Séance en hémicycle du 12 octobre 2005 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • LOLF
  • exécution

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'ordre du jour appelle l'examen de la demande présentée par la commission des affaires culturelles, tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information portant sur l'entretien et la sauvegarde du patrimoine architectural.

Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat au cours de sa séance du 5 octobre 2005.

Je vais consulter le Sénat sur cette demande.

Il n'y a pas d'opposition ?...

En conséquence, la commission des affaires culturelles est autorisée, en application de l'article 21 du règlement, à désigner cette mission d'information.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2004 (nos 1, 2).

Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, sur l'initiative de la commission des finances et de son président, la discussion traditionnelle du projet de loi de règlement est animée, cette année, d'un souffle nouveau puisque, afin de respecter l'esprit de la LOLF - la loi organique relative aux lois de finances - trois ministres « dépensiers » viennent aujourd'hui rendre compte au Sénat de leur gestion et enrichir nos débats par leur présence.

Au nom du président du Sénat, je remercie le Gouvernement d'avoir accepté le principe de cette innovation, qui permettra à chacun d'entre nous d'apprécier in concreto la mise en oeuvre de l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement.

Je vous rappelle qu'à l'issue de la discussion générale, au cours de la discussion des articles, lorsque nous aborderons les articles 3 et 4 relatifs aux dépenses ordinaires et en capital des ministères, nous aurons, selon la formule de M. le président de la commission des finances, Jean Arthuis, trois « débats sectoriels interactifs » portant sur les crédits successivement du ministère des affaires étrangères, du ministère de l'agriculture et de la pêche et du ministère de la culture et de la communication.

J'aurai l'occasion de rappeler, le moment venu, les modalités d'organisation de chacun de ces débats.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis, en ce début de session, pour examiner le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004.

Nous aurons débattu de ce projet de loi avant d'aborder l'examen du projet de loi de finances pour 2006 : nous serons donc en conformité avec les exigences de notre nouvelle « constitution financière », laquelle, depuis le 1er janvier 2005, gouverne désormais nos travaux en matière budgétaire et nous conduit à préparer le prochain budget selon le nouveau format LOLF, avec des missions et programmes. Ce premier budget LOLF, c'est le projet de loi de finances pour 2006, dont nous discuterons dans quelques jours. Pour tout vous dire, je meurs d'impatience de me retrouver devant vous à cette occasion !

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Mais pour l'heure, en attendant ce moment, je salue l'initiative du Sénat, qui, en précurseur, sous l'impulsion du président de sa commission des finances, Jean Arthuis, a permis l'organisation de cette discussion selon la logique de la LOLF. Ce débat préfigure ainsi, deux ans avant la date prévue, ce que sera, dans ce nouveau cadre, la discussion du projet de loi portant règlement définitif.

Les « pères » de la LOLF ont en effet souhaité revaloriser la place du projet de loi de règlement et en faire, à l'avenir, un temps fort de la vie parlementaire.

C'est en effet l'occasion, pour le Parlement, non seulement de vérifier l'exécution chiffrée du budget, mais aussi d'évaluer l'efficacité de la dépense publique et la performance de l'administration, tout en disposant, dans le même temps, d'éléments sur le patrimoine de l'Etat.

Nous aurons ainsi un chaînage vertueux entre les projets annuels de performance, les PAP, qui sont les annexes explicatives du projet de loi de finances, et les rapports annuels de performance, les RAP, qui présenteront les résultats atteints et serviront de support à l'examen du projet de loi de règlement. Je ne sais s'il faut préférer les PAP aux RAP ni lequel de ces deux sigles est le plus « branché » !

Sourires

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Quoi qu'il en soit, chacun comprend bien que, derrière ces sigles, se cache une innovation majeure dans la manière de traiter notre budget et de le présenter en toute transparence aux Français. En effet, chacun d'entre eux pourra désormais mesurer l'efficacité publique, en évaluant les résultats obtenus ministère par ministère, mission par mission ou programme par programme.

Les outils de cette réforme se mettent peu à peu en place. Nous venons de déposer les projets annuels de performance qui composent le projet de loi de finances pour 2006. Il nous faudra attendre l'année 2007 pour disposer des premiers rapports annuels de performance.

Le projet de loi de règlement est d'abord la photographie fidèle de la situation budgétaire du pays à la fin de l'exercice 2004. Il permet non seulement de mettre en valeur des atouts, notamment une totale maîtrise des dépenses de l'Etat, mais aussi de tirer des enseignements concernant les progrès à réaliser.

De ce point de vue, l'année 2004 a été une année très utile, notamment pour codifier, dans la LOLF, des outils de bonne gestion de l'exécution. Je pense notamment à la réserve de précaution ou à la règle de comportement, s'agissant de l'affectation des éventuels surplus fiscaux.

Le projet de loi de règlement est ensuite l'occasion de rappeler le cap que nous avons donné à notre politique de finances publiques. Si bons soient les résultats de l'année 2004, qui attestent une réduction du déficit budgétaire de 13 milliards d'euros, et ce grâce aux prévisions prudentes d'Alain Lambert, alors ministre délégué au budget, nous devons poursuivre nos efforts. En effet, la dégradation de nos finances publiques est structurelle : elle a été causée par la politique procyclique des années 1999 à 2001, qui a gaspillé les fruits de la croissance. Je reviendrai sur ce point dans un instant.

J'évoquerai en premier lieu la photographie de l'exécution budgétaire en 2004. Selon moi, celle-ci comporte deux principaux motifs de satisfaction.

Le premier motif de satisfaction tient à la stabilisation effective des dépenses de l'Etat, qui s'établissent à 283, 6 milliards d'euros, soit 55 millions d'euros en deçà du plafond de l'autorisation voté par votre assemblée. Le Gouvernement a donc respecté les engagements pris puisque les dépenses de l'Etat ont été strictement maîtrisées : en 2004, comme en 2003, par rapport au plafond de dépenses voté par le Parlement, il n'a pas été déboursé un euro de plus.

Il s'agit d'un premier élément concret sur lequel je souhaite insister. En effet, le fait d'atteindre cet objectif était très important pour trois raisons : d'abord, en raison du respect qui s'impose à l'égard de l'autorisation parlementaire ; ensuite, pour montrer aux Français que, dans un contexte économique difficile, les finances de l'Etat étaient tenues ; enfin, pour prouver à nos partenaires européens la crédibilité de nos engagements quant à la réduction des déficits publics. C'est ainsi que se construit la confiance !

La stabilisation des dépenses a été rendue possible grâce à la constitution précoce d'une réserve de précaution de 7 milliards d'euros : ainsi, 4 milliards d'euros de crédits initiaux et près de 3 milliards d'euros de crédits des gestions antérieures ont été mis en réserve.

J'ajoute que toutes ces opérations ont été conduites dans une totale transparence à l'égard du Parlement, qui a été préalablement informé de toutes ces décisions.

Le second motif de satisfaction est lié au fait que nous avons su gérer le rebond conjoncturel des recettes en 2004.

L'année 2003 avait été une année difficile, avec un repli des recettes fiscales de plus de 3 %. Les recouvrements de ces dernières avaient fait plus qu'accentuer les effets de la chute de croissance qui s'est amorcée à la fin de l'année 2001 et qui a prolongé ses effets jusqu'à la fin de l'année 2003. La langueur de l'activité économique avait eu un impact mécanique sur le produit des recettes fiscales, qui accusait une moins-value de 9 milliards d'euros.

Dans ce contexte difficile, le gouvernement a décidé de laisser jouer ce que les économistes appellent les « stabilisateurs automatiques ». Autrement dit, il a choisi de ne pas compenser les moins-values de recettes fiscales par des augmentations d'impôts ou des économies supplémentaires, afin de ne pas casser la dynamique de croissance. En effet, de telles mesures auraient eu un effet récessif, contraire à ce que l'on peut souhaiter en pareil cas.

Un tel choix a été payant puisque nous avons retrouvé en 2004 une activité économique favorable, avec une croissance annuelle de 2, 3 %, et ce en dépit de la hausse des prix du pétrole en 2005. Nous restons ainsi dans le peloton de tête de la zone euro en termes de croissance.

Plus de croissance, c'est plus de recettes : la question est ensuite de savoir ce que l'on fait de ces recettes. Le Gouvernement a fait un choix simple et clair : la totalité des plus-values de recettes fiscales, qui s'élèvent au total à 9, 2 milliards d'euros, a été affectée à la réduction du déficit. Nous avons pris cette décision, à laquelle je tenais personnellement, lorsque nous avons eu la confirmation, au mois de février dernier, du montant considérable de ces plus-values. J'ai considéré qu'il était important de prouver aux Français notre souci collectif de nous « bagarrer » contre le montant excessif de nos déficits et de nos dettes. Certes, il reste beaucoup à faire, mais je forme le voeu que, sur ce sujet, la Haute Assemblée s'associe à la détermination qui nous anime.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Je vous en remercie, monsieur le rapporteur général.

Tout oppose la gestion du rebond conjoncturel de l'année 2004 à l'épisode moins glorieux des années 1999 à 2000.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Les plus-values fiscales considérables, ...

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... mais éphémères, liées à la bulle Internet - comme toutes les bulles, celle-ci a éclaté, entraînant un ralentissement brutal de la croissance - ont alors été dilapidées en dépenses nouvelles et baisses d'impôts non financées, ce qui a provoqué, comme cela devait arriver, une dégradation structurelle et profonde de nos finances publiques liée au fait qu'il nous fallait assumer de nombreuses charges pérennes, parmi lesquelles figurent, en tête de peloton, les dépenses faramineuses engendrées par les 35 heures.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

De 1998 à 2001, la précédente majorité avait bénéficié de plus de 70 milliards d'euros de plus-values de recettes fiscales : 55 % d'entre elles ont nourri des augmentations de dépenses pérennes, 30 % ont été consacrées à des baisses d'impôts non financées et 15 % seulement ont été affectées à la réduction du déficit sur la période.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

C'est dire que, dans ce domaine, il faut toujours être vigilant ! Si je fais cette évocation, ce n'est pas pour revenir sans cesse sur le passé, c'est pour nous remettre en mémoire cet épisode, afin de ne pas réitérer les mêmes erreurs.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

C'est d'ailleurs dans cet esprit que nous avons travaillé lorsque, en 2004, nous avons décidé d'affecter intégralement les plus-values de recettes fiscales à la réduction du déficit, réalisant ainsi, avec 13 milliards d'euros, la plus forte réduction du déficit budgétaire jamais enregistrée.

Je résume : nous avons pleinement maîtrisé la dépense depuis trois ans, conformément à ce qui avait été voté. Nos dépenses ont toutes été consacrées à financer des politiques publiques qui ont stimulé la croissance, et le retour de croissance ainsi obtenu, alors même que les taux des impôts ont diminué, a produit des recettes fiscales que nous avons consacrées à la réduction du déficit, en « bon père de famille ». Bref, c'est la gestion idéale, il faudrait agir ainsi tous les ans !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Tout va bien ! C'est la méthode du docteur Coué !

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Quels enseignements pouvons-nous tirer de l'exécution de ce budget ?

J'en vois deux. Il nous faut améliorer nos outils de pilotage de l'exécution budgétaire : c'est ce que nous avons fait. Il nous faut aussi poursuivre l'assainissement de nos finances : c'est dans cet esprit que je voudrais travailler avec vous.

L'année 2004 a permis d'améliorer la palette des instruments qui sont à notre disposition pour mieux gérer l'exécution budgétaire. Nous en avons au moins deux exemples : le premier concerne la réforme des modalités de la régulation budgétaire, le second, la nécessité de définir en amont une règle de comportement sur l'affectation des éventuels surplus fiscaux.

Sur la régulation budgétaire, nous avons travaillé très utilement tout au long de cette année, avec l'aide de MM. Lambert et Migaud, et des commissions des finances des deux assemblées. Après une large concertation, nous avons modifié notre constitution financière, la LOLF, afin de pouvoir répondre à des critiques récurrentes. Il était reproché aux gouvernements, quelle que soit d'ailleurs leur couleur politique, les annulations ou gels de crédits effectués dès le début du mois de janvier, dans une opacité totale et déresponsabilisante.

Il nous a paru utile de changer cette situation dont personne ne peut se satisfaire : ni le Parlement, ...

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

...qui vote les crédits sans connaître les mesures de régulation, ni les ministres qui ne savent absolument plus à quel saint se vouer puisque ce genre de décision tombe, si j'ose dire, du ciel. Dans la vie quotidienne du ministre du budget, prendre ce genre de décision n'est pas le moment le plus agréable !

Nous avons donc modifié le dispositif avec l'appui du président et du rapporteur général de votre commission des finances, que je remercie. Nous avons prévu une information obligatoire des assemblées, dès le projet de loi de finances initial, sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour respecter l'autorisation fixée par le Parlement. Nous avons aussi décidé de mettre en réserve de façon systématique, au sein de chaque programme, une part des crédits appelée tranche conditionnelle ou révisable. Le dispositif sera plus efficace, plus transparent et plus responsable, puisque les gestionnaires connaîtront, dès le ler janvier de chaque année, les crédits sur lesquels ils pourront compter à coup sûr.

Dans le projet de loi de finances pour 2006, nous mettons en oeuvre cette modification de la LOLF. Je vous annonce, d'ores et déjà, que le pourcentage retenu est de 2 %, ce qui correspond à une mise en réserve nette de 4 milliards d'euros. Ce chiffre correspond à la moitié de ce que nous avons dû faire en 2005. Pour être complet, je précise que le taux sur les crédits hors rémunération a été fixé à 5 %, soit une tranche ferme de 95% dès le ler janvier.

Sur la gestion des surplus fiscaux, il nous fallait progresser pour éviter de répéter les errements du passé. Dorénavant, la loi organique votée le 12 juillet dernier oblige le Gouvernement à préciser, à l'avance et en toute transparence, l'utilisation qu'il compte faire des éventuelles plus-values de recettes fiscales qui apparaissent en cours de gestion. En période de reprise économique, ce surplus de recettes est inévitable. Le sujet pourra ainsi être évoqué dans le débat.

La loi organique pose désormais une double exigence : l'information du Parlement au préalable et son information a posteriori, le Gouvernement devant naturellement rendre compte de la gestion des plus-values de recettes. Là encore, il s'agit d'un progrès très significatif des outils de pilotage de nos finances publiques.

La loi de finances pour 2006 est le premier exercice de mise en oeuvre de ce dispositif. La règle de comportement budgétaire que nous vous proposons est détaillée dans l'article d'équilibre.

Le dispositif est simple : en cas de surplus, celui-ci doit être utilisé dans sa totalité pour réduire le déficit. Une seule exception est prévue, conformément aux engagements pris par le Premier ministre le 16 août dernier : les éventuels surplus fiscaux sur les recettes pétrolières résultant de la hausse des prix seront restitués aux Français. L'Etat ne bénéficiera pas de « recettes d'opportunité ». C'est la raison pour laquelle, à la demande du Premier ministre, nous avons réuni avec M. Thierry Breton, une commission de transparence sur la fiscalité pétrolière présidée par M. Bruno Durieux. Elle doit rendre ses premières conclusions demain, jeudi 13 octobre. Nous en tirerons naturellement toutes les conséquences.

Je voudrais maintenant dire un mot rapide sur l'esprit dans lequel j'aborde nos prochaines échéances. Notre objectif central reste l'assainissement de nos finances publiques. Je me dois cependant de rappeler que ces dernières restent convalescentes.

Si la réduction du déficit budgétaire en 2004 est incontestablement une bonne nouvelle - dans notre histoire budgétaire, jamais le déficit ne s'est autant amélioré d'une année sur l'autre - l'esprit de responsabilité qui me guide m'interdit tout triomphalisme qui serait de mauvais aloi alors que notre déficit budgétaire demeure à un niveau encore beaucoup trop élevé. La persistance de cette situation pose d'ailleurs un problème alors que le niveau des recettes reflète depuis 2004 une situation conjoncturelle moins défavorable qu'en 2003 et que, par ailleurs, le Gouvernement a stabilisé les dépenses de l'Etat en volume pour les années 2003, 2004, 2005 et 2006. Et ce n'est pas qu'un effet d'annonce ; la réalité en témoigne. Il faut maintenant passer à la vitesse supérieure.

Le déficit du budget de l'Etat est en réalité un déficit structurel, qui reflète un déséquilibre entre les recettes et les dépenses. Il y a à cela plusieurs explications.

Tout d'abord, les réformes de structure ont été insuffisantes à la fin des années 1990. Il aurait fallu engager beaucoup plus tôt les réformes majeures que le pays attendait, notamment celles des retraites et de l'assurance maladie. Les décisions adéquates auraient dû être prises en période de croissance économique. Les prendre maintenant procède évidemment d'une sage décision, mais leur application est plus difficile.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Ensuite, la politique budgétaire très expansionniste menée à la fin des années 1990, avec des augmentations importantes de la dépense publique ou des baisses d'impôts non financées, a accru le processus de déficit structurel.

Enfin, les transferts importants de recettes de l'Etat au profit d'autres institutions publiques, qu'il s'agisse d'ailleurs de l'Europe, des collectivités locales ou de la sécurité sociale, ont naturellement aggravé le déficit structurel de l'Etat.

Je voudrais à cet égard rappeler que le déficit budgétaire prévu pour 2006 traduit une stabilisation par rapport à l'année 2005. Cette stabilité cache en réalité un effort de redressement important. Nous devons en effet prendre en compte l'augmentation mécanique des prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités locales - 3 milliards d'euros en 2006, contre seulement 700 millions en 2005 - ou la perte par l'Etat d'une recette de 3 milliards d'euros provenant de la Caisse d'amortissement de la dette sociale. Celle-ci va cesser ses versements au budget général le 1er janvier prochain. C'est donc près de 5 milliards d'euros qu'il nous a fallu trouver pour stabiliser ce déficit. Je me permets de livrer cet élément à votre réflexion, mais nous aurons naturellement l'occasion d'en reparler lors de la discussion du projet de budget pour 2006. Vous voyez à quel point nous sommes partis de loin !

Face à cette situation contraignante pour l'Etat, notre stratégie comporte trois volets.

En premier lieu, nous avons développé une politique économique qui favorise l'emploi et améliore notre potentiel de croissance et, ce faisant, renforce le socle de ressources de l'Etat et des organismes sociaux. C'est le plan d'urgence pour l'emploi : si le taux de chômage baisse, nous aurons des recettes supplémentaires. Ce sont ensuite les mesures prises pour soutenir le pouvoir d'achat : la hausse du SMIC, ...

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué..

.la revalorisation de la prime pour l'emploi, ou le déblocage de la participation. Ce sont enfin les mesures pour développer les investissements et l'attractivité du territoire. A cet égard, je vous donne rendez vous lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2006 ...

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

...pour débattre de l'importante réforme de la taxe professionnelle, attendue depuis très longtemps.

En deuxième lieu, nous souhaitons renforcer nos exigences dans la maîtrise des dépenses publiques. Les dépenses prévues pour 2006 sont stabilisées en volume, cela pour la troisième année consécutive.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Je vous proposerai de travailler ensemble pour aller vers une stabilisation de la dépense en valeur, ce qui constituera naturellement une avancée très importante.

En troisième lieu, l'effort de l'Etat doit désormais être partagé. C'est dans cet esprit que j'ai proposé d'instituer une conférence annuelle des finances publiques à laquelle pourraient participer des représentants des collectivités locales et de la sécurité sociale, afin de réfléchir à la manière de mieux maîtriser ensemble l'évolution des dépenses publiques et des impôts.

Pour conclure, je dirai que l'année 2004 a été indubitablement une bonne année budgétaire à la fois par les résultats atteints en matière de maîtrise de la dépense et de réduction du déficit et par les progrès réalisés, en termes de méthode, dans la gestion de l'exécution.

Ce projet de loi de règlement traduit les résultats d'une année prometteuse pour nos finances publiques, au cours de laquelle le Gouvernement, avec le soutien de la majorité de votre assemblée, a amorcé une politique qui correspond aux attentes des Français en termes de gestion publique. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande, au nom du Gouvernement, de bien vouloir, après en avoir débattu, approuver cet excellent projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les propos de M. le ministre ayant été très précis et, à mon sens, fort convaincants, mes propres remarques pourront être brèves.

Comme vous le savez, ce projet de loi de règlement marque une période de transition. A la suite de la discussion générale, vont s'engager des débats thématiques par anticipation sur la logique de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

Quoi qu'il en soit, et même sous le régime actuel, la loi de règlement est le moment de vérité budgétaire, de l'arrêté des comptes, c'est le moment d'apprécier en termes financiers et comptables la réalité de l'action gouvernementale.

Nous avons la chance d'examiner aujourd'hui une bonne année, grâce au rebond de l'activité économique et au redressement de l'élasticité des recettes fiscales à la croissance.

Les chiffres contenus dans le projet de loi nous donnent des sujets de satisfaction sur lesquels je me propose de revenir, sans taire naturellement les motifs d'inquiétude. La « bouffée d'oxygène budgétaire » de 2004 consécutive à l'augmentation des recettes fiscales n'a pas résolu, et de loin - mais comment aurait-il pu en aller autrement ? - les problèmes de fond de nos finances publiques.

Au vu de ce constat, la discussion de la loi de règlement est l'occasion de tirer les leçons de l'année 2004 et de dresser des perspectives non seulement de politique budgétaire, mais aussi de méthode. Il s'agit de poursuivre l'objectif partagé par notre commission et le Gouvernement : l'assainissement financier de notre pays, c'est-à-dire la réapparition des marges de manoeuvre destinées à nous permettre de mieux façonner l'avenir que nous ne le faisons actuellement avec un déficit et une dette d'une telle ampleur.

Parmi les sujets de satisfaction, il y a, il est vrai, une forte réduction - grâce vous en soit rendue, monsieur le ministre - du déficit budgétaire, réduction de l'ordre de 13 milliards d'euros, la plus forte constatée depuis vingt ans.

Parallèlement, ont été tenus les engagements pris à l'égard du Parlement : le montant des dépenses effectuées en 2004, soit 283, 7 milliards d'euros, est exactement conforme au montant des crédits inscrits en loi de finances initiale.

Comment sommes-nous parvenus à ces résultats flatteurs ? Grâce à ce que je me propose d'appeler « les dividendes de la prudence ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La prudence a prévalu lors de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2004. Nous savons en effet que le taux de croissance a été estimé de façon particulièrement prudente et que, ajouté à l'amélioration induite de l'élasticité des recettes fiscales, cela est directement à l'origine des 9 milliards d'euros de recettes supplémentaires.

De façon très raisonnable, le gouvernement d'alors avait fait l'hypothèse d'une croissance de l'économie égale à la moyenne des prévisions des économistes que l'on a l'habitude de consulter, les économistes dits du consensus, soit 1, 7 %, et c'est bien par rapport à cette prévision prudente que l'amélioration de la conjoncture a conduit à une exécution de la loi de finances sensiblement meilleure que prévu.

Monsieur le ministre, bien entendu, en ces temps de préparation de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, le Sénat, en particulier sa commission des finances, espère retrouver les mêmes marges de prudence, introduction possible à des plus-values de recettes fiscales, voire à des améliorations dans le financement de certaines fonctions de l'Etat. Nous le savons bien, lorsque l'on procède de manière inverse, avec des prévisions un peu trop volontaristes et des élasticités un peu soufflées, c'est le contraire qui se produit, à savoir des annulations de crédits et des nouvelles un peu négatives qu'il faut savoir gérer au fur et à mesure du déroulement de l'exercice.

Nous remarquons, et nous en sommes heureux, que, entre les ouvertures de crédits et les réalisations, l'exécution du budget pour 2004 fait apparaître une augmentation à notre sens vertueuse de la fraction que représentent les dépenses en capital, les dépenses d'investissement, tant civiles que militaires. En fin d'année, elles se trouvent au rendez-vous à un niveau, en proportion et en valeur absolue, sensiblement plus élevé que celui qui avait été prévu dans la loi de finances. Pour cela aussi, monsieur le ministre, le Gouvernement mérite des appréciations très élogieuses de la part de la commission des finances.

Cependant, et malgré ces appréciations, des motifs d'inquiétude persistent.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

C'est bien dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il convient tout d'abord de se souvenir que le déficit structurel demeure au niveau de 3, 5 % du produit intérieur brut : il est certes plus bas que les 4 % atteints en 2003, mais reste sensiblement plus élevé que la moyenne des autres pays de l'Union européenne, qui s'établit à 2, 3 %.

Au demeurant, une analyse un peu plus fine montre qu'en Europe le déficit structurel est surtout le fait des Français et des Allemands. La moyenne des déficits structurels hors France et Allemagne est en effet très sensiblement inférieure à ceux de nos deux pays, qui, on le sait, connaissent une certaine crise de la gestion de leurs finances publiques, reflétant sans doute par là même une certaine crise de leurs modèles économiques et sociaux.

Par ailleurs, en dépit de la bonne tenue de la croissance en 2004, la France continue d'accuser un déficit primaire significatif, de l'ordre de 5, 8 milliards d'euros. Dès lors, mécaniquement, l'endettement augmente de façon autonome, ce que les bas taux d'intérêt dont nous bénéficions encore occultent quelque peu. Nous sommes donc dans une situation qui pourrait assurément être beaucoup moins confortable, beaucoup plus préoccupante si l'évolution globale nous conduisait à devoir vivre avec un redressement de la courbe des taux d'intérêt, en particulier sur le long terme.

Ensuite, monsieur le ministre, nous avons observé - et c'est sans doute la seule petite critique que j'oserai en cet instant - que le Gouvernement n'a pas pu complètement résister, à la fin de 2004, à la tentation du pilotage du solde en fin d'exercice.

Vous savez l'attention que, comme la Cour des comptes, nous apportons à l'évolution des reports. Certes, vous avez respecté la norme dite du « zéro volume », mais il se pourrait que ce soit au moyen ou au prix d'un certain gonflement, par rapport à l'année précédente, des reports, ce qui pèse sur les dépenses de 2005. La régulation budgétaire pratiquée en fin d'exercice était bien nécessaire, la commission vous en donne acte, mais peut-être a-t-elle conduit à renvoyer à l'année 2005 les difficultés immédiates !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est la crainte que l'on peut exprimer en observant, notamment, l'évolution des dotations du ministère de la défense, qui, d'une certaine manière - la Cour des comptes le rappelle également -, du fait de leur importance, ont servi de variable d'ajustement.

Vous me permettrez de citer la Cour des comptes, qui estime que cette gestion aboutit à reporter « l'assainissement réel des finances de l'Etat à plus tard, alors que la croissance de la fin 2004 pouvait offrir l'occasion d'une action plus en profondeur sur les dépenses, donc sur les déficits et sur la dette ».

Quoi qu'il en soit, et malgré ces aspérités habituelles dans la langue qu'utilise la Cour des comptes, reconnaissons ensemble, mes chers collègues, que le bilan tel qu'il est arrêté pour 2004 est globalement un bilan flatteur.

Quelles leçons tirer de tout cela pour l'avenir ? Il est tout à fait clair, monsieur le ministre, et vous le confirmiez tout à l'heure, que l'on ne saurait différer davantage les ajustements de structure auxquels on est en mesure de procéder dès maintenant.

