Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 6 décembre 2004 à 9h30
Loi de finances pour 2005 — Ii.- santé famille personnes handicapées et cohésion sociale

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la santé, aux personnes âgées et aux handicapés devraient être de 8, 63 milliards d'euros en 2005, c'est-à-dire qu'ils connaîtront, à périmètre constant, une baisse de 0, 39 % par rapport à 2004.

Le budget qu'il est prévu d'allouer pour 2005 au programme « santé publique et prévention » marque certes une progression, mais si l'on y regarde d'un peu plus près, on constate que les crédits, essentiellement destinés aux pathologies à forte mortalité, seront en réalité presque exclusivement consacrés à la mise en oeuvre du plan cancer, avec notamment 21 millions d'euros supplémentaires. Cela est déjà important, me dira-t-on. On peut s'en féliciter, c'est vrai, mais il ne faut pas pour autant négliger les autres pathologies.

Aujourd'hui, je souhaite intervenir sur deux thèmes qui me tiennent particulièrement à coeur : le sida et la toxicomanie.

Comme vous le savez, le sida est tristement d'actualité, car jamais les chiffres n'avaient été aussi alarmants : 6 000 diagnostics de séropositivité ont été portés en un an, les femmes, originaires d'Afrique subsaharienne pour la moitié d'entre elles, représentant 43 % de ces nouveaux cas.

Le 1er décembre dernier a eu lieu la journée mondiale du sida. M. le Premier ministre a promu la lutte contre le sida grande cause nationale, mais quelles nouvelles actions prévoyez-vous de mettre en place, monsieur le ministre, outre la rediffusion des spots de la campagne contre le sida de l'été de 2004 ? Quels financements supplémentaires envisagez-vous de mobiliser ?

Sur le plan international, la France se désengage. Le Président Jacques Chirac avait fait une promesse lors de la réunion du G8 à Gênes, en 2001, selon laquelle « le Fonds mondial devrait bientôt atteindre 10 milliards de dollars par an ». Or, lors d'une conférence de presse de l'ONUSIDA, Mme Mireille Guigaz, ambassadrice de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, a admis publiquement que la promesse de Jacques Chirac ne sera pas tenue. Pendant ce temps, 10 000 personnes meurent chaque jour du sida dans le monde.

A l'échelon européen, les crédits prévus pour la lutte contre le sida sont en baisse, alors même que le nombre de personnes vivant avec cette maladie ne cesse d'augmenter en Europe occidentale. Elles étaient environ 108 000 au 30 juin 2003.

En France, on se félicite de la décision du Gouvernement de proclamer la lutte contre le sida grande cause nationale pour 2005. C'est là la moindre des mesures que pouvait concéder le Gouvernement au vu des statistiques préoccupantes disponibles, à l'échelon tant du monde - 40 millions de personnes seraient touchées d'après le récent rapport d'ONUSIDA - que de notre pays, où les derniers chiffres rendus publics par l'Institut national de veille sanitaire montrent une nette recrudescence des contaminations.

En France, aujourd'hui, il faut le dire, on ne contrôle pas l'épidémie, car elle reste active, avec quelque 6 000 nouveaux diagnostics de séropositivité en 2003, dont 2 000 infections remontant à moins de six mois.

De plus, les crédits destinés à la lutte contre le sida, qui atteindraient 64 millions d'euros, stagnent depuis 1999. Pour 2005, ils sont tout simplement reconduits, alors que la lutte contre le sida a été déclarée grande cause nationale. Si le Gouvernement a réellement décidé de mettre en oeuvre une politique volontariste de lutte contre le sida en 2005, il est essentiel que de nouvelles mesures soient prises pour combattre ce fléau.

Comme je le disais précédemment, le fait que les crédits destinés à financer la lutte contre le sida soient regroupés sous l'intitulé « pathologies mortelles », qui vise aussi d'autres pathologies, telles que le cancer, ne favorise pas la transparence dans l'affectation des moyens.

A cet égard, je m'associe aux propos de notre rapporteur pour avis, M. Gilbert Barbier, selon lesquels « il faut être particulièrement vigilant pour qu'au cours des prochains mois la politique de prévention soit mieux définie, ses différents partenaires clairement identifiés et ses crédits précisément déterminés ».

Quant à la lutte contre la toxicomanie, qui concerne l'alcoolisme et le tabagisme, les budgets de la MILDT, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, ont souffert, en 2004 comme en 2003, de gels et d'annulations de crédits. Une réduction des crédits à hauteur de 38 000 euros est prévue pour 2005.

Comment, dès lors, appliquer une politique efficace si, chaque année, les crédits sont gelés, annulés ou voués à stagner ? Comment comptez-vous mettre en oeuvre le plan gouvernemental pour la période 2004-2008 ? Qui peut nous assurer que les crédits votés aujourd'hui seront bien disponibles demain ? Il est par ailleurs regrettable que la révision de la loi de 1970, pourtant annoncée, ait été reportée à une date inconnue.

Je voudrais en outre vous interroger, monsieur le ministre, sur la politique de veille et de sécurité sanitaires du Gouvernement, afin de m'assurer qu'elle constitue bien une priorité.

Récemment, l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, a déclaré que la mutation de la grippe aviaire en une pandémie de grippe humaine pourrait faire des millions de morts, en touchant plus d'un quart de l'humanité. Quelles sont les mesures de prévention envisagées contre cet éventuel fléau ? Sommes-nous prêts ?

Par la loi relative à la politique de santé publique, vous avez, à la suite de la canicule, renforcé le rôle de l'Institut national de veille sanitaire, or il n'est prévu de lui accorder aucun moyen nouveau dans ce projet de budget. Qui pis est, les crédits affectés à cet organisme accusent même une baisse, avec 32 millions d'euros contre 37, 657 millions d'euros en 2004.

Enfin, lors de l'examen du projet de loi relatif à la politique de santé publique, nous avions mis en relief la nécessité de développer une politique de prévention ambitieuse, et dénoncé ce qui nous semblait n'être qu'une politique d'affichage. Aujourd'hui, nous ne pouvons que réitérer la question que nous avions alors formulée : où est le financement de cette grande loi de santé publique ?

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