Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme l’ont dit avant moi plusieurs de mes collègues socialistes et communistes, l’article 5 est au cœur de cette réforme, qui, je le rappelle, n’est rien de moins que globale.
Cet article est évidemment symbolique. Lors de l’intervention de Pierre Mauroy, j’avais les larmes aux yeux – peut-être suis-je un peu trop sensible ? – en pensant aux conquêtes sociales qui ont marqué l’époque où il dirigeait le gouvernement, sous la présidence de François Mitterrand. Je me souvenais de Robert Badinter, défendant à cette tribune l’abolition de la peine de mort. C’était alors un progrès pour la justice. Et je me souvenais de Pierre Mauroy défendant la retraite à 60 ans. Il s’adressait alors au peuple. « Nous vous entendons ! », disait-il aux Français.
Pierre Mauroy parlait, tout à l’heure, des ouvriers qui ne peuvent plus arquer. C’est vrai, messieurs les ministres, la vie a changé... Pourtant, aujourd’hui encore, il y a des salariés, et notamment des ouvriers, qui ne peuvent plus arquer à 60 ans, car ils sont fatigués et occupent des emplois pénibles. C’est le cas des maçons, qui travaillent sur les chantiers par tous les temps, quelle que soit la saison, des femmes de ménage, des travailleurs précaires, des agriculteurs. C’est cela, la réalité !
Vous nous parlez d’avenir, messieurs les ministres. Mais que proposez-vous aux 60 % des plus de 55 ans qui se retrouvent au chômage parce que les employeurs considèrent qu’ils sont trop vieux ? Ils ne travailleront pas plus longtemps, mais vont galérer deux ans de plus ! Alors qu’ils sont déjà chômeurs, ils devront attendre l’âge de 62 ans pour prendre leur retraite. Comment retrouveront-ils du travail entre 60 ans et 62 ans ? C’est un pur leurre, car c’est impossible.
Notre pays ne sait ni accueillir ses jeunes sur le marché du travail, ni maintenir ses seniors dans l’emploi. En effet, un quart des jeunes de moins de vingt-cinq ans et 60 % des personnes de plus de 55 ans sont au chômage. La réponse qu’ils attendent, c’est l’emploi, et non l’abrogation de la retraite à 60 ans, qui est l’une des plus grandes régressions sociales qui soit.
Messieurs les ministres, vous avez voulu que nous examinions en priorité les articles 5 et 6, en partant du principe qu’une fois ces articles votés la loi serait quasiment adoptée et que les Français le comprendraient.
Le rôle des sénateurs de gauche, de ceux qui veulent sauvegarder les acquis sociaux est de mettre fin à cette supercherie et de dire au Français que tout n’est pas fini. Même si l’article était voté, la loi ne serait pas adoptée pour autant ! La loi instaurant le contrat première embauche, le CPE, avait été votée à l’Assemblée nationale et au Sénat. Or, in fine, grâce à la mobilisation des citoyens et des élus, le CPE n’a pas vu le jour.