Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 12 octobre 2005 à 15h00
Règlement définitif du budget de 2004 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Cela ne change rien sur le fond de mon analyse de la loi de règlement. Cela n'apporte pas d'éléments supplémentaires permettant, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, de donner de nouvelles orientations à la loi de finances initiale.

Le décalage atteint, je le répète, pratiquement 7 milliards d'euros. La question est de savoir ce que cela traduit.

La hausse du produit de l'impôt sur les sociétés est la démonstration de la hausse des profits des entreprises assujetties, donc de leur bonne santé financière.

Certaines mesures fiscales prises ces dernières années ne sont pas sans conséquences sur le rendement de l'impôt. M. Mercier lui-même avait montré comment l'allégement de la part salaire de la taxe professionnelle avait alimenté l'impôt sur les sociétés.

La suppression de la part taxable des salaires au titre de la taxe professionnelle ou les allégements de cotisations sociales patronales conduisent, en théorie, à une majoration du tiers du produit de l'impôt. Ainsi, une exonération de 18, 9 milliards d'euros au titre des cotisations sociales devrait se traduire par une majoration de 6, 3 milliards du rendement de l'impôt sur les sociétés.

Mais la hausse des profits « d'abord et avant tout » ne profite ni à l'emploi - 2004 a été une des pires années en la matière - ni au pouvoir d'achat des salariés. Les gains de productivité et la croissance alimentent les débats des assemblées générales ordinaires d'actionnaires quand il s'agit de fixer la hauteur du dividende ; ils ne nourrissent manifestement pas les négociations salariales annuelles dans les entreprises.

D'ailleurs, cette manière de « partager les fruits de la croissance » est encouragée au plus haut niveau.

Vous faites un effort pour majorer la prime pour l'emploi, pour encourager le développement du travail à temps partiel, lequel favorise la pratique des bas salaires de par la ristourne dégressive. Ces mesures qui, au demeurant, amputent largement le budget de l'Etat, ne sont pas sans conséquences sur l'impôt sur les sociétés.

Qu'en est-il des autres impôts ? Il suffit de lire le texte de présentation du projet de loi pour comprendre les processus en cours.

S'agissant de l'impôt sur le revenu, il nous est dit : « A législation constante » - la législation de 2003-, « le produit de l'impôt sur le revenu progresse de 4, 3 % contre 4, 5 % en 2002, évolution essentiellement imputable à la progression des revenus imposables et au dynamisme des plus-values immobilières réalisées en 2004. »

En termes clairs, cela signifie que ce sont les revenus non salariaux qui ont vu leur assiette progresser en 2004.

La hausse du produit de la TVA, toujours à législation constante, traduit l'impact limité des mesures de relance de la consommation et enregistre l'augmentation du prix de certains produits importés, notamment du pétrole et de ses dérivés, dont le prix a commencé de s'envoler à la fin de l'année 2004.

Quant à la stagnation du produit de la TIPP, outre qu'elle traduit l'effet diesel et le rajeunissement relatif du parc automobile de notre pays, on peut espérer qu'elle atteste aussi d'un moindre recours à l'automobile par les particuliers.

Les éléments publics en la matière révèlent un nouveau tassement du produit de la taxe cette année, ce qui ne sera pas sans conséquences sur les financements des transferts de compétences aux conseils généraux et, surtout, aux conseils régionaux.

De fait, tout atteste que l'embellie des recettes fiscales constatée en 2004 ne fait que traduire les évolutions profondes de la situation sociale et économique.

Dans un pays de bas salaires, de chômage massif - 10 % de personnes sans emploi étaient officiellement recensées à la fin de 2004 -, de précarisation forcenée des conditions de travail et d'emploi, si la situation financière des entreprises apparaît florissante, il n'en est pas de même de celle de la grande masse des habitants de ce pays.

Or, un pays où il vaut mieux être actionnaire ou propriétaire immobilier que salarié ou locataire est un pays qui ne peut durablement développer ses potentiels et, par voie de conséquence, connaître la croissance économique, le développement de l'emploi et la réduction dynamique de ses déficits.

Avec la loi de finances de 2004, vous aviez privilégié la satisfaction de la rente au détriment de la satisfaction des besoins sociaux : cette loi de règlement l'atteste de manière spectaculaire.

J'en viens à présent au volet des dépenses, d'autant qu'il est question de donner un caractère nouveau à l'examen des lois de règlement, en appliquant par anticipation la loi organique.

Pour vous, a priori, la dépense publique est mauvaise.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion