Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 8 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 5 suite

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Voilà donc l’une des dispositions phares de ce texte. Une disposition qui, selon vous, est à la fois inéluctable, juste et non négociable. Presque un progrès social, à vous entendre. Quel déni des réalités ! Quelle faculté est la vôtre de continuer à nier la vérité même quand tout accuse et accable. Votre projet est une régression sociale et vous devez l’entendre.

Votre sombre dessein semble prendre l’eau et les choses ne se passent pas comme vous l’espériez, ici et dans la rue. Par conséquent, vous vous radicalisez et nous assistons depuis mardi aux tentatives désespérées de l’Élysée, dont vous n’êtes que le relais, pour sauver ce qui pourrait encore l’être.

La manière dont vous entendez confisquer le débat sur l’examen de ce texte au Sénat en dit long sur la parodie de démocratie à laquelle nous assistons sous votre gouvernement. Il ne vous a pas suffi de dire dès juin 2010 que votre texte était non négociable et de mépriser tous les partenaires sociaux. Il ne vous a pas suffi de couper court à tout débat devant l’Assemblée nationale dans les conditions que nous connaissons. Il ne vous a pas suffi d’introduire dans ce texte deux cavaliers législatifs sur des questions qui auraient dû faire l’objet de textes distincts. Il faut maintenant que vous avanciez l’examen des articles 5 et 6 afin de pouvoir clamer le 12 octobre prochain que la réforme est votée !

C’est un vrai coup de force. Une honte dont ce gouvernement et le locataire de l’Élysée porteront longtemps le fardeau. Car, ne vous y trompez pas, tout cela produit l’effet exactement inverse et l’opposition à votre texte et à vos manières a encore pris de l’ampleur aujourd’hui.

Vous n’avez voulu entendre ni les partenaires sociaux, ni le Parlement, ni le peuple et ses millions de manifestants. Tout cela va se retourner contre vous.

Vous devriez apprendre de vos erreurs actuelles. Vous devriez changer de méthode de gouvernance et ne plus imposer des réformes du haut. Or, malheureusement, nous constatons que vous continuez dans cette démarche, à la fois autoritaire et condescendante car, à vous écouter encore aujourd’hui, il n’y a que vous qui savez et qui êtes crédibles. Nous pensons le contraire.

Votre texte est partisan et il est le reflet d’une législation de classe. Avant même que nos concitoyens n’aient pu commencer à réfléchir par eux-mêmes, vous leur avez martelé dans tous les medias que vos mesures étaient indispensables, les seules envisageables, justes et non négociables. Ce n’est pas audible. De quoi avez-vous peur en voulant ainsi confisquer le débat ?

Vous devez retirer votre texte. Vous devez entendre que les Françaises et les Français sont attachés à leur droit à la retraite.

L’article 5 que vous nous obligez à examiner en priorité constitue l’une des bornes d’âge que vous entendez reculer. Ce recul, tout le monde l’a dit, est un coup très dur porté au droit à la retraite pour des millions de Françaises et de Français.

Dans le monde occidental post-industrialisé les techniques de rationalisation du travail n’ont cessé de progresser. Les gains de productivité ont en moyenne été multiplié par cinq – c’est bien plus dans certains secteurs – au cours des cinquante dernières années.

Après le fordisme, le taylorisme, nous connaissons maintenant le lean management où les scientifiques de l’ergonomie font tout pour traquer de précieuses secondes et où au final le salarié est encore plus transformé en une espèce de machine exécutant des gestes répétitifs toute la journée.

Vous savez pertinemment que les salariés français ont un des taux de productivité à l’heure le plus élevé d’Europe. Cette réalité, souvent évoquée, est un des effets indirects des lois sur les 35 heures. Je ne reviens pas sur ce débat. Pourtant, ce haut taux de productivité à l’heure a des conséquences en termes de conditions de travail des salariés. Dans notre pays, le travail use peut-être plus qu’ailleurs et notamment en Europe.

Mais vous ignorez totalement ces réalités. Et vous tracez un trait comme un comptable qui dit qu’il veut 20 % de profit pour l’année prochaine sans se soucier du fait que cela va entraîner un plan social. Ce n’est pas votre problème.

Vous, vos objectifs sont tout autres : rassurer les agences de notation, dont le FMI fait finalement partie, appliquer le programme du MEDEF et rassurer la France du Fouquet’s et du « premier cercle ». C’est tout. Non, ce n’est pas tout ! C’est aussi faire adopter ce texte le plus rapidement possible, et peu importe son contenu, pour que M. Sarkozy puisse ensuite aller parader à la tête du G20 sans avoir la honte d’avoir reculé. Car le Président a fait de l’adoption de ce texte une affaire personnelle, comme du maintien du bouclier fiscal. C’est donc pour satisfaire à l’oukase d’un seul homme que cette réforme est bâclée, injuste et brutale.

Nos concitoyennes et concitoyens refusent de perdre leurs deux meilleures années de retraite, de 60 à 62 ans de cette manière. Vous devez retirer votre texte !

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