Au nom de la commission, nous nous sommes permis de rappeler, lors du débat d'orientation budgétaire, ce que signifient pour nous « les sept piliers de la sagesse budgétaire ». Aussi me permettrai-je, mes chers collègues, de renvoyer aux échanges que nous avions eus alors. Il est toutefois une question que je voudrais livrer à votre sagacité et, là aussi, nous partageons largement la réflexion de la Cour des comptes.

Monsieur le ministre, la règle du « zéro volume » est-elle suffisamment rigoureuse, est-elle suffisamment générale, son assiette est-elle suffisamment large ? En d'autres termes, lorsque l'on observe que l'augmentation des prélèvements sur recettes a été de plus de 50 % entre 1999 et 2004, ne devrait-on pas raisonner sur les dépenses de l'Etat au sens large, sur les dépenses au sens économique et non plus seulement au sens comptable du terme, bref, sur ce que l'on appelle aujourd'hui les dépenses de l'Etat, mais aussi sur les prélèvements sur les recettes de l'Etat ?

Comme nous l'avons observé au cours des derniers exercices budgétaires, il est clair que le seul respect de la règle du « zéro volume » n'est pas la réponse à toutes les préoccupations, même si, monsieur le ministre, il faut bien entendu vous donner acte de la ténacité avec laquelle vous vous y êtes tenu. Mais si l'on veut, par exemple, financer de manière saine des réductions d'impôt, ne faut-il pas aller plus loin dans la démarche ? Ne faut-il pas s'interroger sur les contreparties, qui pourraient prendre la forme d'une réduction effective des dépenses, qu'il s'agisse de prélèvements sur recettes, de dépenses fiscales nouvelles ou de dépenses de l'Etat au sens strict du terme ?

Seule une mise en oeuvre résolue de la loi organique, notamment en matière de gestion des dépenses de personnel - rubrique dont la croissance aurait dépassé, selon la Cour des comptes, 3 % en 2004 -, permettra de parvenir à cette restructuration, à ce reformatage de l'action de l'Etat en fonction des résultats, c'est-à-dire de la performance. Chacun sait combien la commission des finances est attachée aux objectifs de la LOLF et à sa mise en oeuvre pleine et entière.

Nous pensons que dorénavant, dès l'an prochain, mais encore davantage les années suivantes, la discussion du projet de loi de règlement sera non plus un exercice formel d'approbation des comptes, mais l'examen au fond de l'efficacité et de l'utilité des dépenses publiques. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je suggère que l'intitulé de ce texte soit à l'avenir modifié : il me semble que nous serions plus fidèles à l'esprit de la LOLF en débattant non plus d'un projet de loi « de règlement », mais, par exemple, d'un projet de loi « portant compte rendu de gestion de l'Etat et approbation des comptes de l'exercice n ». En effet, c'est bien le compte rendu de gestion qui va prendre le pas sur l'arrêté des « comptes comptables », si l'on veut bien m'autoriser cette expression.

Lorsque nous disposerons de batteries d'indicateurs comportant des valeurs prévisionnelles et des valeurs réelles, nos rapporteurs spéciaux, nos rapporteurs pour avis, l'ensemble de nos collègues qui s'intéresseront à ces sujets, auront tous les moyens de poser des questions, de demander des justifications, d'exprimer des idées ou des commentaires sur l'exécution réelle des budgets, non seulement en termes chiffrés, mais aussi en termes d'appréciation qualitative, d'appréciation des performances obtenues par l'Etat grâce à l'argent public dont nous votons l'attribution.

Monsieur le ministre, voilà des perspectives bien inusuelles pour un modeste projet de loi de règlement. La présence en bon nombre de mes collègues me renforce dans l'opinion que nous sommes en train de voir se transformer les habitudes grâce à ce levier tout à fait exceptionnel que constitue la loi organique relative aux lois de finances.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Josselin de Rohan, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Monsieur le président, depuis quarante-huit heures, nous assistons dans la presse à une campagne contre le président de notre assemblée.

Je voudrais dire de la manière la plus ferme que cette campagne, au-delà des attaques personnelles indignes contre un homme que nous respectons, s'adresse à l'institution, et que nous la réprouvons.

Bien sûr, la vie politique expose au combat et à la critique ceux qui s'y engagent. Mais il y a des limites qu'il ne faut pas franchir. Aujourd'hui, à travers ces attaques, c'est la République qui est touchée, c'est la classe politique qui est visée. Nous ne pouvons pas rester impassibles devant une telle entreprise de destruction, et je demande que, tous, nous agissions pour faire comprendre à ceux qui sont derrière ces attaques que nous les réprouvons fortement.

Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je vous donne acte de vos propos, mon cher collègue.

Je pense que chacun ici ne peut que s'associer à votre indignation et s'engager à faire en sorte que le respect dû à la Haute Assemblée et sa place dans les institutions de la République soient assurés.

La parole est à M. Marc Massion, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Massion

Mon intervention s'inscrit à la suite de celle de M. Josselin de Rohan.

Comme vous tous, mes chers collègues, nous avons pris connaissance de la campagne dans la presse menée à l'encontre du président du Sénat et, sur ce point, nous n'avons rien à ajouter à vos propos, monsieur de Rohan.

Je tiens toutefois à préciser que les attaques contre le président du Sénat auxquelles il est fait référence semblent provenir de ministres, de sénateurs de la majorité, mais en aucun cas de membres du groupe socialiste.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous reprenons la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme M. de Rohan, je pense moi aussi que lorsque l'on s'attaque au président d'une institution, on s'attaque à l'institution elle-même, mais aussi à la République et à la démocratie. Je ne peux donc que m'associer à sa réprobation en condamnant celles et ceux qui croient rendre service au Sénat en agissant ainsi.

Il me semble, mes chers collègues, que la manière dont nous abordons aujourd'hui l'examen de ce projet de loi de règlement est de nature à donner une nouvelle image du débat parlementaire. Nous n'avons sans doute jamais été aussi nombreux en séance pour examiner un projet de loi de règlement et pour la première fois - c'est historique - les rapporteurs pour avis se sont inscrits dans cette discussion.

La discussion de la loi de règlement doit devenir un moment de vérité budgétaire où le Gouvernement rend compte de sa gestion et de sa performance de gouvernance. Nous sortirons alors de ce que certains pourraient qualifier de « gesticulation ».

Monsieur le ministre, la discussion de la loi de finances initiale constitue encore trop souvent un moment de communication, et il existe un décalage entre le discours qui accompagne le projet de loi de finances initiale et le projet de loi de règlement. Jusqu'à aujourd'hui, le projet de loi de règlement apparaissait comme une formalité totalement inutile. Seul, le ministre du budget exposait les difficultés qu'il avait dû surmonter pour réguler les dépenses et veiller à ce que le montant des dépenses autorisées par le Parlement ne soit pas dépasser, au prix de quelques contorsions parfois.

Mes chers collègues, je souhaite qu'à partir de maintenant nous consacrions le temps nécessaire aux lois de règlement et que nous invitions non pas seulement M. le ministre du budget, mais aussi les ministres gestionnaires - je n'ai pas dit « dépensiers » - à rendre compte de leur gestion, de telle sorte que nous comprenions pour quel motif certains d'entre eux n'ont pas atteint la performance sur laquelle ils s'étaient engagés. Nous pourrons alors mettre « sous pression » l'Etat et ses services pour obtenir les résultats que nous attendons et engager enfin la réforme de l'Etat.

Monsieur le ministre, vous avez dit votre satisfaction d'avoir amélioré le solde budgétaire. A ce propos, M. le rapporteur général a fait mention des remarques formulées par la Cour des comptes, notamment au sujet des dépenses de la défense nationale.

La Cour des comptes a en effet constaté qu'à partir du mois de décembre 2004 des factures sont restées impayées, ce qui, bien sûr, vous a permis d'améliorer le solde budgétaire. Mais est-ce une pratique de bonne gestion que de ne pas honorer des factures pour un milliard d'euros émanant de petites et moyennes entreprises qui fournissent la défense nationale ? C'est là une pratique à laquelle il convient de renoncer.

Parmi les bons indicateurs de bonne gestion, monsieur le ministre, ne pourrait-on pas retenir la disparition des intérêts moratoires ?

Chaque fois que l'Etat explique à ses fournisseurs qu'il ne peut pas les payer immédiatement, il se met en position de faiblesse et, d'une manière ou d'une autre, il oblige ses représentants à engager des compromis pour respecter l'oukase budgétaire et le gel des crédits. Si l'on avait établi le bilan au 31 décembre 2004, les factures non payées seraient apparues comme une dette.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais que votre performance ne soit pas due à la suspension du paiement de ces factures. Les services ont été rendus, les armes ont été livrées, il n'est pas convenable qu'elles n'aient pas été payées. Au-delà de cet aspect, il s'agit du respect même de la loi de programmation militaire

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

On sait qu'il y avait un décalage de 800 millions d'euros sur la loi de finances précédente, nous en sommes déjà à 2 milliards d'euros de retard sur la loi de finances en cours et personne ne nous a dit comment nous allons pouvoir les combler. Cela fait partie des questions que nous devons pouvoir traiter à l'occasion de débats comme celui qui nous réunit aujourd'hui.

Ce débat préfigure ce que pourraient être demain les discussions non plus des « lois de règlement » mais des « lois de compte rendu de gestion ». Cela dit, la commission des finances tiendrait à ce que ces discussions aient lieu non pas à l'automne mais au mois de mai ou de juin pour tirer les conséquences de la gestion passée.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement

Je l'ai dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En défendant une loi de finances rectificative qui portait sur 2004, vous avez été obligé de combler les insuffisances de la loi de finances initiale pour 2005, qui venait à peine d'être votée.

Donnons de la consistance à ces débats et faisons de l'examen de la loi de compte rendu de la gestion gouvernementale l'un des temps forts de la maîtrise de la dépense publique et de la bonne gouvernance !

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'an passé déjà, intervenant à cette tribune à l'occasion de l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2003, j'avais souligné que cet exercice constituait un moment très important dans l'évaluation des résultats relativement aux choix opérés par l'Etat lors de l'élaboration de la loi de finances initiale. J'en vois le témoignage dans la présence d'un nombre important de nos collègues.

Comme l'a excellemment dit M. le président de la commission des finances, l'examen du projet de loi de règlement doit constituer dorénavant, avec la mise en place de la LOLF, l'élément central du pouvoir parlementaire en matière budgétaire. A terme, cet exercice offrira aux parlementaires la capacité de rapprocher, au sein de chaque mission de la LOLF et devant le ministre référent - si, bien sûr, il n'y a pas eu de remaniement ministériel entre temps - les objectifs de leurs indicateurs de résultats.

Autrement dit, la loi de règlement sanctionnera clairement l'exécution budgétaire annuelle, en mettant en comparaison les résultats et le contrat qui aura, en quelque sorte, été signé avec le ministre lors du vote de la loi de finances initiale. De ce point de vue, la mise en place des indicateurs de performance et des objectifs permettra de faciliter grandement le débat ; M. le président de la commission a montré combien il était important de pouvoir faire ressortir la réalité.

Je remercie donc M. le président de la commission des finances d'avoir pris l'initiative d'organiser aujourd'hui les prémices d'un tel débat, qui sera fondé, contrairement à la loi de finances, sur des réalisations concrètes et non sur des prévisions.

L'évocation de ces prévisions me permet de revenir plus précisément au projet de loi portant règlement définitif du budget pour 2004. J'indique en passant que j'approuve le changement de nom proposé par M. le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Ce sont donc des prévisions réalistes qui ont offert au budget 2004, en cours d'exécution, un redressement aussi important.

Alors que la loi de finances initiale affichait un déficit prévisionnel de 55, 1 milliards d'euros, le solde d'exécution s'établit aujourd'hui à moins 43, 9 milliards d'euros. Bien sûr, comme M. le rapporteur général, je me félicite de ce que ce déficit ait été réduit en cours d'exécution de 10 milliards d'euros, toutefois, je demeure dubitatif comme lui, comme la Cour des comptes et comme nombre des membres de la commission des finances, quant à la nature de cette réduction. Je ne voudrais pas que mon propos soit mal interprété, mais je dois dire que le groupe UC-UDF considère qu'un tel déficit est inacceptable ; les propos de la Cour des comptes sont parfaitement clairs sur ce point.

Cette évolution en cours d'exécution a été favorable, grâce principalement à une reprise soutenue de la croissance qui a permis d'engranger des recettes que nous n'attendions pas, en particulier du fait de l'élasticité importante de certaines d'entre elles.

Je tiens d'ailleurs à souligner que ce qui vaut pour le plus vaut pour le moins. Et encore une fois, je comprends que l'on puisse vouloir bâtir un projet de budget sur des prévisions volontaristes - même si cela relève souvent de la méthode Coué -, mais cela est-il vraiment responsable de la part d'un gouvernement digne de ce nom, monsieur le ministre ?

Malheureusement, force est de constater que cette réduction de déficit est plus conjoncturelle que structurelle. Les dépenses ont été stabilisées en volume, mais, comme l'a dit M. le rapporteur général, est-ce suffisant ? Je ne le pense pas. Le déficit primaire a diminué, mais il est toujours là - 5, 8 milliards d'euros - et le déficit structurel est trop important, même en période faste.

Plus graves encore sont les maquillages budgétaires, sur lesquels je ne reviendrai pas en détail puisque j'aurai l'occasion d'en traiter en tant que rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; je pense notamment, - et je parle dans l'intérêt du Gouvernement, de la majorité et du pays tout entier - au transfert du déficit du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, qui a été pérennisé lors de la création du fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FIPSA. En tant que membre du conseil de surveillance de cet organisme, je ne peux accepter un déficit qui s'élève aujourd'hui à 4, 7 milliards d'euros, puisque, structurellement, le FIPSA enregistre 1, 5 milliard d'euros de déficit par an sans que le Gouvernement s'en préoccupe.

Il existe d'autres sujets d'inquiétude : je pense au déficit de toutes les branches de la sécurité sociale et au déficit abyssal de l'UNEDIC, et je propose, même si ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui, de regrouper toutes ces dépenses, qui forment en fait le bilan global de l'Etat.

Une réforme est donc indispensable, la maîtrise de la dépense n'étant pas satisfaisante. Tant que nous n'en prendrons pas acte, la dette continuera de se creuser : 1 100 milliards d'euros, n'est-ce pas suffisant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Monsieur le ministre, il est inutile de se chamailler, ainsi que cela se produit habituellement, comme j'ai pu le constater depuis mon arrivée au Sénat ! En effet, je suis convaincu qu'il existe un moment de vérité et nous nous devons de reconnaître, aujourd'hui, que nous pouvons procéder autrement. Si nous restons sur les mêmes bases, nous ne nous en sortirons pas.

Par conséquent, au-delà des critiques, il importe d'émettre des propositions - je suis d'accord avec vous sur ce point, monsieur le ministre. Le groupe UC-UDF s'y emploiera, en particulier dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2006.

Je tiens enfin à féliciter notre rapporteur général pour la qualité de son travail et sa présentation pédagogique exemplaire qui a rendu compréhensible à la commission des finances et, aujourd'hui, à l'ensemble de nos collègues, le sujet difficile que constitue le règlement définitif du budget de 2004.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Ce n'est pas de pédagogie dont les Français ont besoin !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une loi de règlement procède traditionnellement aux constatations comptables et aux derniers ajustements de crédits permettant d'apurer la gestion budgétaire.

Elle permet également de faire le point de la situation financière de l'Etat, de rappeler les priorités affichées en loi de finances initiale, de vérifier si la hiérarchie effective de leur mise en oeuvre a été conforme et de révéler les performances de l'action administrative.

La loi de règlement est donc souvent riche d'enseignements sur le passé, mais aussi sur l'avenir.

C'est particulièrement le cas du budget de 2004, qui se caractérise par une réduction du déficit budgétaire de 11, 2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale et de 13 milliards d'euros par rapport à l'année 2003, ce qui ne s'était pas produit depuis très longtemps, ainsi que cela nous vient de nous être rappelé.

A cet égard, il convient de saluer l'action du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui a su appliquer avec constance des principes de saine gestion auxquels le Sénat et, plus particulièrement, sa commission des finances sont très attachés.

M. Josselin de Rohan applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La très forte réduction du déficit budgétaire en 2004 est d'abord le résultat de la maîtrise des dépenses de l'Etat, dont le montant de 283, 7 milliards d'euros est inférieur au plafond qui avait été voté en loi de finances initiale.

Pour la deuxième année consécutive - voilà l'amorce d'une tendance - le plafond voté par le Parlement a été rigoureusement respecté et la norme « zéro volume » a été appliquée, sans que soit remis en cause le financement des priorités gouvernementales, s'agissant en particulier de la loi de programmation militaire, de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et de la loi d'orientation et de programmation pour la justice.

Cette stabilisation des dépenses en volume - en attendant la stabilisation en valeur que nous appelons tous de nos voeux - est devenue une constante des budgets de ces dernières années. Le groupe UMP se réjouit qu'elle soit poursuivie dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, comme cela a été le cas pour le projet de loi de finances pour 2005.

La seconde caractéristique marquante du budget de 2004 est la prudence des hypothèses économiques qui avaient été retenues lors de son élaboration.

Comme l'a très bien souligné notre rapporteur général, Philippe Marini, cette prudence initiale a permis de dégager d'importantes plus-values de recettes fiscales avec le rebond de la croissance en 2004.

L'affectation des 10 milliards d'euros de recettes supplémentaires à la réduction du déficit budgétaire constitue la troisième caractéristique de ce budget.

Cette décision, courageuse - il faut le souligner - et responsable, tranche avec les pratiques observées entre 1997 et 2002 et doit, là encore, être mise au crédit du Premier ministre d'alors, Jean-Pierre Raffarin, et de son ministre délégué au budget.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'exécution de la loi de finances initiales pour 2004 est donc riche d'enseignements pour l'avenir.

La stabilisation des dépenses ouvre la voie aux ajustements de structure et à la réforme de l'Etat, que le groupe UMP du Sénat appelle de ses voeux.

Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons véritablement assainir nos finances publiques, comme l'a très bien souligné le rapporteur général. Il n'est pas nécessaire, mes chers collègues, de vous rappeler que la dette publique dépasse aujourd'hui les 1100 milliards d'euros !

A cet égard, notre groupe tient à saluer la volonté du gouvernement de Dominique de Villepin de continuer à rénover les pratiques budgétaires, en renforçant notamment la sincérité des lois de finances.

Vous avez annoncé plusieurs mesures en ce sens, monsieur le ministre, lors de la remise au Premier ministre, le 16 septembre dernier, du rapport au Gouvernement sur la mise en oeuvre de la LOLF, par nos collègues parlementaires Alain Lambert et Didier Migaud.

Ces derniers nous suggèrent de consacrer un temps substantiel à l'examen du projet de loi de règlement car, selon eux - et nous partageons cet avis -, le débat sur ce texte a vocation « à sortir du cercle étroit dans lequel il est confiné aujourd'hui, autour du seul ministre chargé du budget »

L'initiative prise par la commission des finances va dans ce sens.

Elle permettra, tout à l'heure, au ministre des affaires étrangères, au ministre de l'agriculture et de la pêche et au ministre de la culture et de la communication de rendre compte de l'exécution de leur budget en 2004, en attendant de pouvoir rendre compte de la gestion de leurs programmes et de la fiabilité des résultats affichés dans le cadre de la nouvelle constitution financière de l'Etat.

Cette initiative de la commission des finances contribuera à renforcer la responsabilité collégiale des ministres, dans l'esprit de la LOLF.

Le développement d'une gestion orientée vers les résultats devrait également accroître l'intérêt de la loi de règlement, non seulement pour les membres de la commission des finances, nombreux aujourd'hui dans l'hémicycle, mais aussi pour l'ensemble des sénateurs, car notre responsabilité dans ce domaine est bien collective.

La LOLF vise à placer la loi de règlement au coeur du débat budgétaire, en la transformant en un véritable outil de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, pour permettre aux parlementaires d'évaluer la performance des administrations et de fixer de nouveaux objectifs.

Le groupe UMP souhaite que le Sénat utilise pleinement cet outil pour faire vivre la LOLF et réaffirmer sa volonté de réformer les structures de l'Etat afin de rendre ce dernier plus performant et de lui permettre de retrouver des marges de manoeuvre durables pour investir et préparer l'avenir.

La LOLF est certes le « levier » de la réforme de l'Etat, mais elle ne peut remplacer la volonté politique.

C'est dans cet esprit, mes chers collègues, que le groupe UMP votera le projet de loi soumis à notre assemblée.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Monsieur le président de la commission des finances, vous avez souhaité que ce débat sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004 soit l'occasion d'anticiper les conditions de discussion dans la forme induite par la mise en oeuvre de la LOLF.

Je suis plus intéressée, pour ma part, avec les membres du groupe communiste républicain et citoyen, par une analyse de la gestion budgétaire des affaires de l'Etat, afin de savoir si cette dernière a apporté, ou non, une réponse adaptée aux besoins de nos compatriotes.

Le constat est clair : les plus-values fiscales enregistrées - elles ont d'ailleurs été sous-évaluées dans la loi de finances rectificative pour 2004 - ont contribué à la réduction du déficit.

Mais force est de constater que les besoins sociaux, eux, ne sont malheureusement pas en situation d'être satisfaits.

Il est vrai que, lors de la présentation du projet de loi de finances rectificative, vous aviez souligné, monsieur le ministre, votre volonté de maintenir la stabilité des dépenses de l'Etat d'une année sur l'autre, comme vous venez de le rappeler.

C'est d'ailleurs pour cette même raison que, dès le vote du projet de loi de finances pour 2005, vous avez estimé nécessaire d'effectuer une « mise en réserve » de quelque 4 milliards d'euros et que vous venez d'annoncer que vous souhaitiez faire de même dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006.

Ce gel de crédits - ils ont pourtant été votés par la majorité de la représentation nationale - se traduit en fin de compte par une annulation pure et simple, ce qui est devenu votre habitude. C'est en effet suivant le dogme de la gestion discrétionnaire des crédits votés par le Parlement que votre gouvernement a mis en oeuvre le budget pour 2004, puis le budget pour 2005.

Dès lors, quel rôle que peut jouer le Parlement ? Quel est son sens ?

Constitutionnellement, nous devrions être capables d'agir pour que les choix exprimés par nos compatriotes trouvent leur concrétisation dans les lois de finances et dans la manière dont sont gérées les affaires publiques. Or, malgré les déclarations d'intention plus ou moins solennelles sur le rôle du Parlement, tout se passe comme si le pouvoir des parlementaires était toujours plus réduit.

Cette loi de règlement n'échappe pas à ce constat.

Une fois encore, c'est un volume non négligeable de crédits qui sont reportés sur l'année 2005, notamment certains engagements de l'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-région, tandis que d'autres crédits sont annulés, malgré le vote émis par le Parlement.

Mais revenons sur les choix qui ont guidé la loi de finances initiale pour 2004 et sur leurs effets.

Il s'agissait pour votre gouvernement de poursuivre dans la voie de l'austérité budgétaire, en soumettant les choix opérés aux critères de convergence liés à la construction européenne et fondés, entre autres, sur la maîtrise des déficits publics, ce qui se traduisait par la mise en déclin de la dépense publique.

Lors du référendum de mai dernier sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe, c'est de manière largement majoritaire que les électeurs ont rejeté la conception de la construction européenne qui leur était proposée.

Les Français savent en effet que ces choix ont des conséquences lourdes pour les populations les plus modestes.

Lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2004, mon collègue Thierry Foucaud déclarait :

« Pour la grande majorité des habitants de notre pays, ces dernières années ont été marquées avant tout par une précarisation renforcée des conditions de vie, parce que les politiques menées en matière d'emploi ont accordé la priorité aux seules attentes des entreprises et, plus précisément, du MEDEF.

« Des efforts ont été exigés du plus grand nombre, qu'il s'agisse des prélèvements sociaux, de la remise en cause des garanties collectives, ou encore de la réalité des aides publiques à la population.

« C'est ainsi que le pouvoir d'achat des Français diminue. C'est si vrai, monsieur le ministre, que votre prédécesseur avait estimé nécessaire d'inviter les grandes surfaces à diminuer leurs prix. Mais, parallèlement, les charges, notamment en ce qui concerne les logements, sont en constante augmentation et un salarié payé au SMIC a de plus en plus de difficultés à faire vivre sa famille. »

Des études récentes sont venues corroborer cette analyse. Ainsi, si l'on se réfère aux statistiques disponibles en matière de prix à la consommation, la seule lecture de l'indice INSEE pourrait laisser croire que l'inflation est relativement maîtrisée.

Mais le principal défaut de cet indice est qu'il est de plus en plus éloigné de la réalité des dépenses réellement supportées par les ménages.

Depuis l'introduction de l'euro, en 1999, les prix ont globalement progressé de 14 % environ. Nombreux sont d'ailleurs les consommateurs qui constatent que l'introduction de la monnaie unique a sensiblement relevé le prix de bien des produits et le tarif de nombre de prestations.

Mais si l'on considère d'autres dépenses, l'augmentation est encore plus importante .Ainsi, elle atteint 20 % pour les dépenses liées au logement : la hausse des loyers a été largement encouragée par les dispositifs incitatifs au développement des investissements immobiliers ; viennent s'y ajouter les charges, notamment énergétiques. Le pourcentage est identique pour les dépenses relatives à l'usage d'un véhicule automobile, liées à la hausse du prix du pétrole. Le renchérissement atteint même 23 % en ce qui concerne les dépenses de santé.

En outre, l'annonce toute récente de la hausse des tarifs de consommation de gaz naturel, que GDF souhaite officialiser à hauteur de 13 %, accentuera encore la progression du coût des services aux particuliers dans notre pays.

La dégradation organisée de la qualité des prestations prises en charge par le régime général de protection sociale a conduit à une très sensible majoration du coût de l'ensemble des cotisations volontaires et complémentaires.

De plus, la structure budgétaire des ménages a évolué. Aujourd'hui, nous ne disposons que de peu d'éléments sur les conséquences monétaires de l'augmentation sensible de l'usage des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Or, elles ne sont pas dépourvues d'incidences sur la situation des familles.

En la matière, ce n'est pas la table ronde récemment tenue sur le coût des services d'assistance technique qui fera illusion. Chacun sait que certaines prestations de téléphonie demeurent largement surfacturées.

Se loger, se chauffer, s'éclairer, se soigner, se déplacer, s'informer ou communiquer coûtent de plus en plus cher et pèsent toujours plus dans le budget des ménages.

Cette loi de règlement est l'occasion de faire un « état des lieux » de la situation de notre pays et de ses habitants.

Or, le constat montre clairement que, dans son exécution, le budget de 2004 n'apporte pas de réponse aux attentes fortes en matière de pouvoir d'achat des ménages.

La situation des comptes publics en 2004 est marquée, quant à elle, par une sensible majoration du niveau des recettes fiscales. Elle atteint en effet plus de 9 milliards d'euros, ce qui représente - il faut tout de même le rappeler - l'équivalent de 60 milliards de francs !

