Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 12 octobre 2005 à 15h00
Règlement définitif du budget de 2004 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Monsieur le président de la commission des finances, vous avez souhaité que ce débat sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004 soit l'occasion d'anticiper les conditions de discussion dans la forme induite par la mise en oeuvre de la LOLF.

Je suis plus intéressée, pour ma part, avec les membres du groupe communiste républicain et citoyen, par une analyse de la gestion budgétaire des affaires de l'Etat, afin de savoir si cette dernière a apporté, ou non, une réponse adaptée aux besoins de nos compatriotes.

Le constat est clair : les plus-values fiscales enregistrées - elles ont d'ailleurs été sous-évaluées dans la loi de finances rectificative pour 2004 - ont contribué à la réduction du déficit.

Mais force est de constater que les besoins sociaux, eux, ne sont malheureusement pas en situation d'être satisfaits.

Il est vrai que, lors de la présentation du projet de loi de finances rectificative, vous aviez souligné, monsieur le ministre, votre volonté de maintenir la stabilité des dépenses de l'Etat d'une année sur l'autre, comme vous venez de le rappeler.

C'est d'ailleurs pour cette même raison que, dès le vote du projet de loi de finances pour 2005, vous avez estimé nécessaire d'effectuer une « mise en réserve » de quelque 4 milliards d'euros et que vous venez d'annoncer que vous souhaitiez faire de même dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006.

Ce gel de crédits - ils ont pourtant été votés par la majorité de la représentation nationale - se traduit en fin de compte par une annulation pure et simple, ce qui est devenu votre habitude. C'est en effet suivant le dogme de la gestion discrétionnaire des crédits votés par le Parlement que votre gouvernement a mis en oeuvre le budget pour 2004, puis le budget pour 2005.

Dès lors, quel rôle que peut jouer le Parlement ? Quel est son sens ?

Constitutionnellement, nous devrions être capables d'agir pour que les choix exprimés par nos compatriotes trouvent leur concrétisation dans les lois de finances et dans la manière dont sont gérées les affaires publiques. Or, malgré les déclarations d'intention plus ou moins solennelles sur le rôle du Parlement, tout se passe comme si le pouvoir des parlementaires était toujours plus réduit.

Cette loi de règlement n'échappe pas à ce constat.

Une fois encore, c'est un volume non négligeable de crédits qui sont reportés sur l'année 2005, notamment certains engagements de l'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-région, tandis que d'autres crédits sont annulés, malgré le vote émis par le Parlement.

Mais revenons sur les choix qui ont guidé la loi de finances initiale pour 2004 et sur leurs effets.

Il s'agissait pour votre gouvernement de poursuivre dans la voie de l'austérité budgétaire, en soumettant les choix opérés aux critères de convergence liés à la construction européenne et fondés, entre autres, sur la maîtrise des déficits publics, ce qui se traduisait par la mise en déclin de la dépense publique.

Lors du référendum de mai dernier sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe, c'est de manière largement majoritaire que les électeurs ont rejeté la conception de la construction européenne qui leur était proposée.

Les Français savent en effet que ces choix ont des conséquences lourdes pour les populations les plus modestes.

Lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2004, mon collègue Thierry Foucaud déclarait :

« Pour la grande majorité des habitants de notre pays, ces dernières années ont été marquées avant tout par une précarisation renforcée des conditions de vie, parce que les politiques menées en matière d'emploi ont accordé la priorité aux seules attentes des entreprises et, plus précisément, du MEDEF.

« Des efforts ont été exigés du plus grand nombre, qu'il s'agisse des prélèvements sociaux, de la remise en cause des garanties collectives, ou encore de la réalité des aides publiques à la population.

« C'est ainsi que le pouvoir d'achat des Français diminue. C'est si vrai, monsieur le ministre, que votre prédécesseur avait estimé nécessaire d'inviter les grandes surfaces à diminuer leurs prix. Mais, parallèlement, les charges, notamment en ce qui concerne les logements, sont en constante augmentation et un salarié payé au SMIC a de plus en plus de difficultés à faire vivre sa famille. »

Des études récentes sont venues corroborer cette analyse. Ainsi, si l'on se réfère aux statistiques disponibles en matière de prix à la consommation, la seule lecture de l'indice INSEE pourrait laisser croire que l'inflation est relativement maîtrisée.

Mais le principal défaut de cet indice est qu'il est de plus en plus éloigné de la réalité des dépenses réellement supportées par les ménages.

Depuis l'introduction de l'euro, en 1999, les prix ont globalement progressé de 14 % environ. Nombreux sont d'ailleurs les consommateurs qui constatent que l'introduction de la monnaie unique a sensiblement relevé le prix de bien des produits et le tarif de nombre de prestations.

Mais si l'on considère d'autres dépenses, l'augmentation est encore plus importante .Ainsi, elle atteint 20 % pour les dépenses liées au logement : la hausse des loyers a été largement encouragée par les dispositifs incitatifs au développement des investissements immobiliers ; viennent s'y ajouter les charges, notamment énergétiques. Le pourcentage est identique pour les dépenses relatives à l'usage d'un véhicule automobile, liées à la hausse du prix du pétrole. Le renchérissement atteint même 23 % en ce qui concerne les dépenses de santé.

