maires l’ont fait de 1965 à 1970 ; elles mouraient entre 60 et 65 ans. Aujourd’hui, celles qui ont le même âge ont droit à une troisième vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. Jean-Paul Virapoullé. Car c’est vrai qu’il y a une troisième vie ! D’ailleurs, si l’on rendait obligatoire la retraite à 60 ou 65 ans dans cette assemblée, il n’y aurait plus grand monde !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Il en resterait quelques-uns !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Nous ne pouvons pas concevoir la société française dans les années à venir en fermant les yeux sur l’évolution que nous vivons aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Le débat l’a montré, notamment au travers de vos arguments que j’ai écoutés avec attention, ce texte n’est pas une loi punitive à l’égard de qui que ce soit.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

Oh !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Comme vous, nous sommes comptables du principe constitutionnel selon lequel il faut participer au bonheur du peuple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Comme vous, nous veillons à ce que les travailleurs aient droit à une retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. Jean-Paul Virapoullé. Écoutez bien, nous n’avons rien aboli.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Cela montre la faiblesse de votre position !

Parce que, comme vous, nous veillons à ce que les travailleurs aient droit à une retraite, nous déplaçons simplement le curseur, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

… qui ouvre droit à la retraite pleine et entière, de deux ans ! Nous le faisons parce que c’est l’évolution qui le veut.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Nous le déplaçons non pas brutalement, mais par séquences successives. De votre volonté de semer la discorde dans le cadre d’une sorte de psychodrame politico-médiatique au cours des dernières semaines, il ne restera rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

De ce débat, on se souviendra seulement d’une réalité objective : la retraite est garantie par cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Ce que nous ne voulons pas, c’est qu’en 2018 le gouvernement qui sera au pouvoir soit obligé de faire des réformes brutales.

En déplaçant le curseur aujourd’hui, en faisant une réforme progressive, nous mettons en place – écoutez bien, car tout le monde apprend en écoutant les autres, moi comme vous ! – les fondements d’une garantie de la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Nous mettons en place une condition nécessaire, qu’il faudra encore faire évoluer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Et là, nous avons un point commun dans la réflexion. Oui, c’est vrai, quand on regarde l’évolution des choses, on s’aperçoit que le facteur de production « travail » supporte trop de charges par rapport au facteur de production « capital ». En ce sens, il faut une réforme menée sinon au niveau international, du moins à l’échelon européen, pour accroître les charges pesant sur le facteur « capital », rééquilibrer l'ensemble et ainsi sauver le système social.

Mais ce n’est pas en niant cette réforme que vous favoriserez l’autre. Faisons cette réforme, votons ce projet de loi, et encourageons le Président de la République, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. Jean-Paul Virapoullé. … et les gouvernements de l'Europe occidentale à exiger, sur la scène internationale, une mondialisation loyale et non une mondialisation débridée.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Je voterai cette réforme au nom de la garantie du droit à la retraite. Nous voterons cette réforme parce qu’elle est utile au pays, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. Jean-Paul Virapoullé. … utile aux travailleurs, utile aux familles et qu’elle garantit un droit fondamental : celui d’avoir une troisième vie après le travail !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. Guy Fischer. Pour notre part, nous ne voterons pas cette réforme.

Mme Claire-Lise Campion applaudit. – Exclamations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Elle touchera les hommes et, contrairement à ce que vous dites, particulièrement les femmes.

Au terme de plus de quatre jours de débats, nous voici amenés à exprimer notre vote sur l’un des articles les plus iniques du projet de loi, à savoir le recul de l’âge légal à 62 ans. Le Gouvernement entend faire adopter en urgence les mesures d’âge, les mesures les plus rétrogrades de son texte. Aurait-il peur de l’opinion publique ?

Pourtant, ce que pensent les Français est clair : ils rejettent la réforme, en se prononçant à plus de 70 % pour le maintien de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans.

En contestant cet état de fait, ce gouvernement est dans le déni et la mystification !

N’a-t-on pas entendu, ici même, Éric Woerth nous dire que la réforme qu’on nous soumet est « profondément juste » et que ce « projet est profondément humain » ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’arrogance de ceux qui nous gouvernent n’a pas de limites.

Non, non et encore non, cette réforme n’est pas humaine, ni juste. Elle est profondément injuste, et, en plus, elle sera largement inefficace.

Pour notre part, nous avons fait des propositions très sérieuses – qui méritent d’être explicitées. S’il en fallait une preuve, nous les avons présentées sous la forme d’une proposition de loi, élaborée par les parlementaires communistes et travaillée plus particulièrement avec mon collègue Roland Muzeau ; nous les avons déclinées en douze articles, tous très précis.

L’orateur brandit le document.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En son article 1er, nous proposons d’assujettir les revenus financiers des sociétés financières et des sociétés non financières à une contribution d’assurance vieillesse à un taux égal à la somme des taux de cotisation d’assurance vieillesse à la charge des employeurs du secteur privé, c'est-à-dire à un taux de 9, 9 %. Cela apporterait un surcroît de recettes de l’ordre de 30 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Ensuite, comme nous ne voulons pas asphyxier tout le monde, …

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

… nous prévoyons à l'article 2 une modulation des cotisations patronales d’assurance vieillesse en fonction des choix des entreprises en matière de répartition des richesses, c'est-à-dire en en tenant compte des politiques salariales et des politiques d’emploi. Cette précision est également nécessaire.

Par ailleurs, nous entendons majorer de 10 % les cotisations sociales patronales des entreprises, afin de décourager le recours au temps partiel et aux horaires atypiques. Dans les grandes surfaces de distribution, notamment, on voit se développer cette forme d’esclavage du XXIe siècle, où la plupart du personnel touche un salaire de misère et subit des horaires de travail hachés.

Telles sont donc quelques-unes de nos propositions financières.

Quant à l’objectif du Gouvernement, au travers de son projet de loi, on l’a constaté tout au long des débats, c’est de préserver les revenus du capital, et surtout d’affaiblir les salariés avant tout, en leur faisant porter 85 % du financement de cette réforme.

Nous refusons de cautionner ce recul social sans précédent. Bien sûr, nous voterons contre cet article 5, marqué du sceau de la politique de M. Sarkozy. Il s’agit de la plus grande régression sociale depuis des décennies. Le droit fondamental à la retraite à 60 ans sera aboli. Nous en rediscuterons, car nous entendons le défendre. En tout état de cause, les Français sauront s’en souvenir !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Mes collègues l’ont déjà largement rappelé, quelle étrange manière de procéder que de discuter les articles de ce texte dans le désordre !

Le texte est déjà obscur en lui-même, mais vous vous plaisez à le compliquer à loisir, certainement pour mieux tromper nos concitoyens sur vos réelles intentions.

Monsieur le ministre, ce n’est pourtant pas rendre justice à votre réforme, que vous défendez ardemment malgré les protestations venues de toutes parts, de la rue comme des institutions, à l’exemple de la HALDE.

Cet article 5 est, certes, emblématique de votre réforme, au point que, depuis le début de la semaine, vous faites tout pour qu’il paraisse déjà adopté avant la journée d’action de mardi prochain.

Reporter l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans est profondément injuste, de même que reporter à 67 ans le seuil permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein.

Ceux qui ont travaillé tout au long de leur vie vont devoir travailler encore plus. Par cet article, vous prolongez votre logique du « travailler plus pour gagner plus », mais, en l’occurrence, c’est surtout « travailler encore plus pour gagner toujours moins » !

Ce message, vous l’envoyez à tous ceux qui ont eu une carrière chaotique, passant de petits boulots en missions d’intérim, et à qui vous proposez, de fait, de poursuivre leur activité jusqu’à 67 ans, parce qu’ils n’auront pas d’autres choix.

De qui vous moquez-vous et qui croyez-vous tromper ? N’entendez-vous pas le désarroi de ces femmes et de ces hommes qui sont déjà des travailleurs pauvres et que vous allez condamner à devenir des retraités pauvres !

De plus, cette mesure, je ne cesserai de le marteler, va concerner principalement les femmes, alors que 60 % d’entre elles partent déjà à la retraite à 65 ans pour gagner quelques trimestres supplémentaires et tenter d’accéder au taux plein.

Le taux d’emploi des femmes de plus de 60 ans est pourtant très faible, et elles sont nombreuses à connaître une situation de chômage ou de précarité.

En reculant l’âge d’obtention d’une pension à taux plein de 65 à 67 ans, vous prolongez cette situation précaire que vivent les femmes ayant multiplié les activités tout au long de leur vie, et qui ont élevé leurs enfants tout en exerçant une activité professionnelle. Pour ces femmes, c’est une injustice supplémentaire que nous ne tolérons pas !

Notre opposition à cet article et à l’ensemble de votre texte est d’autant plus vive qu’il s’agit pour vous, monsieur le ministre, d’une première étape... La majorité, sous l’égide des députés Yves Bur et Denis Jacquat, n’a-t-elle pas déposé l’année dernière, à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un amendement prévoyant l’âge de 70 ans ?

Les dispositions contenues dans cet article vont contraindre les salariés à travailler – ou plutôt à essayer de travailler ! – plus longtemps, et donc à vivre moins bien, malgré toutes vos promesses.

Avez-vous conscience que le droit à retraite auquel pouvaient prétendre les actifs sera, pour la première fois depuis l’instauration de la sécurité sociale, moins accessible et moins favorable que celui dont ont bénéficié leurs aînés et les générations antérieures ?

Plutôt qu’une réforme, c’est une régression que vous nous proposez, avec ce simulacre de retraite choisie qui n’est rien d’autre que le renoncement complet, pour l’ensemble de la société, à la retraite à 60 ans !

Cet article consolide les inégalités sociales que vous ne cessez d’accroître, avec votre politique en faveur des revenus du capital ! Il est le ciment de la construction d’inégalités entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien, ceux qui pourront s’offrir le luxe d’une décote et ceux qui ne le pourront pas. Par cet article, vous faites le choix de la mesure la plus injuste socialement.

Contrairement à ce que vous affirmez, cette mesure démographique de relèvement de l’âge légal de départ à la retraite et de l’âge permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein augmentera la précarité, d’ores et déjà accablante, des travailleurs âgés, des femmes et des travailleurs au parcours professionnel chaotique. Vous serez les seuls responsables de cette paupérisation de cette frange de la société, dont les préoccupations, de toute façon, ne vous soucient guère !

D’autres solutions peuvent être envisagées, comme l’a rappelé mon collègue Guy Fischer ; nous avons d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens. Ces solutions sont plus justes, plus respectueuses et plus équitables que la mesure consistant à reporter l’âge de départ à la retraite à 62 ans. Nous savons d’ailleurs que ce report n’est qu’une première étape...

En proposant une telle disposition, avec autant de mauvaise foi, vous allez à l’encontre de vos objectifs comptables, puisque vous ne faites qu’affaiblir notre pays en construisant l’injustice et la régression sociale !

Avec cet article 5, vous mettez à bas ce qui était et demeure aujourd’hui une grande aspiration sociale : le droit à la retraite à 60 ans. Pour ma part, je refuse ce recul de civilisation et je voterai contre cette régression !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Gisèle Printz applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme l’ont dit avant moi plusieurs de mes collègues socialistes et communistes, l’article 5 est au cœur de cette réforme, qui, je le rappelle, n’est rien de moins que globale.

Cet article est évidemment symbolique. Lors de l’intervention de Pierre Mauroy, j’avais les larmes aux yeux – peut-être suis-je un peu trop sensible ? – en pensant aux conquêtes sociales qui ont marqué l’époque où il dirigeait le gouvernement, sous la présidence de François Mitterrand. Je me souvenais de Robert Badinter, défendant à cette tribune l’abolition de la peine de mort. C’était alors un progrès pour la justice. Et je me souvenais de Pierre Mauroy défendant la retraite à 60 ans. Il s’adressait alors au peuple. « Nous vous entendons ! », disait-il aux Français.

Pierre Mauroy parlait, tout à l’heure, des ouvriers qui ne peuvent plus arquer. C’est vrai, messieurs les ministres, la vie a changé... Pourtant, aujourd’hui encore, il y a des salariés, et notamment des ouvriers, qui ne peuvent plus arquer à 60 ans, car ils sont fatigués et occupent des emplois pénibles. C’est le cas des maçons, qui travaillent sur les chantiers par tous les temps, quelle que soit la saison, des femmes de ménage, des travailleurs précaires, des agriculteurs. C’est cela, la réalité !

Vous nous parlez d’avenir, messieurs les ministres. Mais que proposez-vous aux 60 % des plus de 55 ans qui se retrouvent au chômage parce que les employeurs considèrent qu’ils sont trop vieux ? Ils ne travailleront pas plus longtemps, mais vont galérer deux ans de plus ! Alors qu’ils sont déjà chômeurs, ils devront attendre l’âge de 62 ans pour prendre leur retraite. Comment retrouveront-ils du travail entre 60 ans et 62 ans ? C’est un pur leurre, car c’est impossible.

Notre pays ne sait ni accueillir ses jeunes sur le marché du travail, ni maintenir ses seniors dans l’emploi. En effet, un quart des jeunes de moins de vingt-cinq ans et 60 % des personnes de plus de 55 ans sont au chômage. La réponse qu’ils attendent, c’est l’emploi, et non l’abrogation de la retraite à 60 ans, qui est l’une des plus grandes régressions sociales qui soit.

Messieurs les ministres, vous avez voulu que nous examinions en priorité les articles 5 et 6, en partant du principe qu’une fois ces articles votés la loi serait quasiment adoptée et que les Français le comprendraient.

Le rôle des sénateurs de gauche, de ceux qui veulent sauvegarder les acquis sociaux est de mettre fin à cette supercherie et de dire au Français que tout n’est pas fini. Même si l’article était voté, la loi ne serait pas adoptée pour autant ! La loi instaurant le contrat première embauche, le CPE, avait été votée à l’Assemblée nationale et au Sénat. Or, in fine, grâce à la mobilisation des citoyens et des élus, le CPE n’a pas vu le jour.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Cela n’a rien à voir !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je le dis sereinement, mais avec force : tant que la loi ne sera ni votée ni promulguée, il subsiste encore un espoir pour les millions de Français qui refusent cette réforme. Cette pause à l’horizon des 60 ans, ils estiment qu’ils l’ont méritée, car ils travaillent depuis longtemps et exercent un métier pénible. Et l’on voudrait qu’ils travaillent deux ans de plus !