Vous affectez cette somme, de manière exclusive, à la réduction du déficit annoncé en loi de finances initiale, comme en loi de finances rectificative. Comme s'il s'agissait de se montrer docile avec les acteurs des marchés financiers, vous choisissez une nouvelle fois de donner un signe aux détenteurs de titres obligataires en procédant sans cesse à de nouvelles émissions pour couvrir les frais de votre politique.

Cependant, compte tenu de la situation dégradée des comptes sociaux - s'agissant tant de la sécurité sociale que de l'assurance chômage -, le cumul du déficit de l'Etat avec les déficits sociaux porte le déficit public au-delà de la fameuse barre des 3 % du PIB, sacro-saint critère de l'orthodoxie libérale, selon la version de Maastricht et de l'Union économique et monétaire.

Cette fameuse norme de la construction européenne a-t-elle encore un sens ? On peut se le demander.

Le critère des 3 % ne serait-il pas finalement agité comme un épouvantail pour justifier le recul de la dépense publique, le déclin de la présence de l'Etat dans la vie de la nation, le remodelage social en faveur des plus riches et des grosses entreprises qui alimentent idéologiquement votre politique ?

Quand on sait que le plus grand des pays du monde capitaliste, les Etats-Unis, se moque parfaitement du niveau de son déficit public, de sa dette publique et de son déficit commercial dès lors que cela contribue à la croissance de l'activité, on se demande presque pourquoi les argentiers européens continuent de poursuivre dans cette voie.

L'imposition des critères de convergence définis par le traité de Maastricht et repris dans le projet de Constitution européenne, donc validés par ceux qui l'ont soutenu à l'époque, a été battue en brèche par le vote des Français au printemps dernier, mais elle continue de peser sur la définition des orientations et des choix budgétaires.

Ce sont là pourtant des orientations récessives, dépressives, qui aboutissent, à l'expérience, au résultat inverse de celui qui avait été annoncé.

Ainsi, malgré une timide reprise de l'activité, la croissance se situe finalement aux alentours de 2, 3 % pour l'ensemble de l'année 2004 et va de nouveau s'affaisser en 2005, puisqu'il faut nous attendre à un taux finalement proche de 1, 5 %.

Le même niveau de déficit est prévu pour l'exercice 2006, dans les termes de la loi de finances initiale ; il est d'ailleurs associé à une prévision de croissance proche de celle qui a été observée pour l'année 2004. Cependant, là encore, on ne peut qu'être dubitatifs quant à la consistance de ces prévisions de croissance.

Mais revenons à la loi de règlement et à la majoration des recettes fiscales de plus de 9 milliards d'euros au regard de la loi de finances initiale.

Le premier impôt qui voit croître son rendement de manière sensible est l'impôt sur les sociétés. Le montant de la plus-value constatée, proche de 7 milliards d'euros, est d'un niveau jamais atteint.

Lors de la précédente législature, mes chers collègues de la majorité, vous n'aviez pas de mots assez forts pour critiquer les plus-values fiscales « cachées », ce que l'on appelait la « cagnotte fiscale ». La plus-value constatée n'a d'ailleurs jamais atteint ce niveau puisque, pour mémoire, près de 7 milliards d'euros, cela fait plus de 45 milliards de francs.

Monsieur le rapporteur général, vous écrivez dans votre rapport - vous l'aviez déjà indiqué en commission des finances - que « cette sous-estimation des plus-values d'impôt sur les sociétés vient de la difficulté à prévoir correctement les recettes de cet impôt ».

Vous reconnaissez toutefois que, « certes, les bonnes rentrées de cet impôt étaient connues dès le versement du deuxième acompte, c'est-à-dire dès le mois de juin. »

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

« Cependant, » - ajoutez-vous - « l'objectif de la loi de finances initiale pour 2004 ne pouvait être atteint avant le versement du quatrième acompte, qui a lieu au mois de décembre de chaque année. Bien que ce dernier ait toujours été supérieur à 5 milliards d'euros dans les années récentes, le Gouvernement a choisi d'être prudent et de ne pas faire une prévision de plus-value qui aurait pu devoir être revue à la baisse. »

Pour être claire, pour vous, lorsqu'une loi de finances néglige de prévoir une majoration sensible des recettes de l'impôt sur les sociétés, c'est de la prudence quand le gouvernement correspond à vos choix politiques et c'est de la falsification quand le gouvernement est d'une autre obédience !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de l'orateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Permettez-moi de rappeler, sans esprit de polémique, qu'en 1999 ce qui était en cause, c'était la transparence de l'action gouvernementale. C'est en effet très tard dans l'année que le ministre de l'époque, Christian Sautter, a divulgué le vrai niveau des recettes. Il a attendu alors que les données apparaissaient très probables, voire certaines, notamment selon nos propres calculs.

En 2004, à l'inverse, le ministre du budget a indiqué rapidement - il l'a d'ailleurs rappelé dans son intervention -, dès le premier trimestre de l'année, que les recettes réelles seraient sensiblement supérieures aux recettes prévisionnelles de la loi de finances.

Il n'a donc pas attendu. Il ne s'est pas fait prier, si je puis dire. Il a, de sa propre initiative, révélé en cours d'année des informations qui nous ont permis de nous rapprocher de la réalité budgétaire, exprimée dans la loi de finances rectificative. Pour plusieurs raisons de nature technique, qui figurent dans le rapport de la commission, le montant de la plus-value est passé de 7, 5 milliards d'euros à 9 milliards d'euros, sans que cela doive susciter des critiques particulières à l'égard du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Cela ne change rien sur le fond de mon analyse de la loi de règlement. Cela n'apporte pas d'éléments supplémentaires permettant, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, de donner de nouvelles orientations à la loi de finances initiale.

Le décalage atteint, je le répète, pratiquement 7 milliards d'euros. La question est de savoir ce que cela traduit.

La hausse du produit de l'impôt sur les sociétés est la démonstration de la hausse des profits des entreprises assujetties, donc de leur bonne santé financière.

Certaines mesures fiscales prises ces dernières années ne sont pas sans conséquences sur le rendement de l'impôt. M. Mercier lui-même avait montré comment l'allégement de la part salaire de la taxe professionnelle avait alimenté l'impôt sur les sociétés.

La suppression de la part taxable des salaires au titre de la taxe professionnelle ou les allégements de cotisations sociales patronales conduisent, en théorie, à une majoration du tiers du produit de l'impôt. Ainsi, une exonération de 18, 9 milliards d'euros au titre des cotisations sociales devrait se traduire par une majoration de 6, 3 milliards du rendement de l'impôt sur les sociétés.

Mais la hausse des profits « d'abord et avant tout » ne profite ni à l'emploi - 2004 a été une des pires années en la matière - ni au pouvoir d'achat des salariés. Les gains de productivité et la croissance alimentent les débats des assemblées générales ordinaires d'actionnaires quand il s'agit de fixer la hauteur du dividende ; ils ne nourrissent manifestement pas les négociations salariales annuelles dans les entreprises.

D'ailleurs, cette manière de « partager les fruits de la croissance » est encouragée au plus haut niveau.

Vous faites un effort pour majorer la prime pour l'emploi, pour encourager le développement du travail à temps partiel, lequel favorise la pratique des bas salaires de par la ristourne dégressive. Ces mesures qui, au demeurant, amputent largement le budget de l'Etat, ne sont pas sans conséquences sur l'impôt sur les sociétés.

Qu'en est-il des autres impôts ? Il suffit de lire le texte de présentation du projet de loi pour comprendre les processus en cours.

S'agissant de l'impôt sur le revenu, il nous est dit : « A législation constante » - la législation de 2003-, « le produit de l'impôt sur le revenu progresse de 4, 3 % contre 4, 5 % en 2002, évolution essentiellement imputable à la progression des revenus imposables et au dynamisme des plus-values immobilières réalisées en 2004. »

En termes clairs, cela signifie que ce sont les revenus non salariaux qui ont vu leur assiette progresser en 2004.

La hausse du produit de la TVA, toujours à législation constante, traduit l'impact limité des mesures de relance de la consommation et enregistre l'augmentation du prix de certains produits importés, notamment du pétrole et de ses dérivés, dont le prix a commencé de s'envoler à la fin de l'année 2004.

Quant à la stagnation du produit de la TIPP, outre qu'elle traduit l'effet diesel et le rajeunissement relatif du parc automobile de notre pays, on peut espérer qu'elle atteste aussi d'un moindre recours à l'automobile par les particuliers.

Les éléments publics en la matière révèlent un nouveau tassement du produit de la taxe cette année, ce qui ne sera pas sans conséquences sur les financements des transferts de compétences aux conseils généraux et, surtout, aux conseils régionaux.

De fait, tout atteste que l'embellie des recettes fiscales constatée en 2004 ne fait que traduire les évolutions profondes de la situation sociale et économique.

Dans un pays de bas salaires, de chômage massif - 10 % de personnes sans emploi étaient officiellement recensées à la fin de 2004 -, de précarisation forcenée des conditions de travail et d'emploi, si la situation financière des entreprises apparaît florissante, il n'en est pas de même de celle de la grande masse des habitants de ce pays.

Or, un pays où il vaut mieux être actionnaire ou propriétaire immobilier que salarié ou locataire est un pays qui ne peut durablement développer ses potentiels et, par voie de conséquence, connaître la croissance économique, le développement de l'emploi et la réduction dynamique de ses déficits.

Avec la loi de finances de 2004, vous aviez privilégié la satisfaction de la rente au détriment de la satisfaction des besoins sociaux : cette loi de règlement l'atteste de manière spectaculaire.

J'en viens à présent au volet des dépenses, d'autant qu'il est question de donner un caractère nouveau à l'examen des lois de règlement, en appliquant par anticipation la loi organique.

Pour vous, a priori, la dépense publique est mauvaise.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

C'est ainsi que je le ressens après avoir écouté l'ensemble de vos déclarations et je vais vous expliquer pourquoi.

Vous estimez que la dépense publique doit être réduite, sauf pour les missions de l'Etat que vous appelez « régaliennes ». C'est pourquoi vous avez décidé d'auditionner des ministres que vous qualifiez de trop « dépensiers ».

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

C'est le terme que vous avez employé, monsieur le président de la commission des finances !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Selon le compte rendu de la réunion du bureau, vous avez dit « dépensiers ». Je vous invite à relire vos propos !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de l'orateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Si nos débats sont un peu moins formels et plus interactifs, nous ne pouvons que nous en féliciter.

Permettez-moi de dissiper un malentendu. Il est vrai que, lors de la réunion du bureau, j'ai employé l'expression « ministres dépensiers », reprenant une formule convenue, mais qui n'est pas convenable.

Les ministres sont en effet des gestionnaires. Et vous aurez sans nul doute constaté, madame, que, depuis plus d'une semaine, je parle non plus de « ministres dépensiers », mais de « ministres gestionnaires ».

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

C'est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Je prends acte du terme. Je ne suis pas persuadée que cela change sur le fond la suite de mon propos !

Vous voulez faire de la LOLF l'outil qui mettrait en exergue cette trop forte dépense publique.

L'ancien rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale durant la précédente législature, M. Didier Migaud, exprimait son inquiétude, le 4 octobre dernier, devant les députés. Je vais citer ses propos, même si nous n'avons pas la même approche de la LOLF.

Après avoir salué le travail qui avait été réalisé, il rappelait solennellement que la LOLF « est un outil pour mieux présenter, évaluer, contrôler les finances publiques. L'assimiler a priori à la réduction de la dépense publique ou de l'emploi public, c'est en détourner l'esprit. »

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Nous allons voir que ce n'est pas toujours la réalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

M. Migaud continuait en ces termes : « C'est le sentiment de l'ensemble de la commission des finances et, de temps à autre, certains ministres devraient assumer leurs choix politiques.

« Réduire la dépense publique, ce n'est pas mon choix ; je peux comprendre que ce soit celui de la majorité, mais ne confondons pas l'outil qu'est la LOLF avec cet objectif politique, si l'on veut que la réforme réussisse ».

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Le groupe communiste républicain et citoyen estime que, malheureusement, vous aviez cet objectif présent à l'esprit dès la conception de la LOLF et c'est la raison essentielle qui nous avait amenés à la rejeter en 2001.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

L'avenir nous le dira ! D'autant que, comme je le soulignais déjà lors de la discussion du collectif budgétaire de fin d'année, votre souci de contenir les dépenses à l'euro près se traduit trop souvent par des conséquences regrettables : par exemple, la fermeture d'une classe en zone urbaine ou en zone rurale, ...

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Il est un peu abusif de m'imputer des fermetures de classes !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

...la disparition d'une option ou d'une formation dans certains lycées, l'insuffisance ou l'absence d'entretien de la voirie nationale ou encore le retard pris dans la construction d'un programme de logements sociaux.

Ce souci se traduit aussi par un retard dans le lancement des actions sur le terrain, lesquelles doivent souvent faire l'objet d'un préfinancement par les collectivités territoriales ou par les associations - je pourrais évoquer des aménagements dans les zones inondables, en particulier de la consolidation des levées de la Loire - avec le risque de voir le gel se transformer en annulation ou en reports de crédits pour l'année suivante.

Hélas ! ces observations que j'avais faites à l'automne dernier trouvent encore leur illustration dans ce projet de loi de règlement comme dans la mise en oeuvre de la loi de finances pour 2005.

Des dizaines d'associations connaissent des situations catastrophiques et sont à la limite de la rupture financière, faute d'avoir reçu les financements prévus, ce qui aura, très vite, de lourdes conséquences dans les domaines de la formation et de l'insertion.

Comme la conférence des présidents l'a décidé, trois débats thématiques vont être organisés sur certains aspects de la loi de finances pour 2004.

Alors que la situation de l'emploi demeure préoccupante - puisque la baisse du chômage « officiel » doit plus à la souplesse administrative et au départ en retraite des chômeurs de longue durée qu'à la croissance économique -, vous n'avez pas choisi d'analyser la pertinence des mesures annoncées dans la loi de finances initiale pour agir sur le chômage. Nous aurions préféré que votre envie de contrôle affecte plutôt le budget consacré aux exonérations de cotisations sociales des entreprises, fortement consommateur des marges budgétaires annuelles de l'Etat.

Or, 18, 9 milliards d'exonérations de cotisations sociales, un déficit creusé de la protection sociale - puisque les compensations ne sont pas intégrales, contrairement aux dispositions organiques du code de la sécurité sociale -, une forte incitation au développement de l'emploi sous-rémunéré - ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'exigence de qualification en regard de la qualité » des offres -, voilà qui aurait pu motiver un intéressant débat !

Quand un groupe informatique américain, Hewlett Packard, bénéficie d'aides publiques directes et indirectes pour s'installer en France...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

... et qu'il décide ensuite de liquider les emplois, cela mérite que la représentation nationale regarde au plus près l'efficacité de ces mesures !

Quand Carrefour tire pleinement parti des exonérations sur les bas salaires et négocie directement à l'étranger pour se fournir en produits textiles, ce qui « liquide » des emplois dans cette branche industrielle, cela pose aussi question sur le sens donné à la politique de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

L'obsession de la réduction de la dépense publique installe une dangereuse confusion entre contrôle de l'utilisation des fonds publics et saignée permanente des crédits et des emplois publics.

Une telle orientation n'est pas la nôtre, vous le savez pertinemment.

Ce projet de loi de règlement du budget de 2004 atteste donc des choix politiques fondamentaux opérés par ce Gouvernement.

Initiée par l'actuel ministre de l'intérieur, la loi de finances pour 2004 était fondée sur l'inégalité de traitement entre contribuables, favorisant manifestement et sans vergogne les contribuables aux revenus les plus importants, rompant avec les principes constitutionnels et républicains d'égalité devant l'impôt.

Comme c'est dans ce sens que le budget pour 2006 se prépare, il aurait été intéressant d'analyser les effets de ces choix.

Nous constatons, pour notre part, que cette conception ne fait que renforcer les inégalités entre les citoyens. La dépense publique est pourtant un moyen essentiel de la redistribution de la richesse nationale en direction des plus modestes, des plus vulnérables de nos concitoyens, des habitants de ce pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Monsieur le ministre, à chaque fois que vous réduisez le champ de la dépense publique, vous faites reculer l'égalité.

C'est évidemment pour l'ensemble de ces raisons que nous ne voterons pas ce projet de loi de règlement du budget de 2004.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains, en observant les premiers pas de M. Breton au ministère, ont pensé qu'il avait trébuché en ne suivant pas le discours convenu lorsqu'il avait affirmé que la France vivait au-dessus de ses moyens. Et pourtant, c'était, et c'est toujours, hélas !, la vérité. Bien sûr, personne n'imaginait qu'il lui serait possible de redresser les comptes de la nation comme il avait pu redresser ceux de France Télécom, mais nous étions pleins d'espoir en entendant ce langage de vérité.

Aujourd'hui, le langage du néophyte aurait-il laissé la place au langage convenu, selon lequel, au fond, tout ne va pas si mal ?

Dans l'exécution du budget de 2004, vous êtes, certes, parvenu à une réduction du déficit budgétaire de 13 milliards d'euros et à une certaine stabilisation de nos dépenses. Les artifices y sont-ils étrangers ? La réduction du déficit de l'Etat n'est-elle qu'apparente et, surtout, est-elle due à une hausse mécanique des prélèvements obligatoires et des recettes supplémentaires consécutives à une croissance économique moyenne et meilleure qu'on ne le croyait ?

Quoi qu'il en soit, la dette publique de la France n'a cessé de s'aggraver, notre pays accumulant les déficits année après année. Pensez-vous avoir mis fin à cette évolution ?

Aucune des mesures ou réformes décidées n'a été à la hauteur de la gravité de la situation dans laquelle se trouvent nos finances publiques. La charge que supporteront nos enfants est consternante.

Référons-nous à la Cour des comptes, qui a souligné, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances, que la réduction de 10 milliards d'euros du besoin de financement de l'Etat est, au mieux une façade, au pire le résultat de manipulations comptables relatives à la transformation du BAPSA, à la reprise du FOREC par la CADES et au versement d'une soulte de plus de un milliard d'euros par EDF et la COGEMA au CEA.

Nous confirmez-vous que la soulte de deux nouvelles entreprises publiques, La Poste et la RATP, seront mises à contribution dans le prochain projet de loi de finances ?

Monsieur le ministre, des mesures ponctuelles peuvent améliorer une situation budgétaire, mais aucune ne peut inverser cet inexorable accroissement de la dette. Le concept budgétaire doit non seulement évoluer, mais aussi changer.

Malgré des paramètres très aléatoires - prix du baril, évolution de la consommation, évolution des investissements, déficit des comptes sociaux -, tous les ministres des finances aboutissent à une résultante qui est un chiffre de croissance escompté. Ils savent pourtant qu'ils seront vraisemblablement démentis - il va falloir geler des chiffres, supprimer des crédits budgétaires - et donc qu'ils devront se livrer à des acrobaties entre les divers budgets ministériels. Tout cela, bien sûr, a des conséquences politiques négatives.

Un espoir réside dans la LOLF, qui est un progrès formidable, car elle introduit la notion de performance. Nous sommes convaincus que vous saurez utiliser à plein ce nouvel outil.

Allons plus loin : j'ose deviner que vous avez peut-être le désir secret d'aller plus avant. Vous rêvez - ou est-ce moi ? - d'un budget au caractère uniquement comptable, calculé sur une croissance nulle, qui vous permettrait d'utiliser une partie du surplus généré, dans la grande majorité des cas, par une croissance même modeste pour rembourser la dette. Peut-être même imaginez-vous des budgets qui évolueront, en cinq ans, d'une dépense à croissance nulle en euros constants vers des euros courants.

De nombreux pays ont réussi ce redressement budgétaire : le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Suède... J'arrête là une liste qui devient humiliante ! Au nom de quoi la France, qui a toujours su se redresser, ne serait-elle pas capable d'un effort comparable ? Il faut oser parler d'effort, un mot qui semble proscrit du vocabulaire des politiques.

Ceux qui prétendent que tout finira par s'arranger sans parler d'effort nous mentent ou, comme disait Talleyrand, « cela finira par s'arranger, mais mal ».

Rétablir la situation sera très difficile. Nous y sommes obligés non seulement du fait de la contrainte communautaire, mais aussi pour ne pas être la seule génération politique à laisser à nos enfants une situation moins bonne que celle que nous avons prise en charge.

Monsieur le ministre, chacun reconnaît ou a été amené à reconnaître les talents de chef d'entreprise du ministre des finances. Les Français ne lui pardonneraient pas de ne pas y adjoindre le courage.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur la présentation qui nous a été faite par le ministre du budget.

C'est une présentation habile qui a consisté à naviguer entre les années 2005 et 2006, voire à anticiper sur l'année 2007. Mais, aujourd'hui, notre exercice, le projet de loi de règlement, doit porter sur l'exécution de la loi de finances pour 2004 !

M. le ministre a navigué entre ces différentes années, selon moi à mauvais escient, mais sciemment, car l'année 2004 a été une année singulière : celle d'un rebond de croissance et d'une augmentation des recettes - j'y reviendrai.

La présentation qui nous a été faite montre que la loi de finances initiale pour 2004 prévoyait un déficit budgétaire de 55 milliards d'euros. L'exécution du budget s'étant finalement traduite par un déficit de 44 milliards d'euros, le solde budgétaire se serait donc amélioré de 11 milliards d'euros par rapport à la loi de finances pour 2004 et de plus de 13 milliards d'euros par rapport à celui de l'année 2003. Si j'écoute et si je lis, cette réduction serait le résultat de la maîtrise des dépenses de l'Etat et de recettes plus importantes que prévues.

En vérité, je voudrais revenir sur trois éléments : d'abord les dépenses et les recettes, ensuite le déficit et, enfin, la dette.

Quand on examine attentivement la situation, on se rend compte que la présentation faite, y compris dans les interventions, comporte un aspect trompeur - je ne dis pas qu'il y a tromperie -, car le respect de l'autorisation parlementaire de dépenses a été largement formel. Selon le discours officiel du Gouvernement - vous le répétez souvent, monsieur le ministre -, il ne sera pas dépensé un euro de plus que ce que le Parlement a autorisé en loi de finances initiale. Mais c'est faire fi des nombreuses mesures de régulation budgétaire et des annonces, dès la discussion de la loi de finances, de mises en réserve et d'annulations de crédits !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est grâce à cela que l'on peut respecter le principe de l'autorisation budgétaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Laissez-moi finir, monsieur le rapporteur général !

Il est évident que l'on ne peut refuser a priori le principe de régulation, qui permet effectivement au Gouvernement de s'adapter à la conjoncture. C'est un outil de pilotage des finances publiques et, sur ce point, aucune discussion n'est possible.

Mais les critiques faites par la Cour des Comptes sont largement recevables sur trois points. Les régulations ont un coût pour l'Etat - on sait qu'elles ne sont pas gratuites -, elles reportent la difficulté sur l'année suivante et elles posent le problème de la sincérité de la loi de finances initiale. Je crois que nous pouvons, là aussi, en convenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Malgré les gels et le surplus de recettes, l'engagement du respect du plafond de dépenses n'a été tenu qu'au prix non pas de gesticulations, monsieur le président, mais de contorsions... Je suis plus sympathique peut-être !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Les contorsions, effectivement, cela peut faire mal ! Il faut être très souple...

Vous avez rappelé vous-même les factures qui ne sont pas payées, l'augmentation très nette des reports de crédits...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

... et un blocage des dépenses militaires en capital en fin d'année. Vous avez même indiqué la somme : 800 millions d'euros. Cela est en contradiction avec la volonté affichée par le Gouvernement. Les reports de crédits ont augmenté et ceux qui ont été reportés de 2004 sur 2005 ont été plus importants que ceux qui l'ont été de 2003 sur 2004.

Cette hausse des reports constitue un problème. En effet, pour 2005, les limites fixées par la LOLF s'appliqueront. C'est ainsi que le montant des crédits pouvant être reportés sera plafonné, par programme, à 3 %. Par conséquent, c'est la dernière fois que nous nous livrons à cet exercice, un peu obligé, d'examen de l'exécution d'un budget de cette manière.

Les dépenses constatées en exécution du budget pour 2004 ont progressé de 4, 5 %.

J'en viens au déficit public. Malgré un surplus de recettes de près de 2 milliards d'euros, il n'a été réduit que de 0, 5 point du PIB.

Je voudrais revenir sur la période contestée 1999 - 2000, à laquelle ont fait référence à la fois le ministre avec l'énergie habituelle qu'on lui connaît - je ne sais pas s'il compte les sous de l'Etat, en tout cas il ne m'écoute pas, mais ce n'est pas grave ! - et, vous-même, monsieur le rapporteur général, lorsque vous avez interrompu ma collègue Mme Beaufils. Je vous donne acte de l'habileté de l'action gouvernementale à gérer la transparence.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous n'allons pas en débattre, mais il est vrai que nous aurions pu, à l'époque, être plus habiles. Toutefois, cela ne change rien sur le fond, et c'est ce qui importe. J'estime que je suis dans une situation de légitime défense, tout comme je le suis s'agissant du problème de la dette et des déficits auquel vous avez fait allusion, monsieur le ministre.

Même si faute avouée est à moitié pardonnée, la faute demeure. En matière de déficit public, le résultat est nettement moins bon que celui qui avait été obtenu en 1999, année où ce déficit avait été réduit de un point de PIB. Le gouvernement de gauche de l'époque, que je soutenais, avait affecté 82 % de la prétendue « cagnotte » de 3, 4 milliards d'euros à la réduction du déficit. Et si la croissance avait été plus forte que prévu, c'est parce que la politique budgétaire conduite par ce gouvernement avait permis un tel résultat !

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

D'une façon générale, je tiens à le souligner, les déficits publics ont été constamment réduits entre 1997 et 2001. Or, depuis 2002, ils n'ont cessé de gonfler : après avoir connu des pics de 3, 2 %, 4, 2 % et 3, 6 % entre 2002 et 2004, ils seront supérieurs à 3 %, malgré la soulte d'EDF, en 2005. Cela pose le problème du seuil incontournable des 3 %.

A cet égard, j'observe que tous les pays du Vieux continent, membres de l'Union européenne, laissent filer peu ou prou leur déficit. Depuis 1997, même le Royaume-uni agit ainsi parce qu'il a besoin de financer ses services publics, notamment les enseignants, les fonctionnaires qui travaillent dans les hôpitaux ou dans les transports par exemple. Je pense que cette espèce de plafond, qui n'est pas un plafond de verre, pose problème.

Quoi qu'il en soit, lorsque la gauche a gouverné le pays, elle a fait beaucoup mieux que votre majorité depuis qu'elle est aux responsabilités, monsieur le ministre

S'agissant de la dette publique, elle s'élevait en 1998 à 58, 7 % du PIB. En 2001, ce taux n'était plus que de 56, 2 % et, aujourd'hui, elle atteint 66, 2 %. Autrement dit, elle a connu une baisse constante entre 1998 et 2001 et elle enregistre une augmentation constante depuis 2002.

