Intervention de Claudine Lepage

Réunion du 8 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 6

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

L’article 6 de ce projet de loi, qui repousse à 67 ans l’âge de la retraite sans décote, est peut-être celui qui symbolise le mieux le caractère parfaitement injuste et complètement inefficace de votre réforme, monsieur le ministre.

Pourquoi inefficace ? On nous répète à l’envi que le sauvetage de notre système de retraites par répartition ne peut passer que par le recul de l’âge légal de départ à la retraite et, en conséquence, par un recul de l’âge du taux plein.

Toutefois, malgré ces paroles incantatoires, nous savons tous que le taux d’emploi des seniors contredit de manière flagrante cette supposée logique.

Soyez lucides : plus de 85 % des personnes atteignant 65 ans sont déjà hors de l’emploi. Le report de l’âge du taux plein à 67 ans signifie donc très clairement, selon les chiffres de Pôle emploi, que, chaque année, 20 000 à 30 000 personnes resteront deux années de plus au chômage et coûteront 300 millions d’euros par an, non pas à l’assurance retraite, mais à l’assurance chômage… Joli tour de passe-passe et, surtout, joli jeu de dupes !

Par ailleurs, la terrible injustice qui procède de cette réforme se manifeste pleinement dans cet article 6. Seront en effet pénalisés en priorité les salariés qui ont connu des carrières précaires et morcelées, c’est-à-dire, pour 80 % d’entre eux, des femmes, dont la situation a déjà été longuement évoquée par mes collègues. En conséquence, les femmes continueront à travailler plus que les hommes, pour gagner moins que les hommes…

L’iniquité de cette mesure revêt une acuité particulière chez les Français établis hors de France. Je parle, rassurez-vous, de ceux qui ont cotisé auprès de caisses de retraite françaises, et je ne ferai qu’évoquer le cas douloureux des recrutés locaux auprès des institutions françaises – ambassades, consulats, centres culturels, etc. Alors même qu’ils œuvrent au rayonnement de la France, ces recrutés locaux ne sont pas concernés par cette réforme, car ils sont le plus souvent privés de toute retraite, ce qui est proprement scandaleux.

Mais je reviens à mon sujet. Les Français de l’étranger sont, par la force des choses, beaucoup plus mobiles, coutumiers des carrières discontinues entrecoupées, au fil des pays de résidence, de périodes de chômage, de périodes de travail sans cotisation ou encore, pour les fonctionnaires, de périodes de mise en disponibilité pour cause de recrutement sur les fameux « contrats locaux » que je viens d’évoquer...

La situation au regard des retraites est pire encore pour les conjoints d’expatriés – au sens large du terme –, plus précisément pour les femmes contraintes de renoncer à toute activité professionnelle durant les périodes de service à l’étranger de leur conjoint, faute de droit à l’emploi dans le cadre de la législation locale ou de possibilité d’embauche.

À l’heure de la retraite, les Français de l’étranger figurent donc parmi les plus défavorisés. Pour tenter de pallier cette particulière vulnérabilité, jamais considérée dans le projet de loi du Gouvernement, mes collègues Monique Cerisier-ben Guiga, Richard Yung et moi-même avons déposé un certain nombre d’amendements, sur lesquels nous reviendrons peut-être si cet article devait malgré tout ne pas être supprimé.

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