Oui, nous voulons une réforme des retraites, mais pas celle que vous proposez !

Comme l’a très bien dit Bernard Angels, notre réforme est financée, à la fois par une augmentation des cotisations sociales et patronales de 0, 1 % de plus par an pendant dix ans, et par la taxation des revenus du capital et des stock-options. Ce que vous proposez, a contrario, c’est de faire payer toujours les mêmes : ceux qui souffrent, les bas revenus, les bas salaires.

Vous voulez montrer du doigt les Français et les culpabiliser, en leur reprochant le problème du financement des retraites.

Or si les retraites ne sont pas financées, ce n’est pas la faute des Français, des salariés, des femmes et des hommes qui travaillent ; c’est à cause du chômage qui explose depuis que vous êtes aux affaires, et parce qu’il existe un vrai problème de manque d’assiette et de cotisations.

Nous n’acceptons pas l’abrogation de la retraite à 60 ans, non seulement parce que c’est l’une des plus belles conquêtes sociales de ce pays, et peut-être la plus belle de la Ve République, comme disait Pierre Mauroy, mais aussi parce qu’une autre réforme est possible, celle que nous proposons !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-Agnès Labarre et M. Guy Fischer applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Comme l’indique d’emblée M. le rapporteur, « la mesure emblématique du texte est le relèvement progressif de l’âge d’ouverture des droits à la retraite et de l’âge d’obtention d’une pension à taux plein ». Les articles 5 et 6 sont symboliques, en effet, d’un coup de force contre les salariés, contre ceux qui produisent les richesses du pays, mais qui en sont dépossédés.

Je souhaite revenir sur deux des principaux arguments du Gouvernement et de l’UMP, repris par M. le rapporteur.

Ainsi, le recul de civilisation que comporte ce projet de loi puiserait sa légitimité dans l’allongement de l’espérance de vie et dans la nécessité de s’aligner sur la législation en vigueur chez certains de nos voisins européens.

Cette argumentation, qui fit espérer au Gouvernement un succès rapide au printemps dernier, est désormais obsolète. Tout d’abord, les organisations syndicales ont su démontrer aux salariés que le Gouvernement avançait des contrevérités. Ensuite, le débat qui s’est tenu à l’Assemblée nationale et dans le pays tout entier a prouvé que ces arguments ne tenaient pas.

Vous avez invoqué en premier lieu, messieurs les ministres, un argument démographique. Contestez-vous que le taux de natalité important que connaît notre pays permet de garantir la pérennité de notre système de retraite ?

Pour justifier le report de l’âge de la retraite, vous déplacez le débat en invoquant l’allongement de l’espérance de vie. Cet argument est assez scandaleux, d’autant plus que vous refusez toujours de prendre en compte de manière collective et non individualisée la pénibilité du travail !

On a beaucoup parlé, dans cet hémicycle, des professions manuelles, des métiers physiques. Mais il existe aussi une nouvelle pénibilité, liée aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, à la vitesse de circulation de l’information et à une certaine dématérialisation des rapports au travail, sans oublier un stress plus intense dû à l’intensification du management participatif.

Décidément, le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer un droit fondamental, et ne pas devenir une variable d’ajustement de la productivité des entreprises.

Les recherches et les progrès technologiques permettent de vivre plus longtemps et de mieux profiter de sa retraite. Tant mieux ! N’est-ce pas le sens de la marche de notre civilisation ?

Trouvez-vous anodin d’ajouter encore deux années à une vie de labeur qui a duré quarante ans, voire plus ? Dire cela, c’est mépriser le travail et les travailleurs. Cet argument est intenable. A-t-on reculé l’âge de la retraite parce que l’âge auquel on finit ses études est de plus en plus tardif ?

Ce que vous voulez, en fait, c’est réduire la dépense publique, faire payer la crise aux salariés et, au passage, « servir » ceux de vos amis qui dirigent des compagnies d’assurance et autres organismes de capitalisation.

En second lieu, vous avez établi une comparaison avec les systèmes de retraite en vigueur dans les pays voisins.

Certes, l’Allemagne a décidé de fixer l’âge de la retraite à 67 ans. Mais quand cette disposition s’appliquera-t-elle ? En 2020, 2025 ou 2030. Pourquoi ne dites-vous pas, devant cette assemblée, qu’aujourd’hui les Allemands peuvent partir à la retraite avec 35 annuités ?

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Pourquoi ne dites-vous pas qu’un Espagnol peut toucher 50 % de sa retraite au bout de 15 annuités ?

En réalité, cette réforme sera l’une des plus dures d’Europe. Les salariés de notre pays l’ont compris, et c’est ce qu’ils combattent !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Vous touchez à un acquis social historique, au mépris de la volonté exprimée par les Français, notamment ceux d’entre eux qui ont manifesté, en mettant en scène des comparaisons internationales biaisées qui, si on en étudiait tous les dispositifs, montreraient que ce que vous préparez pour la France nous placera, sous couvert d’une prétendue audace, au rang des plus rétrogrades.

Vous détruisez ce seuil de 60 ans, base éthique, sans un regard pour la société du travail, que vous avez dégradée. Jamais la souffrance au travail n’a été aussi prégnante dans le vécu quotidien : inquiétudes, angoisses, consommation d’anxiolytiques, rivalité entre collègues, hiérarchie aveugle et autoritaire, injonctions contradictoires, compression du temps qui empêche les salariés d’exercer correctement leur mission.

France Télécom, des hôpitaux et même France Télévisions deviennent le lieu de suicides. Ceux qui tiennent vivent en apnée durant leur temps de travail. Pour ces salariés, qui ont tant été pris dans l’étau, vous n’avez pas le droit de reculer l’horizon de la pause méritée...

Je ne paraphraserai pas Pierre Mauroy, décrivant avec talent et émotion les ouvriers qui « ne peuvent plus arquer ». Je vous lirai simplement quelques vers de Prévert :

« L’effort humain

n’est pas ce beau jeune homme souriant

debout sur sa jambe de plâtre

ou de pierre

et donnant grâce aux puérils artifices du statutaire

l’imbécile illusion

de la joie [...]

L’effort humain porte un bandage herniaire

et les cicatrices des combats

livrés par la classe ouvrière

contre un monde absurde et sans lois [...]

il sent l’odeur de son travail

et il est touché aux poumons ».

J’évoquerai ceux qui, parfois, semblent ne pas avoir souffert, ceux des solvants, ceux des éthers de glycol, des fibres céramiques, ceux des sels de métaux lourds, ceux à qui le médecin dit un jour que cette fatigue est un lymphome, que cette boule est un cancer, ou que ce désordre urinaire est non pas une affaire de vieillesse, mais la destruction des deux reins.

La « troisième vie » évoquée par M. Virapoullé, ce n’est pas un conte de fée, c’est quelquefois les perfusions et l’hôpital.

Mmes Esther Sittler et Marie-Thérèse Bruguière s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Les contaminations lentes, accumulées années après années, nous en avons tous entendu parler. Qui n’a pas une voisine disant son mari condamné, quelques mois seulement après son départ à la retraite ? Alors deux ans, deux ans pour se reposer, cela compte, cela préserve, cela se préserve, cela ne peut se rayer d’un trait de plume idéologique et technocratique !

Quant à votre changement de l’ordre du jour et à vos déclarations en urgence, ce sont de petits procédés qui relèvent d’une très petite conception de la démocratie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Le Premier ministre Pierre Mauroy nous a offert cet après-midi un grand moment d’émotion. Avec tact et humilité, il a rappelé ce travail important dans lequel brillait comme un joyau la retraite à 60 ans, attendue par des générations.

Sous les habits neufs de son discours, la réponse de l’actuel ministre du travail cachait mal en fin de compte les oripeaux d’un patronat rétrograde, aujourd’hui au MEDEF, hier au CNPF ; avant-hier, c’étaient les maîtres de forges et d’autres avant eux, qui avançaient toujours les mêmes arguments.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Ils veulent étrangler l’humain au nom de l’économie.

Jadis, ils expliquaient qu’il fallait mettre les enfants au travail le plus tôt et le plus longtemps possible, et ce sans congés payés et, bien sûr, sans retraite. Travailler douze à treize heures par jour, c’était normal, puisqu’il s’agissait de sauver l’économie !

Qu’est-ce qui a changé depuis lors ? Rien ! On avance des arguments fallacieux pour justifier une loi scélérate, qui retarde l’âge légal du départ à la retraite de 60 à 62 ans.

Ce matin, on nous a même présenté le fameux élixir du bon docteur Éric, grâce auquel plus on vieillit, plus on est en bonne santé, et qui permet d’obtenir des travailleurs centenaires, mais – acceptons-en l’augure – en pleine forme.

C’est toujours le même discours pour expliquer cette volonté tenace du patronat – qui abuse une majorité des membres du Sénat ou est soutenu par elle – de priver les plus faibles de nos concitoyens de droits élémentaires. C’est une continuité de l’histoire. Notre histoire sociale s’est toujours faite en dents de scie.

Sous la présidence de François Mitterrand, le gouvernement de Pierre Mauroy, comme d’autres responsables de notre famille politique avant lui, a mis un coup d’arrêt à cette volonté patronale et a entrepris des marches en avant.

Aujourd’hui, mes chers collègues, la France n’est pas dupe. Elle gronde, elle se mobilise, elle organise des manifestations. Et il y en aura d’autres !

Nous vivrons peut-être ce soir un moment triste avec la disparition de la possibilité légale pour nos concitoyens de prendre leur retraite à 60 ans, afin de jouir d’un repos mérité. Or, parmi ceux qui demandent à bénéficier de cette mesure et qui sont nombreux, 55% à 60 % sont des ouvriers ou des employés, et non des riches plaçant leur argent en Suisse ou spéculant pour faire de l’argent avec de l’argent. La situation de ces employés et ouvriers a été longuement évoquée ce matin sur toutes les travées de l’opposition.

En effet, sous couvert de modernisme, une majorité se dégagera pour suivre cette voie de l’illusion. Soyez cependant certains qu’un jour ou l’autre nous reviendrons majoritaires dans ce pays, et nous reviendrons alors sur cette loi. L’âge légal du départ à la retraite sera ramené à 60 ans, parce qu’on ne peut arrêter le progrès social du peuple !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Bernard Vera applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Monsieur le ministre, vous justifiez votre réforme en invoquant le prétexte de l’allongement de la durée de vie de l’ensemble de nos concitoyens.

Ce progrès formidable qu’est l’augmentation de l’espérance de vie est le fruit non seulement de l’intelligence collective des peuples, du travail des médecins, des chercheurs et des laboratoires, mais également des conquêtes sociales, parmi lesquelles la réduction du temps de travail, les congés payés, la retraite à 60 ans, le droit au logement, le droit à l’éducation, la santé, la sécurité sociale, le service public. Tout cela a concouru au fait que nous vivons plus longtemps et c’est heureux.

Pour la première fois dans notre histoire, à partir d’une avancée formidable, nous allons assister à un terrible recul. Pour des milliers de nos concitoyens un progrès va se muer en une régression sociale.

Alors qu’on pourrait vivre plus longtemps après une vie de travail et de formation, qu’on pourrait s’occuper de soi, de ses enfants, de ses petits-enfants, mais aussi des autres dans le cadre du temps gratuit que l’on peut offrir à ses concitoyens et qui est valorisant, qu’on pourrait devenir plus cultivé, plus pertinent ou plus critique, l’âge aidant, vous le refusez, au nom d’un choix de société que M. Virapoullé a très bien exposé.

Vous êtes, vous, pour une société dominée par le chacun pour soi et ses slogans : « travailler plus pour gagner plus ! », « quand on veut, on peut ! ».

Nous serions inégaux les uns par rapport aux autres ; la nature est ainsi. M. le ministre l’a clairement expliqué hier, en disant que le maçon en bonne santé prendra sa retraite à 62 ans et que celui qui est malade pourra la prendre dès 60 ans. Ne pourrions-nous pas plutôt faire en sorte qu’aucun maçon de 60 ans ne soit malade ? C’est là le sens du progrès humain.

Les politiques que vous avez mises en œuvre depuis plusieurs années, nous en voyons aujourd’hui les conséquences incontestables : les riches sont plus riches, les pauvres plus pauvres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Nous, nous pensons au contraire que l’émancipation humaine ne peut qu'être le fait de la mise en commun.

Ne me dites pas que je prône ici l’uniformité, l’abandon de l’individualité ou celle de l’individu. Bien au contraire ! Vivre mieux tous ensemble est émancipateur pour chacun. Vous le vérifiez tous les jours autour de vous.

Nous avons la conviction que notre pays a les moyens de garantir une retraite à 60 ans pour tous, laissant la liberté à ceux qui le souhaitent de continuer à travailler plus longtemps. Nous connaissons tous des personnes, notamment dans cet hémicycle, qui souhaitent travailler au-delà de 60 ans ! Et chacun peut le comprendre.

Il est vrai qu’une caissière chez Auchan peut avoir des aspirations différentes et souhaiter partir à la retraite à 60 ans. Je pourrais multiplier les exemples. Nous souhaitons, pour vivre mieux, laisser ce choix à chacun.

Une juste répartition des richesses dans notre société est donc nécessaire. C’est ce que vous refusez par idéologie. Mais, vous le savez bien, la question de la répartition des richesses occupe une place de plus en plus centrale dans le débat de société qui anime notre pays. J’ai la conviction que compte tenu de l’intelligence qui le sous-tend, ce débat finira par emporter l'adhésion collective.

C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ce texte et participerons fortement aux manifestations de mardi

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais ajouter un mot sur la retraite. Le Gouvernement répète qu’il n’y a pas d’argent : il faut donc quelque part la blesser ou en détruire une dimension.

Mais nous connaissons tous ici un peu l'histoire. Quand la retraite a été inventée puis développée dans la forme choisie par les Françaises et les Français après la guerre, au moment même où était créée la sécurité sociale, y avait-il de l'argent en France ? Non ! Le pays était en ruine !

Et, malgré cela, une audace constructive, y compris pour régler la question de la ruine, a permis de donner les éléments d'une vie meilleure aux travailleurs, qui les réclamaient et les avaient mérités par le rôle qu'ils avaient joué dans la Résistance et par le combat à la Libération.