La dette publique comprend également la dette des collectivités locales. A ce sujet, j'ai entendu à plusieurs reprises M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et je vous ai aussi entendu, monsieur le ministre, faire ce que j'appelle un « procès » en mauvaise gestion aux collectivités locales, qui sont confrontées aux multiples désengagements de l'Etat et aux premiers effets des transferts non compensés.

Evidemment, leur situation financière se dégrade. Pour la première fois depuis 1995, les collectivités locales affichent non pas un excédent, mais un déficit. Or vous ne devez pas leur faire ce procès, car les besoins de nos concitoyens n'ont pas disparu d'un coup de baguette magique, et nous devons y répondre. Faire des annonces ronflantes sur la capacité de la puissance publique à agir ne suffit pas à définir et à bâtir une politique économique. Tout l'art du politique réside justement dans l'exécution de ses missions : ses marges de manoeuvre sont plus ou moins grandes et, si nous voulons redonner aux Français le goût de croire en ceux qui commandent l'action publique, la noblesse de l'action du politique consiste à élargir ses marges de manoeuvre.

Après une année noire en 2003, la pire depuis 1993, l'année 2004 a connu une vraie dérive. En effet, depuis juin 2002, tous les indicateurs économiques et sociaux se sont dégradés. Mais la croissance de l'économie mondiale dont j'ai parlé au début de mon propos a connu un rebond de 4, 6% en 2004, ce qui a permis à la France d'enregistrer une croissance de 2, 3 % au lieu de 1, 7%, pourcentage prévu dans la loi de finances initiale.

Cette marge de manoeuvre supplémentaire aurait dû constituer un environnement favorable à une bonne gestion du budget de 2004. Or le Gouvernement et sa majorité n'ont pas su tirer profit de ce surplus pour réorienter la politique économique et consolider ce mouvement. Avec une croissance comparable, les performances avaient été nettement supérieures sous la précédente législature.

La gestion du budget de 2004, particulièrement insincère dès le départ, a donc été décevante. Le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004 apporte la démonstration que la situation des comptes publics ne s'est pas assainie au cours de cette année-là, malgré un excédent de recettes fiscales qui était trois fois plus important qu'en 1999. Le déficit public n'a été que faiblement réduit en 2004 et la dette publique a continué de progresser fortement, l'Etat connaissant un déficit avant même d'avoir remboursé les intérêts de sa dette, qui atteint 57, 5 % du PIB.

Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le groupe socialiste votera contre ce projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Je souhaiterais répondre de manière aussi précise que possible à chacun des orateurs ; j'ai eu le plaisir d'écouter leurs interventions tout à fait intéressantes et pertinentes depuis le début de cette séance.

Tout d'abord, je vous remercie, monsieur le rapporteur général, des encouragements que vous avez bien voulu me prodiguer. Je partage totalement l'analyse qui est la vôtre, s'agissant du redressement de nos finances publiques : l'enjeu est que l'Etat retrouve sa capacité d'action. En effet, qui peut penser que nous réduirons la dette si nous ne réduisons pas le déficit, l'un provenant naturellement de l'autre ?

De ce point de vue, notre choix d'affecter la totalité des plus-values fiscales à la réduction de l'endettement de notre pays va évidemment dans ce sens.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Solder les opérations budgétaires de l'année et ne pas prévoir de reports de crédits sur l'année suivante est un objectif sur lequel nous pouvons tous être d'accord.

Pour aller dans le même sens, je dirai que le collectif budgétaire ne peut pas être le « match retour » du projet de loi de finances. J'ai moi-même publiquement regretté la situation que nous avons connue l'année dernière. Jean Arthuis avait alors utilisé une formule terrible, parlant d'un « texte poubelle ».

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Cette formule était certes très sévère, mais elle reflétait la vérité ! Il faut dire les choses telles qu'elles sont. J'avais alors indiqué que je tirerai tous les enseignements de cette situation et, vous le verrez, mesdames, messieurs les sénateurs, le prochain projet de loi de finances rectificatives ne comportera pas de dépenses nouvelles ; il présentera uniquement quelques dispositions opérationnelles, notamment de nature fiscale.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

J'essaie d'honorer les engagements que je prends !

Monsieur le rapporteur général, vous vous demandez si le « zéro volume » est suffisant. J'adore cette question qui me permet de reprendre un credo que je partage naturellement avec vous.

Cette interrogation comprend en réalité plusieurs aspects. Tout d'abord, vous vous demandez si nous devons aller plus loin et tendre vers le « zéro valeur ».

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, rebondissant ainsi sur les annonces que le Premier ministre lui-même a faites, effectivement, il faut maintenant tendre vers le « zéro valeur ».

Dans notre pays, nous avons démontré que nous étions capables dans la durée de ne pas augmenter la dépense publique plus que l'inflation. C'est ce qui s'est passé pour les années 2002, 2003, 2004, 2005 et, monsieur Lambert, nous tenons également le cap pour l'année 2006.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Pour 2006, nous nous posons des questions quant à l'AFIFT, l'Agence de financement des infrastructures de transport.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Nous en reparlerons ! Je suis à votre disposition pour vous démontrer que cet objectif est tenu.

Quoi qu'il en soit, les conditions sont maintenant créées et les administrations publiques ont vu comment fonctionnait le système. Elles ont également compris la détermination politique qui est la nôtre ; je vous confirme donc qu'il faut aller vers le « zéro valeur ».

Par ailleurs, vous me demandez, monsieur le rapporteur général, si l'assiette du « zéro volume », futur « zéro valeur », est la bonne. C'est une excellente question, un peu plus difficile à traiter.

En effet, ne mélangeons pas tout : d'une part, les dépenses et, d'autre part, les prélèvements sur recettes ainsi que les recettes fiscales sont des éléments très différents. En effet, les dépenses sont discrétionnaires alors que les recettes ou les prélèvements sur recettes sont automatiques, sauf à baisser les impôts et assimiler alors cette baisse à une dépense.

Il ne s'agit donc pas de la même démarche, et c'est pour cette raison que, dans le projet de loi de finances pour 2006, nous avons considéré les allégements de charges comme des pertes de recettes. Je voulais justement sortir de cette confusion, car il s'agit de prélèvements obligatoires en moins et non de dépenses discrétionnaires.

Allons plus loin en imaginant une norme un peu plus grande encore afin de parvenir au « zéro volume » en incluant, par exemple, les dépenses fiscales, les fameuses « niches » fiscales dont nous allons beaucoup parler dans quelques semaines, ...

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

... ainsi que les prélèvements sur recettes qui sont plutôt automatiques et sur lesquels nous n'avons aucune marge de manoeuvre.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

En réalité, monsieur Jégou, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous : ce ne sont pas des dépenses, ce sont des moins-values de recettes. En tout cas, cela concerne pour une bonne part les collectivités locales. Mais si nous élargissons l'assiette, nous y perdrons, à mon sens, en précision.

Par ailleurs, nous devrons réfléchir sur l'alignement des prélèvements au profit des collectivités locales sur la norme générale Bref, vous l'avez bien compris, mesdames, messieurs les sénateurs : cette conférence des finances publiques, dont je rêve va vraiment être tout à fait passionnante !

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Monsieur Arthuis, une fois encore, je vous remercie d'avoir pris l'initiative d'accélérer l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget, suivant les dispositions de la LOLF. Il faut évidemment que nous recentrions nos débats budgétaires non pas sur les moyens engagés, mais sur les résultats atteints avec l'argent des Français. L'exercice auquel nous nous livrons est une petite préfiguration de ce que nous ferons ensemble à l'avenir.

S'agissant de la gestion des crédits militaires accordés en 2004, je tiens à dire que le ministère de la défense, comme tous les ministères civils, a participé à l'objectif de maîtrise de la dépense. Il est assez normal que l'effort soit partagé. Le rapport de la Cour des comptes indique que nous avons veillé à ce que cet effort ne pénalise ni les PME ni les PMI.

A cet égard, je veux dire que c'est en toute responsabilité que nous avons choisi de débloquer ces crédits, car le ministère de la défense devait honorer ses dépenses auprès des PME et des PMI ; dans le cas contraire, les conséquences économiques auraient été désastreuses. Pour le reste, le problème que vous posez est réel, et je pourrais vous apporter des éléments de réponse tant avec la LOLF et tous les dispositifs que nous mettons en place qu'avec l'audit de l'Etat que j'ai lancé cette semaine.

Monsieur Jégou, vous dites qu'il est nécessaire que nous soyons toujours plus ambitieux dans la maîtrise de la dépense. Comme je l'ai déjà indiqué tout à l'heure à M. Marini, je partage votre analyse. Il en va de même pour l'assainissement de nos finances publiques et la conduite de la réforme de l'Etat. Je forme le voeu que, sur tous ces sujets sur lesquels, vous le savez, je suis, à titre personnel, particulièrement engagé, j'aurais la chance de bénéficier de vos éloges, peut-être, de vos encouragements, sans doute, voire, rêvons un peu, de votre soutien ...

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

En tout cas, je le répète, pour la quatrième année consécutive, nous stabilisons les dépenses en volume et, dès 2007, nous allons tendre vers la stabilisation en valeur en faisant un premier pas : une réduction de 1 % en volume, ce qui représente une économie de 3 milliards d'euros. Ayons tous ce chiffre en tête parce que cette somme est proche de celle qui nous est nécessaire pour financer notre réforme fiscale. Vous voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, sur ces sujets, nous avons beaucoup à faire ensemble.

Monsieur Jégou, s'agissant du FIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales agricoles, je suis cette question de très près, car je considère que rien n'est pire que de ne pas apporter de réponses à des sujets aussi sensibles, sur lesquels chacun est en droit de savoir ce qui se passe.

En réalité, trois problèmes doivent être réglés : le financement de l'établissement en 2006, la dette et, enfin, une meilleure solidarité entre les régimes de protection sociale.

Vous le savez, le FIPSA relève du champ de compétence du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais je le dis ici, dans l'exercice des fonctions qui sont les miennes, l'Etat saura prendre ses responsabilités. Je vous annoncerai prochainement les améliorations que nous souhaitons mettre en oeuvre en faveur du financement du régime de protection sociale des agriculteurs. J'ai prévu de travailler en concertation avec mes collègues chargés de l'agriculture, de la santé et de la protection sociale. Nous aurons l'occasion de revenir rapidement sur ces sujets.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Monsieur Dallier, je vous remercie pour vos encouragements et pour votre analyse très claire des enjeux budgétaires qui sont les nôtres. Nous engrangeons les résultats de la politique de précaution que nous avons conduite depuis 2002 ; l'enjeu majeur est évidemment la réforme de l'Etat. Vous le savez, dans ce domaine, j'entends engager des mesures importantes et ambitieuses.

Madame Beaufils, je suis obligé de constater que nous ne sommes pas complètement d'accord.

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Autant, avec Philippe Dallier, j'ai trouvé de vrais points de convergence, autant, avec vous, je les ai cherchés en gémissant !

Qu'en est-il ? Vous plaidez pour l'économie administrée, pour l'augmentation de la fiscalité et de la dépense publique au profit d'une société d'assistance.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

C'est sans doute un point de divergence majeure entre nous. Au contraire, le modèle auquel je crois profondément pour notre pays consiste à libérer les initiatives, à développer la croissance, à revaloriser la valeur travail.

Madame Beaufils, vous avez dit tout à l'heure, emportée par votre élan, que la majorité - je crois que vous pensiez un peu à moi ainsi qu'au président de la commission des finances et au rapporteur général - n'aimait pas la dépense publique. C'est une énorme erreur d'appréciation ! La question n'est pas de savoir si l'on aime ou si l'on n'aime pas la dépense publique : celle-ci est évidemment indispensable dans un pays moderne.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

En revanche, il faut sans cesse se demander si la dépense publique est efficace, si les Français « en ont pour leurs impôts », si les usagers sont satisfaits par les services publics et, enfin, si les fonctionnaires mettent en oeuvre la dépense dans les meilleures conditions. C'est cela qui nous importe. A cette fin, un examen quotidien s'impose. Ce sera un rendez-vous majeur dans le cadre de la réforme de l'Etat, qu'il nous faudra évoquer ensemble.

S'agissant des questions budgétaires, je veux faire une remarque sur la régulation. Il s'agit de se donner les moyens de respecter pleinement l'autorisation parlementaire. A cet égard, j'ai souhaité, cette année, moderniser en profondeur les modalités de la régulation budgétaire en termes de transparence et de prévisibilité, vis-à-vis aussi bien du Parlement que des ministres. Comme je l'ai précisé tout à l'heure à la tribune - ce point est essentiel -, nous indiquerons chaque fois la tranche ferme et la tranche conditionnelle au sein des différents programmes.

La dépense publique n'est ni bonne ni mauvaise : elle est indispensable, à condition naturellement de mesurer chaque fois son efficacité.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Monsieur de Montesquiou, vous exprimez avec une grande sévérité une préoccupation concernant l'augmentation de la dette publique. Comment ne pas la partager ? Oui, ce phénomène est important. La dette publique représentait 20 % du PIB en 1980 ; elle en représente plus de 65 % aujourd'hui. Quant à la charge des intérêts, elle correspond à 75 % du produit de l'impôt sur le revenu.

Nous avons un devoir de responsabilité.

La croissance de la dette est stabilisée dans le projet de loi de finances pour 2006. De plus, nous oeuvrons au désendettement et à la maîtrise de la charge de la dette en affectant une part significative du produit des cessions d'actifs au désendettement et en adoptant une gestion active de la dette. Ces mesures ont vocation à réduire le coût budgétaire annuel de la charge des intérêts. Il ne faut en aucun cas être immobile. Il faut s'impliquer dès maintenant pour engager la diminution de la dette à l'avenir. Nous serons les uns et les autres confrontés à un dilemme sur lequel je saurai vous rendre chaque fois témoins et même acteurs.

Lorsque a été annoncée, il y a peu, la décision de l'Etat d'ouvrir le capital des sociétés d'autoroutes, j'ai immédiatement dit, en bon ministre chargé du budget, qu'il serait sensé d'en affecter le produit au désendettement. Que n'avais-je dit là ? Des personnalités éminentes, tant de l'opposition que de la majorité, d'ailleurs, m'ont alors dit que c'était une erreur, excipant que les sommes concernées étaient très faibles. Mais, alors, on n'arrivera jamais à faire le lien ! On m'a dit, de plus, que l'important était d'honorer les investissements prévus dans les contrats de plan, s'agissant d'équipements structurants pour l'avenir.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Bref, nous avons tous compris qu'il fallait alors distraire une partie du produit de ces cessions d'actifs au profit de l'investissement. C'est d'ailleurs une bonne idée. Nous avons tous des investissements structurants à honorer. Cependant, nous devrons les uns et les autres être cohérents avec ce que nous voulons faire.

Nous avons surmonté, me semble-t-il, cette difficulté en proposant de partager de manière équilibrée le produit de ces cessions entre le désendettement, pour une part majoritaire, et les investissements, pour une part minoritaire mais importante, notamment pour les investissements structurants.

Madame Bricq, je veux voir les choses sous un angle positif : vous avez rendu hommage, me semble-t-il, à mon énergie. Dans l'histoire complexe et presque ancienne de nos relations, le progrès est considérable !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. Il y a des énergies négatives et des énergies positives.

Nouveaux sourires

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et voilà que la fête est gâchée !

Nouveaux sourires

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Vous avez évoqué de manière très critique - ce n'était pas surprenant - la situation dégradée des finances publiques. Nos analyses divergent sur un certain nombre de points. Ce n'est pas nouveau et ces divergences ne portent pas seulement sur la question des finances publiques.

Vous ne pouvez pas nier la réalité des cycles économiques : la situation n'est pas la même selon que le rythme annuel de croissance est de 3 % - comme ce fut le cas au cours des quatre dernières années du gouvernement de M. Jospin - ou qu'il est inférieur de moitié - comme cela est le cas depuis trois ans - voire presque nul - comme en 2003.

Dès lors, il faut bien avoir à l'esprit des éléments fondamentaux. Ainsi, lorsque la croissance économique est au rendez-vous, il faut en profiter, d'une part, pour maîtriser totalement la dépense publique, d'autre part, pour utiliser les surplus de recettes fiscales à des réformes structurelles. Celles-ci servent à réaliser des économies et des gains de productivité dont on a besoin pour « tenir le coup » dans les périodes plus difficiles.

Madame Bricq, que voulez-vous que je vous dise, sinon que la France n'a pas été présente aux deux ou trois rendez-vous majeurs auxquels elle aurait dû être à la fin des années quatre-vingt-dix ?

Les retraites, la sécurité sociale, la réforme de l'Etat sont autant de sujets sur lesquels le gouvernement de l'époque n'était pas au rendez-vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Parlons-en de la sécurité sociale ! Le plan. Douste-Blazy est « dans les choux » !

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Aussi, il nous a fallu agir dans les pires conditions, à un moment où la croissance était absente.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

C'est une situation que nous avons dû assumer, avec toutes les difficultés que cela implique. La période 1999-2001 - je suis désolé de devoir le dire avec la même énergie, dont je ne sais si elle est positive ou négative ! - a vu les fruits de la croissance gaspillés en dépenses publiques pérennes et non adossées. Vous avez multiplié les baisses d'impôts, qui, n'étant pas financées, ont aggravé les choses. Pour notre part, nous faisons l'inverse : nous essayons de maîtriser la dépense dans la durée et nous tentons d'affecter autant que possible les surplus de recettes à la réduction du déficit.

Bref, nous n'avons pas la même conception de la gestion du budget de l'Etat. C'est ainsi et c'est aussi le charme de la démocratie que de permettre aux Français d'exercer en conscience, le moment venu, leur choix politique.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Monsieur le ministre, je vous remercie de ces réponses circonstanciées. Chacun aura apprécié, monsieur le président de la commission des finances, la richesse de nos échanges, qui atteste l'intérêt de ce débat sur la loi de règlement.

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 2004 sont arrêtés aux sommes mentionnées ci-après :

(En euros)

Charges

Ressources

Solde

A. - Opérations à caractère définitif

Budget général

Recettes brutes

A déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales et des Communautés européennes

61 176 076 169, 44

Recettes nettes des prélèvements

A déduire :

- Dégrèvements et remboursements d'impôts

64 471 758 484, 39

- Recettes en atténuation des charges de la dette

2 493 324 451, 20

Dépenses ordinaires civiles brutes

A déduire :

- Dégrèvements et remboursements d'impôts

64 471 758 484, 39

- Recettes en atténuation des charges de la dette

2 493 324 451, 20

Dépenses ordinaires civiles nettes

Dépenses civiles en capital

Dépenses militaires

Total pour le budget général

Comptes d'affectation spéciale à caractère définitif

Recettes

Dépenses ordinaires civiles

Dépenses civiles en capital

Total pour les comptes d'affectation spéciale

Totaux (budget général et comptes d'affectation spéciale)

Budgets annexes

Aviation civile

Journaux officiels

Légion d'honneur

Monnaies et médailles

Ordre de la Libération

Prestations sociales agricoles

Totaux pour les budgets annexes

Totaux des opérations à caractère définitif (A)

Charges

Ressources

Solde

B. - Opérations à caractère temporaire

Comptes spéciaux du Trésor

Comptes d'affectation spéciale à caractère temporaire

Comptes de prêts

Comptes d'avances

Comptes de commerce (solde)

Comptes d'opérations monétaires (hors FMI) (solde)

Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers (solde)

Totaux des opérations à caractère temporaire hors FMI (B)

Solde d'exécution des lois de finances hors FMI (A+B)

Solde d'exécution des lois de finances hors FMI, hors FSC.

L'article 1er est adopté.

Le montant définitif des recettes du budget général de l'année 2004 est arrêté à 309 955 621 688, 49 €. La répartition de cette somme fait l'objet du tableau A annexé à la présente loi. (1)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je mets aux voix l'ensemble de l'article 2 et du tableau A annexé.

L'ensemble de l'article 2 et du tableau A annexé est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous passons à l'examen des articles 3 et 4 et des tableaux B et C annexés.

Le montant définitif des dépenses ordinaires civiles du budget général de 2004 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par ministère conformément au tableau B annexé à la présente loi. (1)

(En euros)

Désignation des titres

Dépenses

Ajustements de la loi de règlement

Ouverturesde crédits complémentaires

Annulationsde créditsnon consommés

I. - Dette publique et dépenses en atténuation de recettes

II. - Pouvoirs publics

III. - Moyens des services

IV. - Interventions publiques

Totaux

Le montant définitif des dépenses civiles en capital du budget général de 2004 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par ministère conformément au tableau C annexé à la présente loi. (1)

(En euros)

Désignation des titres

Dépenses

Ajustements de la loi de règlement

Ouverturesde crédits complémentaires

Annulationsde créditsnon consommés

V.- Investissements exécutés par l'Etat

VI. - Subventions d'investissement accordées par l'Etat

VII. - Réparations des dommages de guerre

Totaux

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous allons procéder aux trois débats décidés par la conférence des présidents et portant, respectivement, sur les crédits des ministères des affaires étrangères, de l'agriculture et de la pêche et enfin, de la culture et de la communication.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé qu'interviendraient successivement dans chaque débat :

- le rapporteur spécial de la commission des finances, pour dix minutes maximum ;

- les rapporteurs des commissions pour avis intéressées, pour dix minutes maximum ;

- les orateurs des groupes, pour une durée n'excédant pas une heure trente, aucune intervention ne pouvant dépasser dix minutes.

Le ministre répondra en deux temps, tout d'abord aux rapporteurs puis aux orateurs des groupes.

La parole est à M. Alain Lambert, sur l'article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

Je veux dire quelques mots sur l'article 3 s'agissant de la norme de dépense, très bien évoquée par M. le rapporteur général, M. le président de la commission et M. le ministre.

Intuitivement, je sens monter, monsieur le ministre, un doute quant à l'utilité de s'en tenir à cette notion de norme de dépense à laquelle nous tenons depuis 2002. Il faut que vous persistiez de toutes vos forces, car c'est un élément décisif de crédibilité de notre pays en matière de finances publiques.

Tout à l'heure, la question a été évoquée de savoir si nous devions retenir une évolution en volume ou une évolution en valeur. Il me semble qu'il serait très intéressant de retenir une évolution en valeur. Cela nous permettrait, en effet, d'utiliser un langage compréhensible par tous nos concitoyens.

Si nous leur disons que l'Etat, producteur de services qui leur sont destinés, arrive à maintenir chaque année un niveau de services égal - voire à l'améliorer - tout en leur facturant le même prix, ils comprendront. Si, en revanche, nous exprimons l'évolution des coûts en volume, je puis vous dire qu'ils ne comprendront pas. Des expressions telles que « euro courant » ou « même prix que l'année précédente » leur parlent.

La démocratie se trouvera donc renforcée si, sans simplisme, nous savons parler le langage de nos concitoyens, leur dire que l'Etat assure les mêmes prestations, voire les améliore, année après année, au « même prix que l'année précédente ». Ce langage peut être compris par tous. Monsieur le ministre, arriver à une évolution de la norme à « zéro valeur » constituerait un excellent progrès.

Je voulais également vous demander - je ne reprendrai pas la parole avant ce soir, puisque que c'est ce soir que M. le président de la commission des finances a placé ma question orale avec débat ! - si vous évaluez la différence entre « zéro volume » et « zéro valeur » à un peu plus de 5 milliards d'euros. Si j'ai bien lu ce qu'a écrit le rapporteur général - et je parle sous son contrôle -, le déficit primaire, qui est la différence entre les dépenses et les recettes avant paiement des charges de la dette, s'élève à environ 5, 8 milliards d'euros. Si nous avions pu tenir en « zéro valeur », l'équilibre primaire serait réalisé. Cela signifie que nous n'emprunterions plus pour payer les intérêts. Ce raisonnement est-il juste ? A cet égard, mes chers collègues, nous aurions bien servi l'intérêt de nos compatriotes. Cela méritait d'être souligné.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Sur le premier point, je suis tout à fait d'accord avec M. Lambert. Pour ma part, je « faisais du Lambert dans le texte » et je m'inscris dans ses pas en permanence.

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

S'agissant du second point, son raisonnement est tout à fait exact. Nous allons y travailler ensemble. C'est d'ailleurs l'un des enjeux majeurs du prochain débat budgétaire. Cela constituera une véritable petite révolution dans le rapport des responsables politiques et des Français à la dépense publique. Expliquer que l'Etat et ses services publics, à dépenses en valeur courante maîtrisées, seront plus efficaces changera beaucoup de choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je voudrais remercier M. Lambert, auteur d'une excellente question orale sur la politique des transports terrestres.

Dans un premier temps, il est vrai que l'ordre du jour prévoyait que celle-ci serait examinée prioritairement, au début de l'après-midi.

J'ai protesté, étant un lecteur assidu du rapport né de la nouvelle coproduction Lambert-Migaud sur le suivi de la mise en oeuvre de la LOLF. En effet, j'ai estimé que ce serait faire insulte à ce rapport que de ne pas donner la priorité à la discussion du projet de loi de règlement.

Je vous l'avoue, j'étais las de voir inscrits les projets de loi de règlement généralement le lundi soir, vers vingt-trois heures, parce qu'ils n'intéressaient personne. Il y a un moment où il faut changer d'air, « changer de braquet », changer d'époque ! Et je me réjouis qu'Alain Lambert ait accepté de reporter la discussion de la question orale avec débat à ce soir. Cette discussion aurait peut-être pu se dérouler à un autre moment, mais M. Perben n'est pas libre jeudi matin.

Je tenais à donner ces précisions parce que ne veux pas être suspecté d'avoir de mauvaises manières à l'égard d'Alain Lambert !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous passons au débat sur les crédits du ministère des affaires étrangères.

Dans le débat, la parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde conviendra que l'organisation d'un débat, lors de l'examen du projet de loi de règlement définitif du budget de 2004, sur les crédits d'un certain nombre de ministères gestionnaires, constitue une initiative très heureuse.

Il me revient d'évoquer les crédits du ministère des affaires étrangères.

Je voudrais indiquer d'abord que ce débat ne préfigure pas tout à fait celui que nous aurons à l'horizon 2008, dans le courant des mois de mai ou juin, comme nous l'espérons, ainsi que l'a dit tout à l'heure M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Les indicateurs de performance, pour la plupart d'entre eux, viennent à peine d'être créés au ministère des affaires étrangères. Dès lors, on le comprend, peu sont encore renseignés.

Nous ne pouvons donc pas nous livrer à une analyse des performances de la gestion 2004 du Quai d'Orsay. Mais, monsieur le ministre, votre présence annonce les rendez-vous que nous aurons pour évaluer ensemble les résultats de votre gestion, en fonction des objectifs que vous aurez soumis à notre approbation, lors de l'examen du projet de loi de finances initiale.

Je dirai tout d'abord quelques mots sur l'exécution de la loi de finances pour 2004. Ensuite, monsieur le ministre, je vous indiquerai que, s'il nous a paru souhaitable, aujourd'hui, d'amorcer l'exercice que nous aurons bientôt à effectuer lors de la pleine entrée en vigueur de la LOLF, nous voulons saluer - je commence par un compliment ! - le travail qu'ont accompli vos services dans la préparation de la mise en oeuvre de la LOLF.