En outre, l'annonce toute récente de la hausse des tarifs de consommation de gaz naturel, que GDF souhaite officialiser à hauteur de 13 %, accentuera encore la progression du coût des services aux particuliers dans notre pays.

La dégradation organisée de la qualité des prestations prises en charge par le régime général de protection sociale a conduit à une très sensible majoration du coût de l'ensemble des cotisations volontaires et complémentaires.

De plus, la structure budgétaire des ménages a évolué. Aujourd'hui, nous ne disposons que de peu d'éléments sur les conséquences monétaires de l'augmentation sensible de l'usage des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Or, elles ne sont pas dépourvues d'incidences sur la situation des familles.

En la matière, ce n'est pas la table ronde récemment tenue sur le coût des services d'assistance technique qui fera illusion. Chacun sait que certaines prestations de téléphonie demeurent largement surfacturées.

Se loger, se chauffer, s'éclairer, se soigner, se déplacer, s'informer ou communiquer coûtent de plus en plus cher et pèsent toujours plus dans le budget des ménages.

Cette loi de règlement est l'occasion de faire un « état des lieux » de la situation de notre pays et de ses habitants.

Or, le constat montre clairement que, dans son exécution, le budget de 2004 n'apporte pas de réponse aux attentes fortes en matière de pouvoir d'achat des ménages.

La situation des comptes publics en 2004 est marquée, quant à elle, par une sensible majoration du niveau des recettes fiscales. Elle atteint en effet plus de 9 milliards d'euros, ce qui représente - il faut tout de même le rappeler - l'équivalent de 60 milliards de francs !

Vous affectez cette somme, de manière exclusive, à la réduction du déficit annoncé en loi de finances initiale, comme en loi de finances rectificative. Comme s'il s'agissait de se montrer docile avec les acteurs des marchés financiers, vous choisissez une nouvelle fois de donner un signe aux détenteurs de titres obligataires en procédant sans cesse à de nouvelles émissions pour couvrir les frais de votre politique.

Cependant, compte tenu de la situation dégradée des comptes sociaux - s'agissant tant de la sécurité sociale que de l'assurance chômage -, le cumul du déficit de l'Etat avec les déficits sociaux porte le déficit public au-delà de la fameuse barre des 3 % du PIB, sacro-saint critère de l'orthodoxie libérale, selon la version de Maastricht et de l'Union économique et monétaire.

Cette fameuse norme de la construction européenne a-t-elle encore un sens ? On peut se le demander.

Le critère des 3 % ne serait-il pas finalement agité comme un épouvantail pour justifier le recul de la dépense publique, le déclin de la présence de l'Etat dans la vie de la nation, le remodelage social en faveur des plus riches et des grosses entreprises qui alimentent idéologiquement votre politique ?

Quand on sait que le plus grand des pays du monde capitaliste, les Etats-Unis, se moque parfaitement du niveau de son déficit public, de sa dette publique et de son déficit commercial dès lors que cela contribue à la croissance de l'activité, on se demande presque pourquoi les argentiers européens continuent de poursuivre dans cette voie.

L'imposition des critères de convergence définis par le traité de Maastricht et repris dans le projet de Constitution européenne, donc validés par ceux qui l'ont soutenu à l'époque, a été battue en brèche par le vote des Français au printemps dernier, mais elle continue de peser sur la définition des orientations et des choix budgétaires.

Ce sont là pourtant des orientations récessives, dépressives, qui aboutissent, à l'expérience, au résultat inverse de celui qui avait été annoncé.

Ainsi, malgré une timide reprise de l'activité, la croissance se situe finalement aux alentours de 2, 3 % pour l'ensemble de l'année 2004 et va de nouveau s'affaisser en 2005, puisqu'il faut nous attendre à un taux finalement proche de 1, 5 %.

Le même niveau de déficit est prévu pour l'exercice 2006, dans les termes de la loi de finances initiale ; il est d'ailleurs associé à une prévision de croissance proche de celle qui a été observée pour l'année 2004. Cependant, là encore, on ne peut qu'être dubitatifs quant à la consistance de ces prévisions de croissance.

Mais revenons à la loi de règlement et à la majoration des recettes fiscales de plus de 9 milliards d'euros au regard de la loi de finances initiale.

Le premier impôt qui voit croître son rendement de manière sensible est l'impôt sur les sociétés. Le montant de la plus-value constatée, proche de 7 milliards d'euros, est d'un niveau jamais atteint.

Lors de la précédente législature, mes chers collègues de la majorité, vous n'aviez pas de mots assez forts pour critiquer les plus-values fiscales « cachées », ce que l'on appelait la « cagnotte fiscale ». La plus-value constatée n'a d'ailleurs jamais atteint ce niveau puisque, pour mémoire, près de 7 milliards d'euros, cela fait plus de 45 milliards de francs.

Monsieur le rapporteur général, vous écrivez dans votre rapport - vous l'aviez déjà indiqué en commission des finances - que « cette sous-estimation des plus-values d'impôt sur les sociétés vient de la difficulté à prévoir correctement les recettes de cet impôt ».

Vous reconnaissez toutefois que, « certes, les bonnes rentrées de cet impôt étaient connues dès le versement du deuxième acompte, c'est-à-dire dès le mois de juin. »

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