Aussi, je voudrais que l’on cesse de dire qu’il n’y a pas d’argent, d’autant qu’on sait qu’il y en a. Nous avons un exemple historique français où il n'y en avait pas et où on a fait. C’était mon premier argument.

Deuxième argument, et je reviens sur ce que je disais tout à l’heure : à la conférence de Philadelphie – tout de même, ça compte ! –, le Débarquement n’a pas encore eu lieu, nous sommes en mai 1944 et les Alliés se réunissent pour discuter non pas de l’ONU – ce sera plus tard –, pas des accords de Bretton Woods – ce sera également plus tard –, pas de la déclaration des droits et libertés – ce sera plus tard en 1948 –, mais des nouveaux droits sociaux ! Après une guerre de trente ans, de 1914 à 1945, ils pensent en effet qu’il est temps pour la vie humaine d’inventer ces nouveaux droits sociaux.

Vous rendez-vous compte que la France, qui a joué un rôle considérable dans cette élaboration grâce au travail du Conseil national de la Résistance, est aujourd’hui en train non pas d’être en tête, mais de prendre la dernière place ? Vous cassez ces acquis.

Troisième argument, – j’aperçois Robert Badinter, François Autain et Pierre Mauroy était présent tout à l’heure – j’étais au Gouvernement en 1982, mais je lis dans les journaux tous les jours combien le gouvernement actuel se dispute, invente des choses, recourt à ceci ou à cela. Si vous saviez la joie – tu peux en témoigner, Robert – que nous avions en 1982 dans notre gouvernement quand nous avons proposé la retraite à 60 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

M. Jack Ralite. Aussi bien à l’Assemblée nationale qu’ici même, nous étions quelques-uns au banc des ministres, il y avait une opposition, mais elle n’osait pas nous attaquer frontalement parce que nous parlions de la vie des hommes et des femmes qui font la richesse de ce pays.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Enfin, quatrième argument, on parle, à juste titre, de la souffrance au travail, et on a raison d’en parler, mais dans cette loi, – nous y viendrons à un certain moment – vous cassez la médecine du travail. Toutefois, je vais plus loin. Prenons garde de ne pas nous enfermer dans le seul concept de la souffrance au travail et abordons la vraie question, la maladie du travail !

Nombre de discussions ont eu lieu autour de France Telecom, ce que l’autre nuit j’évoquais en m’appuyant sur ce qui se passe à l’Office national des forêts, où, en sept ans, 22 suicides se sont produits. Toutes ces choses-là sont dans le débat, sauf de ce côté de l’hémicycle

l’orateur se tourne vers les travées de droite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Des cheminots de haut talent – ceux qui conduisent les TGV – écrivent qu’ils sont « le gisement de l’efficacité ferroviaire » mais que, comme on les traite mal, on remet en cause, à travers eux, de nouveaux progrès de l’entreprise.

On le voit, on est là sur une vraie question. Au travail, les gens respirent mal. Or, quand on respire mal au travail, on respire mal dans le temps libre. Et là, vous voulez nous faire respirer mal dans la retraite, alors que, comme plusieurs l’ont dit, c’est une autre partie de la vie qui peut s’épanouir. En vérité, pour reprendre le titre d’une nouvelle du grand auteur américain Tennessee Williams, vous voulez transformer les travailleurs, qui, de l’ingénieur à l’OS, quel que soit leur niveau dans la hiérarchie, ont de la curiosité et de l’imagination, en « boxeurs manchots ». Eh bien, je vous l’assure, mardi prochain ils ne seront pas « boxeurs manchots » ni « marcheurs culs-de-jatte » ! Ils marcheront pour la liberté et la vie ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt l’ensemble des explications de vote sur l’article 5. Depuis ce matin, je ne perds d’ailleurs pas une miette de tout ce qui est dit ici.

Vos affirmations, chers collègues de l’opposition, ont fait surgir de ma mémoire la France de 1950, qui était fermée, isolée, avec des frontières douanières et un commerce international très faible. À cette époque, c’est vrai, en tant que franco-français, nous pouvions adopter des mécanismes qui étaient totalement indépendants de ce qui se passait dans le monde.

À cet égard, je me permets de vous rappeler, cher ami Jack Ralite, que le Conseil national de la Résistance a décidé, en 1945, – cette résolution a été reprise par M. Pierre Laroque – de fixer l’âge légal de la retraite à 65 ans. Puisque vous avez oublié d’apporter cette précision, je le fais, de manière à bien éclairer votre intervention.

Marques d’approbation sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Avant de voter l’article 5, et sans reprendre les excellents arguments de mon éminent collègue Jean-Paul Virapoullé, je souhaite insister sur un point : vous avez totalement occulté, chers collègues de l’opposition, une dimension essentielle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Les jeunes, vous allez en entendre parler bientôt !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. Jean-Pierre Fourcade. Car, à écouter l’ensemble de vos arguments, on devine ce que seront obligés de faire les gouvernements dans dix ou vingt ans. Ou bien ils devront augmenter les annuités de cotisation en les portant bien au-delà de 42 ans, c'est-à-dire à 45 ans, 46 ans, voire 47 ans ; ou bien ils devront accroître la fiscalité pesant sur l’ensemble des ménages et des entreprises, ce qui se traduira par un déferlement du chômage.

Mmes Esther Sittler et Marie-Thérèse Bruguière applaudissent. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. Jean-Pierre Fourcade. Voilà à quoi vous condamnez les jeunes de ce pays si vous vous en tenez aux règles actuelles !

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il ne fallait pas puiser dans le Fonds de réserve pour les retraites !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Nous pensons, avec le Gouvernement, que le texte qui nous est présenté, en relevant l’âge du bénéfice d’une pension à taux plein, qui passe de 65 ans à 67 ans, permet d’aboutir à quelque chose de raisonnable et d’équilibré.

Comme je l’ai expliqué ce matin, le mythe du règlement du problème des pensions de retraite par l’aggravation de la fiscalité est une conception française qui n’a plus cours dans le monde.

M. David Assouline s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Tout à l’heure, j’ai été très ému en écoutant M. Mauroy. Mais une question m’a traversé l’esprit : que s’est-il passé quelque temps après l’adoption des mesures qu’il a évoquées ? Il a fallu dévaluer le franc, …

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. Jean-Pierre Fourcade. … ce qui s’est évidemment traduit par une aggravation de la situation des plus démunis.

Nouveaux applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est n’importe quoi ! Il faut travailler ses dossiers !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

On a eu l’euro grâce à François Mitterrand !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous êtes le porte-parole des maîtres de forges !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Tout a été dit et bien dit. Je serai donc volontairement bref, d’autant que je me suis déjà exprimé à plusieurs reprises.

Cher Premier ministre Pierre Mauroy, j’ai moi aussi été particulièrement ému par votre intervention. Elle m’a ramené quelque temps en arrière, lorsque ici même, à ma façon, j’avais apporté mon soutien à la retraite à 60 ans. Avec François Mitterrand, vous avez voulu cette réforme majeure, dans le cadre du gouvernement de progrès auquel appartenaient Robert Badinter, Jack Ralite et Raymond Courrière. Et voilà que, aujourd’hui, au nom, en réalité, d’une certaine idéologie de droite, on veut mettre à bas cette magnifique conquête sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Mes chers collègues, aujourd’hui risque d’être un jour de deuil. Que vous le vouliez ou non, mesdames, messieurs de la majorité, le report de l’âge légal de 60 ans à 62 ans est un recul historique…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

… qui s’ajoutera à un autre recul, prévu à l’article 6 : l’âge du bénéfice d’une pension à taux plein y est reporté de 65 ans à 67 ans ; mais je reviendrai sur ce point.

Avec ces articles 5 et 6, nous sommes au cœur d’un texte de régression sociale que des millions de Françaises et de Français rejettent. Or vous persistez à ne pas vouloir les écouter. En fait, au cours de son mandat, M. Sarkozy aura réussi à abattre l’une des plus belles conquêtes sociales de la Ve République. Il aura réussi à faire travailler plus et plus longtemps, comme en témoigne le relèvement à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite. Quant à gagner plus, c’est une tout autre histoire !

Mesdames, messieurs de la majorité, que vous le vouliez ou non, nous allons vers une société où le temps libre, le temps libéré ou conquis sur le temps de travail sera de plus en plus important. C’est inscrit dans la longue marche de l’humanité. Oh ! je sais bien que certains – toujours les mêmes ! – font et feront tout pour freiner cette évolution. Qu’ils sachent toutefois qu’ils ne pourront jamais – je dis bien jamais – l’arrêter.

Notre passage au pouvoir a été marqué par de belles et grandes conquêtes sociales. C’est d’ailleurs toujours grâce à la gauche, aux organisations syndicales, au mouvement ouvrier, aux travailleurs, que des avancées sociales ont pu avoir lieu dans notre pays.

Mesdames, messieurs de la majorité, que restera-t-il de votre passage au pouvoir ? Le démantèlement des services publics ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Le détricotage de l’État-providence, la compétition de tous contre tous, la chasse aux Roms, une société de spectacle des élites, où l’argent est roi ? Que restera-t-il de votre passage au pouvoir ? La remise en cause de la réduction du temps de travail et de la retraite à 60 ans, la libéralisation à outrance du système énergétique français, qui nous donne pleine et entière satisfaction depuis 1946 ?

Mesdames, messieurs de la majorité, vous avez encore l’occasion de vous ressaisir

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

… en faisant preuve d’humanité. Peut-être suis-je un peu trop naïf, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

M. Roland Courteau. … mais j’ai encore envie de rêver. Après les interventions de Pierre Mauroy, Jack Ralite et tous mes autres collègues du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, j’espère que vous allez réfléchir, vous ressaisir et, en votre âme et conscience, rejeter ce texte scélérat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 5 est le cœur de la réforme puisqu’il propose le relèvement à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite.

Pour parvenir à équilibrer le régime des retraites, vous vous focalisez principalement, monsieur le ministre, sur les aspects économique et démographique. Il aurait été souhaitable que l’approche comptable soit dépassée et que s’engage une réflexion plus globale sur la société et ses évolutions, en prenant notamment en considération les jeunes, les seniors, les femmes et ceux qui exercent une activité pénible.

Le chômage des jeunes et des seniors doit être combattu en priorité pour inscrire de nouveau dans la boucle du travail des cotisants en puissance. Ces derniers sont à la fois les forces vives de la nation et les plus riches en expériences. Or le chômage atteint en France un niveau très élevé : 680 000 emplois ont été détruits en 2009 et la masse salariale a baissé de 1, 4 %.

Monsieur le ministre, avant d’augmenter l’âge de la retraite, encore aurait-il fallu s’assurer que les Français puissent travailler au moins jusqu’à 60 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

En effet, le taux d’emploi de la tranche des 55-64 ans en France n’atteint que 40 %, alors que l’Union européenne avait fixé un objectif de 50 % pour 2010. En repoussant l’âge du départ à la retraite, vous risquez tout simplement d’augmenter chômage et précarité et, par conséquent, de diminuer le niveau des pensions. Près de 70 % des Français qui font liquider leur retraite aujourd’hui ne sont pas en activité.

Vous pénalisez également les personnes qui ont commencé à travailler très tôt et qui devront cotiser plus longtemps que les autres. Pourtant, elles connaissent souvent des conditions de travail très pénibles et leur espérance de vie est inférieure à la moyenne. Certes, vous proposez un dispositif leur permettant de partir un peu plus tôt à la retraite, mais il leur imposera, malgré tout, une durée de cotisation très importante, trop importante !

Or, si la France peut se targuer d’une espérance de vie parmi les plus élevées au monde, elle n’a pas à être fière des inégalités de santé entre les différentes catégories socioprofessionnelles. L’âge de la retraite, vous le comprendrez, n’a pas la même signification selon l’activité que l’on occupe, car les espérances de vie, qui en dépendent, sont inégales. Les salariés qui ont commencé à travailler jeunes subissent souvent les conséquences des métiers les plus usants et les plus durs physiquement. Ils possèdent la plus courte espérance de vie.

Un rapport de l’Institut national d’études démographiques a d’ailleurs mis en exergue l’ampleur de ces inégalités. À 50 ans, l’espérance de vie des professions les plus qualifiées atteint 32 ans pour les hommes, soit près de 5 ans de plus que celle des ouvriers. Par ailleurs, les ouvriers subiront un plus grand nombre d’années de vie en mauvaise santé. À 50 ans, ils passent en moyenne plus de la moitié de leur vie restante en mauvaise santé, alors que, pour les professions les plus qualifiées, la période de mauvaise santé occupe en moyenne une faible proportion de l’espérance de vie.

Parce que cet article 5 est injuste pour beaucoup de nos concitoyens, parce qu’il ne tient pas compte de l’enjeu social et humain de votre réforme, la majorité des sénateurs du groupe RDSE votera contre.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je souhaite répondre à notre collègue Jean-Pierre Fourcade, qui, il faut le reconnaître, a le courage d’être l’un des très rares parlementaires UMP à défendre cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur le président, dès que M. Longuet arrive, je ne peux plus m’exprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Inscrivez-vous pour me répondre, si vous le souhaitez ! Cependant, ne m’interrompez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Oui, mais que M. Longuet ne m’interrompe pas sans cesse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur Fourcade, vous nous avez dit que nous étions en quelque sorte des demeurés croyant vivre dans l’économie fermée des années cinquante.

Monsieur Fourcade, je vais vous parler de nos voisins, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

… qui, vous en conviendrez, sont à l’heure actuelle aussi exposés que nous à la concurrence internationale.

En 2006, nos voisins allemands ont décidé de reporter l’âge ouvrant droit à la retraite à taux plein à 67 ans, mais à l’échéance de 2029. Nos voisins du Royaume-Uni ont prévu de procéder au même report mais à l’échéance de 2036. Autrement dit, nos voisins se sont donné une période de vingt-cinq à trente ans d’adaptation, alors que, de votre côté, vous voulez procéder à ce report en treize ans. Pourquoi ?

En fait, vous vous fondez sur l’espérance de vie à 60 ans de manière totalement indifférenciée.