Permettez-moi d'évoquer la gestion du budget pour 2004.

Le budget du ministère des affaires étrangères pour 2004 s'était établi en loi de finances initiale à 4, 224 milliards d'euros, enregistrant une augmentation de 2, 6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003.

Le projet de loi de finances initiale pour 2004 prévoyait une pleine participation du Quai d'Orsay à l'effort de rigueur budgétaire du Gouvernement, qui s'est traduit tout d'abord, en matière d'emplois et de rémunérations, par la baisse de 4, 2 % de la masse salariale entre le projet de loi de finances pour 2003 et le budget pour 2004. Cette baisse - il faut le signaler, même si la réduction de la dépense publique n'est pas une fin en soi, comme l'a illustré la discussion précédente - est liée à une diminution des effectifs - moins 116 emplois - équivalent à un taux de non-renouvellement de 46 % des départs à la retraite. Les frais de fonctionnement de l'administration centrale et du réseau ont, en outre, diminué de 2 %.

En exécution, la gestion a été moins tendue qu'au cours de l'exercice 2003 : certains mouvements des personnels ont, semble-t-il, été entendus. En tout cas, les dépenses nettes de 2004 affichent un montant de 4, 264 milliards d'euros contre 3, 916 milliards d'euros en 2003, soit une hausse de 8, 9 %. Cela laisse à penser que la régulation budgétaire a été moins sévère en 2004 qu'en 2003. En cours de gestion 2004, 102, 6 millions d'euros ont été annulés, en crédits de paiement, contre 170, 8 millions d'euros en 2003.

Dans ce contexte de modération de la dépense, le ministère des affaires étrangères a mis à profit la préparation de la LOLF, au cours de ces derniers mois, pour se mettre en position de moderniser sa gestion, au service de notre diplomatie et de la place de la France dans le monde.

Le Quai d'Orsay, il me plaît de le signaler, a participé activement aux travaux préalables à l'entrée en vigueur de la LOLF : votre ministère a lancé en 2004, dans cinq pays, une expérimentation de « budget-pays LOLF » qui a permis aux ambassadeurs de tester la fongibilité asymétrique des crédits de rémunération vers les crédits de fonctionnement.

Grâce à la LOLF a été accompli, en premier lieu, un exercice de clarification des missions du Quai d'Orsay. Deux missions ont été créées : « action extérieure de l'Etat » et « aide publique au développement ».

La première, dont je suis le rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, comprend trois programmes : « action de la France en Europe et dans le monde », « Français à l'étranger et étrangers en France », et « rayonnement culturel et scientifique ». Cette mission permet, avec clarté, d'énoncer les priorités d'action des agents de votre ministère, monsieur le ministre. Nous pouvons reconnaître néanmoins qu'elle n'est pas encore parfaite, faute d'être interministérielle.

Les missions économiques, rattachées au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ne sont pas intégrées à la mission « action extérieure de l'Etat ». De la même manière, certains crédits de fonctionnement, correspondant notamment aux frais de déplacement des agents de certains autres ministères, comme celui de l'intérieur, n'y figurent pas davantage.

Sur le terrain, dans les ambassades - j'ai pu le vérifier -, ces petits défauts de conception de la mission « action extérieure de l'Etat » pourraient compliquer la tâche des gestionnaires. Le périmètre des missions n'est toutefois pas figé, et j'imagine que des ajustements seront possibles. Il faudra un jour trouver une traduction budgétaire au fait que l'ambassadeur est, à l'étranger, le responsable de l'ensemble des services déconcentrés et l'unique ordonnateur secondaire de l'Etat.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Ces ajustements pourront d'ailleurs concerner également la seconde mission qui, elle, est interministérielle. Je ne l'évoquerai que pour mémoire, car Michel Charasse en est le rapporteur spécial de la commission des finances et il fera part de ses observations au cours de la discussion du projet de loi de finances.

Je peux néanmoins remarquer que, si elle est interministérielle, cette mission comprend un programme qui est géré par le Quai d'Orsay et un second qui est géré par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; mais elle n'est interministérielle qu'imparfaitement, car elle est loin de recouvrir de manière exhaustive l'ensemble des actions que mène la France en matière d'aide au développement. Il faut donc perfectionner le dispositif sur ce point.

Je me permettrai en outre, monsieur le ministre, de faire une remarque sur la répartition des crédits entre les deux missions, qui découle d'un contrôle sur pièces et sur place que j'ai effectué au Brésil en avril 2005.

Notre ambassadeur m'a tenu des propos qui m'ont semblé très convaincants. Il m'a expliqué que la France ne faisait pas au Brésil, à proprement parler, d'aide au développement, et que l'Agence française de développement, mis à part quelques projets très ciblés d'intérêt mondial, comme ceux qui sont liés à la protection de la forêt amazonienne, n'avait pas vocation à y intervenir. Il m'a précisé également que le Brésil, puissance économique considérable, avait vocation à gérer sa question sociale de manière indépendante, sans aide internationale.

Toute notre action culturelle et de coopération relève donc de l'influence, dans un pays d'avenir. Or, tous les crédits dédiés à la coopération et à l'action culturelle sont du ressort de la mission « aide au développement », parce que, au regard des critères internationaux édictés par le comité d'aide au développement de l'OCDE, le Brésil fait partie de la très longue liste des pays en développement. Selon moi, cela pose problème, car l'immense majorité des crédits d'action culturelle mis en oeuvre au Brésil sont bien éloignés d'une démarche d'aide au développement.

Je voudrais, en deuxième lieu, monsieur le ministre, saluer le travail accompli au Quai d'Orsay, grâce à la LOLF, en matière de recensement des effectifs. Je veux en dire quelques mots à notre assemblée.

Les effectifs budgétaires ont atteint ainsi 9293 emplois en 2004. Le recensement des effectifs réels du ministère fait apparaître, pour 2006, 16 720 équivalent temps plein. Cette différence est due, en partie, au fait que, en 2004, les recrutés locaux n'ont pas été pris en compte. Vos services se sont donc livrés à un exercice salutaire de « sincérité budgétaire », ...

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

...qui est un préalable indispensable à une véritable gestion des ressources humaines. Comment, en effet, pouvait-on imaginer auparavant gérer des effectifs sans en connaître le nombre exact ?

Grâce à ce recensement, monsieur le ministre, vous disposez désormais des outils pour piloter vos ressources humaines. Les responsables de programme pourront ainsi réaliser les arbitrages nécessaires, par exemple dans les centres culturels, entre titulaires, contractuels, expatriés et recrutés locaux, afin d'assurer un fonctionnement des services diplomatiques, culturels et consulaires alliant excellence et coûts maîtrisés.

En troisième lieu, le même exercice a été réalisé, toujours en application de la LOLF, en ce qui concerne la gestion du patrimoine immobilier de votre ministère. Celle-ci a concentré, en 2004, les critiques justifiées de notre commission des finances et de la Cour des comptes. En effet, comment peut-on imaginer gérer un patrimoine immobilier dont on ne connaît ni le statut juridique ni l'étendue ni la valeur ?

Je ne voudrais pas revenir sur le débat qui nous avait réunis en séance publique, avec votre prédécesseur, en avril dernier. Je me félicite néanmoins que le Quai d'Orsay ait souhaité participer en 2006, comme je l'avais recommandé, à l'expérimentation des « loyers domaniaux », à Athènes notamment, afin de faciliter les arbitrages entre location et achat.

J'indique que, selon mes informations, le tableau général des propriétés de l'Etat a été actualisé en ce qui concerne les 1 708 immeubles ou terrains du ressort du ministère des affaires étrangères.

S'agissant de la valorisation de ces biens immobiliers, les réponses à mon questionnaire budgétaire soulignent que les travaux sont en cours de finalisation. Il faut reconnaître que l'exercice est difficile : comment évaluer, par exemple, la Maison de France à Rio de Janeiro, construite sur un terrain donné par l'Etat de Rio, et qui ne peut être cédé qu'à ce même Etat ?

Cet exemple illustre la spécificité du Quai d'Orsay dans la mise en place de certains instruments liés à la LOLF : la valorisation du patrimoine de l'Etat est beaucoup plus complexe à l'étranger qu'en France. Il en est de même - c'est une parenthèse - en ce qui concerne le déploiement des systèmes d'information nécessaires à la mise en place de la LOLF.

En quatrième et dernier lieu, je crois, monsieur le ministre, qu'il est très important que le travail de préparation de la LOLF débouche, comme vous l'envisagez, sur un contrat de modernisation triennal entre le ministère des affaires étrangères et le ministère du budget. Nous sommes en attente d'une stratégie budgétaire claire du Quai d'Orsay.

Lors de ma mission du contrôle au Brésil, j'ai été frappé, monsieur le ministre - je tiens à le dire ici, car cela me paraît très important -, par certains symptômes de ce qu'il faut sans doute appeler un malaise social au Quai d'Orsay.

Ce n'était certes que des impressions, mais elles étaient fortes. Beaucoup l'ont reconnu, le climat n'est pas bon, et c'est ce phénomène, très dommageable pour notre diplomatie, qui a retenu mon attention, à tel point, monsieur le ministre, que j'ai souhaité en préciser les causes.

Elles tiennent selon moi, pour faire simple, à l'écart grandissant entre les « budgétaires » et les diplomates. Ceux-ci et ceux-là, visiblement, ne parlent pas le même langage Entre les grands discours, souvent très généreux, et les moyens financiers mis à la disposition de ceux-ci, il y a un fossé qui nuit au crédit de notre diplomatie. Nous ne pourrons pas tenir longtemps un tel grand écart.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Dans les questions que se sont posées à haute voix mes interlocuteurs au Brésil, j'ai discerné une inquiétude : le Quai d'Orsay a-t-il aujourd'hui une politique ? Faut-il restreindre nos ambitions, réduire la voilure de nos postes diplomatiques ? Faut-il augmenter les crédits ?

En guise de conclusion, monsieur le ministre, je voudrais citer une phrase que j'ai lue cette semaine dans un hebdomadaire, sous la plume d'un excellent éditorialiste : « La France est-elle en train de devenir, partout où elle passe, la promesse qui ne peut être tenue ? ».

Monsieur le ministre, cette phrase me paraît mériter réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Il n'est pas ici question de nous désespérer, mais bien de prendre conscience de la réalité de nos moyens...

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. ... afin de nous fixer des priorités, de sorte que notre action puisse être aussi efficace que dans le passé. Nous ne voulons pas renoncer à la vocation universaliste de notre pays ; nous voulons simplement que cette vocation s'exerce de manière réaliste et que les discours soient, autant que faire se peut, compatibles avec les moyens.

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances de notre assemblée a souhaité rénover les modalités de discussion de la loi de règlement et voir évoquées, dans ce cadre, les modifications induites par la loi organique relative aux lois de finances dans l'organisation interne du ministère des affaires étrangères.

Cette innovation est tout à fait judicieuse, car elle permet à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées d'exprimer ses vues sur les efforts considérables qui ont été accomplis par votre administration, monsieur le ministre, pour répondre aux exigences de la nouvelle discussion budgétaire. Je suis d'autant plus heureux de vous adresser de nouveau des félicitations cette année que j'aurais dit le contraire avec la même conviction s'il l'eût fallu.

Je ne reviendrai pas sur les éléments qui viennent d'être évoqués par le rapporteur spécial de la commission des finances, mon collègue et ami M. Adrien Gouteyron, sinon pour rappeler que l'exécution du budget de 2004 a été marquée par un ajustement de 39, 7 millions d'euros, en provenance du budget des charges communes, pour permettre à votre ministère de faire face à la dégradation de la situation en Côte d'Ivoire et aux opérations entreprises à la suite du raz-de-marée qui a frappé l'Asie du Sud-Est.

J'aimerais savoir quelles modalités suivront les ajustements de ce type dans le cadre de la nouvelle nomenclature budgétaire. Mais je me concentrerai sur les perspectives de réforme évoquées par celui qui était ministre des affaires étrangères à l'époque de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 : M. Dominique de Villepin.

Celui-ci relevait alors, tout d'abord, la nécessité « de renforcer la capacité stratégique du Quai d'Orsay pour mieux définir les priorités de notre action diplomatique ». Il s'agit là d'un élément central, car la vocation universaliste de notre pays a parfois pour conséquence négative de rendre difficile la définition de quelques axes forts à privilégier. Ainsi la France se veut-elle, par exemple, tout à la fois le moteur de l'action en faveur des pays déshérités du Sud, le pôle de la francophonie, l'instigatrice d'un renouveau transatlantique et l'animatrice de bien d'autres actions tout aussi légitimes, mais qu'il est malaisé de conduire simultanément.

Cette difficulté à établir des priorités se retrouve d'ailleurs dans la densité de notre réseau diplomatique, consulaire et culturel : aucun autre pays au monde ne dispose d'un nombre aussi élevé de bâtiments divers. Nous avons ainsi 156 ambassades et 98 postes consulaires, alors que la Grande-Bretagne en a respectivement 150 et 84, l'Allemagne 145 et 52. Or le maintien en l'état, et en bon état, de ce réseau requiert des financements qui excèdent largement les capacités budgétaires du ministère des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Restructurer ce réseau me semble la seule voie pour vous permettre, d'une part, de retrouver des marges de manoeuvres budgétaires nécessaires à toute nouvelle impulsion et, d'autre part, de dégager les crédits indispensables à l'entretien des bâtiments français à l'étranger, dont l'état parfois déplorable donne de notre pays une image qui n'est pas à la hauteur de nos ambitions.

Je relève que les crédits d'investissements immobiliers ne se montaient qu'à 42 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances 2004, ce qui a conduit vos services à mettre en place des montages budgétaires innovants pour l'élaboration du centre des archives de La Courneuve. Cette diversification des crédits est une bonne chose, mais elle ne pourra être mise en oeuvre que dans des situations spécifiques comme celle-ci.

Cela vaut également pour les établissements d'enseignement français à l'étranger, qui peinent parfois à se mettre aux simples normes minimales de sécurité, car l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger dispose de crédits très limités pour soutenir cette action pourtant hautement indispensable.

J'aimerais également, monsieur le ministre, que vous nous présentiez l'état d'avancement du regroupement en un site unique des différentes implantations de votre ministère dans la capitale.

La nécessité de renforcer la cohérence interministérielle de notre action diplomatique était déjà évoquée lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2004. C'est dans cette perspective que le comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger devrait réaffirmer cette indispensable coordination, ainsi que le souligne le préfet Le Bris dans son récent rapport sur le fonctionnement des services de l'Etat à l'étranger. J'aimerais, là aussi, recueillir votre sentiment sur les modalités à retenir pour donner vie et substance à cette coordination, afin d'éviter que ce rapport ne rejoigne la trop longue cohorte des rapports inutiles.

Ensuite, je souhaiterais que vous nous livriez quelques informations sur les premiers résultats obtenus dans le cadre de la « stratégie ministérielle de réforme » du Quai d'Orsay. Son application s'est conjuguée aux modifications considérables de méthodes de travail induites par le passage à la discussion du budget suivant la nouvelle grille imposée par la LOLF. Vos services ont relevé ce défi avec une grande efficacité, unanimement soulignée par mes collègues et moi-même. En revanche, nous mesurons mal l'incidence que cette réforme aura sur le mode de fonctionnement de nos implantations à l'étranger, qu'elles soient diplomatiques, consulaires ou culturelles. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point, à l'aide de quelques exemples concrets ?

J'en viens maintenant à l'aide au développement. Ma collègue Mme Brisepierre exprime souvent l'inquiétude que lui inspire la part croissante prise par les financements multilatéraux qui s'imputent sur ces crédits. Non que les actions menées par les institutions qui en sont bénéficiaires, tel le Fonds européen de développement, soient sans intérêt, loin de là, mais les rigidités induites par ces financements croissants et obligatoires obèrent nos capacités d'action dans le domaine bilatéral, alors qu'elles doivent être préservées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Vous savez, tout comme moi, que seule l'aide bilatérale permet une claire visibilité politique de notre action...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

...et qu'elle confère la nécessaire souplesse d'adaptation requise par les situations de crise. Mes collègues Adrien Gouteyron et Michel Charasse viennent de le démontrer une nouvelle fois à travers l'analyse des difficultés alimentaires rencontrées par les populations au sud du Niger.

Je voudrais également évoquer, reprenant ainsi des éléments que j'avais déjà mis en relief dans mon avis sur le budget de 2005, l'augmentation des coûts imputables à la multiplication des opérations de maintien de la paix, les fameuses OMP.

Il s'agit là de contributions obligatoires versées par notre pays, dont la croissance reflète hélas celle des situations de crise dans le monde. Ainsi, en 2005, la France s'est-elle une nouvelle fois engagée aux niveaux diplomatique et financier dans le règlement de la crise du Darfour, au Soudan, suscitant un nouveau besoin de financement d'environ 80 millions d'euros.

Certes, l'ONU joue pleinement son rôle lorsqu'elle met en oeuvre de telles opérations, mais il importe de souligner que les difficultés inhérentes à la sortie des crises conduisent parfois à une prolongation excessive de certaines opérations.

Cette rigidité - imputable à la difficulté des décisions collectives - réduit mécaniquement les financements disponibles pour d'éventuelles nouvelles urgences et ampute d'autant les sommes disponibles pour nos contributions obligatoires aux diverses agences de l'ONU. Ainsi les contributions françaises aux opérations de maintien de la paix sont-elles passées de 52 millions d'euros en 1998 à plus de 200 millions en 2004.

Il s'agit là d'un problème complexe, et j'aimerais que vous nous indiquiez quelques pistes pour sortir d'une situation si contrainte.

En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais vous exprimer ma confiance dans votre action, car les propos que vous avez tenus lors de la dernière conférence des ambassadeurs démontrent votre volonté de poursuivre la modernisation de notre outil diplomatique. J'ai notamment relevé avec intérêt votre projet de conclure avec le ministère des finances un « contrat de modernisation » qui permettrait en particulier aux agents du ministère des affaires étrangères de bénéficier des efforts de productivité qu'ils ont déjà réalisés et qu'ils poursuivent avec constance.

Monsieur le ministre, vous avez une tâche importante à accomplir. Beaucoup a été fait depuis 2004, et je suis confiant dans votre capacité et celle de l'ensemble des agents du Quai d'Orsay à mener à bien l'oeuvre de modernisation de notre action diplomatique.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d'avoir bien voulu m'inviter à participer à votre important débat.

La réforme de l'Etat est un devoir impératif. La discussion du projet de loi de règlement constitue certainement une occasion de vérifier la pertinence des pistes que nous devons explorer et, surtout, d'apprécier les ressources que la LOLF nous apportera.

Je vous propose, à partir des remarques que vous avez formulées, d'examiner quelques points saillants de l'exécution, sous le régime de l'ordonnance de 1959, de la dépense en 2004, avant d'évoquer la mise en oeuvre de la LOLF au ministère des affaires étrangères.

MM. Gouteyron et Branger ont évoqué la situation budgétaire des opérations de maintien de la paix des Nations unies et, de manière plus générale, la situation budgétaire de nos contributions obligatoires à l'ONU.

MM. les rapporteurs ont raison : ces dépenses représentent un poids considérable et croissant dans le budget du programme « action de la France en Europe et dans le monde », soit plus de 60 % en 2005, hors dépenses de personnel.

En 2004, le chapitre 42-31 a été abondé en loi de finances rectificative de 25, 4 millions d'euros pour faire face à la hausse de nos contributions aux OMP. Cette situation se reproduira en 2005.

L'année 2004 a vu l'introduction d'une distinction entre les contributions obligatoires inscrites à l'article 11 du chapitre 42-31 et les contributions versées par la France au titre des OMP inscrites à l'article 12. C'était un pas vers plus de transparence.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

Ainsi, dès 2004, la hausse des OMP a été plus forte et a entraîné des mouvements à l'intérieur du chapitre, conséquence de l'engagement plus important de la communauté internationale en faveur du maintien de la paix. Cela devrait se traduire par de nouvelles dépenses en 2005 et en 2006, notamment en raison de l'opération conduite au Soudan pour faire face à la crise du Darfour

On le constate : ces dépenses sont bien réelles, mais leur évaluation précoce reste malaisée.

Sous le régime de l'ordonnance de 1959, il s'agissait de crédits provisionnels. Leur transformation en crédits limitatifs sous le régime de la LOLF nous oblige à les budgéter de la manière la plus rigoureuse et précise possible.

A cette fin, la distinction entre les articles du chapitre 42-31 a été reconduite et renforcée par la création de deux actions séparées au sein du programme 105 : la régulation de la mondialisation pour les contributions au fonctionnement des Nations unies et la contribution à la sécurité internationale pour les opérations de maintien de la paix. Ce sont deux actions bien distinctes.

Ces actions sont ensuite réparties en sous-actions selon les monnaies de règlement : dollar, euro ou franc suisse. La présentation y gagne en clarté, mais l'exercice de prévision devient encore plus délicat.

C'est pourquoi le contrat de modernisation en cours de finalisation avec le ministère du budget prévoit le regroupement de ces contributions sur un seul budget opérationnel de programme et leur « rebasage » rapide ; je pense que cela recueillera l'approbation de M. Arthuis.

Il convient, enfin, de signaler qu'un plafond semble avoir été atteint cette année : les capacités contributives des Etats, tant financières que militaires, ne sont pas illimitées et une stabilisation du montant des opérations de maintien de la paix est peut-être en vue.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

Je vous en prie, monsieur le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Adrien Gouteyron a évoqué ce point particulier : allons-nous vers l'inscription en loi de finances initiale des dépenses effectives ?

Chaque année, ce constat d'une dérive entre la somme que l'on inscrit et celle que l'on va devoir payer - alors que l'on en connaît parfaitement le montant -, est un facteur d'insincérité budgétaire.

La loi de finances pour 2006, telle que vous l'avez préparée, permet-elle l'inscription des crédits réels ?

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

C'est exactement ce que je m'efforce de faire de manière graduelle, afin d'introduire progressivement de la sincérité dans ce budget.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

Manifestement, il faut beaucoup plus de clarté et de transparence. Prenez le Fonds européen de développement : la contribution de la France à ce fonds illustre le problème posé par les financements multilatéraux et bilatéraux.

Faisons de l'aide multilatérale, mais envisageons toujours très clairement, dès le départ, notre capacité d'action bilatérale. Ne rognons pas sur les budgets de notre aide bilatérale, faute de quoi il en résultera une forme d'insincérité, et je remercie M. Branger de l'avoir souligné.

Permettez-moi, maintenant, de reprendre le fil de mon propos.

Le contrôle que nous nous devons d'exercer, le plus en amont possible, sur la définition des opérations de maintien de la paix et leur budgétisation sera également renforcé, en liaison, si c'est envisageable, avec d'autres grands contributeurs européens.

En ce qui concerne les transferts en provenance des charges communes, ils se sont élevés pour l'année 2004 à 39, 7 millions d'euros.

Si l'on met de côté une contribution à la réparation des dommages liés aux manifestations qui se sont déroulées en Suisse à l'occasion du sommet du G8, ces dépenses nous renvoient à la gestion des crises, activité éminemment régalienne et plus spécifiquement consubstantielle au ministère des affaires étrangères ; je pense au rapatriement des Français de Côte d'Ivoire et aux premiers versements volontaires réalisés par la France aux grandes agences des Nations unies après le tsunami qui a touché l'Asie.

Contrairement à d'autres diplomaties, qui ont pu faire l'objet de critiques sur le plan national, le ministère des affaires étrangères a toujours su se mobiliser dans l'urgence et couvrir, sur ses crédits, le financement des premières décisions qui s'imposaient. C'est évidemment l'un des bénéfices de la taille de notre réseau diplomatique.

Les moyens du ministère étant ce qu'ils sont, des crédits en provenance des charges communes ont toutefois dû être mobilisés rapidement.

En ce qui concerne la Côte d'Ivoire, un premier arrêté, en date du 24 novembre 2004, a permis de dégager 2, 3 millions d'euros pour les opérations de rapatriement aérien, puis un décret du 7 décembre a couvert 1, 67 million d'euros de dépenses accidentelles liées à la mise en oeuvre des opérations de regroupement et d'accueil.

Pour le tsunami, c'est un décret pour dépenses accidentelles du 30 décembre qui a permis de réaliser, pour un montant de 15 millions d'euros, les premiers dons de la France aux victimes via, notamment, le HCR, l'UNICEF et l'Organisation mondiale de la santé.

Sous le régime LOLF, il appartiendra évidemment aux chefs de programme de faire face aux crises en proposant au ministre les premiers arbitrages qui leur paraîtront nécessaires : abandon d'opérations moins prioritaires ou dégel de crédits sur la réserve légale de début d'année.

On le constate d'emblée, le choix sera plus facile pour des programmes essentiellement dotés en crédits d'intervention, comme le programme « solidarité à l'égard des pays en développement », que pour des programmes dotés presque uniquement en fonctionnement, comme le programme « Français à l'étranger ».

Ce point offre sans doute matière à réflexion : si cette gestion des crises devait être renvoyée au Parlement, la rapidité nécessaire à l'action appellerait des procédures d'information ou d'autorisation nouvelles. C'est aux commissions des finances des deux assemblées qu'il revient d'explorer cette voie.

Au Pakistan, le jour même de la catastrophe, nous avons dépêché une équipe de sécurité civile ; quarante-huit heures après, nous avons envoyé un avion et quarante-cinq médecins urgentistes du service de santé des armées, avec du matériel chirurgical ; dans la soirée, nous avons expédié 90 tonnes de matériels prélevés sur les stocks du ministère des affaires étrangères, de la Croix-Rouge et des organisations non gouvernementales.

Il faudra bien que le Parlement fasse également preuve d'une certaine réactivité. Je suis persuadé que, ensemble, nous y parviendrons.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

Je conclurai sur ce premier point en évoquant le gel de crédits opéré en 2004.

C'est la première fois, et je m'en félicite, que ce gel de crédits est moins important d'une année sur l'autre : 102, 6 millions d'euros de crédits de paiement ont été annulés en 2004, contre 170, 8 millions d'euros en 2003, et 46, 5 millions d'euros d'autorisations de programme ont été annulés en 2004, contre 91, 7 millions d'euros en 2003.

Je me réjouis également des nouvelles dispositions introduites par le Parlement dans la LOLF en juillet dernier. Elles amélioreront la transparence et la qualité de gestion en matière de mise en réserve.

Il convenait, en effet, de briser le cercle vicieux du déficit anticipé sur les crédits provisionnels, qui amenait, dès le mois de janvier, des régulations de 15 à 20 % sur les autres chapitres, de manière à constituer un gage pour une éventuelle loi de finances rectificative.

A propos de la mise en oeuvre de la LOLF, messieurs les rapporteurs, vous avez fait mention de la capacité stratégique du ministère des affaires étrangères, de son rôle de coordination de notre action à l'étranger. J'y suis naturellement sensible.

M. Branger a évoqué le comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger. Pour ma part, j'ai l'intention de proposer au Premier ministre la convocation prochaine de ce comité - la première depuis huit ans - afin d'étudier la mise en oeuvre des principales propositions de M. le préfet Le Bris, notamment, monsieur Gouteyron, celles consacrées au redéploiement de notre réseau et au meilleur pilotage de l'action extérieure de l'Etat.

