Intervention de Odette Terrade

Réunion du 8 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 5 suite

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Mes collègues l’ont déjà largement rappelé, quelle étrange manière de procéder que de discuter les articles de ce texte dans le désordre !

Le texte est déjà obscur en lui-même, mais vous vous plaisez à le compliquer à loisir, certainement pour mieux tromper nos concitoyens sur vos réelles intentions.

Monsieur le ministre, ce n’est pourtant pas rendre justice à votre réforme, que vous défendez ardemment malgré les protestations venues de toutes parts, de la rue comme des institutions, à l’exemple de la HALDE.

Cet article 5 est, certes, emblématique de votre réforme, au point que, depuis le début de la semaine, vous faites tout pour qu’il paraisse déjà adopté avant la journée d’action de mardi prochain.

Reporter l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans est profondément injuste, de même que reporter à 67 ans le seuil permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein.

Ceux qui ont travaillé tout au long de leur vie vont devoir travailler encore plus. Par cet article, vous prolongez votre logique du « travailler plus pour gagner plus », mais, en l’occurrence, c’est surtout « travailler encore plus pour gagner toujours moins » !

Ce message, vous l’envoyez à tous ceux qui ont eu une carrière chaotique, passant de petits boulots en missions d’intérim, et à qui vous proposez, de fait, de poursuivre leur activité jusqu’à 67 ans, parce qu’ils n’auront pas d’autres choix.

De qui vous moquez-vous et qui croyez-vous tromper ? N’entendez-vous pas le désarroi de ces femmes et de ces hommes qui sont déjà des travailleurs pauvres et que vous allez condamner à devenir des retraités pauvres !

De plus, cette mesure, je ne cesserai de le marteler, va concerner principalement les femmes, alors que 60 % d’entre elles partent déjà à la retraite à 65 ans pour gagner quelques trimestres supplémentaires et tenter d’accéder au taux plein.

Le taux d’emploi des femmes de plus de 60 ans est pourtant très faible, et elles sont nombreuses à connaître une situation de chômage ou de précarité.

En reculant l’âge d’obtention d’une pension à taux plein de 65 à 67 ans, vous prolongez cette situation précaire que vivent les femmes ayant multiplié les activités tout au long de leur vie, et qui ont élevé leurs enfants tout en exerçant une activité professionnelle. Pour ces femmes, c’est une injustice supplémentaire que nous ne tolérons pas !

Notre opposition à cet article et à l’ensemble de votre texte est d’autant plus vive qu’il s’agit pour vous, monsieur le ministre, d’une première étape... La majorité, sous l’égide des députés Yves Bur et Denis Jacquat, n’a-t-elle pas déposé l’année dernière, à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un amendement prévoyant l’âge de 70 ans ?

Les dispositions contenues dans cet article vont contraindre les salariés à travailler – ou plutôt à essayer de travailler ! – plus longtemps, et donc à vivre moins bien, malgré toutes vos promesses.

Avez-vous conscience que le droit à retraite auquel pouvaient prétendre les actifs sera, pour la première fois depuis l’instauration de la sécurité sociale, moins accessible et moins favorable que celui dont ont bénéficié leurs aînés et les générations antérieures ?

Plutôt qu’une réforme, c’est une régression que vous nous proposez, avec ce simulacre de retraite choisie qui n’est rien d’autre que le renoncement complet, pour l’ensemble de la société, à la retraite à 60 ans !

Cet article consolide les inégalités sociales que vous ne cessez d’accroître, avec votre politique en faveur des revenus du capital ! Il est le ciment de la construction d’inégalités entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien, ceux qui pourront s’offrir le luxe d’une décote et ceux qui ne le pourront pas. Par cet article, vous faites le choix de la mesure la plus injuste socialement.

Contrairement à ce que vous affirmez, cette mesure démographique de relèvement de l’âge légal de départ à la retraite et de l’âge permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein augmentera la précarité, d’ores et déjà accablante, des travailleurs âgés, des femmes et des travailleurs au parcours professionnel chaotique. Vous serez les seuls responsables de cette paupérisation de cette frange de la société, dont les préoccupations, de toute façon, ne vous soucient guère !

D’autres solutions peuvent être envisagées, comme l’a rappelé mon collègue Guy Fischer ; nous avons d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens. Ces solutions sont plus justes, plus respectueuses et plus équitables que la mesure consistant à reporter l’âge de départ à la retraite à 62 ans. Nous savons d’ailleurs que ce report n’est qu’une première étape...

En proposant une telle disposition, avec autant de mauvaise foi, vous allez à l’encontre de vos objectifs comptables, puisque vous ne faites qu’affaiblir notre pays en construisant l’injustice et la régression sociale !

Avec cet article 5, vous mettez à bas ce qui était et demeure aujourd’hui une grande aspiration sociale : le droit à la retraite à 60 ans. Pour ma part, je refuse ce recul de civilisation et je voterai contre cette régression !

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