Comme nous l’a expliqué M. Woerth, puisque cette espérance a augmenté de quatre ans depuis 1982, il est normal de repousser l’âge de la retraite de deux ans, et les salariés devraient d’ailleurs s’estimer heureux que ces limites d’âge ne passent pas respectivement à 64 ans et 69 ans…

Pourquoi nos voisins se sont-ils donné plus de temps, monsieur Fourcade ? Parce qu’ils ont raisonné sur un autre concept, celui de l’espérance de vie à 50 ans sans limitation physique et mentale, soit, pour le dire autrement, le temps restant à vivre à 50 ans dans un état de santé acceptable. Et ils ont considéré, monsieur Fourcade – c’est d’ailleurs ce que disent également les meilleurs auteurs – qu’une réforme des retraites, et notamment le recul de l’âge de départ à la retraite, ne peut être socialement et humainement acceptable tout en étant efficace que si l’on améliore au préalable la santé des citoyens de plus de 50 ans.

Il est donc nécessaire de se donner du temps, pour accumuler un progrès médical suffisant afin d’améliorer la santé de ces citoyens. Voilà la différence, monsieur Fourcade !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur Fourcade, cela signifie que vous auriez pu procéder autrement, même avec votre logique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Vous auriez pu appliquer le raisonnement que nos voisins de l’Allemagne et du Royaume-Uni ont suivi ; vous n’avez pas voulu le faire.

Bien sûr, vous auriez pu vous appuyer sur nos propositions ; nous aurions alors été comblés. J’ai cependant passé l’âge de croire au Père Noël !

Vous auriez pu, à l’instar des Allemands et des Anglais, étaler davantage la réforme dans le temps ! Vous auriez pu faire passer l’âge ouvrant droit à la retraite à taux plein de 65 ans à 67 ans à un horizon plus lointain, par exemple à l’horizon de 2030. Mais vous ne l’avez pas fait ! (M. Jean-Pierre Fourcade désigne le ministre du doigt.) Je ne vous accuse pas, monsieur Fourcade, c’est en effet M. Woerth qui ne l’a pas fait !

En outre, M. le ministre soutient mordicus que le poids de l’effort doit porter, sinon dans son intégralité, du moins pour la quasi-totalité, sur le facteur travail. C’est pourquoi, comme mes collègues l’ont déjà dit à maintes reprises, nous aurons en France, à l’issue de cette réforme, le système le plus régressif et le plus rétrograde de toute l’Europe.

Je le maintiens, et j’attends que l’on me démontre le contraire !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun de vous s’exprime avec beaucoup de conviction ; vous êtes évidemment libres de le faire, surtout dans un débat aussi important.

Cependant, le Gouvernement a lui aussi un certain nombre de convictions, comme la majorité ; M. Fourcade l’a rappelé tout à l’heure.

Lorsque Pierre Mauroy est intervenu il y a quelques instants, c’était un moment d’émotion pour tous dans l’hémicycle. En effet, M. Mauroy a été Premier ministre et, même si l’on ne partage pas ses idées, on a évidemment beaucoup de respect pour l’homme.

C’était un moment d’émotion, mais aussi de nostalgie ; or ce dernier sentiment n’est probablement pas le meilleur pour gouverner un pays, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

a fortiori dans le monde tel qu’il est, c’est-à-dire compliqué, concurrentiel, et où les usines s’en vont parce que certains délocalisent.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mais vous avez supprimé la taxe professionnelle !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Ce monde n’est pas un monde de nostalgie ; il faut l’affronter tel qu’il est et, aussi, chercher à le changer. Il faut le rendre plus solidaire, plus juste. La France a un message à faire passer, mais on ne peut gouverner par la nostalgie.

L’objet de cet article est le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans ; mais 62 ans, c’est l’âge qui tient compte de l’espérance de vie d’aujourd’hui, de la France d’aujourd’hui, alors que l’âge de 60 ans correspond à l’état de la France d’hier.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Vous devez bien intégrer cela pour comprendre qu’aucun système social ne peut fonctionner sur le déficit, car un tel système serait appelé à s’effondrer.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous affirmez que la limite d’âge des 60 ans est une conquête sociale, mais on ne construit aucune conquête sociale sur une défaite économique, car alors ce sont les Français qui paient, ce sont les Français qui trinquent ! D’ailleurs, en général, cela revient à reporter la charge des déficits sur les générations suivantes !

Après 1981 et 1982 est intervenu le tournant de la rigueur : 1983. Nous devons le garder à l’esprit, car, si nous voulons que notre pays soit l’un des plus solidaires et des plus justes au monde – tel est le cas aujourd’hui, grâce à ce qu’ont construit la droite et la gauche, et nous en sommes fiers –, nous devons aussi accepter, à un moment donné, de changer un certain nombre de choses pour respecter les principes républicains qui sont les nôtres.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Faire payer les riches, ce serait un bon changement !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Enfin, réformer les retraites, c’est donner de l’espoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Supprimer le bouclier fiscal, ce serait un bon changement !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Entre l’oraison funèbre de M. Assouline et les excès de Mme Blandin, je ne sais quelle intervention était la plus désespérante. Pour ma part, je choisis le camp de l’espoir, celui de la confiance !

Or, dans le message que nous voulons délivrer aux jeunes ou à ceux qui travaillent aujourd’hui, nous devons bien expliquer la façon dont nous allons construire un système de retraite pérenne, et pourquoi ils pourront dans le futur compter sur ce système.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Peut-on avoir confiance en un système fondé sur le déficit ? Bien sûr que non ! Ce qui pourrait légitimement inquiéter les jeunes, c’est que nous ne réformions pas le système de retraite ; le fait que nous prenions au contraire nos responsabilités pour qu’ils aient accès aux mêmes droits que nous ne peut que rassurer les jeunes !

Si nous ne changeons pas notre système de retraite par répartition, les jeunes n’auront alors pas les mêmes droits que nous ! Leurs droits se dégraderont au fur et à mesure du temps, au rythme du déficit. Nous ne pouvons pas l’accepter !

À vous écouter, nous proposerions la réforme la plus brutale du monde ; ce sont des propos de tribune ! C’est faux ! Au contraire, nous avons conforté le système de retraite le plus généreux du monde !

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Entre 13 % et 14 % de notre PIB est consacré aux retraites ; ce n’est pas le cas dans les autres pays !

Vous affirmez que nous devrions prendre exemple sur le système allemand, mais vous confondez toujours : l’âge de 67 ans auquel les Allemands parviendront, c'est-à-dire le 65 ans d’aujourd’hui, qui est au fond l’âge du taux plein, correspond à nos 62 ans de 2018 !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Vous faites cette confusion parce que cela vous arrange. En vérité, si je vous proposais une mesure identique maintenant, vous seriez les premiers à dire non !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Vous rappelez toujours les trente-cinq ans de cotisations, mais vous oubliez de dire que l’âge légal de départ est fixé à 63 ans et que la décote passera de 7, 5 % à 14, 5 %.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Si vous faites des comparaisons internationales, faites-les en considérant les systèmes étrangers dans leur ensemble !

Quant aux Anglais, ils prévoient de reculer l’âge de départ à la retraite sans décote à 68 ans. Certes, cela s’appliquera totalement dans longtemps, mais aujourd’hui, les Anglais doivent attendre l’âge de 65 ans pour avoir une retraite à taux plein, lequel, très sincèrement, ne représente pas grand-chose. En effet, les retraites sont microscopiques, l’essentiel du montant des pensions provenant en réalité des fonds de pension ! Est-ce le système que vous voulez ?

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Bien sûr que vous n’en voulez pas ! Ne nous donnez donc pas des exemples étrangers que vous travestissez à votre convenance !

Enfin, concernant le Fonds de réserve pour les retraites, le débat n’est pas uniquement technique. Vous accusez le Gouvernement de prélever les ressources du Fonds, donc de prendre aux jeunes de ce pays l’argent qu’ils devraient pouvoir conserver pour affronter les difficultés futures.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Je rappelle que la première personne à avoir utilisé les ressources du Fonds de réserve pour les retraites à d’autres fins que pour les retraites, c’est Mme Aubry !

Marques d’approbationsur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Cette dernière a en effet mobilisé le Fonds de réserve pour les retraites au travers des excédents du Fonds de solidarité vieillesse.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Celui-ci devait financer le FRR, mais ses excédents ont, à l’époque, financé les 35 heures, c’est-à-dire le FOREC, le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, la caisse de compensation des 35 heures. C’est bien ce qui s’est passé ! La première utilisatrice du FRR, c’est Mme Aubry.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous avons essayé de ne pas suivre cet exemple, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… parce que, pour notre part, nous allons utiliser le FRR pour son objet, c’est-à-dire pour les retraites !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Quand vous avez créé le Fonds de réserve pour les retraites, vous l’avez fait précisément pour ne pas faire de réforme et pour passer un cap démographique.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Pour notre part, nous faisons une réforme, nous adaptons notre système de retraite !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Et le FRR sans réforme n’est pas le FRR avec ou après une réforme ! Pour construire notre réforme, nous nous sommes d’ailleurs appuyés sur les travaux du COR, le Conseil d’orientation des retraites, lequel prend en compte la « bosse » démographique.

Dans ces conditions, il paraît donc bien naturel d’utiliser le Fonds de réserve pour les retraites ! En réalité, si nous ne le faisions pas, nous laisserions de côté une caisse dotée de 33 milliards d’euros qui pourrait être utilisée pour les retraites. C’est comme si l’on avait une grande réserve d’eau que l’on décidait de n’utiliser que dans vingt ans pour faire face à un incendie, et que l’on préfère tout laissait brûler si l’incendie se déclarait avant l’échéance plutôt qu’utiliser la réserve à notre disposition. Non ! Il faut bien évidemment utiliser ce fonds aujourd’hui, dans le cadre précis du financement des retraites. Cette mesure est protectrice pour nos jeunes !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

En effet, si nous n’utilisons pas le Fonds de réserve pour les retraites, cela revient en réalité à laisser dériver le système de retraite. Dès lors, ce sont les jeunes qui paieront.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Qui paiera la multitude d’impôts que vous nous proposez ? Ce sont les jeunes de ce pays, ce ne sont pas les personnes plus âgées !

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Non ! Il ne faut pas inverser les rôles !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

La réforme du système de retraite est évidemment protectrice pour les jeunes.

En réalité, il n’y a pas d’autre projet de réforme que celui que nous proposons.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Le parti socialiste n’a pas de projet.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Persister dans cette idée serait de votre part manifester d’une certaine façon un réel manque du sens des responsabilités pour une réforme aussi importante.

Ce gouvernement prend ses responsabilités, ainsi que cette majorité, comme on le verra, je l’espère, lors du vote décisif de cet article 5. En effet, par cet article, nous affirmons tout simplement que nous croyons au système de retraite par répartition, que nous croyons à la solidarité entre les générations, à la solidarité intergénérationnelle ; que nous croyons que, pour qu’un tel système soit durable et que nos jeunes puissent en bénéficier à l’avenir, il faut le modifier régulièrement.

Parce que tout change

Pas pour tout le monde ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

, il nous faut aussi changer afin que notre pacte républicain reste, demain, exactement le même qu’aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix l'article 5.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste, l'autre, du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’article.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici le résultat du scrutin n° 11 :

Nombre de votants341Nombre de suffrages exprimés339Majorité absolue des suffrages exprimés170Pour l’adoption186Contre 153Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

C’est un acte de dé-civilisation ! Pour applaudir si peu, vous devez vraiment avoir honte !

(Non modifié)

I. – Le premier alinéa de l’article L. 351-1 du même code est ainsi rédigé :

« L’assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l’assuré qui en demande la liquidation à partir de l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2. »

II. – Le 1° de l’article L. 351-8 du même code est ainsi rédigé :

« 1° Les assurés qui atteignent l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 augmenté de cinq années ; ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans cette réforme des retraites, ou, en tout cas, dans ce que le Gouvernement appelle la réforme des retraites, il y a beaucoup de non-dits.

Avec cet article 6, nous entrons dans le non-dit par excellence. Que fait cet article ? Il consacre l’allongement de la durée de la vie professionnelle en ouvrant droit à pension à compter de 62 ans révolus, sous réserve de disposer des annuités nécessaires, et à 67 ans à taux plein, l’augmentation de deux ans de l’âge légal se répercutant sur l’âge limite.

Une telle mesure a évidemment des conséquences multiples, dont la moindre n’est pas de permettre de réaliser à terme des économies sur le dos de la santé des salariés et des retraités, et raccourcit d’autant la durée potentielle de perception de toute retraite ou pension.

Prenons le problème à travers le prisme de l’espérance de vie, ce concept au demeurant discutable, puisqu’il s’agit de déterminer l’âge à partir duquel les natifs d’une génération sont majoritairement décédés.

Dans une étude menée par les services de l’INSEE il y a déjà quelques années et reprise dans les documents préparatoires aux dernières lois de financement de la protection sociale, les différences d’espérance de vie sont connues pour être particulièrement importantes selon les catégories professionnelles.

Ainsi, à 35 ans, selon cette étude, un ouvrier disposait d’une espérance de vie de 39 ans, et pouvait donc atteindre l’âge de 74 ans, tandis qu’un cadre pouvait escompter vivre encore 46 ans, c’est-à-dire atteindre l’âge de 81 ans.

Toutes les catégories sociales ont gagné en espérance de vie depuis plusieurs décennies – en partie grâce à la sécurité sociale, financée par le travail de tous –, mais les écarts demeurent sensibles.

En supposant en effet que notre ouvrier ait atteint 42 annuités cotisées à 62 ans, il n’aura au mieux que 12 ans de perception de pension, tandis que le cadre, même en étant contraint de travailler jusqu’à 67 ans, disposera d’au moins 14 ans de versement.

Le document de l’INSEE était d’ailleurs implacable : les ouvriers, les employés et les inactifs non retraités constituaient les trois catégories professionnelles dont l’espérance de vie était inférieure à la moyenne.

C’est donc, profondément, une mesure d’injustice sociale que celle que l’on nous invite aujourd’hui à voter avec cet article 6.

Avec la retraite à 60 ans, un ouvrier travaillerait 40 ans et toucherait 14 années de pension, soit un rapport de 2, 85 années cotisées pour 1 année de retraite.

Avec la retraite à 62 ans, ce sera 42 ans de travail et 12 de pensions, soit un rapport de 3, 5 années cotisées pour 1 année de retraite, c’est-à-dire une hausse d’un quart de la proportion !