Vous le savez, la taille du réseau consulaire et celle du réseau culturel ont fait l'objet d'actions énergiques ces dernières années. Le fait est que ces implantations ont diminué de 7 % en cinq ans. Seule demeure inchangée la taille de notre réseau diplomatique, dont nous considérons qu'il est un outil stratégique pour la France. D'autres pays ont fait le choix de diminuer leur réseau diplomatique. Selon moi, ils ne réitéreraient pas ce choix aujourd'hui.

L'essentiel, à l'heure actuelle, est donc d'avoir une vision claire, globale et hiérarchisée de nos actions internationales, et de disposer d'une évaluation de leur efficacité. La LOLF constitue une formidable opportunité en ce sens.

L'architecture des missions et des programmes s'accompagne encore d'une grande dispersion des actions et des sous-actions, et pas seulement en matière économique. C'est ainsi que, au-delà des trois programmes de la mission Action extérieure de l'Etat, ce sont en fait vingt-sept programmes qui comportent des crédits concourant à cette action.

Ce recensement figure dans le document de politique transversale que j'aurai également l'honneur de vous présenter, mesdames, messieurs les sénateurs, et que j'ai voulu complet et fidèle. Ce document de politique transversale retrace l'ensemble de l'action extérieure de l'Etat, au-delà des frontières de compétences administratives et des rubriques budgétaires.

Un second document de politique transversale sur l'aide publique au développement vous sera également présenté.

Il me paraît important que ces documents soient vus et exploités comme des pistes nouvelles tendant à la réforme de l'Etat. C'est en tout cas dans cette optique qu'ils ont été élaborés par le ministère des affaires étrangères.

La stratégie ministérielle de mise en oeuvre de la LOLF a privilégié la recherche de solutions simples, notamment à l'échelon de l'administration centrale : seulement douze budgets opérationnels de programme pour quatre programmes ; divers ajustements de structures à la direction générale de l'administration et de la fonction publique, à la direction générale de la coopération internationale et du développement, à la direction des Français de l'étranger et des étrangers en France ; ils devraient être publiés d'ici à la fin de l'année ; enfin, et surtout, un partenariat renouvelé et approfondi avec la comptabilité publique, qui nous a orientés vers des expériences novatrices, comme celle du service facturier unique.

En fait, et certains d'entre vous ont soulevé la question, c'est l'impact de la LOLF sur les ambassades qui demeure un sujet d'appréhension, et d'abord parce que l'existence de programmes définis selon les politiques mises en oeuvre, mais ne communiquant pas budgétairement entre eux, pourrait amener à un cloisonnement au sein même des ambassades. Je fais bien sûr confiance aux ambassadeurs pour articuler et faire coexister les programmes. Néanmoins, je ne sous-estime pas les difficultés qu'ils pourront rencontrer, surtout au cours de cette première année, car la gestion au quotidien sera éventuellement compliquée.

S'il n'y a à l'étranger que des unités opérationnelles, les budgets opérationnels de programme étant réservés à l'administration centrale, ces unités ne seront alimentées en crédits que par des voies informatiques longues, par le truchement des systèmes déconcentrés de la comptabilité publique.

A cette fragilité informatique s'ajoute, dans bien des postes, une fragilité en ressources humaines, monsieur Gouteyron. Si un effort de formation sans précédent est entrepris depuis septembre - effort dont l'initiative a été prise en juillet, à l'occasion de la première réunion jamais réalisée des chefs de service administratifs et financiers, et que j'ai tenu à présider personnellement -, il est toutefois évident que la disponibilité très tardive des nouveaux systèmes - on parle de décembre pour Accord LOLF - ne simplifie pas les choses.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

Dans cette optique, le maintien de gestions séparées pour tous les ordonnateurs secondaires délégués de l'Etat à l'étranger me paraît singulièrement anachronique : tenir autant de comptabilités séparées, devenues plus complexes dans le cadre du nouveau plan comptable, et ce uniquement pour des crédits de fonctionnement que chaque administration s'entête à vouloir gérer par-devers elle, constitue un défi au bon sens. Je ne vois pas ce que la gestion des quotes-parts de téléphone, de chauffage ou de gardiennage ajoute à la compétence d'un chef de service spécialisé.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

Il est donc grand temps de généraliser, comme le Premier Ministre nous y a au demeurant invités lors de la conférence des ambassadeurs, les expériences de services administratifs et financiers uniques pour regrouper et gérer les dépenses de fonctionnement de l'Etat à l'étranger.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

J'ai lu attentivement les avis et propositions de MM. Charasse et Gouteyron sur la situation au Niger. Leur rapport est utile en vue de nous inciter à mettre à l'avenir tout en oeuvre pour éviter de passer de l'insécurité au drame.

J'ai tenu à me rendre moi-même au Niger, d'abord, puis à Genève, au siège de l'UNICEF, le 13 août, pour prendre la mesure de la situation.

Je tiens, depuis cette tribune, à vous remercier, messieurs, du jugement positif que vous portez sur l'action de mon département et des agents qui se dévouent face à de telles situations d'urgence. Le constat que vous tirez de leur action est connu des agents : c'est un encouragement dont ils mesurent le prix.

L'impact de cette crise alimentaire qui a touché l'ensemble de la bande sahélienne et a particulièrement frappé le Niger, deuxième pays le plus pauvre du monde, a montré l'insuffisance patente des structures sanitaires et des réseaux d'approvisionnement. C'est la raison pour laquelle la France, depuis plusieurs années, consacre un effort particulier au Niger, dont elle est, de loin, le premier bailleur bilatéral.

Mais un autre devoir nous incombe : celui d'améliorer nos mécanismes d'alerte précoce. La crise n'était pas imprévisible. Cependant, le dispositif national de prévention et de gestion a été dépassé et n'a pu remplir pleinement son rôle. Il faut mobiliser davantage la communauté internationale pour que, au Niger et ailleurs, nous aidions nos partenaires à se doter de tels systèmes ou à les renforcer.

La crise du Niger a mis en évidence le lien étroit existant entre développement et sécurité.

J'ai évoqué au début de cette intervention les dépenses liées aux opérations de maintien de la paix. Pour conclure, je voudrais évoquer un chiffre. En 2005, le monde consacrera environ 4, 7 milliards de dollars au financement d'opérations de maintien de la paix sur le continent africain. A ce titre, la contribution française représente près de 220 millions d'euros, soit plus que l'enveloppe totale des crédits de paiement du Fonds de solidarité prioritaire. Il nous faut cesser de considérer que l'enlisement des crises est une fatalité africaine. Les Etats doivent travailler ensemble pour accélérer la sortie de conflits sur ce continent et consacrer plus de moyens à son développement. C'est là le devoir mais aussi l'intérêt bien compris de la communauté internationale.

M. Gouteyron s'interroge sur la politique du ministère des affaires étrangères quant à la taille de notre réseau, c'est-à-dire en fait sur la compatibilité entre nos ambitions et nos moyens.

Je tiens à dire ici que notre réseau est un atout pour notre pays, un vecteur d'influence, un outil d'information dont nous profitons tous. Cela n'empêche pas de considérer que des redéploiements et des fermetures sont éventuellement nécessaires, de manière à mieux cibler notre présence culturelle et consulaire. Monsieur Gouteyron, je me permets de vous rappeler que, en trois ans, six postes consulaires ont été fermés en Europe ; d'autres opérations sont prévues.

La modernisation de notre réseau diplomatique, qui a été entamée sous la conduite de Jean-Pierre Raffarin, que j'ai le plaisir de saluer ici, se poursuivra sous celle Dominique de Villepin

Cette modernisation doit s'articuler autour de deux actions.

Sur le plan culturel, scientifique et technique, nous pouvons nous inspirer de l'exemple britannique : nous devons rechercher une lisibilité et une visibilité de l'action à l'extérieur semblables à celles qu'offre le British Council, quand nous péchons trop souvent par un excès de dispersion et par une insuffisante identification.

Par ailleurs, nous devrions pouvoir mettre en place une structure qui conduirait à la fois les actions de santé et les actions de développement. Tout ce que nous faisons dans le domaine de la santé publique ne constitue-t-il pas un grand facteur de développement dans le monde, en particulier en Afrique ? C'est là une réflexion que nous devons mener ensemble.

M. Branger a notamment évoqué le tsunami. A ce sujet, je lui indique que nous avons manifesté une réaction immédiate de secours aux victimes par un décret d'avance de 15 millions d'euros signé le 30 décembre. La somme a été versée le 31 décembre sous forme de contribution volontaire à des organisations multilatérales.

S'agissant du site unique, je lui précise que le ministère des affaires étrangères occupe actuellement 53 000 mètres carrés utiles, répartis en onze sites : huit en propriété, trois en location. Cette situation est certes une source de dépenses inutiles, de dysfonctionnements, d'inconfort pour les personnels. Une mission de pilotage du regroupement a été installée pour mener, avec l'appui d'un « programmiste », les études nécessaires. A ce jour, plusieurs sites sont identifiés, mais aucun ne répond aux spécifications du dossier. Celui-ci reste donc à l'étude.

Mesdames, messieurs les sénateurs, merci de vos réflexions. Pour conclure, je me contenterai de vous rappeler que le réseau du ministère des affaires étrangères est probablement, avec ceux du Département d'Etat américain et du Foreign Office britannique, un des meilleurs réseaux diplomatiques du monde. Nous devons savoir le conserver et le défendre, car c'est, pour la France, une source de renseignements de première importance. Je vous remercie de me permettre de contribuer à la préservation de cet instrument stratégique majeur.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je tiens à remercier M. le ministre des affaires étrangères d'avoir d'emblée répondu à mon souhait en acceptant de venir, à l'occasion de la discussion de ce projet de loi de règlement, rendre compte au Sénat de la gestion de son ministère pour l'année 2004.

Vous nous permettez ainsi, monsieur le ministre, de démontrer que la discussion du projet de loi de règlement en présence des ministres gestionnaires nous offre la possibilité de préparer, en quelque sorte, l'examen du projet de loi de finances initiale pour l'année à venir.

Au nom de la commission des finances, je veux dire au Gouvernement combien nous souhaitons que, désormais, au printemps, nous puissions consacrer au moins une semaine à l'examen des projets de loi de règlement.

L'autorité de la France dans le monde dépend certes de son réseau diplomatique, mais la concrétisation de cette autorité dépend de l'équilibre de ses finances publiques. Nous serons mieux écoutés lorsque nous aurons les moyens de faire face à nos engagements internationaux. Imaginez la peine de ceux d'entre nous qui se rendent dans nos postes à l'étranger lorsqu'ils entendent un ambassadeur leur expliquer qu'il prend des engagements au nom de la France, mais que, au moment de liquider ces derniers, les crédits ne sont pas disponibles. Il y a là comme une dichotomie entre la parole et la capacité d'agir, et je doute que nous y gagnions en crédibilité.

J'ai bien entendu votre appel, monsieur le ministre, et je vous garantis le total appui de la commission des finances pour, en tant que de besoin, mobiliser les moyens nécessaires lorsque survient un cataclysme comme le tsunami qui a frappé l'Asie du Sud-Est ou le tout récent tremblement de terre qu'ont subi le Pakistan et le nord-ouest de l'Inde. Mais vous serez sage aussi de prévoir dans votre budget les provisions nécessaires. Nous devons cesser de nous raconter des histoires et de laisser courir un certain nombre de dépenses pour ne pas avoir à provisionner, parce que la couette ne tient pas dans la valise !

A l'occasion, tirant les conséquences de cet échange, Adrien Gouteyron et moi-même vous proposerons peut-être des amendements dès l'examen du projet de loi de finances pour 2006, notamment pour faire en sorte qu'il y ait une vraie sincérité dans l'inscription des dépenses incontournables qui correspondent à des engagements internationaux.

J'ai par ailleurs bien noté les difficultés inhérentes à l'absence de système comptable digne de ce nom. Nous continuons à faire fonctionner de vieux systèmes. La commission des finances en est consciente et s'impatiente de voir mis en place, avec le Palier 2006, un système d'information budgétaire, comptable et financière digne de la LOLF.

Encore une fois, merci, monsieur le ministre, d'être venu ce soir débattre avec nous.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Si je me crois autorisé à intervenir en cet instant, c'est parce que M. le président de la commission des finances a estimé qu'un peu de réactivité et d'interactivité dans ce débat n'était pas une mauvaise chose. Je vais donc, moi aussi, réagir brièvement à un passage de votre réponse, monsieur le ministre, car je ne voudrais pas qu'il y ait entre nous le moindre malentendu.

Je n'ai pas limité mon propos au réseau diplomatique. Ce que j'ai voulu dire, mais peut-être mal dit, c'est que votre ministère et, par conséquent, vos agents gagneraient à ce que la politique de ce ministère soit très nettement définie. La définition d'une politique implique nécessairement des choix, des choix sectoriels sans doute, des choix géographiques aussi. Cette lisibilité me paraît absolument indispensable non seulement, c'est évident, au bon fonctionnement du réseau diplomatique, mais aussi aux parlementaires, de façon que ceux-ci puissent exercer pleinement leur mission de contrôle sur la gestion des crédits affectés au Quai d'Orsay, comme aux autres ministères.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

A mon tour, je tiens à remercier le président de la commission des finances de nous avoir permis, par l'initiative qu'il a prise, de nous livrer avant l'heure à un exercice novateur et susceptible de redonner au Parlement un peu du pouvoir qui est le sien en matière de contrôle budgétaire.

L'examen du projet de loi de règlement visera en effet, à terme, c'est-à-dire dès le débat que nous aurons en 2007 concernant l'exécution budgétaire de 2006, à analyser la dépense effective ministère par ministère et à utiliser ainsi les nouveaux outils qui nous sont offerts par la mise en oeuvre de la LOLF, à savoir les objectifs et les indicateurs de résultats. Il me semble dans l'ordre des choses que chaque ministre puisse venir devant le Parlement rendre compte de sa gestion.

Au regard de la nature de la loi de règlement, je suis satisfait que cet exercice ait enfin lieu sous sa forme développée. D'ailleurs, dans les collectivités locales, l'examen du compte administratif est un moment important et donne lieu à de nombreux débats. J'espère en tout cas que les parlementaires parviendront à « s'approprier » ce nouveau format, qui vise d'abord à leur permettre enfin d'exercer le pouvoir qui est le leur en matière de contrôle des dépenses.

Dès lors, il me semble nécessaire que, dans le cadre d'une discussion mission par mission, la vérification sur pièces et sur place ne soit pas réservée aux seuls membres de la commission des finances et qu'une réforme de notre règlement intérieur donne à chaque parlementaire la possibilité de procéder à une telle vérification. C'est toute une énergie parlementaire que nous pourrons ainsi réveiller.

Mais j'en viens au sujet qui nous occupe directement aujourd'hui. Mon propos portera sur deux points : les crédits dont a bénéficié le ministère des affaires étrangères en 2004, d'une part, l'application de la LOLF à ces mêmes crédits, d'autre part.

En 2004, le budget des affaires étrangères a augmenté de 2, 61 %. Dans ce ministère, comme dans les autres, un effort réel a été accompli afin que les dépenses n'augmentent pas, et, disant cela, je pense plus particulièrement à la masse salariale.

Cependant, le ministère des affaires étrangères, tout en conservant les priorités qui sont les siennes, dispose encore d'importantes possibilités pour se réformer. De plus, raisonnablement, il ne me semble pas qu'une stabilisation de la dépense en volume soit suffisante compte tenu de l'état général de nos finances ! Quand comprendrons-nous enfin que, à recettes constantes, nous ne diminuerons pas la dette sans réduire la dépense ?

Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons eu voilà quelques mois dans cette enceinte concernant la gestion du patrimoine du ministère des affaires étrangères. Mais on voit bien que des économies d'échelle sont possibles, notamment en ayant recours aux financements nouveaux et en rationalisant notre réseau diplomatique dans le monde, plus particulièrement en Europe. Je pense que la LOLF nous aidera à y voir plus clair s'agissant de la rationalisation des moyens mis à la disposition de notre diplomatie et nous permettra d'optimiser l'utilisation de ces derniers en les rapprochant des enjeux et des objectifs inscrits dans chacune des missions. Monsieur le ministre, des efforts sont-ils prévus dans ce sens ?

En ce qui concerne la nouvelle architecture budgétaire, comme l'avait souligné la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2003, la création de la mission « action extérieure de l'Etat » et de la mission « aide publique au développement » introduit une distinction artificielle au sein de l'action de l'Etat à l'étranger, sans doute à cause de l'ancien programme « aide économique et financière au développement », qui dépendait de Bercy. Cette distinction ne doit cependant pas être un obstacle à l'harmonisation des objectifs des deux programmes, notamment en termes de structuration des programmes en actions.

Quoi qu'il en soit, nous souhaitons vivement que cette nouvelle architecture puisse évoluer et faire preuve d'adaptation.

Pour conclure, je souhaite revenir sur un sujet qui tient très à coeur aux membres de l'UDF - je sais d'ailleurs que vous y êtes également sensible, monsieur le ministre -, celui de l'Europe.

L'Europe ne possède pas de mission à proprement parler, mais il ne faut pas s'en désintéresser au motif que les Français ont rejeté le projet de Constitution.

Les crédits de participation de la France au budget européen ne constituent pas une mission à part entière, sans doute parce que l'Europe, c'est aussi la France, que la politique européenne, c'est aussi la politique intérieure, et que les missions incombant aujourd'hui à l'Europe concernent tous les domaines. Par conséquent, si nous voulons une Europe forte, capable d'agir à la hauteur de ce nous attendons d'elle, nous devons aussi en tirer les conséquences budgétaires, notamment en augmentant le nombre de missions actuellement dévolues à l'Etat et en les mutualisant à l'échelle européenne. Plusieurs pistes sont à explorer en ce domaine. Cela ne signifie pas pour autant que la France doit délivrer un blanc-seing aux institutions européennes !

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un peu plus de 4 milliards d'euros, soit 1, 5 % du budget de l'Etat, les crédits des affaires étrangères ne représentent pas un poids budgétaire majeur, mais leur utilisation et les réformes opérées par le Quai d'Orsay sont exemplaires du point de vue de l'esprit de la réforme budgétaire en cours.

Le choix du budget des affaires étrangères pour l'examen du projet de loi de règlement définitif du budget de 2004 est également pertinent dans la mesure où, contrairement à 2003, les crédits de 2004 n'auront connu aucune régulation dans leur exécution. Il faut rendre ici hommage à l'impulsion personnelle donnée par le Président de la République, qui, par une lettre de mars 2004, l'avait demandé, eu égard à la crise qu'avait connue l'administration du Quai d'Orsay à la fin de 2003.

Le ministère des affaires étrangères a su conduire une véritable politique de réorganisation au service d'une stratégie, qui, elle, reste encore à confirmer. L'année 2004 est sur ce point une année charnière, puisque le plan d'aménagement du réseau pour les années 2004 à 2007 a été adopté au mois de février de la même année.

Tout d'abord, la bonne gestion du ministère apparaît dans la maîtrise des emplois avec la suppression de 116 emplois budgétaires en 2004 et de 106 en 2005, l'objectif étant, de 2004 à 2007, 248 emplois de fonctionnaires en moins et 99 emplois de recrutés locaux.

Il faut le rappeler, le ministère des affaires étrangères est l'un des seuls ministères à respecter la règle d'un remplacement pour deux départs à la retraite, avec une mise en pratique d'une politique de résultat concrétisée par une meilleure gestion des effectifs et des moyens.

Cette réduction de l'emploi public se justifie par l'intégration progressive des nouvelles technologies, qui permettent de travailler vite, en réseau et en direct. L'effort est manifeste à tous les niveaux : il va du développement de l'administration électronique vis-à-vis des citoyens à l'utilisation du courriel sans intermédiaire par un nombre croissant de nos ambassadeurs.

Dans ce contexte de réduction de postes budgétaires, on comprend d'autant plus mal la création, en 2004, de trois postes d'ambassadeurs en mission, à savoir, le 29 janvier, d'un ambassadeur chargé de la lutte contre le VIH-SIDA et les maladies transmissibles, le 25 juin, d'un ambassadeur chargé de questions économiques internationales et, le 26 juillet, d'un ambassadeur en mission, Haut représentant pour la sécurité et la prévention des conflits. Qui plus est, nous manquons d'informations sur le contenu de ces fonctions et les activités qui y sont liées ! Cela nous semble tout à fait contradictoire avec l'esprit de la LOLF.

Ensuite, l'année 2004 a vu la poursuite de la rationalisation de notre réseau diplomatique et consulaire. Sur le fond, et dans un esprit d'intégration européenne, affirmer que les consulats situés à l'intérieur de l'Union devront disparaître à terme et que les ressortissants communautaires pourront s'adresser directement aux administrations du pays d'accueil serait un moyen majeur de faire vivre la citoyenneté européenne.

Nous nous targuons de gérer le deuxième réseau diplomatique après celui des Etats-Unis. Hélas ! nos ambassadeurs, en particulier ceux qui sont en poste dans les pays qualifiés, par commodité, de « petits pays », manquent souvent de moyens. Certains éprouvent même des difficultés à honorer leurs factures, comme l'a rappelé M. le président de la commission des finances.

Cette situation donne une image contre-productive de notre pays et interdit toute efficacité à nos ambassadeurs. Il conviendrait donc d'avoir des « ambassades-centres » qui regrouperaient plusieurs pays. Ce dispositif permettrait non seulement de réaliser des économies, mais nous amènerait également à définir des stratégies régionales.

En 2004, le Département a également su innover en conduisant des expériences de préfiguration de la LOLF. L'effort de clarification quant à la bonne utilisation des fonds publics est évident et apporte l'espoir d'une optimisation de la dépense dans ce ministère.

La modestie des crédits - 64, 25 millions d'euros dans la loi de finances initiale -, ayant fait l'objet d'une expérimentation préfigurant la mise en oeuvre de la LOLF, ne doit pas restreindre l'intérêt de l'expérience ; la dynamique a été enclenchée, puisque ce montant a presque triplé l'année suivante.

Je retiendrai deux exemples.

Le premier a trait à l'apport de la LOLF en termes de comptabilisation des emplois. Ainsi, il suffit de comparer les 16 720 emplois en « équivalent temps plein » par rapport à la notion d'emplois budgétaires, soit 9 293, dont près de 4 000 dans l'administration centrale. Nous quittons une gestion purement administrative pour nous rapprocher enfin de la réalité.

Mon second exemple concerne la responsabilisation des chefs de poste à qui l'on a confié une enveloppe globale de gestion de l'ambassade, mais également des consulats.

Conduite dans cinq pays en 2004, cette expérimentation d'une « logique-pays » a été satisfaisante, car elle a permis une meilleure vision globale de notre action. Parallèlement, dans une dimension purement conforme à la LOLF, les ambassadeurs ont pu expérimenter la fongibilité asymétrique entre crédits de rémunération et crédits de fonctionnement. Dans la réalité, celle-ci a été limitée et elle a essentiellement occasionné une fluidité des redéploiements entre les personnels, avec aussi une fiabilité incitative, et non un recyclage de crédits de rémunération en crédits de fonctionnement. Cependant, cette expérimentation démontre la volonté d'une mise en oeuvre du principe d'efficacité maximale de la dépense publique.

Pour l'avenir, j'espère que le Gouvernement acceptera de modifier les conditions de discussion du projet de loi de règlement définitif du budget dès 2006, notamment en prévoyant son examen avant le débat d'orientation budgétaire pour 2007. C'est en analysant l'exécution des budgets précédents de manière dynamique et non descriptive que nous réussirons à tirer le meilleur parti de chaque euro dépensé, pour notre diplomatie comme pour l'ensemble des ministères.

Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être engagé à une plus grande rationalisation et à plus de lisibilité. Si l'argent des Français est mieux utilisé, cela donnera l'opportunité à nos compatriotes de bien prendre conscience de la très haute qualité de notre diplomatie.

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

Monsieur Pozzo di Borgo, il est vrai que la LOLF éclaire la variation des crédits. D'abord, la mission « aide publique au développement » augmente. Ensuite, la mission « action extérieure de l'Etat » diminue, malgré la part importante des contributions obligatoires.

Monsieur de Montesquiou, je le répète, il est prévu la fermeture de six postes consulaires sur trois ans. Je souhaite d'ailleurs poursuivre dans cette voie, puisque onze suppressions doivent intervenir d'ici à 2008.

En fait, le nombre de postes consulaires de plein exercice en Europe sera ramené à vingt en 2005. Neuf Etats seulement ont encore plus de circonscriptions consulaires que notre pays : l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la Grèce, l'Italie, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suisse. Mais nous sommes en train d'aller plus loin. En témoignent les suppressions de postes qui pourraient être intégrées au contrat de modernisation en discussion à Bercy.

La modernisation de l'action consulaire a cependant permis de compenser une certaine rationalisation sur le plan du réseau européen. Ainsi, je pense au regroupement de compétences : centralisation de l'état civil à Bruxelles et à Berlin, création de pôles régionaux de fabrication des passeports, fabrication centralisée des passeports à Nantes ; je pense également au projet de réseau d'administration consulaire informatisé, appelé RACINE, qui permettra de développer l'administration électronique à l'issu d'un effort budgétaire soutenu en matière informatique, ainsi qu'à la suppression de l'activité notariale des consulats en Europe.

Mais nous devrons réaliser dans les années à venir un effort budgétaire s'agissant des écoles primaires et des lycées français à l'étranger, dont l'existence constitue l'une des particularités de la diplomatie française.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. -M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

Depuis trop longtemps, on considère que ces établissements sont seulement destinés à satisfaire les diplomates et leurs enfants. Certes, ce point est important, et je ferai d'ailleurs tout afin que les diplomates puissent travailler dans de bonnes conditions, c'est-à-dire en ayant une famille épanouie dont les enfants peuvent fréquenter un établissement scolaire français.

Mais la réalité la plus importante n'est pas celle-là. Ainsi, lors de ma visite en Egypte, le président Moubarak a attiré mon attention sur le fait que tous les ministres égyptiens parlent français, mais que, si nous n'y prêtons pas attention, dans quinze ans, après la fermeture de ces établissements ou la diminution du nombre de places disponibles, plus aucun ministre ne parlera français.

De même, je constate, lorsque je me rends en Tunisie, au Maroc, en Algérie ou au Brésil, que vous évoquiez tout à l'heure, monsieur Gouteyron, que tous les ministres parlent français. Dans quinze ans, leurs successeurs risquent de ne plus parler notre langue.

J'ajoute que les enfants scolarisés dans ces écoles primaires n'apprennent pas seulement notre langue ; ils acquièrent également des réflexes de francophilie et se constituent un réseau. Issus d'une certaine élite, ils deviendront sans doute, à l'âge adulte, les uns présidents de banque, les autres ministres, médecins ou avocats. Ils pourront alors tisser des liens avec nos professions libérales, nos dirigeants politiques et économiques, ainsi qu'avec nos personnels diplomatiques et administratifs.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit là d'une diplomatie non pas de rayonnement, mais d'influence ! Je vous remercie de m'aider à la défendre.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le débat sur les crédits du ministère des affaires étrangères est clos.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous passons au débat sur les crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux de participer à ce débat d'un genre nouveau, qui permet au Sénat de mieux appréhender l'exécution budgétaire pour 2004, plus particulièrement celle du budget du ministère de l'agriculture. Cette discussion s'inscrit dans le droit-fil des nouveaux pouvoirs confiés au Parlement par la LOLF.

