Cet article relève de 65 à 67 ans l’âge du taux plein. Comme nous n’avons eu de cesse de le dire, il s’agit d’une grave injustice sociale.
Cette disposition pénalisera particulièrement les salariés précaires et les femmes. Il n’est pas juste que les mêmes conditions de départ en retraite s’appliquent à tous, s’en tenir compte des parcours de chacun et des perspectives d’espérance de vie.
Des alternatives existent pourtant, comme la prise en compte de la pénibilité ou la retraite choisie. Nous aborderons ces pistes dans la suite de cette discussion.
Les salariés précaires et ceux qui sont exposés à des travaux pénibles pourront difficilement travailler deux années supplémentaires.
Comment expliquer aux salariés qui ont travaillé avec des horaires décalés, qui ont été exposés au bruit, aux vibrations ou au port de charges lourdes, qui ont manipulé des substances toxiques, cancérigènes, qui ont travaillé dans des conditions extrêmes de froid, dans les abattoirs, par exemple, qu’ils devront travailler deux années supplémentaires ?
La pénibilité du travail n’est pas reconnue dans ses conséquences sur l’espérance de vie des salariés qui y ont été exposés. Or ces mêmes salariés ont une espérance de vie plus courte, puisque l’on sait, par exemple, que celle d’un ouvrier est en moyenne inférieure de sept années à celle d’un cadre.
Il y a pire : à 35 ans, un ouvrier peut statistiquement espérer connaître encore vingt-quatre ans de bonne santé, soit dix ans de moins qu’un cadre. Comment expliquer à ces salariés précaires, qui n’ont pas été déclarés inaptes au travail, qu’ils devront travailler deux années supplémentaires ?
Par ailleurs, ce report va entraîner un prolongement du chômage pour les nombreux salariés qui ne sont plus en activité lorsqu’ils partent à la retraite, ce qui les pénalisera financièrement tout en reportant les charges financières sur d’autres comptes sociaux.
Les femmes, qui ont majoritairement des carrières morcelées et précaires, devront attendre jusqu’à 67 ans pour partir en retraite. Sans quoi, elles subiront l’application de la décote, donc une baisse du niveau des pensions pouvant aller jusqu’à 25 %, alors que leurs pensions sont toujours inférieures de 30 % à celles des hommes…
Les femmes ont des carrières morcelées à cause de l’éducation des enfants. En effet, seulement 1, 5 % des pères ayant un emploi cessent ou réduisent leur activité après la naissance d’un enfant, contre 35 % des mères. Et cela ne concerne pas que celles qui ont eu trois enfants, je le dis en réponse à l’amendement d’aumône que vous avez annoncé hier.
Certes, le taux d’activité féminin baisse beaucoup après la naissance du troisième enfant : alors que le taux d’activité des mères d’un jeune enfant est de 81 %, il est de 36 % pour les mères de trois enfants de moins de trois ans. Ce taux passe à 51 % quand les enfants sont tous scolarisés.
Par conséquent, 44 % des femmes retraitées valident une carrière complète, contre 86 % des hommes retraités. Et un tiers des femmes avaient validé moins de vingt-quatre ans d’assurance.
Cela a un impact direct sur le montant des retraites : 1617 euros pour les hommes et 1011 euros pour les femmes, pensions de réversion incluses. Et ce sont des moyennes, ce qui signifie que la moitié des femmes perçoivent une pension inférieure à la pension équivalente au seuil de pauvreté défini par la Communauté économique européenne, soit 880 euros.
De plus, la faiblesse des pensions féminines n’est que partiellement corrigée par les droits familiaux, soit l’assurance vieillesse des parents au foyer, AVPF, la majoration de durée d’assurance, MDA, et les majorations de pension pour trois enfants, qui représentent, en moyenne, 16 % des pensions pour les générations actuellement à la retraite. Sans l’apport de ces droits familiaux, la pension moyenne de droit propre des femmes représenterait non pas 48 %, mais seulement 42 % de celle des hommes.
Les femmes souffrent de carrières précaires à cause du chômage, du temps partiel et des emplois peu qualifiés qui les touchent en majorité
Les femmes sont plus frappées par le chômage que les hommes, et ce à tous les âges. En 2007, le taux de chômage des femmes âgées de 25 à 49 ans était encore supérieur de 1, 5 point à celui des hommes.
Par ailleurs, les femmes sont les premières concernées par le développement du temps partiel depuis les années quatre-vingt.
La plupart des femmes occupent durablement des emplois peu qualifiés : 60 % des employés non qualifiés sont des femmes.
Par conséquent, dans le secteur privé comme dans la fonction publique, les femmes liquident leurs droits à la retraite en moyenne plus tardivement que les hommes ; la mesure visant à reculer à 67 ans la seconde borne d’âge les touche donc particulièrement : 61, 5 ans pour les femmes et 60, 1 ans pour les hommes de la génération née en 1938. En particulier, les anciennes salariées du secteur privé nées en 1938 ont été 40 % à faire valoir leurs droits à 65 ans ou plus, contre 16 % des hommes de cette génération.
Si c’est une injustice pour tout le monde, ce passage de 65 ans à 67 ans frappe de plein fouet une majorité des femmes dans ce pays. C’est insupportable !