Le tout pour avoir le bonheur de toucher une retraite indexée sur l’évolution des prix, c’est-à-dire dont le pouvoir d’achat sera définitivement gelé de la date de cessation d’activité à celle du décès !

Mes chers collègues, voilà quelques bonnes raisons de rejeter fermement cet article 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, nous voilà arrivés à l’examen de la seconde disposition phare de la réforme : le relèvement de l’âge d’annulation de la décote.

Cette mesure, qui fait passer de 65 à 67 ans l’âge du droit à la retraite à taux plein, est « ambitieuse », selon le ministre, mais ne s’agit-il pas, en réalité, de réduire encore les acquis des plus fragiles d’entre nous ?

On le voit, l’ambition de ce gouvernement est sans limite. Cela ne l’effraie pas de prendre aux plus faibles pour ne pas toucher aux acquis des plus riches. Voilà l’enjeu !

M. Woerth nous l’a dit, cette mesure fait partie d’une réforme « juste ». Fragiliser les plus faibles est donc « juste ». Les Français devraient être rassurés

M. Alain Vasselle s’exclame

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Ce sont elles qui, déjà victimes de conditions de travail précaires, devront travailler deux ans de plus, jusqu’à 67 ans, pour espérer toucher leur retraite à taux plein. Et quel taux plein !

Comme le souligne M. le rapporteur dans son rapport : « Les assurés qui attendent 65 ans pour prendre leur retraite et qui ont une durée d’assurance inférieure au taux plein reçoivent les pensions plus faibles et bénéficient fréquemment du minimum contributif ». Et il précise : « Les femmes représentent les deux tiers de ces assurés ».

En effet, à la fin de 2007, 70 % des retraités du régime général touchant le minimum contributif étaient des femmes. Cette tendance se confirme.

Parmi les retraités pauvres, huit sur dix sont des femmes. Cela s’explique : ce sont encore les femmes qui, arrivées à 65 ans, âge actuel de la retraite sans décote, ont une durée moyenne sans emploi de 20, 5 ans. À cela s’ajoute le fait que, lorsqu’elles travaillent, les femmes perçoivent des salaires inférieurs de 27 % à ceux des hommes.

Leurs conditions de travail sont en outre précaires. Elles sont les premières destinataires des CDD, des contrats aidés et du temps partiel subi.

Comment pourraient-elles, dans ces conditions, bénéficier de pensions décentes ? Au final, les retraites des femmes sont inférieures de 40 % à celles des hommes.

On pourrait encore multiplier les données statistiques, mais elles sont toutes plus affligeantes les unes que les autres…

Ces statistiques, le Gouvernement les connaît. Il sait la précarité de la situation de nombreuses femmes, et cela ne l’empêche pas de nous demander de voter le relèvement de l’âge d’annulation de la décote.

Ce gouvernement n’a tenu aucun compte des avis du Conseil d’orientation des retraites ou de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ; mais puis-je encore parler de la HALDE, alors que ce même gouvernement a obtenu sa disparition...

M. Woerth nous dira que les deux amendements déposés hier par le Gouvernement en faveur des femmes viennent corriger les discriminations dont elles sont victimes. C’est faux !

Le tour de passe-passe de l’Élysée ne doit tromper personne. Le Gouvernement ne fait pas un geste en faveur des femmes ; il fait un geste en faveur des mères de famille et des femmes handicapées.

C’est une discrimination dans la discrimination.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Les mères de famille ne sont pas des femmes, peut-être ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Doit-on rappeler à M. Woerth que toutes les femmes ne sont pas des mères de famille ?

Vous avez une conception dépassée de la femme. L’aumône que le Gouvernement dit consentir aux femmes, il ne la consent en réalité qu’à une partie d’entre elles. Ces modifications étaient souhaitables ; elles ne sont pas pour autant suffisantes.

Cette aumône ne pourra mettre un terme à la contestation. Les mouvements sociaux suscités par votre réforme ne se dilueront pas grâce aux petites miettes que vous concédez.

Tout au plus le Gouvernement – peut-être devrais-je dire le Président Sarkozy – récupérera-t-il une partie de son électorat grâce à l’effet d’annonce des amendements de M. Woerth.

Les bonnes mères de familles seront peut-être rassurées. Et les autres ? Que proposez-vous pour les autres femmes ? Celles qui n’ont pas eu d’enfant ou qui n’en ont pas eu trois ? Rien ! Pour elles, vous ne proposez rien qu’une retraite minable.

Nous refusons cette discrimination larvée. Nous refusons le relèvement de l’âge d’annulation de la décote à 67 ans. C’est pour cela que nous serons obstinément contre cet article 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Angels

Monsieur le secrétaire d’État, en premier lieu, cette mesure de relèvement de l’âge d’annulation de la décote risque de rendre encore plus difficile la situation des femmes. En effet, jusqu’à présent, elles ne peuvent, majoritairement, partir dès 60 ans faute d’avoir pu cumuler suffisamment d’annuités.

Or ce texte ne règle rien. Pire, il proroge ce phénomène : de nouveau, ce seront elles qui, majoritairement, devront attendre leurs 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Si elles choisissent de partir plus tôt, ce sera avec une retraite amputée de la décote.

En outre, étant donné que ce texte ne règle pas le problème des personnes exclues du marché du travail, notamment des seniors, cette mesure n’est pas sans impact sur l’assurance chômage. En effet, chaque année, entre 20 000 et 30 000 personnes resteront plus longtemps au chômage. Cela coûtera près de 265 millions d’euros par an à la seule UNEDIC.

Or, à cette somme, il faut ajouter le surplus dû au relèvement du nombre d’années de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein, ainsi que celui résultant de la part élevée que représentent les 55-60 ans parmi les personnes en situation de chômage.

Enfin, en relevant l’âge d’annulation de la décote à 67 ans, vous condamnez de nombreux salariés à ne pas profiter pleinement de leur retraite. Je me contenterai de citer, à l’appui de mon argumentation, deux chiffres qui viennent d’un organisme dont l’impartialité ne peut être contestée, l’INSEE.

Cet institut s’est intéressé au calcul de l’espérance de vie « en bonne santé », c’est-à-dire sans limitation d’activité ou sans incapacité majeure liée à des maladies chroniques, aux séquelles d’affections aiguës ou de traumatismes.

Cette espérance de vie en bonne santé était estimée en 2007 à 63, 1 ans pour les hommes et à 64, 2 ans pour les femmes.

Il est inadmissible de contraindre ainsi les salariés les plus fragiles, ceux dont les parcours professionnels sont souvent difficiles et irréguliers, et dont les revenus dépassent souvent à peine le SMIC, à rogner sur leur temps de vie en bonne santé pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Nous sommes nombreux sur ces travées à avoir rappelé que d’autres leviers auraient dû être mis en œuvre pour ne pas faire reposer la question du financement de notre régime de retraites sur les seuls salariés, a fortiori s’ils sont déjà en situation de fragilité. Mais vous les avez sciemment occultés…

Mme Raymonde Le Texier applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Avec cet article 6, monsieur le secrétaire d’État, nous abordons la seconde mesure d’âge que vous prétendez indispensable et urgente pour préserver notre système de retraite par répartition.

Cet article est la conséquence mécanique de l’article 5, qui relève de deux ans la possibilité, et non l’obligation, de faire valoir ses droits à la retraite.

Il prévoit un relèvement progressif de deux ans de l’âge du bénéfice d’une pension à taux plein, qui passe de 65 à 67 ans.

La raison qui sous-tend cette seconde mesure est toujours la même : l’allongement de la durée de vie nécessiterait un allongement du temps passé à travailler.

Cette mesure ne réglera aucun des problèmes qu’elle prétend résoudre, car cette apparente évidence ne tient pas face à la réalité de la société dans laquelle nous vivons.

D’une part, le recul de l’âge légal de la retraite à 62 ans contraint les salariés ayant commencé à travailler tôt à cotiser au-delà de la durée légale.

D’autre part, pour la majorité de nos concitoyens, l’âge moyen du départ en retraite se situe d’ores et déjà au-delà de la borne d’âge légal des 60 ans, en raison d’une entrée plus tardive dans la vie active. Aujourd’hui, en effet, un retraité sur dix doit attendre ses 65 ans pour prendre une retraite sans décote.

Cette apparente évidence ne tient pas compte non plus de la réalité de la situation de l’emploi. L’obligation de travailler plus longtemps pourrait, à la rigueur, se justifier si les entreprises gardaient leurs seniors – elles licencient en moyenne à 58 ans – et si l’économie créait les emplois nécessaires pour intégrer les chômeurs et les jeunes qui entrent sur le marché du travail.

Comme ce n’est pas le cas, vous allez simplement reporter le déficit du régime vieillesse vers l’assurance chômage et rendre illusoire un retour à l’équilibre en 2018. La ficelle est un peu grosse à l’heure où vous vous préparez, comme tous les gouvernements en Europe, à présenter un budget de rigueur dont l’effet sera précisément de tuer la reprise et l’emploi.

Économiquement inefficaces pour préserver financièrement notre système de retraites, ces mesures d’âge sont également socialement injustes. Le passage de 65 à 67 ans pour une liquidation, sans décote, des carrières discontinues dont traite cet article est proprement scandaleux. C’est une ignominie sociale, car cette mesure conduira inéluctablement à une diminution des pensions versées.

En procédant ainsi, vous pénalisez encore plus tous ces salariés qui, par exemple, ont déjà eu à subir l’injustice du licenciement économique, de l’emploi précaire ou du temps partiel imposé. Vous leur infligez en quelque sorte une double peine.

Ces mesures concernent plusieurs générations d’actifs qui sont entrées dans la vie professionnelle depuis une vingtaine d’années et qui arriveront à l’âge de la retraite au moment où entreront en vigueur les dispositions de cet article 6. Ces générations subiront donc de plein fouet le relèvement de la borne d’âge de 65 à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Cet article 6 est, de nouveau, révélateur de la conception purement utilitariste du travail qui est la vôtre. Nous y sommes radicalement opposés et nous le manifesterons à travers nos amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

L’article 6 de ce projet de loi, qui repousse à 67 ans l’âge de la retraite sans décote, est peut-être celui qui symbolise le mieux le caractère parfaitement injuste et complètement inefficace de votre réforme, monsieur le ministre.

Pourquoi inefficace ? On nous répète à l’envi que le sauvetage de notre système de retraites par répartition ne peut passer que par le recul de l’âge légal de départ à la retraite et, en conséquence, par un recul de l’âge du taux plein.

Toutefois, malgré ces paroles incantatoires, nous savons tous que le taux d’emploi des seniors contredit de manière flagrante cette supposée logique.

Soyez lucides : plus de 85 % des personnes atteignant 65 ans sont déjà hors de l’emploi. Le report de l’âge du taux plein à 67 ans signifie donc très clairement, selon les chiffres de Pôle emploi, que, chaque année, 20 000 à 30 000 personnes resteront deux années de plus au chômage et coûteront 300 millions d’euros par an, non pas à l’assurance retraite, mais à l’assurance chômage… Joli tour de passe-passe et, surtout, joli jeu de dupes !

Par ailleurs, la terrible injustice qui procède de cette réforme se manifeste pleinement dans cet article 6. Seront en effet pénalisés en priorité les salariés qui ont connu des carrières précaires et morcelées, c’est-à-dire, pour 80 % d’entre eux, des femmes, dont la situation a déjà été longuement évoquée par mes collègues. En conséquence, les femmes continueront à travailler plus que les hommes, pour gagner moins que les hommes…

L’iniquité de cette mesure revêt une acuité particulière chez les Français établis hors de France. Je parle, rassurez-vous, de ceux qui ont cotisé auprès de caisses de retraite françaises, et je ne ferai qu’évoquer le cas douloureux des recrutés locaux auprès des institutions françaises – ambassades, consulats, centres culturels, etc. Alors même qu’ils œuvrent au rayonnement de la France, ces recrutés locaux ne sont pas concernés par cette réforme, car ils sont le plus souvent privés de toute retraite, ce qui est proprement scandaleux.

Mais je reviens à mon sujet. Les Français de l’étranger sont, par la force des choses, beaucoup plus mobiles, coutumiers des carrières discontinues entrecoupées, au fil des pays de résidence, de périodes de chômage, de périodes de travail sans cotisation ou encore, pour les fonctionnaires, de périodes de mise en disponibilité pour cause de recrutement sur les fameux « contrats locaux » que je viens d’évoquer...

La situation au regard des retraites est pire encore pour les conjoints d’expatriés – au sens large du terme –, plus précisément pour les femmes contraintes de renoncer à toute activité professionnelle durant les périodes de service à l’étranger de leur conjoint, faute de droit à l’emploi dans le cadre de la législation locale ou de possibilité d’embauche.

À l’heure de la retraite, les Français de l’étranger figurent donc parmi les plus défavorisés. Pour tenter de pallier cette particulière vulnérabilité, jamais considérée dans le projet de loi du Gouvernement, mes collègues Monique Cerisier-ben Guiga, Richard Yung et moi-même avons déposé un certain nombre d’amendements, sur lesquels nous reviendrons peut-être si cet article devait malgré tout ne pas être supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

En prenant la parole sur l’article 5, j’ai dit ma désapprobation devant le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans qui nous était proposé.

Je vous fais part à présent de ma consternation, mes chers collègues. L’article 6 nous conduit en effet au cœur de l’injustice véhiculée par ce texte, dont il constitue une pièce maîtresse.

Il faut d’abord nous expliquer, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans a nécessairement pour conséquence le décalage de 65 à 67 ans de l’âge de départ à taux plein, c’est-à-dire de l’âge où l’on ne subit plus de décote, le montant de la pension de retraite restant bien évidemment fixé au prorata du nombre d’années de travail pendant lesquelles le futur retraité a cotisé.

Pourquoi le relèvement de la première borne d’âge imposerait-il de relever la seconde ? Cela reste un mystère pour moi, mais aussi, me semble-t-il, pour la majorité de nos concitoyens.

Par contre, j’en vois toutes les conséquences et tous les dangers pour les Françaises et les Français. Cette mesure est particulièrement pénalisante pour les femmes, mais aussi pour les personnes qui ont occupé des emplois précaires, et on ne redira jamais assez comment est ressentie cette mesure.