Dans un premier temps, je souhaite évoquer avec vous, monsieur le ministre, les conditions d'exécution du budget en 2004. Puis, dans un second temps, je reviendrai sur les efforts notables consentis par votre ministère en vue de la mise en oeuvre de la LOLF.

S'agissant de l'exécution budgétaire en 2004, le ministère de l'agriculture a fait preuve d'un réel effort de maîtrise de ses dépenses.

En effet, ainsi que la Cour des comptes l'a noté dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2004, les dépenses effectuées sur le budget du ministère de l'agriculture ont diminué de plus de 5 % par rapport à celles de l'année précédente.

En outre, il faut noter avec satisfaction que le montant des reports de l'année 2003 sur l'année 2004 était en nette diminution par rapport aux années antérieures et que la fixation de ce montant a été établie en fonction de règles strictes.

Ainsi, ne seront ouverts en 2004 que les crédits non consommés du collectif de fin d'année, les reports pris en compte lors de l'élaboration de la loi de finances et les fonds de concours tardifs.

Parmi les chapitres budgétaires ayant subi les tensions les plus importantes au cours de l'exercice 2004, il faut souligner que l'insuffisance des crédits du Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA, a rendu nécessaire d'abonder ce fonds à hauteur de 47, 3 millions d'euros, par un décret d'avance du 14 juin 2004, afin d'éviter l'interruption des paiements aux agriculteurs.

En outre, les tensions apparues en cours de gestion sur certains chapitres ont rendu indispensable la levée du gel portant sur ces lignes budgétaires.

Ainsi, s'agissant des dépenses d'enseignement agricole, un dégel de 5, 6 millions d'euros a été réalisé afin de financer les assistants d'éducation recrutés à la rentrée 2004, de verser les bourses et de revaloriser la rémunération des formateurs de l'enseignement technique privé.

De même, s'agissant des dépenses d'intervention pour l'orientation et la valorisation en agriculture, un dégel de 5, 1 millions d'euros a été effectué afin d'assurer une aide aux producteurs de canne à sucre dans les départements d'outre-mer.

J'aborderai à présent un point qui suscitera certainement un large débat au sein de notre assemblée, débat qu'a d'ailleurs déjà entamé cet après-midi notre collègue M. Jean-Jacques Jégou : la situation financière du régime de protection sociale des non-salariés agricoles.

En 2004, ce régime était encore financé par le biais du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, remplacé depuis 2005 par un établissement public, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, lequel entre dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.

Pour l'année 2004, le déficit du BAPSA s'est élevé à 814 millions d'euros, tandis que, à la clôture du budget annexe au 31 décembre 2004, le compte établi a fait apparaître un report à nouveau négatif de 3, 2 milliards d'euros, déficit cumulé que la Cour des comptes considère comme une créance du nouveau FFIPSA sur l'Etat.

Je sais l'importance que vous accordez, monsieur le ministre, à la préservation du régime de protection sociale des agriculteurs. Celui-ci se trouve aujourd'hui confronté à une grave crise financière, qui nécessite des mesures radicales de diversification et de pérennisation de ses ressources.

Par conséquent, j'aimerais connaître les réflexions du Gouvernement sur l'avenir financier du FFIPSA.

Les différents mouvements de crédits intervenus au cours de l'exécution budgétaire pour 2004 permettent d'insister sur l'une des spécificités majeures du budget de l'agriculture : son extrême dépendance face aux crises conjoncturelles et aux aléas climatiques. Il est donc nécessaire de disposer d'une réelle souplesse en termes de gestion budgétaire.

A cet égard, la mise en oeuvre de la LOLF à compter du projet de loi de finances pour 2006 constituera sans aucun doute un facteur de flexibilité et de bonne gestion budgétaire.

J'en viens donc, monsieur le ministre, aux efforts louables consentis par le ministère de l'agriculture et de la pêche en vue de la mise en oeuvre de la LOLF.

Dans le cadre de la définition d'unités de gestion de crédits, votre ministère a défini trois types de budgets opérationnels de programme, les BOP : les BOP centraux, les BOP mixtes et les BOP déconcentrés.

Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2004, la Cour des comptes a souligné la perspective d'une déconcentration progressive de la gestion des différents BOP, mais s'est inquiétée de la mise en place d'instruments propres à préserver, à l'échelon central, la maîtrise des diverses actions ministérielles, notamment dans le domaine de la gestion des ressources humaines.

Or, dans leurs réponses au questionnaire budgétaire de la commission des finances du Sénat, les services de votre ministère ont insisté sur l'objectif de déconcentrer totalement la gestion de l'ensemble des crédits de personnel et de fonctionnement du ministère d'ici à 2007. Ils ont également rappelé que le BOP déconcentré du programme 4 « soutien des politiques de l'agriculture » de la mission « agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » avait vocation à inclure les personnels permanents des services à la même échéance.

Ainsi, la perspective retenue par le ministère de l'agriculture et de la pêche est de déconcentrer progressivement les décisions affectant tant les équivalents temps plein - personnels permanents et vacataires - que les masses financières correspondantes.

Il me semble que ces informations sont de nature à apaiser les craintes formulées par la Cour des comptes. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre ?

J'ai également noté avec satisfaction que le ministère de l'agriculture s'était engagé avec sincérité dans une démarche de performance et que nombre des remarques formulées par les commissions des finances des deux assemblées sur la définition des critères de performance - objectifs et indicateurs - de la mission « agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » avaient été suivies d'effet.

Ainsi, de nombreux objectifs et indicateurs portent spécifiquement sur l'évaluation de l'effet des dispositifs de soutien à l'agriculture et des politiques d'intervention mises en oeuvre par le ministère de l'agriculture.

En outre, sur les trente-six indicateurs que comportait le pré-projet d'action personnalisé pour 2005, le « pré-PAP », dix ont été supprimés et autant de nouveaux ont été créés, tandis que treize ont été modifiés. Un effort particulier a été fait pour introduire de véritables indicateurs d'efficience dans chaque programme.

Je me félicite également du niveau du plafond des autorisations d'emplois équivalents temps plein travaillés ; il est fixé pour 2006 à 39 914, ce qui correspond à un solde de créations et de suppressions d'emplois pour le ministère de l'agriculture de moins 1 136 emplois. Un réel effort de rationalisation et d'amélioration de la productivité des effectifs a donc été effectué par le ministère de l'agriculture.

Enfin, j'insisterai sur la démarche engagée par le ministère de l'agriculture depuis quelques années pour moderniser la gestion de son patrimoine immobilier. Le ministère a engagé une meilleure identification de l'ensemble de ce patrimoine, afin d'en assurer le suivi et d'organiser les cessions des biens devenus inutiles au fonctionnement des services.

Ainsi le total des cessions immobilières s'est-il élevé en 2004 à près de 900 000 euros, dont près d'un tiers a été rattaché au budget de l'agriculture en 2004, puis reporté sur l'exercice 2005, le reste ayant fait l'objet d'un transfert aux services du Premier ministre.

Sur les cinq dernières années, le montant des recettes issues des cessions immobilières du ministère de l'agriculture s'est élevé à plus de 2 millions d'euros. Les perspectives pour 2006 se chiffrent également à près de 2 millions d'euros. Ces éléments prouvent que le ministère de l'agriculture participe activement à la recherche d'une plus grande efficacité de la gestion publique et qu'il s'est engagé dans une démarche de maîtrise de ses dépenses.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui au Sénat est totalement inédit.

Je me réjouis tout particulièrement d'y participer en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits pour 2004 du ministère de l'agriculture.

Je ne doute pas que ce débat sera suivi, dans les prochaines années, de discussions tout aussi riches, pour donner à l'examen du projet de loi de règlement la place et l'importance qui doivent naturellement lui revenir dans le cadre de la LOLF.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Je passerai rapidement, monsieur le ministre, sur les ultimes réglages réalisés durant l'année 2004 en vue de la mise en oeuvre de la loi organique, mon collègue Joël Bourdin, rapporteur spécial, nous ayant déjà livré, conformément à son habitude, des analyses très pertinentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Je souhaite cependant souligner brièvement le soin avec lequel cette réforme a été préparée et rappeler qu'elle devrait permettre une amélioration du pilotage budgétaire.

Monsieur le ministre, nous pouvons nous féliciter, me semble-t-il, de la concertation poussée et suivie entre les services de votre ministère et les commissions sénatoriales concernées durant l'année 2004.

Cette concertation fut d'abord politique. Lors de chacune de ses auditions par la commission des affaires économiques, votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, a toujours pris le temps d'expliquer les enjeux de la réforme pour son ministère.

La concertation fut ensuite administrative. Les fonctionnaires des commissions des affaires économiques et des finances ont été invités par les services du ministère de l'agriculture à faire valoir leurs observations sur la définition des objectifs et indicateurs de la mission « agriculture ».

Les remarques formulées à cette occasion ne sont pas restées lettre morte. En effet, comme l'a souligné fort opportunément mon collègue Joël Bourdin, elles ont été suivies d'une révision substantielle des critères de performance, permettant de mieux prendre en compte les notions d'efficience, de qualité et d'efficacité.

Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2004, la Cour des comptes s'est d'ailleurs félicitée de ce que l'architecture du budget de votre ministère a intégré ses propres remarques, ainsi que celles qui avaient été formulées par les commissions parlementaires.

L'examen du projet de loi de finances débutera dans quelques jours et sera pour la première fois entièrement conforme au cadre défini par la LOLF. Dans ce contexte, tous les instruments sont prêts pour que la réforme prenne toute sa portée, tant pour la mission ministérielle « agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » que pour les trois missions interministérielles « enseignement scolaire », « recherche et enseignement supérieur » et « sécurité sanitaire ».

La commission des affaires économiques ne manquera pas d'apporter sa contribution au débat, en rendant des rapports pour avis sur deux de ces missions.

Après le cadre juridique, j'en viens à l'analyse de la dépense du ministère de l'agriculture durant l'exercice budgétaire de 2004.

S'agissant tout d'abord des grands équilibres, on peut certes regretter que ces dépenses se trouvent réduites de 5 % par rapport à l'exercice précédent : la loi de finances initiale votée chaque année par le Parlement ne doit pas devenir purement indicative, ce vers quoi tendrait une multiplication des annulations de crédits en cours d'exercice.

Toutefois, dans le contexte de rigueur budgétaire que nous connaissons aujourd'hui, le ministère de l'agriculture a dû prendre sa part dans l'effort de maîtrise des dépenses publiques poursuivi par le Gouvernement. Ainsi, 243 millions d'euros en crédits de paiement et 74 millions d'euros en autorisations de programme ont été mis en réserve sur le budget de 2004 afin de répondre à la demande du Premier ministre de constituer une soulte destinée à faire face aux différents aléas et urgences.

Il faut saluer le fait que cet effort de solidarité substantiel n'a pas affecté, ou très peu, les chapitres supportant les dépenses particulièrement contraignantes : l'enseignement et la formation, la lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, les contrats territoriaux d'exploitation, ou CTE, les contrats d'agriculture durable, ou CAD, le développement rural ou encore la recherche.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques précisions sur ce sujet, en particulier sur l'évolution des crédits destinés au financement des bâtiments d'élevage, qui ont fait l'objet d'une discussion ce matin en commission des affaires économiques, sur l'initiative de notre collègue M. Bailly ? Une dérogation est-elle possible pour ces bâtiments ? Ce serait, me semble-t-il, une bonne solution pour les agriculteurs, qui attendent l'autorisation de financement. Pourriez-vous également faire le point sur les contrats territoriaux d'exploitation et les contrats d'agriculture durable, tels qu'ils sont aujourd'hui mis en place ?

S'agissant toujours des grands équilibres, je signale que les reports réalisés sur l'année 2004 ont été en net repli par rapport à ceux qui avaient été constatés l'année précédente. C'est le signe d'une gestion budgétaire plus optimisée et d'une meilleure utilisation des crédits.

Après le cadre financier général, j'en viens maintenant à l'analyse des chapitres ayant subi des tensions par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale.

J'évoquerai tout d'abord le dispositif de gestion des aléas climatiques en matière agricole. Après une année 2003 déjà difficile de ce point de vue, la survenance de nouveaux aléas durant l'exercice 2004 - le gel, la sécheresse, les pluies abondantes - a rapidement fait apparaître la nécessité de réévaluer l'enveloppe affectée au Fonds national de garantie des calamités agricoles : 47 millions d'euros ont ainsi été débloqués par la prise d'un décret d'avance dans le courant du mois de juin.

La récurrence d'aléas climatiques de plus en plus violents rend aujourd'hui nécessaires une refonte du système de gestion des risques et le développement véritable du mécanisme de l'assurance récolte. Plusieurs dispositions du projet de loi d'orientation agricole vont dans ce sens, tandis que le projet de loi de finances pour 2006 prévoit le doublement de la contribution financière de l'Etat au Fonds national de garantie des calamités agricoles.

Mais de nombreuses interrogations subsistent : quelle diversité de risques pourra-t-on assurer ? Faut-il envisager de rendre obligatoire le recours à l'assurance, comme le propose le président de la commission des affaires économiques et du Plan, M. Jean-Paul Emorine, et d'en élargir la base de cotisation afin de rendre viable ce nouveau dispositif ? Quels seront, à terme, les engagements financiers de l'Etat en vue d'accompagner la mise en oeuvre du système ? Ces questions sont cruciales pour l'avenir du régime d'indemnisation. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques pistes de réflexion à cet égard ?

S'agissant toujours des mesures de redéploiement opérées en 2004, je ne manquerai pas d'évoquer un décret de virement qui me tient tout particulièrement à coeur, car il concerne le secteur viticole : 5 millions d'euros ont été mobilisés pour soutenir très utilement la promotion des vins à l'exportation. Cette mesure est particulièrement appréciable eu égard aux difficultés que connaît la filière viticole à l'échelon international.

Vous en conviendrez, monsieur le ministre, le soutien actif de ces deux filières ne signifie pas une quelconque partialité. Par souci d'objectivité, permettez-moi de vous signaler que des progrès restent à accomplir dans la programmation des dépenses. En effet, le recours à certaines opérations budgétaires infra-annuelles aurait sans doute pu être évité, ou du moins réduit, par une meilleure anticipation du montant des charges incompressibles. Ainsi, 16 millions d'euros ont dû être débloqués en cours d'exercice pour assurer la rémunération du personnel du ministère de l'agriculture. Toutefois, cette mesure a été gagée non sur des crédits d'investissement - cela aurait été catastrophique -, mais sur des économies en moyens de fonctionnement.

J'évoquerai enfin, monsieur le ministre, l'actualité législative la plus immédiate pour le monde agricole, à savoir le projet de loi d'orientation agricole que vous viendrez défendre au Sénat dans quelques jours et que j'aurai l'honneur de rapporter au nom de la commission des affaires économiques.

Très attendu par la profession, ce texte n'est pas neutre d'un point de vue financier, aspect qui nous intéresse en priorité aujourd'hui : son poids budgétaire peut être en effet estimé à plus de 70 millions d'euros, sans compter les enrichissements parlementaires, dont il fera sans doute l'objet.

Je vous fais confiance, monsieur le ministre, pour que cette enveloppe se traduise rapidement sur le terrain par des actions concrètes et efficaces. La commission des affaires économiques ne manquera pas de suivre avec une grande attention les suites réglementaires et financières données à ce texte.

Tels sont, monsieur le ministre, les éléments dont je tenais à vous faire part à l'occasion de ce débat inédit.

Sachez que la majorité sénatoriale, tout en restant vigilante face aux opérations de régulation budgétaire en cours d'année, soutiendra la démarche d'optimisation des dépenses publiques que vos services et vous-même avez engagée en matière agricole. Le cadre entièrement rénové du débat budgétaire cette année ne pourra, j'en suis persuadé, que renforcer ces progrès. Mais c'est là un autre sujet dont nous aurons bientôt l'occasion de discuter.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis vraiment très heureux que le Sénat ait retenu le ministère de l'agriculture pour l'examen de l'exécution de son budget de 2004, et j'en remercie personnellement le président de la commission des finances. J'en suis d'autant plus heureux que cet exercice préfigure une partie du fonctionnement budgétaire dans le cadre de la LOLF, pour laquelle je me suis investi dans mes précédentes fonctions ministérielles, que Jean-Pierre Raffarin avait bien voulu me confier.

Je me souviens d'ailleurs de nos débats, monsieur le président de la commission des finances, au moment de l'examen de la loi de règlement l'an dernier. Vous aviez alors dit, à juste titre, que cette loi ne devait plus être un exercice purement formel. Vous aviez souhaité à juste raison que, dans le cadre de la LOLF, elle constitue un véritable compte rendu de l'utilisation par le Gouvernement des crédits votés. Avec la LOLF, il sera possible de vérifier, à l'euro près, l'utilisation des crédits. Naturellement, l'exercice prendra de plus en plus une dimension politique importante.

Pour répondre à M. le rapporteur spécial et à M. le rapporteur pour avis, j'évoquerai tout d'abord l'application de la LOLF au ministère de l'agriculture, puis l'exécution du budget de 2004 et, pour finir, la protection sociale agricole, sujet cher à M. Boyer.

Je suis très attaché à la LOLF, qui permettra une gestion plus efficace et précise des performances. Je sais tout le travail qu'ont accompli MM. Alain Lambert et Didier Migaud, ainsi que, depuis quatre ans, les gouvernements successifs et les assemblées, en vue de redéfinir le budget de l'Etat.

Chaque politique publique devra être évaluée en rapprochant les indicateurs de performance, fixés sous le contrôle du Parlement - je sais que la commission des finances du Sénat y a été très attentive, monsieur Arthuis -, des objectifs fixés.

S'agissant du ministère de l'agriculture, des échanges ont notamment permis de faire émerger un programme « forêt ». Nous avons également identifié, à l'image des deux volets de la politique agricole commune, un programme « valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », pouvant être mis en regard du premier pilier de la PAC, et un programme « gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural », correspondant au second pilier. Il y a donc une correspondance avec les politiques de l'Union européenne.

La souplesse de gestion introduite par la LOLF constitue une opportunité ; elle est aussi une exigence de résultat. Les projets annuels de performance, ou PAP, selon la terminologie « lolfienne », du ministère de l'agriculture, présentent 34 objectifs et 57 indicateurs. Les remarques formulées par les assemblées et la Cour des comptes sur les « pré-PAP » établis l'hiver dernier ont fait l'objet d'un examen particulier : la plupart d'entre elles ont été intégrées dans les PAP 2006.

Nous sommes donc entrés dans une logique d'amélioration constante, et le Parlement aura toute sa place dans la réflexion sur notre budget.

La LOLF est également un formidable outil d'accompagnement de la réforme de l'Etat et de modernisation de l'administration. D'ailleurs, dans le nouveau gouvernement, le ministre du budget est également responsable de la réforme de l'Etat. Dans ce cadre, le ministère de l'agriculture a souhaité - c'est à mettre à l'actif d'Hervé Gaymard - une vaste déconcentration de la gestion budgétaire et des crédits.

La plupart des crédits d'intervention seront désormais gérés à l'échelon régional, niveau de coordination des politiques locales. Les crédits de fonctionnement seront mis directement à la disposition des responsables de structures : les directions régionales et les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, ainsi que les directions départementales des services vétérinaires, puisqu'il n'existe pas de niveau régional pour les services vétérinaires.

M. Bourdin a souligné à juste titre l'objectif de déconcentration de l'ensemble des crédits de personnel et les craintes de la Cour des comptes sur ce sujet. Je suis persuadé que les connaissances et les idées d'amélioration du service public sont les plus avancées au sein même des administrations et que, en donnant à chaque responsable de terrain la possibilité de gérer la totalité de ses moyens, nous pourrons offrir un service de plus grande qualité, en particulier au monde agricole et rural.

La gestion des statuts et la gestion au quotidien des corps, des promotions par exemple, resteront pilotées par le secrétariat général du ministère de l'agriculture, que j'ai récemment créé : la Cour des comptes, et vous-même, monsieur le rapporteur spécial, pouvez donc être pleinement rassurés.

Enfin, la nouvelle architecture résultant de la LOLF démontre l'étendue des compétences du ministère de l'agriculture, lesquelles sont très horizontales. En effet, 40 % des crédits de ce ministère sont concentrés sur trois missions interministérielles : la mission « recherche et enseignement supérieur », la mission « enseignement scolaire » et la mission « sécurité sanitaire ». Ce caractère interministériel démontre, s'il en était besoin, la place tout à fait spécifique et importante de l'agriculture dans l'économie et la société françaises.

J'en viens à l'exécution du budget de 2004, marquée, comme l'a très bien rappelé M. César, par des crises. Elle est assez exemplaire des nouvelles perspectives offertes par la LOLF.

En termes d'événements budgétaires, le ministère de l'agriculture a subi de nombreux aléas en 2004, aléas au sujet desquels les parlementaires sollicitent, souvent à juste titre, les pouvoirs publics et auxquels ces derniers doivent pouvoir réagir rapidement.

En 2004 - MM. Bourdin et César l'ont indiqué -, plusieurs décrets d'avance et de virement ainsi que des mouvements de dégel sont intervenus pour traiter la fin de la terrible sécheresse de 2003, la crise viticole qui s'annonçait - je pense au vignoble du bordelais qui vous est cher, monsieur César -, les crises dans le secteur des légumes - les tomates en été, les choux-fleurs en automne - et, enfin, pour lutter contre certaines maladies des végétaux.

Au total, plus de 100 millions d'euros ont été redéployés en cours de gestion, ce qui constitue une somme importante. S'y ajoutent 198 millions d'euros ouverts en loi de finances rectificative. Au total, 10 % des crédits d'intervention du ministère de l'agriculture ont fait l'objet de mouvements en gestion.

Deux applications peuvent résulter de la LOLF.

Tout d'abord, le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche doit, dès la conception du projet de loi de finances initiale, prévoir des crédits suffisants pour la gestion des éventuelles crises et le soutien aux agriculteurs en difficulté. C'est la raison pour laquelle, après plusieurs années de baisse excessive, j'ai décidé de doubler dans le projet de loi de finances pour 2006 les crédits dits « Agridiff » et les crédits du fonds d'allégement des charges des agriculteurs, ces deux instruments étant classiquement utilisés dans la gestion des crises.

Ainsi que M. César l'a lui aussi souligné, et je l'en remercie, nous nous sommes également engagés dans le développement de l'assurance récolte. Un doublement des crédits est prévu : ils passeront de 10 millions à 20 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2006, puisque les choses démarrent très bien, les offres de Groupama et du Crédit agricole dans ce domaine étant une réussite.

Nous avons fait le choix de laisser aux exploitants la liberté de s'assurer ou non. Toutes les cultures, c'est vrai, ne sont pas encore assurées. Des pistes restent à explorer. Nous devons trouver des solutions originales pour les fourrages. Par ailleurs, nous devons affiner notre intervention financière, peut-être en la spécialisant - ce point a d'ailleurs été évoqué la nuit dernière lors des débats à l'Assemblée nationale sur le projet de loi d'orientation agricole - afin de mieux cibler les cultures où l'assurance n'est pas encore très développée.

Je pense également au caractère spécifique de l'assurance aux récoltes outre-mer, monsieur Adrien Giraud. Nous pouvons également travailler dans cette direction. Ce point a également été évoqué par les députés au début de l'examen du projet de loi d'orientation agricole.

Nous allons créer un comité national pour l'assurance en agriculture. C'est un point du projet de loi d'orientation agricole, monsieur César, texte que vous aurez prochainement l'occasion de rapporter, au nom de la commission des affaires économiques.

Enfin, nous allons également utiliser les crédits communautaires du 1 % de modulation budgétaire dédiés à la gestion de crise : c'est un point dont nous sommes convenus avec nos partenaires européens.

J'en viens à une seconde application.

La LOLF nous offre des simplifications nous permettant des redéploiements en cours de gestion. Des marges de manoeuvre peuvent être trouvées en cours d'année pour traiter rapidement, de manière conjoncturelle ou structurelle, les crises sectorielles. C'est une nécessité qui nous est encore apparue au cours de cette année s'agissant des problèmes viticoles. Nous avons pu ainsi mobiliser sur le budget du ministère, par redéploiement, 17 millions d'euros d'aides directes en faveur des vignobles en difficulté dans notre pays et 70 millions d'euros de prêts de consolidation, en particulier pour des exploitations ou des coopératives.

Nous mobilisons également les offices agricoles pour faire de la restructuration de filières et de la promotion.

Je répondrai maintenant plus précisément à MM. les rapporteurs sur les questions des bâtiments d'élevage, des CTE et des CAD.

Avant 2005, un peu moins de 20 millions d'euros, dispersés dans une multitude de dispositifs illisibles, étaient consacrés aux bâtiments d'élevage. En 2005, sur l'initiative d'Hervé Gaymard, a été créé un fonds unique « bâtiments d'élevage » doté de 80 millions d'euros de crédits de paiement, mais financé, en réalité, sur reports.

Dans le projet de loi de finances pour 2006, 90 millions d'euros sont d'ores et déjà affectés à ce fonds unique, auxquels s'ajoutent 20 millions d'euros que j'ai décidé de déléguer immédiatement aux directions régionales afin de résorber les files d'attente. Vous m'avez en effet indiqué que, dans de nombreux départements et régions, il n'était plus possible, en fin d'année, de répondre à la demande très forte suscitée par cette politique, qui connaît un grand succès sur le terrain.

Les crédits de paiement sont donc sécurisés, ils sont inscrits « en dur » dans le projet de loi de finances, si vous me permettez cette expression, et, pour les années à venir, notre objectif est d'affecter 120 millions d'euros par an à cette politique.

La précédente majorité nous avait laissé une formidable bombe budgétaire, avec les CTE : alors que ces contrats avaient été dotés de moins de 70 millions d'euros, ils avaient fini par coûter 250 millions d'euros.

Nous avons donc essayé de trouver un dispositif plus simple et mieux encadré à travers les contrats d'agriculture durable. La dotation pour 2006 est de 160 millions d'euros en autorisations d'engagement, avec un cofinancement de l'Union européenne. Cela nous permettra de financer environ 6 000 contrats, mais je suis ouvert à toutes les réflexions susceptibles de nous permettre de simplifier encore le dispositif.

J'en viens aux problèmes ayant trait à la protection sociale agricole, me réservant de compléter ma réponse après l'intervention de M. Boyer, qui souhaitera certainement évoquer également ces problèmes.

