Intervention de Philippe Marini

Réunion du 12 octobre 2005 à 15h00
Règlement définitif du budget de 2004 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

C'est la crainte que l'on peut exprimer en observant, notamment, l'évolution des dotations du ministère de la défense, qui, d'une certaine manière - la Cour des comptes le rappelle également -, du fait de leur importance, ont servi de variable d'ajustement.

Vous me permettrez de citer la Cour des comptes, qui estime que cette gestion aboutit à reporter « l'assainissement réel des finances de l'Etat à plus tard, alors que la croissance de la fin 2004 pouvait offrir l'occasion d'une action plus en profondeur sur les dépenses, donc sur les déficits et sur la dette ».

Quoi qu'il en soit, et malgré ces aspérités habituelles dans la langue qu'utilise la Cour des comptes, reconnaissons ensemble, mes chers collègues, que le bilan tel qu'il est arrêté pour 2004 est globalement un bilan flatteur.

Quelles leçons tirer de tout cela pour l'avenir ? Il est tout à fait clair, monsieur le ministre, et vous le confirmiez tout à l'heure, que l'on ne saurait différer davantage les ajustements de structure auxquels on est en mesure de procéder dès maintenant.

Au nom de la commission, nous nous sommes permis de rappeler, lors du débat d'orientation budgétaire, ce que signifient pour nous « les sept piliers de la sagesse budgétaire ». Aussi me permettrai-je, mes chers collègues, de renvoyer aux échanges que nous avions eus alors. Il est toutefois une question que je voudrais livrer à votre sagacité et, là aussi, nous partageons largement la réflexion de la Cour des comptes.

Monsieur le ministre, la règle du « zéro volume » est-elle suffisamment rigoureuse, est-elle suffisamment générale, son assiette est-elle suffisamment large ? En d'autres termes, lorsque l'on observe que l'augmentation des prélèvements sur recettes a été de plus de 50 % entre 1999 et 2004, ne devrait-on pas raisonner sur les dépenses de l'Etat au sens large, sur les dépenses au sens économique et non plus seulement au sens comptable du terme, bref, sur ce que l'on appelle aujourd'hui les dépenses de l'Etat, mais aussi sur les prélèvements sur les recettes de l'Etat ?

Comme nous l'avons observé au cours des derniers exercices budgétaires, il est clair que le seul respect de la règle du « zéro volume » n'est pas la réponse à toutes les préoccupations, même si, monsieur le ministre, il faut bien entendu vous donner acte de la ténacité avec laquelle vous vous y êtes tenu. Mais si l'on veut, par exemple, financer de manière saine des réductions d'impôt, ne faut-il pas aller plus loin dans la démarche ? Ne faut-il pas s'interroger sur les contreparties, qui pourraient prendre la forme d'une réduction effective des dépenses, qu'il s'agisse de prélèvements sur recettes, de dépenses fiscales nouvelles ou de dépenses de l'Etat au sens strict du terme ?

Seule une mise en oeuvre résolue de la loi organique, notamment en matière de gestion des dépenses de personnel - rubrique dont la croissance aurait dépassé, selon la Cour des comptes, 3 % en 2004 -, permettra de parvenir à cette restructuration, à ce reformatage de l'action de l'Etat en fonction des résultats, c'est-à-dire de la performance. Chacun sait combien la commission des finances est attachée aux objectifs de la LOLF et à sa mise en oeuvre pleine et entière.

Nous pensons que dorénavant, dès l'an prochain, mais encore davantage les années suivantes, la discussion du projet de loi de règlement sera non plus un exercice formel d'approbation des comptes, mais l'examen au fond de l'efficacité et de l'utilité des dépenses publiques. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je suggère que l'intitulé de ce texte soit à l'avenir modifié : il me semble que nous serions plus fidèles à l'esprit de la LOLF en débattant non plus d'un projet de loi « de règlement », mais, par exemple, d'un projet de loi « portant compte rendu de gestion de l'Etat et approbation des comptes de l'exercice n ». En effet, c'est bien le compte rendu de gestion qui va prendre le pas sur l'arrêté des « comptes comptables », si l'on veut bien m'autoriser cette expression.

Lorsque nous disposerons de batteries d'indicateurs comportant des valeurs prévisionnelles et des valeurs réelles, nos rapporteurs spéciaux, nos rapporteurs pour avis, l'ensemble de nos collègues qui s'intéresseront à ces sujets, auront tous les moyens de poser des questions, de demander des justifications, d'exprimer des idées ou des commentaires sur l'exécution réelle des budgets, non seulement en termes chiffrés, mais aussi en termes d'appréciation qualitative, d'appréciation des performances obtenues par l'Etat grâce à l'argent public dont nous votons l'attribution.

Monsieur le ministre, voilà des perspectives bien inusuelles pour un modeste projet de loi de règlement. La présence en bon nombre de mes collègues me renforce dans l'opinion que nous sommes en train de voir se transformer les habitudes grâce à ce levier tout à fait exceptionnel que constitue la loi organique relative aux lois de finances.

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