Ces femmes sont très nombreuses, et le seront encore plus, hélas, dans l’avenir, compte tenu de l’instabilité accrue du marché de l’emploi. Beaucoup de ces personnes risquent in fine de basculer, non pas dans une prise en charge par l’UNEDIC, mais tout simplement dans le RSA, en attendant l’âge de la retraite à taux plein à 67 ans. Le RSA deviendra ainsi l’antichambre de la retraite pour nos concitoyens les plus fragiles !

Sur le plan financier, c’est aussi une très mauvaise nouvelle pour les départements. Ils risquent en effet de subir directement les conséquences de cette situation, alors qu’en l’état actuel de leurs finances ils n’ont vraiment pas besoin d’un accroissement de leurs charges.

Mme Bariza Khiari acquiesce

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Si l’on veut agir concrètement en faveur de l’égalité des femmes par rapport aux hommes au moment de la retraite, et lutter contre la perpétuation de la pauvreté pour celles qui sont retraitées, notamment lorsqu’elles sont isolées, il ne faut pas commencer par les empêcher de prétendre à une retraite à taux plein avec un décalage de deux ans, ce qui serait le cas si ce scandaleux article 6 était adopté.

Et ce n’est pas l’amendement gouvernemental, déposé à la hâte hier matin, qui changera fondamentalement le caractère injuste de cet article, puisqu’il ne profitera qu’à 130 000 femmes, nées entre 1951 et 1955.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Rappelons que, dès à présent, un retraité sur six doit attendre ses 65 ans pour prétendre à une retraite sans subir de décote. Je parle non pas d’une population minoritaire, mais bien de cohortes de retraités.

Ce n’est pas neutre sur le plan humain, car cette mesure va surtout concerner des personnes qui ne disposent pour vivre que de quelques centaines d’euros par mois, alors que le coût de la vie – je pense que personne ne me démentira sur ce point – ne cesse d’augmenter.

Veut-on pousser une partie de plus en plus importante des Français à la paupérisation, voire à la misère ? Je rappelle que le minimum vieillesse s’élève à 709 euros par mois, et que le seuil de pauvreté est fixé à 910 euros par mois pour une personne seule. Cela nous porte à réfléchir !

Aujourd’hui, avant même que cette réforme n’ait fait son œuvre, un million de retraités vivent déjà au-dessous du seuil de pauvreté. Un million, monsieur le secrétaire d’État ! Et nombre de ceux qui travaillent, eux-mêmes de futurs retraités pauvres, ne sont pas très loin de ce seuil.

Oui, nous refusons cet horizon d’indigence que le Président de la République et le Gouvernement veulent imposer à des centaines de milliers de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

M. Jacky Le Menn. Sans surprise, nous voterons donc contre cette triste disposition, ce scélérat article 6, si toutefois notre amendement de suppression est rejeté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet article relève de 65 à 67 ans l’âge du taux plein. Comme nous n’avons eu de cesse de le dire, il s’agit d’une grave injustice sociale.

Cette disposition pénalisera particulièrement les salariés précaires et les femmes. Il n’est pas juste que les mêmes conditions de départ en retraite s’appliquent à tous, s’en tenir compte des parcours de chacun et des perspectives d’espérance de vie.

Des alternatives existent pourtant, comme la prise en compte de la pénibilité ou la retraite choisie. Nous aborderons ces pistes dans la suite de cette discussion.

Les salariés précaires et ceux qui sont exposés à des travaux pénibles pourront difficilement travailler deux années supplémentaires.

Comment expliquer aux salariés qui ont travaillé avec des horaires décalés, qui ont été exposés au bruit, aux vibrations ou au port de charges lourdes, qui ont manipulé des substances toxiques, cancérigènes, qui ont travaillé dans des conditions extrêmes de froid, dans les abattoirs, par exemple, qu’ils devront travailler deux années supplémentaires ?

La pénibilité du travail n’est pas reconnue dans ses conséquences sur l’espérance de vie des salariés qui y ont été exposés. Or ces mêmes salariés ont une espérance de vie plus courte, puisque l’on sait, par exemple, que celle d’un ouvrier est en moyenne inférieure de sept années à celle d’un cadre.

Il y a pire : à 35 ans, un ouvrier peut statistiquement espérer connaître encore vingt-quatre ans de bonne santé, soit dix ans de moins qu’un cadre. Comment expliquer à ces salariés précaires, qui n’ont pas été déclarés inaptes au travail, qu’ils devront travailler deux années supplémentaires ?

Par ailleurs, ce report va entraîner un prolongement du chômage pour les nombreux salariés qui ne sont plus en activité lorsqu’ils partent à la retraite, ce qui les pénalisera financièrement tout en reportant les charges financières sur d’autres comptes sociaux.

Les femmes, qui ont majoritairement des carrières morcelées et précaires, devront attendre jusqu’à 67 ans pour partir en retraite. Sans quoi, elles subiront l’application de la décote, donc une baisse du niveau des pensions pouvant aller jusqu’à 25 %, alors que leurs pensions sont toujours inférieures de 30 % à celles des hommes…

Les femmes ont des carrières morcelées à cause de l’éducation des enfants. En effet, seulement 1, 5 % des pères ayant un emploi cessent ou réduisent leur activité après la naissance d’un enfant, contre 35 % des mères. Et cela ne concerne pas que celles qui ont eu trois enfants, je le dis en réponse à l’amendement d’aumône que vous avez annoncé hier.

Certes, le taux d’activité féminin baisse beaucoup après la naissance du troisième enfant : alors que le taux d’activité des mères d’un jeune enfant est de 81 %, il est de 36 % pour les mères de trois enfants de moins de trois ans. Ce taux passe à 51 % quand les enfants sont tous scolarisés.

Par conséquent, 44 % des femmes retraitées valident une carrière complète, contre 86 % des hommes retraités. Et un tiers des femmes avaient validé moins de vingt-quatre ans d’assurance.

Cela a un impact direct sur le montant des retraites : 1617 euros pour les hommes et 1011 euros pour les femmes, pensions de réversion incluses. Et ce sont des moyennes, ce qui signifie que la moitié des femmes perçoivent une pension inférieure à la pension équivalente au seuil de pauvreté défini par la Communauté économique européenne, soit 880 euros.

De plus, la faiblesse des pensions féminines n’est que partiellement corrigée par les droits familiaux, soit l’assurance vieillesse des parents au foyer, AVPF, la majoration de durée d’assurance, MDA, et les majorations de pension pour trois enfants, qui représentent, en moyenne, 16 % des pensions pour les générations actuellement à la retraite. Sans l’apport de ces droits familiaux, la pension moyenne de droit propre des femmes représenterait non pas 48 %, mais seulement 42 % de celle des hommes.

Les femmes souffrent de carrières précaires à cause du chômage, du temps partiel et des emplois peu qualifiés qui les touchent en majorité

Les femmes sont plus frappées par le chômage que les hommes, et ce à tous les âges. En 2007, le taux de chômage des femmes âgées de 25 à 49 ans était encore supérieur de 1, 5 point à celui des hommes.

Par ailleurs, les femmes sont les premières concernées par le développement du temps partiel depuis les années quatre-vingt.

La plupart des femmes occupent durablement des emplois peu qualifiés : 60 % des employés non qualifiés sont des femmes.

Par conséquent, dans le secteur privé comme dans la fonction publique, les femmes liquident leurs droits à la retraite en moyenne plus tardivement que les hommes ; la mesure visant à reculer à 67 ans la seconde borne d’âge les touche donc particulièrement : 61, 5 ans pour les femmes et 60, 1 ans pour les hommes de la génération née en 1938. En particulier, les anciennes salariées du secteur privé nées en 1938 ont été 40 % à faire valoir leurs droits à 65 ans ou plus, contre 16 % des hommes de cette génération.

Si c’est une injustice pour tout le monde, ce passage de 65 ans à 67 ans frappe de plein fouet une majorité des femmes dans ce pays. C’est insupportable !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Claire-Lise Campion, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Claire-Lise Campion

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez la conviction que le déplacement du curseur de 60 ans à 62 ans induira une remontée de l’emploi des personnes de plus de 55 ans. Nous vous avons démontré le contraire tout au long de nos interventions.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : six Français sur dix sont sans emploi lorsqu’ils partent à la retraite. Voilà, malheureusement, la réalité de l’emploi des seniors !

Or, que nous proposez-vous avec cet article 6, particulièrement injuste ? Attendre non plus 65 ans, mais 67 ans pour partir en retraite sans décote, pour partir avec une retraite à taux plein.

En matière de dépenses, où est l’économie que vous défendez ?

L’allongement de deux années supplémentaires de la période de précarité dans laquelle vivent un grand nombre de nos concitoyens va les obliger à recourir aux minima sociaux. Le RSA pourrait ainsi devenir la variable d’ajustement.

Vous gagnez, d’un côté, deux années de pension des Français mais cette prétendue économie va peser en partie sur les collectivités locales. Encore une fois, l’État alourdit au passage la barque des collectivités, notamment les départements !

Cette mesure est tout aussi contestable sur le plan humain.

Obliger un grand nombre de nos concitoyens à vivre ces deux années supplémentaires de la solidarité nationale n’est pas acceptable.

Cette situation de chômage est subie. Ces Français recherchent un emploi depuis des années et ne demanderaient qu’à contribuer à augmenter la richesse nationale, à vivre de leur travail, à transmettre leur savoir.

Les femmes sont particulièrement concernées. Parmi celles qui liquident leur pension à l’âge de 65 ans, la grande majorité est, en fait, éloignée du marché du travail depuis de nombreuses années. Elles liquident leur retraite à 65 ans pour éviter l’application d’une décote sur une pension déjà faible, trop faible. Et on en connaît les raisons : carrières interrompues, chômage, temps partiel, emplois précaires, emplois non qualifiés.

Cette mesure est injuste ! Vous accentuez les inégalités envers les salariés qui attendaient 65 ans, principalement les femmes, je le redis, pour liquider leurs droits à retraite, et ceux qui devront attendre d’avoir 67 ans.

Certes, la question se pose de savoir si le système de retraite peut corriger des injustices ancrées depuis longtemps dans notre société. Mais les chiffres sont sans équivoque et ils doivent encore et encore être rappelés. Les femmes ont, en moyenne, une retraite inférieure de 40 % à celle des hommes. Elles ne sont que 44 % à effectuer une carrière complète, contre 86 % des hommes.

Cette inégalité trouve aussi son origine dans la disparité des rémunérations entre hommes et femmes. Elle est estimée à 23 %. Allons-nous attendre que l’égalité soit un jour réalité ? Non ! Et ce ne sont pas les annonces que nous avons entendues ces derniers jours qui changeront quoi que ce soit, malheureusement, pour les femmes de notre pays.

Pour toutes ces raisons, vous devez renoncer à élever l’âge auquel les salariés pourront prétendre à une retraite à taux plein. Vous devez renoncer à cet article 6. C’est impératif !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis quelques années, nous assistons à un changement de notre modèle républicain. À l’instant, nous avons même assisté, en direct, à l’une des plus grandes récessions sociales que la France ait connues ces dernières années, je veux parler du vote de l’article 5 revenant sur l’âge de la retraite à 60 ans et le portant à 62 ans.

Mais, je le redis ici, le débat n’est pas fini au Parlement, le débat n’est pas fini avec les citoyens ! Tant que l’arbitre n’a pas sifflé la fin du match, on peut encore y croire !

Avec cet article 6, appelé par priorité, nous abordons le relèvement de 65 ans à 67 ans de l’âge de la retraite à taux plein.

Je voudrais simplement évoquer le problème que rencontrent les personnes les plus âgées, celles qui s’entendent dire, à 45 ans, qu’elles sont trop vieilles pour pouvoir être embauchées. Et, dans le même temps, les jeunes, eux, s’entendent dire qu’ils n’ont pas assez d’expérience pour pouvoir être embauchés.

Ce pays ne sait ni accueillir ses enfants ni garder ses seniors au travail.

Les personnes dont je veux parler sont celles qui ont la cinquantaine et que l’on ne veut ni recruter ni garder dans l’entreprise parce qu’elles seraient trop vieilles. Eh bien, demain, il leur faudra, à elles qui auront déjà travaillé longtemps, attendre d’avoir 67 ans pour toucher la retraite à taux plein, c’est-à-dire parfois dix à quinze ans après avoir arrêté de travailler. C’est de cela qu’il s’agit !

Alors, l’avenir qu’annonce le ministre aux plus âgés d’entre nous, ce n’est pas deux ans de travail de plus, c’est deux ans de galère de plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Ils ne vont pas gagner en tranquillité et en sérénité, mais attendre deux ans encore avant de toucher la retraite à taux plein.

Et nous parlons des personnes qui ont aujourd’hui 55 ans. Ne me dites pas qu’on va leur demander d’attendre deux ans de plus pour toucher leur retraite sans décote, alors qu’elles auront, pour la plupart, travaillé longtemps et dur avec des cotisations qui n’étaient peut-être pas celles qu’elles auraient dû être ! Ne me dites pas que c’est ainsi que l’on va les remercier d’avoir travaillé pour la France et d’avoir fait leur devoir de citoyen !

Ce modèle de société que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d’État, et qui est soutenu par la majorité, nous n’en voulons pas ! Nous voulons un modèle où la France intègre ses enfants et garde ses seniors au travail. Nous voulons un modèle qui permette une retraite décente à ceux qui ont travaillé toute leur vie.

Nous aurons l’occasion, la semaine prochaine, d’évoquer les retraites agricoles, les retraites des commerçants, les retraites des artisans. Mais si, comme nous le constatons aujourd’hui, le montant des pensions versées est trop faible, qu’en sera-t-il alors demain ? Et il faudrait attendre encore plus longtemps avant de les toucher à taux plein ? Eh bien non, nous ne voulons vraiment pas de ce modèle de société !

Tout à l’heure, notre collègue Bernard Angels a évoqué clairement, après d’autres, le financement de la réforme que nous voulons. Et vous essayez de nous faire croire que les socialistes n’ont pas de projet alternatif. Car, à vous entendre, les communistes auraient un projet - tant mieux, tant mieux pour eux ! - mais les socialistes n’en auraient pas…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

C’est, en effet, une vieille habitude, que de diviser pour régner ! Mais vous ne nous diviserez pas, parce que nous sommes solidaires dans le combat face à ce projet de loi ! Nous sommes solidaires des millions de Françaises et de Français qui ne veulent pas de ce texte !