Faut-il regretter le bon vieux BAPSA ? La disparition de ce dernier en tant que budget annexe - je parle sous le contrôle du président Jean Arthuis - est une conséquence directe de la LOLF. §Par ailleurs, même à l'époque du BAPSA, la problématique du financement existait déjà. Nous avons connu des lois de finances rectificatives visant à « boucler » le BAPSA, avec, « in extremis », des appels à recettes spéciales, des prélèvements divers, par exemple sur les réserves des caisses de la mutualité sociale agricole.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

En 2004, la question du financement a évidemment pris une tournure très différente. L'affectation de la taxe sur le tabac, dont le rendement, pour des raisons que vous connaissez bien, s'est avéré décevant, comparé à celui de la TVA, a nécessité une mobilisation très forte.

D'importants travaux ont associé les ministères, les partenaires agricoles, les parlementaires. Je pense au député Yves Censi, président du conseil de surveillance du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, qui s'est particulièrement intéressé à ce sujet, ainsi qu'à votre collègue Jean-Jacques Jégou

Je ne reviendrai pas sur les causes du déficit, car vous les connaissez. Il y a au moins consensus sur l'analyse : croissance des dépenses - mais cette croissance est beaucoup plus faible que dans les autres régimes, car il s'agit d'un système beaucoup mieux maîtrisé - et rendement plus faible que prévu, comme je l'ai déjà dit, de la taxe sur le tabac.

Ni la gestion du régime ni une dérive particulière de ses dépenses ne sont donc en cause. Mais, au-delà de ce constat, pourquoi ne comble-t-on pas le déficit de ce régime ?

Le cadre général de nos finances publiques offre malheureusement un élément de réponse.

Pour assurer le besoin de financement, trois solutions sont possibles : soit l'on affecte des recettes dynamiques, mais encore faut-il les trouver et qu'elles ne soient pas déjà affectées ; soit l'on prélève sur les ressources de l'Etat ; soit l'on modifie les règles de compensation au régime de la sécurité sociale, sujet ô combien délicat.

Nous devons explorer chacune de ces solutions en tenant compte des contraintes.

Nous avons en effet la volonté de maîtriser l'évolution des prélèvements obligatoires, y compris ceux qui pèsent sur les agriculteurs, ce qui veut dire que nous ne souhaitons pas augmenter les cotisations.

Par ailleurs, augmenter la part des recettes de l'Etat affectées au FFIPSA implique de rechercher avec le Parlement des recettes dynamiques pour ce régime.

En ce qui concerne la sécurité sociale, il faut que nous préservions le plan de maîtrise des dépenses de santé. Le conseil des ministres a adopté ce matin le projet de loi de financement de la sécurité sociale. On voit les premiers effets de cette réforme, que vous aviez souhaitée, monsieur Raffarin, en tant que Premier ministre. Mais toute évolution de ces mécanismes nécessite naturellement une concertation entre l'Etat et les partenaires sociaux.

Pour parler franchement, en son état actuel, le projet de loi de finances pour 2006 - mais il n'a pas encore franchi le stade de l'examen par toutes les commissions - n'affecte pas de recettes courantes supplémentaires au régime agricole. J'espère que, d'ici à la fin de cette année, le travail que réalisera Jean-François Copé avec le Parlement permettra de trouver des solutions.

En attendant, la caisse centrale de MSA, avec la garantie de l'Etat et dans le cadre du FFIPSA, sera autorisée à gérer ses besoins de trésorerie dans les conditions habituelles, que vous connaissez. Ces dernières ne sont pas brillantes, mais nous permettent d'assurer les paiements ; ce sont les conditions d'utilisation de l'emprunt.

Ces mesures doivent permettre d'assurer le versement des prestations par le régime. Par conséquent, l'exigence d'un déficit ne fait pas obstacle au maintien du droit des assurés.

Il faut maintenir l'autonomie de la MSA. Vous avez constaté, sur le terrain, le grand attachement des agriculteurs à leur système de protection sociale, ainsi que le fort taux de participation lors des élections aux caisses locales : plus de 60 % en dépit du changement de régime électoral.

La MSA apporte aux agriculteurs et au monde rural un grand nombre de services dans le cadre d'une organisation mutualiste et d'un guichet unique. On constate, dans le cadre du plan de cohésion sociale, à quel point la MSA est un bon interlocuteur pour les départements, les collectivités territoriales, dans la mise en oeuvre des dispositifs de proximité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons continuer à rechercher des solutions permettant d'assurer un meilleur financement de ce régime.

En conclusion, cet outil budgétaire qu'est la LOLF, à laquelle je suis très attaché, permet, en favorisant les échanges entre nous, donc en servant la démocratie, de redonner au Parlement la place éminente qui est la sienne dans le débat budgétaire, à savoir la première. Soyez assurés de ma volonté de poursuivre les efforts du ministère qui est aujourd'hui le mien pour la mettre en oeuvre avec la plus grande attention. Cela permettra, tout au long de la procédure budgétaire, en cours d'année, d'informer encore davantage le Parlement afin qu'il puisse mieux juger de l'efficacité des crédits qu'il aura votés.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens à remercier Dominique Bussereau et à le saluer en sa qualité de ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le ministre, nous nous souvenons avec émotion de ce lundi 29 novembre 2004, alors que, siégeant au banc du Gouvernement pour défendre les articles de la première partie du budget, vous avez appris que M. le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin vous avait confié le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.

C'est dire si, dans notre volonté d'organiser dès cette année une discussion du projet de loi de règlement préfigurant ce qu'il devra devenir demain, et cherchant quelques ministres disposés à se livrer à l'exercice du questionnement du Parlement, nous avons d'emblée pensé à vous. Merci donc de vous être prêté de si bonne grâce à cet exercice !

Nous avons bien noté qu'il y avait des éléments aléatoires et que, dans ces conditions, le principe de précaution devait vous amener à inscrire dans votre budget des enveloppes provisionnelles pour ne pas avoir à connaître de déconvenues en cours d'exercice.

S'agissant du FFIPSA, l'Etat garantit le recours à l'emprunt. C'est donc une dette de l'Etat et une dépense publique. Nous allons devoir trouver une solution.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

La seule nostalgie que j'éprouve pour le BAPSA tient au fait qu'il était la préfiguration de la TVA sociale puisque, pour l'essentiel, il était financé par un prélèvement sur la TVA.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Sans vouloir anticiper sur le prochain débat relatif aux prélèvements obligatoires, je pense que la TVA pourrait, un jour, permettre de financer les dépenses de santé et les dépenses de politique familiale.

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour le dialogue que vous venez d'engager avec le Sénat, dialogue qui va maintenant se poursuivre grâce aux questions des orateurs des groupes.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, dans ce débat thématique portant sur le projet de loi de règlement du budget agricole de 2004, je n'interviendrai pas sur les chiffres de l'exécution budgétaire, puisque cette année charnière de mise en oeuvre de la LOLF est dépourvue de rapport annuel de performance qui nous permettrait une véritable évaluation.

Je limiterai mon propos à un sujet qui est au coeur de l'action du ministère de l'agriculture depuis deux ans et qui est particulièrement d'actualité : il s'agit de la mise en place de la réforme de la PAC, notamment du dispositif des droits à paiement unique, ou DPU.

La nouvelle PAC suscite des interrogations mais surtout de profondes inquiétudes dans le monde agricole. Vous en avez conscience, monsieur le ministre. Pour preuve, la complexité des dispositions propres au premier volet de la conditionnalité des aides a nécessité de votre ministère un ajustement de certaines mesures pour les adapter davantage aux réalités concrètes des exploitations. Cela se traduit par la réécriture actuelle des livrets « conditionnalité », dans un esprit - nous l'espérons sans, hélas, trop y croire ! - de simplification pour 2006. (

Je sais, monsieur le ministre, votre souci de traduire la réforme de la PAC au niveau national de manière la plus pragmatique possible et la plus lisible pour les exploitants.

C'est sans doute pourquoi vous avez retardé le calendrier pour l'application du deuxième volet de la réforme, le découplage des aides.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Vous avez raison de mener un travail approfondi avec les organisations professionnelles agricoles. Il est indispensable d'améliorer et de simplifier le dispositif initialement envisagé.

Les modalités sont désormais connues et les agriculteurs devraient recevoir, autour du 15 octobre, les documents relatifs aux droits à paiement unique.

C'est là que les difficultés vont commencer...

« Ne vous affolez pas ! » ; tel est le message que les organisations professionnelles agricoles s'efforcent de faire passer à leurs adhérents depuis déjà plusieurs semaines. Je crains qu'elles n'aient pas fini de le répéter. Certains agriculteurs vont en effet avoir à effectuer bien des démarches administratives pour recevoir l'ensemble des informations nécessaires pour établir leur dossier, c'est-à-dire que nous allons à l'opposé de la simplification.

En effet, le calcul des DPU s'effectuera selon la moyenne des aides perçues au cours de la période 2000-2002. Or, depuis cette époque, bien des situations ont évolué, par des départs, des arrivées, des associations, des changements de forme juridique, des agrandissements, des investissements... Il appartiendra à chaque exploitant de recenser et de signaler tous ces événements pour actualiser sa situation. Et le plus vite sera le mieux, soulignent déjà les directions départementales de l'agriculture, ajoutant que les agriculteurs n'ont pas intérêt à attendre la date butoir, au risque de ne pas avoir accès, l'an prochain, à toutes les aides découplées auxquelles ils ont droit.

J'évoquerai un exemple des difficultés pouvant se poser : un agriculteur qui aura repris des terres après une période de référence devra conclure une clause de transfert avec le ou les exploitants précédents, afin de récupérer les DPU afférents. Quel recours aura-t-il si ces derniers ne sont plus en vie, s'ils font preuve de mauvaise volonté ou, pis encore, s'ils tentent de négocier financièrement leur accord ? Que proposez-vous pour lutter contre ces comportements spéculatifs, contre la surenchère sur les prix des terres, contre la cession de DPU à titre onéreux ?

Certes, les taux de prélèvements appliqués lors des transferts de DPU sont déconnectés des transferts fonciers et seront dissuasifs, puisqu'ils seront de l'ordre de 50 %, alors qu'ils seront réduits dans les autres cas, s'établissant à 0, 3 % ou à 10 %. Je me réjouis que ces prélèvements viennent abonder une réserve qui sera redistribuée aux agriculteurs avec une priorité à l'installation des jeunes, mais expliquez-moi, monsieur le ministre, comment on peut transférer des DPU sans terre...

Une mise au point est ici indispensable, et il apparaît véritablement nécessaire d'informer et de conseiller les agriculteurs. Hier, des aides subordonnées au respect de certaines pratiques environnementales et sanitaires ; demain, des aides liées non plus à une activité ou à un produit, mais à un historique : n'est ce pas beaucoup trop compliqué et source d'exaspération ? Quel avenir offre-t-on aux agriculteurs ? Chacun sait que le montant des aides qu'ils ont perçues a diminué de 3 % cette année, pourcentage qui passera vraisemblablement à 4 % en 2006 et à 5 % en 2007. Pendant ce temps-là, les prix continuent de baisser, tandis que le coût des intrants et les charges sont au plus haut. Dans beaucoup de régions, en particulier dans mon département du Gers, être agriculteur devient de plus en plus difficile, les jeunes étant de moins en moins nombreux à s'installer. Monsieur le ministre, consacrez toute votre énergie à la sauvegarde de notre agriculture.

Les grands chantiers que vous avez ouverts au travers de la mise en oeuvre de la loi relative au développement des territoires ruraux et de l'élaboration du projet de loi d'orientation agricole témoignent sans aucun doute que telle est bien votre intention. Je veux néanmoins me faire l'écho de l'inquiétude actuelle des agriculteurs et de leur souhait, qui rejoint celui de l'ensemble de nos compatriotes, d'une simplification réelle et d'une lisibilité des dispositifs publics qui n'est pas aujourd'hui, loin de là, une réalité.

Ecoutez les agriculteurs, qui ont de plus en plus de difficultés à faire face à l'augmentation des coûts et à la baisse des prix. Ne les exaspérez pas en accroissant leur travail administratif et en hypothéquant leur futur par une disposition source de nombreux conflits. Vous connaissez bien maintenant les problèmes de l'agriculture française, ou plutôt des agricultures dans leur diversité. Mettez toute votre expérience et toute votre énergie à lutter contre le développement d'un sentiment qu'éprouvent tous les chefs d'exploitation : l'exaspération devant la complexité administrative.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer l'excellente initiative de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, initiative qui marque très bien l'ampleur de ses compétences et qui nous conduit aujourd'hui à ce débat sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004.

Prélude à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, un tel débat permet de revaloriser le rôle de contrôle de l'action gouvernementale du Parlement et surtout d'obliger l'exécutif à rendre compte de ses réalisations et de ses manquements, ce dont je me réjouis, avec tous mes collègues.

En ce qui concerne plus particulièrement le budget de l'agriculture, vous êtes appelé, monsieur le ministre, à rendre compte de la gestion de votre prédécesseur. Ce n'est jamais chose facile, mais nous vous faisons confiance.

Comme l'a très bien rappelé le rapporteur spécial, M. Joël Bourdin, ainsi que vous-même et d'autres intervenants, les dépenses engagées au titre du budget du ministère de l'agriculture ont été en retrait de plus de 5 % en 2004 par rapport à l'année précédente.

Je me félicite de ce louable effort de maîtrise des dépenses, alors même que les dossiers agricoles à traiter cette année-là étaient très lourds : réforme de la politique agricole commune, reprise des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce après l'échec de la conférence de Cancún.

Par ailleurs, je tiens à mettre en exergue une constante du budget agricole, à savoir une extrême sensibilité aux crises conjoncturelles et aux aléas climatiques. Ainsi, au cours de l'exercice 2004, l'insuffisance des crédits du Fonds national de garantie des calamités agricoles a rendu nécessaire son abondement, à hauteur de 47, 3 millions d'euros. En 2005, nous avons subi, malheureusement, ce que j'appellerai la « loi des séries ».

Ces accidents récurrents, voire structurels, affectant le budget du département ministériel que vous dirigez m'amènent à vous interroger, monsieur le ministre, sur la nécessaire mise en place d'une assurance récolte, sur le modèle espagnol ou américain. J'étais d'ailleurs intervenu sur ce sujet voilà quelques mois.

Certes, le projet de loi d'orientation agricole, actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, prévoit, à ses articles 18 et 19, une adaptation du code rural, pour favoriser le développement progressif de l'assurance contre les dommages occasionnés aux exploitations. M. Gérard César a très bien évoqué ce point tout à l'heure.

Cependant, plutôt qu'un développement progressif, il faudrait favoriser une adhésion massive - c'est un état d'esprit qu'il faut construire -, afin que la base assurantielle soit suffisamment large pour garantir une répartition du risque et permettre aux assureurs de pratiquer des tarifs attrayants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Je souhaiterais maintenant revenir sur la situation financière du régime de protection sociale des non-salariés agricoles, sujet que vous avez déjà abordé, monsieur le ministre.

A cet égard, 2004 a été une année de transition. Le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles a été créé, et appelé dans l'immédiat à prendre en charge les intérêts de l'emprunt correspondant à la mensualisation des retraites agricoles, décision qui répondait à une forte aspiration des organisations professionnelles.

Dès son démarrage, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles a dû reprendre une situation déficitaire, à hauteur de 3, 2 milliards d'euros, antérieure à sa création et résultant des déficits cumulés du BAPSA, pour 2, 4 milliards d'euros, et du passage à une comptabilité en droits constatés, pour 800 millions d'euros.

Cette situation est liée non pas au niveau des cotisations payées par les agriculteurs ou à l'évolution des dépenses, mais à la disparition ou à la suppression de certaines recettes qui alimentaient le BAPSA.

On ne peut donc pas conclure, s'agissant du problème de la situation financière du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, qu'il convient de procéder à une augmentation des cotisations des agriculteurs. Le rendement éventuel d'un tel relèvement ne serait d'ailleurs pas à la mesure du déficit : il faut rappeler que le montant des prestations atteint 16 milliards d'euros, que les dépenses de maladie s'élèvent à 6, 2 milliards d'euros et que l'assiette des cotisations représente 6, 6 milliards d'euros.

Sur ce point, le rapport des trois inspections indique que la hausse globale des dépenses du régime a été relativement modérée pour la période 1996-2004, s'établissant à 1, 97 % en moyenne annuelle. Il est à noter que, pour 2006, est prévu un accroissement de 0, 3 % du montant des dépenses.

Cependant, la gravité de la situation du régime, dont le déficit cumulé représentera, si rien n'est fait, 40 % du montant des prestations à la fin de 2006, doit nous amener à nous interroger. Des mesures d'équilibre pérennes doivent être prises par l'Etat, à l'instar de ce qui a été fait pour le régime général. Je sais que cela est facile à dire, monsieur le ministre, et difficile à mettre en application.

Le Gouvernement s'était d'ailleurs engagé en ce sens lors du débat qui s'est tenu ici même, en juillet 2004, sur la réforme de l'assurance maladie. Il avait été alors affirmé que la loi prévoyait que le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles pouvait - je dis bien « pouvait » - bénéficier d'une dotation budgétaire de l'Etat, afin, si nécessaire, d'équilibrer les comptes.

Cela étant, le BAPSA a continué à fonctionner jusqu'au 31 décembre 2004, date à laquelle il a été remplacé, dans toutes ses missions, par le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles.

Depuis 1997, tous les exercices du BAPSA s'étaient soldés par un déficit d'exécution, ce qui met en évidence les difficultés d'une réelle gestion de ce budget annexe, structurellement déficitaire en raison, reconnaissons-le, d'un faible taux de couverture des dépenses par les cotisations.

Toutefois, les déficits constatés ont également eu pour origine une sous-estimation récurrente des dépenses prévisionnelles du budget annexe des prestations sociales agricoles, notamment des dépenses d'assurance maladie, ainsi qu'une constante surestimation de ses recettes.

Par ailleurs, lors de la transformation du BAPSA en établissement public administratif - le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles -, le déficit a été maintenu, en contradiction avec les règles applicables aux budgets annexes, et transféré directement au nouvel établissement. L'Etat a demandé à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole d'augmenter le montant de l'emprunt qu'elle porte pour le compte du budget annexe des prestations sociales agricoles. La charge a donc été soustraite du solde d'exécution du budget de l'Etat, pour un montant de 3, 2 milliards d'euros.

En outre, le déficit d'exécution du Fonds pour 2005 était de l'ordre de 1, 7 milliard d'euros. Compte tenu des remarques faites par la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2005, on peut s'inquiéter du coût qui pourrait résulter, pour l'Etat, de la situation financière du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles.

Enfin, je souhaiterais revenir brièvement sur un dernier point.

Comme le souligne l'institut Montaigne dans son rapport de juillet 2005 intitulé Ambition pour l'agriculture, Libertés pour les agriculteurs, ...

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Excellent rapport !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

...l'agriculture française est très probablement suradministrée.

En effet, le ministère de l'agriculture compte plus de 35 000 agents, auxquels s'ajoutent les effectifs des offices agricoles, de l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique, du CEMAGREF, le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts, et du CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, qui sont respectivement de 3 000, de 8 600, de 1 000 et de 490 agents, soit, au total, près de 48 000 personnes. Si l'on rapporte ce chiffre au nombre d'exploitations agricoles, qui est de 600 000, on obtient un ratio de 8 %, soit huit agents pour cent exploitations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Le but est non pas de supprimer des postes pour supprimer des postes, mais d'éviter les doublons et les gaspillages...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

...et d'assigner au secteur tertiaire agricole les objectifs d'efficacité qui s'imposent à l'agriculture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

En restructurant la dizaine d'offices agricoles selon trois pôles identifiables, la loi d'orientation agricole montrera clairement la voie.

Là où la volonté existe, n'y a-t-il pas un chemin ? Votre volonté, votre compétence reconnue et appréciée, monsieur le ministre, doivent vous permettre de trouver ce chemin.

Parvenu au terme de mon propos, il me reste à remercier et à féliciter de leur excellent travail les présidents, les rapporteurs et les membres de la commission des finances et de la commission des affaires économiques.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Je tiens d'abord à vous remercier, monsieur de Montesquiou, d'avoir analysé les difficultés de la politique agricole commune.

Lorsque j'ai succédé à Hervé Gaymard, le 30 novembre 2005, comme le président Arthuis l'a amicalement rappelé, ma première préoccupation a été de poursuivre les efforts de mon prédécesseur pour simplifier la conditionnalité que vous estimez, à juste titre, beaucoup trop complexe.

Nos efforts ont porté leurs fruits, car peu d'incidents ou de problèmes liés aux contrôles au titre de la conditionnalité se sont produits.

Je compte aller plus loin puisque j'annoncerai prochainement la mise en place d'un système d'autodiagnostic, dont j'ai déjà fait part au Parlement. Ce dispositif permettra de ne faire intervenir le contrôle qu'en bout de course, et donc de prendre en compte, auparavant, la parole de l'exploitant agricole qui aura décidé, dans une démarche volontaire, d'élaborer un diagnostic. Il s'agit en quelque sorte d'inverser la charge de la preuve.

Quant aux droits à paiement unique, les DPU, ils constituent une usine à gaz d'une incroyable complexité, avec plusieurs tours de métallisation !

Nous avons effectué un tour d'Europe avec des responsables agricoles et plusieurs parlementaires, sénateurs et députés, que je remercie de nous avoir accompagnés, afin d'étudier les différents dispositifs en place - couplage, découplage, DPU à l'échelon régional, comme cela se passe en Allemagne.

Nous avons donc tenté de choisir le système le moins complexe d'entre tous, même si, je le reconnais, il n'est pas d'une simplicité « biblique », si vous me permettez l'expression.

Les agriculteurs recevront vers le 15 octobre les dossiers relatifs aux droits à paiement unique.

Les chambres d'agriculture et les différentes organisations professionnelles ont accepté le principe de réunions d'information qui seront tenues dans la quasi-totalité des cantons en vue d'expliquer le système.

Les agriculteurs disposeront d'un délai allant jusqu'à la fin de l'année prochaine pour se mettre à jour afin de recevoir leurs aides au 1er décembre 2006.

Dans le cadre de notre réflexion, nous avons abordé différents problèmes, en particulier celui des agriculteurs décédés ou encore des exploitants agricoles de mauvaise volonté, ou qui refuseraient de souscrire des clauses.

Le système de clause pour lequel nous avons opté présente l'avantage d'éviter de passer par une réserve nationale, qui serait une nouvelle usine à gaz, en permettant de créer au fil des années une relation directe entre le cédant et le repreneur et de se mettre à jour de l'évolution de l'exploitation.

Ainsi, me semble-t-il, peu d'agriculteurs prendront le risque de se faire qualifier de chasseurs de primes, d'autant que nous avons mis en place un certain nombre de mesures coercitives que vous avez rappelées.

J'ajoute que nous avons essayé de donner une priorité à l'installation des jeunes et à certaines cultures difficiles.

Je reconnais, cependant, que tous ces dispositifs nécessitent des efforts de la part des agriculteurs, et je donne ma parole de tout mettre en oeuvre pour que les choses se déroulent de la manière la plus sereine et la plus facile possible à cet égard, tout en ne perdant jamais de vue l'objectif qui a été celui des différents gouvernements, à savoir que la « ferme France » ne perde aucun euro.

Comme je vous l'ai indiqué, nous avons déjà constitué une petite réserve qui nous permet d'effectuer de légères modulations, notre souhait étant de faire en sorte que le montant que percevra un agriculteur à la fin de l'année 2006 soit le plus proche possible de celui qu'il reçoit aujourd'hui. Tel est le sens de mes efforts.

En tout cas, croyez-bien, monsieur le sénateur, que j'adhère à votre message tendant à la simplification. Comme vous le constaterez, cette dernière, avec la suppression de règlements anciens et la modernisation du code rural, est au coeur du projet de loi d'orientation agricole.

Monsieur Jean Boyer, je vous remercie des propos que vous avez tenus au sujet de l'assurance récolte, qui constitue un succès. Je prends note de la nécessité d'améliorer encore les dispositions qui sont prévues à cet égard aux articles 18 et 19 du projet de loi d'orientation agricole.

S'agissant du BAPSA, vous avez rappelé à juste titre le montant du déficit qui s'élevait à 3, 2 milliards d'euros à la fin de 2004. Ce dernier résulte du cumul suivant : il s'agit d'abord du coût de la mensualisation des pensions de retraites et de la retraite complémentaire obligatoire - une très bonne mesure du gouvernement Raffarin - qui, avec le phénomène de rattrapage, représente le versement de deux mois supplémentaires de pensions de retraite en 2004 ; il s'agit ensuite d'une diminution de 840 millions d'euros de la recette de la taxe sur le tabac, conséquence de la politique de santé publique ; il s'agit enfin d'une baisse de recettes de 960 millions d'euros, due à un changement de système de comptabilisation des recettes et des dépenses, dont je vous épargne les détails techniques.

Aujourd'hui, nous devons trouver des solutions pour mettre fin à ce déficit et rembourser cette dette.

En ce qui concerne les effectifs du ministère de l'agriculture et de la pêche, il importe certes de simplifier. Comme vous le constaterez dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, nous prévoyons d'accomplir des efforts importants en matière de réduction des effectifs, tout en assumant les missions du ministère. Ainsi que vous l'avez indiqué, nous allons procéder au regroupement et au déménagement des offices agricoles sur un site unique, à Montreuil, afin d'améliorer leur travail.

Par ailleurs, la loi d'orientation agricole prévoit la création d'une agence unique de paiement, afin de simplifier les démarches des agriculteurs qui auront ainsi un interlocuteur unique pour les paiements du premier pilier et le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, ou CNASEA, pour les paiements du deuxième pilier.

Je me permets enfin d'attirer votre attention, monsieur le sénateur, sur le fait que, si les personnels du ministère peuvent paraître trop nombreux, à entendre les chiffres importants que vous indiquez, la moitié d'entre eux sont des enseignants : près de 17 000 dispensent des enseignements agricoles dirigés non seulement vers le monde agricole, mais aussi vers l'ensemble de la ruralité et des Français.

L'enseignement agricole compte seulement 18 % de fils d'agriculteurs.

La filière cheval, à laquelle le président Arthuis et beaucoup d'entre vous sont attachés, attire de plus en plus de jeunes et crée des emplois : elle représente près de 75 000 emplois aujourd'hui dans notre pays.

L'enseignement agricole comprend également la formation à tous les métiers de l'environnement, de la jardinerie, à des métiers nouveaux, notamment d'aide à la personne en milieu rural.

La mission « enseignement agricole » nécessite des effectifs nombreux afin de dispenser des formations pour les futurs acteurs du monde agricole, mais aussi pour l'ensemble de la société française.

L'enseignement agricole a en effet la particularité d'être un enseignement de terrain. Souvent fondé sur l'alternance, il récupère de nombreux jeunes en échec dans le système scolaire classique. De ce fait, il joue un rôle actif d'intérêt collectif au sein de notre République.

Tourné vers les utilisateurs, au contact des réalités, inspiré par les agriculteurs, l'enseignement agricole est un exemple de réussite de l'enseignement républicain.

Je me devais de rappeler cette mission essentielle de l'enseignement agricole, qui est au coeur des dépenses de personnels du ministère de l'agriculture et de la pêche.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le débat sur les crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche est clos.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Philippe Richert.