Nous voulons une réforme de la retraite, mais nous voulons une réforme juste et équitable. Votre réforme est injuste, inéquitable, et inefficace, aussi. Si la loi était appliquée, ce serait déjà une vraie régression sociale, car il faudrait travailler jusqu’à l’âge de 62 ans. Mais franchement, n’est-ce pas plus injuste encore de devoir attendre 67 ans avant de toucher les fruits du travail de toute une vie ?

C’est vraiment injuste et scandaleux pour celles et ceux de nos concitoyens qui en sont là !

Malheureusement, je crains que vous ne persistiez dans l’erreur. Quant au groupe socialiste et apparentés, il propose une autre réforme, une réforme qui est financée, une réforme qui n’augmente pas les impôts, une réforme plus juste.

Comme le disait tout à l’heure Jacky Le Menn, nous voulons respecter les travailleurs, respecter les salariés. Et si, en 2012, nous sommes de nouveau au Gouvernement, aux responsabilités, nous reviendrons sur cette réforme très injuste parce que nos concitoyens les plus âgés ont droit à un repos bien mérité et, surtout, le droit de pouvoir vivre de leur retraite.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je vais continuer dans le droit fil des propos que j’ai tenus il y a un instant en disant au Gouvernement que, quand nous nous référons à des exemples étrangers, nous ne sommes pas suffisamment stupides pour en demander la transposition absolument intégrale dans notre pays ! Une fois pour toutes, cessez de caricaturer sans arrêt nos propos !

Je faisais allusion à la méthode qu’ont utilisée nos voisins. Vous avez dit, monsieur le ministre – et c’est là votre erreur, peut-être même votre perversité – qu’il faut relever de 65 à 67 ans l’âge permettant de bénéficier d’une pension de retraite à taux plein en raison de l’espérance de vie à 65 ans et de l’augmentation de cette espérance de vie, qui est aujourd’hui à 84 ans.

Je le répète, monsieur le ministre, ce n’est pas le bon critère !

Le bon critère, c’est celui qu’ont utilisé nos voisins : c’est l’espérance, à 50 ans, d’une vie sans limitation physique ou mentale, c’est-à-dire, je le répète une fois encore, ce qui reste à vivre à 50 ans dans une santé à peu près correcte.

Or, que constate-t-on, monsieur le ministre ? Que, dans tous les pays européens, et la France ne fait pas exception, ce reste à vivre en bonne santé à 50 ans est inférieur à vingt ans, soit une espérance de vie en bonne santé inférieure à 70 ans. Ce que vous faites ici, c’est que vous rapprochez l’âge de la retraite à taux plein, 67 ans, du terme de cette période d’espérance de vie en bonne santé dont je parle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

C’est exactement cela ! Elle sera même inférieure en France.

La conséquence est très facilement imaginable : ceux qui seront obligés de travailler au-delà, de 65 à 67 ans, subiront des conditions de travail beaucoup plus difficiles, et, d’ailleurs, vous aurez non pas de nouveaux retraités, mais des chômeurs en plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Ce que vous gagnerez peut-être sur les régimes de retraite en faisant passer la retraite sans décote de 65 à 67 ans, vous le retrouverez en charges dans les comptes de l’UNEDIC ou dans les dispositifs de solidarité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

C’est donc une absurdité totale du point de vue de l’efficacité !

Vous auriez pu, je le répète, vous y prendre autrement, c’est-à-dire « donner du temps au temps », selon l’expression consacrée.

Évidemment, monsieur le ministre, cela vous aurait obligé à trouver des ressources nouvelles. Vous auriez pu les trouver, par exemple, en taxant les revenus du patrimoine et du capital, mais vous vous y refusez de manière catégorique et c’est la raison pour laquelle le système que vous nous proposez est, je le répète, le plus rétrograde et le plus régressif pour la France.

J’ajoute un dernier élément : la situation faite aux femmes.

Monsieur Woerth, vous le savez sans doute, le volet français de l’enquête sur les conditions de vie et des revenus des Européens, qui date de 2007, montre précisément que depuis 2005, le « reste à vivre en bonne santé » stagne pour les femmes. Il est exactement de 19, 6 années après 50 ans, c’est-à-dire 69 ans et demi. Vous allez obliger des femmes à travailler jusqu’à 67 ans alors que statistiquement, en moyenne, elles seront en mauvaise santé à 69 ans et demi.

Vous leur appliquez la triple peine, c’est-à-dire qu’aux carrières courtes et aux pensions réduites, vous ajoutez maintenant la durée raccourcie de pension sans handicap et en bonne santé !

Monsieur le ministre, vous auriez pu vous y prendre autrement, en traitant, par exemple, la question de la pénibilité, nous y reviendrons. Vous la traitez quand elle est constatée, c’est-à-dire quand l’incapacité est là.

Monsieur le ministre, vous auriez pu également renforcer les moyens de la médecine du travail. Vous avez préféré lui retirer son indépendance et la faire passer sous la tutelle du patronat, ce qui me fait dire à la fin des fins que cette réforme est non pas la vôtre, mais celle du MEDEF !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Avec cet article 6, nous sommes franchissons, sur le plan humain, un degré supplémentaire dans l’injustice de la réforme.

Nous sommes effectivement dans le noyau dur de l’injustice. Qui atteindra l’âge de 65 ans sans avoir cotisé le nombre de trimestres suffisant ? Qui ? Les personnes qui auront eu les carrières les plus difficiles et les plus fragmentées et, parmi elles, une très grande proportion de femmes, cela vient d’être dit. En effet, elles ne sont que 44 % à effectuer une carrière complète, contre 86 % pour les hommes.

Les mères de deux enfants ont, je le rappelle, une retraite inférieure de 25 % à celles qui n’ont pas d’enfant, et ce alors que l’ensemble des femmes perçoivent des retraites inférieures de 40 % à celles des hommes.

Une chose est donc certaine : le report de 65 à 67 ans de l’âge auquel le bénéfice d’une retraite à taux plein est ouvert affectera particulièrement les femmes. C’est le résultat de l’amoncellement des inégalités qui se sont cumulées tout au long de leur vie professionnelle.

Autre constat : vous allez contraindre les personnes dont 70 % à 80 % n’ont pas d’emploi, à rester deux années de plus au chômage ou aux minima sociaux. Car votre projet, avec le passage de 65 à 67 ans ne correspond pas à la réalité de la politique menée par les entreprises en matière de maintien des seniors dans l’emploi.

Comment peut-on nous faire croire que cette réforme vise à faire travailler plus longtemps les seniors, alors même que ces derniers sont renvoyés chez eux par leur patron ?

En contraignant celles et ceux qui sont sans emploi à prendre leur retraite sans décote à 67 ans, vous allez donc les maintenir deux ans de plus au chômage. Certes, ce n’est plus, comme cela vient d’être dit, l’assurance vieillesse qui paiera, ce sera l’assurance chômage.

Drôles d’économies, surtout lorsque l’on sait que, avec votre réforme, plusieurs dizaines de milliers de personnes resteront au chômage au lieu de basculer dans la retraite ! Coût supplémentaire pour l’assurance chômage : plusieurs centaines de millions d’euros, m’a-t-on dit.

Vous faites payer une partie de votre réforme non seulement par les salariés, mais aussi par les organismes sociaux.

Autre problème et autre constat : avec cet article 6, le risque est grand de voir le RSA devenir le passage obligé de fin de carrière pour de nombreuses personnes qui devront attendre 67 ans avant de bénéficier d’une retraite à taux plein. Va-t-on avoir dès lors un RSA transformé en véritable salle d’attente du départ à la retraite…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

… et quel en sera le coût, pour les départements notamment ?

Quant aux seniors qui ont encore la chance d’avoir un travail et qui se sont usés, qui sont fourbus, qui sont parfois brisés, mais qui n’ont pas cotisé un nombre de trimestres suffisant, ils devront rester et faire face au rythme de travail que leur entreprise leur impose depuis des années.

En fait, par cet article, vous prolongez le processus de fragilisation de certaines catégories de nos concitoyens par plus de précarité et plus de pauvreté.

Parmi tous les facteurs qui sont à l’origine de l’augmentation de l’espérance de vie, il en est un qui est loin d’être négligeable, c’est le droit accordé sous la présidence de François Mitterrand par le Gouvernement de Pierre Mauroy, le droit à la retraite à 60 ans, qui permet à nombre de nos concitoyens de vivre aujourd’hui en meilleure santé.

Les bornes d’âge telles qu’elles sont proposées par le Gouvernement vont à contresens de la longue marche de l’humanité impulsée depuis longtemps par la gauche et par le mouvement syndical. C’est l’une des plus belles conquêtes sociales, avec la réduction du temps de travail, que vous voulez abattre.

Quoi que l’on nous dise, il y a derrière ces mesures de relèvement de la retraite à taux plein de 62 à 67 ans une cohérence idéologique qui prime tout le reste, notamment le pacte social et républicain de ce pays : coups de canif au code du travail, remise en cause idéologique des 35 heures, démantèlement des services publics, baisse du niveau des pensions de retraite suite aux réformes Balladur et Fillon. Et je pourrais continuer la liste…

Avec votre réforme, vous prenez aux Français des années de bien-être et vous entamez leur espérance de vie.

Mais je conclus.

Certes, le travail est l’un des éléments principaux d’intégration sociale des hommes et des femmes, mais il n’est pas le seul facteur d’épanouissement de l’individu : il y a aussi ce que l’on appelle le temps libre – je l’évoquais tout à l’heure -, le temps libéré, le temps conquis sur le temps de travail, c’est-à-dire le temps de la rencontre, de l’échange, du partage, du repos, le temps de la culture, aussi, le temps du sport et des loisirs, le temps de la solidarité, le temps consacré aux autres, à sa famille, bref, tout ce qui fait le lien social, la vie ensemble, en somme, la vie. C’est aussi à cela que s’attaque – que vous le vouliez ou non – votre réforme.

Voilà pourquoi nous nous opposerons vigoureusement à cet article 6.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gillot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le recul de l’âge légal de 60 ans à 62 ans et celui de l’âge de départ à taux plein de 65 ans à 67 ans, le Gouvernement pénalise fortement les Français d’outre-mer où le niveau des retraites est nettement plus faible qu’en métropole et où les carrières sont morcelées, incomplètes.

Avec un taux de chômage endémique sur nos territoires, il n’est pas très difficile d’imaginer les difficultés de la majorité de nos populations pour obtenir le nombre de trimestres nécessaires à la perception d’une retraite à taux plein. Le report de deux ans de l’âge de la retraite sans décote sera dramatique.

Je rappelle que l’écart entre le montant moyen des pensionnés en Guadeloupe et en métropole est de 250 euros par mois, en défaveur du retraité guadeloupéen.

Une des explications tient aux modalités de calcul de la revalorisation annuelle des pensions, puisqu’elles dépendent de l’évolution de l’indice des prix métropolitain.

Or, je rappelle qu’entre 2001 et 2008 le différentiel de progression de l’inflation entre la métropole et la Guadeloupe a été de 26 % en défaveur de la Guadeloupe.

Il est donc nécessaire de prendre en compte l’évolution locale de l’indice des prix plutôt que l’évolution nationale dans le calcul de la revalorisation annuelle des pensions. Nous devons tenir compte de l’évolution de l’indice des prix propre à ces départements.

Ainsi, double injustice pour les Français d’outre-mer : la faiblesse du niveau des pensions de retraite outre-mer est accentuée par la hausse des prix.

Face aux situations de monopole sur nos territoires d’outre-mer, dénoncées récemment par l’Autorité de la concurrence, et dans la mesure où l’État ne contrôle pas les prix en outre-mer, doit-on continuer à ignorer cette réalité, singulièrement pour les retraites des Français d’outre-mer ?

Aussi, la prise en compte de l’évolution de l’indice local des prix, l’extension du régime de retraite complémentaire obligatoire aux salariés agricoles ou encore la reconnaissance de la pénibilité pour les ouvriers agricoles exposés au chlordécone sont quelques-unes des corrections que nous vous proposerons d’apporter à ce projet de loi, qui pénalisera sinon prioritairement les travailleurs les plus fragiles sans aucune garantie pour la pérennité de notre système par répartition.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je voudrais particulièrement insister, encore une fois, sur la « propagande » – je ne trouve pas d’autre mot – déployée autour des aménagements de cet article 6 que vous proposez concernant les femmes.

D’aucuns ont dit que la proportion de femmes ne parvenant pas à un nombre de trimestres suffisant en fin d’activité était aujourd’hui de 44 %. Et, par un tour de prestidigitateur, monsieur le ministre, vous sortez de votre chapeau quelques avantages que vous consentez à des femmes nées entre 1951 et 1955, qui ont eu trois enfants - 130 000 femmes sont concernées, dites-vous -, et vous les présentez comme une « concession » ou un « aménagement », on a tout entendu.

Les centristes se sont faits fort d’ailleurs de s’approprier cette avancée. Je remarque qu’ils ne sont même pas là pour expliquer leur vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En effet, vous êtes présente, mais en votre qualité de présidente de la commission des affaires sociales. Je sais ce que je dis…

Monsieur le ministre, en matière de prestidigitation, quand on a compris le tour, il n’y a plus de magie, et, en ce qui concerne vos différents développements sur la question, personne n’est dupe.

En effet, vous nous avez expliqué que, prochainement, les femmes auraient autant de trimestres de cotisation que les hommes. Nous n’avons donc pas de souci à nous faire, toutes ces considérations sur les disparités entre les femmes et les hommes seront obsolètes et, bientôt, il ne sera plus nécessaire de donner un quelconque avantage aux femmes pour qu’elles perçoivent une retraite à taux plein.

Or, aujourd’hui, quand on embauche des femmes jeunes, jusqu’à 35 ans environ, on leur dit qu’on les paiera moins cher, avec une moindre qualification reconnue et moins de responsabilités, parce qu’elles sont susceptibles d’avoir des enfants. Elles commencent donc déjà très mal.

Bien évidemment, vu le nombre de chômeurs dans notre pays, en particulier chez les jeunes, elles ne sont pas embauchées en priorité, toujours pour les mêmes raisons : elles sont susceptibles d’avoir des enfants.

Ensuite, certaines ont des enfants, ce qui est d’ailleurs très utile parce qu’elles assurent le renouvellement des générations : on aurait du mal à le faire sans les femmes !

Enfin, on les somme de prendre du temps pour s’occuper de leurs enfants. En général, on constate que les femmes le font, plus que les hommes, et arrêtent éventuellement de travailler. Et parce qu’elles ont des enfants, elles sont discriminées dans leur travail et dans leur évolution de carrière. Tout cela aboutit au fait qu’elles ont des salaires de 27 % inférieurs à ceux des hommes.

Et combien de femmes, de tout bord, y compris de la majorité, à l'Assemblée nationale, à l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, ou ici, d’ailleurs, n’ai-je pas entendu dire tout le bien qu’elles pensaient des avantages qui pourraient être accordés aux femmes eu égard à la discrimination dont elles font l’objet ! Tout le monde y a été de son petit couplet…Et combien d’articles parus dans la presse sur ce sujet ! Résultat ? Ce que vous proposez, monsieur le ministre, est insultant pour la grande majorité des femmes !

Il est évident que, après 62 ans, les femmes vont devoir continuer à travailler davantage encore – surtout avec vous ! –, car elles n’auront pas cotisé suffisamment. Pourtant, à l’heure actuelle, le patronat ne veut plus des personnes âgées de 55, 56 ou 57 ans, qu’il s’agisse des femmes ou des hommes, d’ailleurs ! Or les femmes qui cherchent à travailler au-delà de 55 ans, parce qu’elles y sont obligées, sont légion. Mais elles ne sont pas embauchées : on les pousse dehors, à l’instar des hommes, prétextant qu’elles doivent laisser la place aux jeunes, car elles ne seraient plus bonnes à rien !

Monsieur le ministre, il faut être clair. Une fois de plus, vous avez essayé de nous « entourlouper » avec les prétendus avantages que vous octroyez aux femmes ! Mais il n’en est rien ! L’article 6 porte un coup terrible à toutes les femmes, et pas seulement à celles qui ont eu trois enfants !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Je tiens simplement à dire à Mme Borvo Cohen-Seat de s’occuper du groupe CRC-SPG ! Pour ce qui concerne le groupe centriste, il fait son travail, et n’a jamais récupéré celui du Gouvernement ! Nous n’avons pas besoin d’être « inspirés » pour faire nos propositions !

Et, croyez-moi, même si nous ne sommes pas en séance publique, nous suivons les débats et nous vous écoutons !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Cet article, dans la logique du précédent, tend à relever de deux années l’âge permettant de bénéficier d’une pension de retraite à taux plein quelle que soit la durée de cotisation atteinte.

Il s’agit d’un article fondateur dans la mesure où l’allongement de la durée de cotisation contraindra la plupart des salariés à prolonger leur travail au-delà de 62 ans, n’ayant pas le nombre de trimestres suffisants pour partir avec une retraite à taux plein.

Actuellement, 18 % des assurés liquident leur pension à 65 ans, dont 60 % de femmes et 40 % d’hommes.

Ainsi, selon M. le ministre, 22 % de la population féminine part aujourd’hui à la retraite à 65 ans, contre 13 % des hommes seulement. Cela témoigne, on le savait déjà, d’une discrimination à l’égard des femmes.

De plus, M. le ministre n’a de cesse de nous parler du libre choix du départ à la retraite entre 62 ans et 67 ans. Mais si un salarié n’a pas le nombre de trimestres suffisant pour partir avec une retraite à taux plein, en quoi est-ce un libre choix ? Le choix de gagner moins ? La liberté de choisir le montant de sa décote, à raison de 5 % par an ?

Ainsi, pour une retraite de 800 euros, une décote de 5 % représente tout de même sur deux ans 80 euros, ce qui est énorme à la fin du mois. Vous laissez donc le libre choix de toucher une toute petite retraite ! Voilà à quoi se résume votre liberté !

Pour un Président de la République qui voulait revaloriser le travail et le pouvoir d’achat, c’est raté, et ce sur les deux fronts.

Enfin, le passage de 65 ans à 67 ans de la retraite à taux plein concerne non seulement les femmes, mais également tous ceux qui sont dans une situation précaire : ceux qui connaissent de plus en plus de périodes de chômage, que ce soit en début de carrière professionnelle, parce qu’ils n’arrivent pas à entrer dans le monde du travail – et il s’agit souvent des personnes ayant le moins de qualifications –, ou en fin de carrière professionnelle, parce qu’on les « jette » au motif qu’ils ne sont plus assez compétitifs.

Eu égard aux modifications que vous avez apportées à leurs droits, monsieur le ministre, des chômeurs terminent leurs carrières professionnelles sans ASSEDIC et sans ASS, l’allocation de solidarité spécifique, et même sans RMI ni RSA s’ils sont en couple ou vivent avec leurs enfants, car les revenus familiaux sont alors pris en compte.

On sait que 80 % des personnes qui prennent aujourd’hui leur retraite à 65 ans ne sont plus en situation d’emploi. Un tel constat nous éclaire sur le sens de votre réforme. Celle-ci induit que ces personnes passeront plus de temps au chômage, et ce sans indemnisation, plutôt qu’à la retraite, qui est, elle, rémunératrice. Cela vous permettra, une nouvelle fois, de faire des économies sur le dos des plus faibles !

D’ores et déjà, la plupart des personnes qui partent à 65 ans le font de manière contrainte, et non volontaire. Avec votre réforme, elles passeront juste deux ans de plus dans la précarité !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je ne puis m’empêcher de rappeler des chiffres simples : l’espérance de vie en bonne santé est de 61, 3 ans pour les hommes et de 62, 4 ans pour les femmes. Quid de l’espérance de vie en bonne santé de ceux qui partiront à 67 ans ? Auront-ils simplement le droit de mourir dès la retraite ?

Votre réforme constitue bel et bien une remise en cause du droit à la retraite : en allongeant la durée de cotisation et en différant la possibilité de partir avec une retraite à taux plein, vous portez atteinte aux droits des salariés à la retraite ! Vous les empêchez, après de longues années de travail, de profiter de la vie, d’avoir une autre activité, socialement tout aussi importante.

À cet égard, je vous rappelle que les retraités participent à la vie de la Cité, soit en apportant une aide financière ou matérielle à leurs enfants ou petits-enfants, soit, par exemple, en participant à la vie associative. Les retraités sont indispensables dans notre économie parce qu’ils ont du temps à donner, et vous reniez cette simple réalité.

C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet article.

Par votre réforme, c’est tout l’équilibre social du pays que vous remettez en cause, et cela, nous ne pouvons l’admettre.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, il est tout à fait légitime que les sénateurs qui le souhaitent s’expriment, car nous sommes là pour débattre. Mais j’aimerais savoir sur quels critères vous vous fondez pour donner la parole, car des collègues qui viennent d’intervenir aucun n’est inscrit sur le dérouleur que j’ai sous les yeux.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Ma chère collègue, le dérouleur de séance a une valeur indicative. Certains de vos collègues ont renoncé à prendre la parole sur cet article. Je me suis référé au nouveau document de travail qui m’a été transmis par le service de la Séance. Idéalement, il aurait fallu que je le fasse distribuer. Je vous promets de le faire à l’avenir, ma chère collègue. Mais je suppose que vous ne souhaitez pas que nous reprenions la discussion à son début pour autant ?...

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme Isabelle Debré. Non, évidemment, monsieur le président !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

C’est ce que j’avais cru comprendre !

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

À ce stade du débat, je souhaite répondre aux observations qui ont été faites.

D’abord, la retraite à 62-67 ans, qui entrera en vigueur après la réforme, contre 60-65 ans à l’heure actuelle, est une retraite à la carte. L’âge actuel de 60 ans, puis, avec la réforme, de 62 ans, ouvre des droits. Dès lors que le salarié totalise le nombre de trimestres demandé, il bénéficie d’une retraite à taux plein dès cet âge.

En revanche, s’il n’a pas la durée de cotisation requise, il pourra toujours prendre sa retraite à 62 ans en 2018, mais avec une retraite inférieure. À 67 ans s’annulera la décote, ce qui est une manière d’inciter les Français à travailler plus longtemps pour obtenir les trimestres requis. Il est donc naturel de repousser les deux bornes d’âge.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Dans la réforme que vous avez faite, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, entre 1981 et 1982, vous avez fixé une seconde borne d’âge à 65 ans.

Ce que j’ai dit tout à l'heure sur l’espérance de vie vaut évidemment aussi pour la borne des 65 ans, mais je ne referai pas la même démonstration, j’aurais vraiment l’impression de me répéter.

Aujourd'hui, qui part à la retraite à 65 ans ? Vous l’avez dit, monsieur Autain, 18 % des assurés partent à la retraite, dont 60 % de femmes environ – vous avez raison de le souligner – et 40 % d’hommes. Mais il faut bien faire la différence entre arrêter de travailler, partir à la retraite et liquider sa pension. Les termes sont très précis. Les personnes qui liquident leur pension à 65 ans ont en général arrêté de travailler depuis bien longtemps.

Quant aux femmes qui liquident leur pension à 65 ans pour des raisons d’âge, et pas simplement parce qu’elles ont leurs trimestres et veulent avoir une surcote – même si cela arrive aussi ! –, ayant, au fond, préféré attendre pour éviter la décote, 88 % d’entre elles en moyenne n’ont pas travaillé depuis 20, 5 années, pour être très précis. Il s’agit donc d’une population très particulière.

Certes, on peut avoir un débat, mais la réalité est bien celle-là !

Certaines personnes ont arrêté de travailler depuis vingt ans pour des raisons extrêmement différentes, chacune vivant sa vie comme elle le souhaite. Certaines femmes ont notamment décidé, et pas nécessairement subi – certes, je ne dis pas le contraire, cela peut être le cas ! –, de s’arrêter à un moment donné pour telle ou telle raison et parce que le foyer avait suffisamment de ressources.

Pour bien comprendre cette seconde borne d’âge, il faut savoir qui est concerné. Il est faux d’avancer, parfois en jouant sur la corde de l’émotion, que des personnes ayant un travail extrêmement difficile vont devoir travailler jusqu’à 67 ans ! Cela ne correspond pas et cela ne correspondra pas à la réalité du travail en France !

C’est en 2023, et non pas en 2018, que seront concernées les personnes qui partiront à 67 ans avec une retraite sans décote. C’est la génération des personnes nées en 1956 qui sera la première concernée.

J’en viens à la remarque de M. David Assouline.

Selon lui, la pression sur l’UNEDIC sera grande en raison des transferts financiers, les économies effectuées sur les retraites entraînant des dépenses sur les autres systèmes sociaux.

L’UNEDIC a mesuré le coût de la réforme des retraites et de l’allongement de l’âge de départ. L’étude interne qui a été menée est quelque peu pessimiste, il faut bien l’admettre, puisqu’elle part du principe qu’il n’y aura d’amélioration de l’emploi ni pour les seniors, ni pour les jeunes. On peut contester cette hypothèse, mais, au moins, c’est une façon extrêmement prudente de voir les choses !

Il en coûtera à l’UNEDIC 400 millions d’euros pour l’assurance chômage. Mais, si l’on prend en compte la globalité des finances publiques, la réforme dégagera aussi 20 milliards d’euros d’économie sur les régimes de retraite. D’un côté 400 millions d’euros, de l’autre, 20 milliards d’euros, il s’agit donc d’une bonne réforme pour les finances publiques !

Un débat intéressant a été ouvert, et je terminerai par là. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous demandez en fait si le fait d’arriver à la retraite en bonne santé est ou non un droit. Bien évidemment que oui ! C’est même ce que chacun recherche. Prolonger l’âge de départ aura-t-il pour conséquence d’accorder la retraite à des personnes qui seront en plus mauvaise santé ? Non car, heureusement, grâce aux progrès de la médecine, on n’est pas en mauvaise santé au même âge qu’avant.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. De votre côté, on choisit les statistiques que l’on a envie de prendre !

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Les statistiques émanent de deux organismes : Eurostat et l’INSEE.

Selon Eurostat, on est en mauvaise santé quand une affection limite les activités dans les gestes de la vie quotidienne. Prenons l’exemple du mal de dos, que l’on commence à ressentir à un certain âge. Il n’empêche pas de vivre et ce n’est pas non plus une maladie. Ce type d’affection se déclare vers 62 ou 63 ans, voire beaucoup plus tôt, car il s’agit de moyennes.

Pour l’INSEE, il s’agit de considérer l’espérance de vie sans incapacité. Le critère est infiniment plus lourd que celui qui se fonde sur le fait de ressentir ou non une gêne dans l’exercice de sa vie quotidienne. Si l’on prend la définition de l’INSEE, cette espérance de vie-là est de 76 ans pour les hommes et de 83 ans pour les femmes, soit environ un an de moins que l’espérance de vie en général.

S’il s’agit bien de statistiques émanant d’organismes sérieux, elles ne répondent donc pas tout à fait à la même question.

Voilà ce que je souhaitais dire à ce stade du débat pour l’éclairer. Mais nous aurons l’occasion de poursuivre la discussion.

Applaudissements au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Un rappel au règlement, mais surtout une question au président de séance !

J’ai entendu dire – j’ai été alerté par SMS –, que, pour les médias, l’article 5, qui reporte l’âge légal de la retraite de 60 à 62 ans, a été adopté « définitivement » par le Sénat.

Monsieur le président, cet adverbe n’est-il pas exagéré ? Cela signifie-t-il que cet article voté conforme ne pourra pas être réexaminé en commission mixte paritaire ? Pouvez-vous nous confirmer qu’à tout moment, d’ici au vote des trente-trois articles du texte, le Gouvernement pourra encore demander une seconde délibération, s’il estime que la situation l’exige, ou même que cet article disparaîtra si notre assemblée vote contre ce projet de loi ?

Il est nécessaire d’affirmer aux Français que rien de ce qui résulte des débats d’aujourd’hui n’est définitif, que des discussions et des mobilisations sont encore possibles jusqu’au bout pour faire changer d’avis le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Monsieur Assouline, ma réponse sera plus brève que votre question : l’article 5 a été voté conforme par le Sénat. Il sera définitivement adopté lorsque le projet de loi le sera aussi, c’est-à-dire à l’issue de nos débats, après d’éventuels recours au Conseil constitutionnel et après promulgation de la loi !

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, certains de nos collègues ayant très légitimement déposé une vingtaine de sous-amendements sur les amendements du Gouvernement, je propose à la commission de se réunir dès que la séance aura été suspendue pour que nous les examinions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.