Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 12 octobre 2005 à 15h00
Règlement définitif du budget de 2004 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains, en observant les premiers pas de M. Breton au ministère, ont pensé qu'il avait trébuché en ne suivant pas le discours convenu lorsqu'il avait affirmé que la France vivait au-dessus de ses moyens. Et pourtant, c'était, et c'est toujours, hélas !, la vérité. Bien sûr, personne n'imaginait qu'il lui serait possible de redresser les comptes de la nation comme il avait pu redresser ceux de France Télécom, mais nous étions pleins d'espoir en entendant ce langage de vérité.

Aujourd'hui, le langage du néophyte aurait-il laissé la place au langage convenu, selon lequel, au fond, tout ne va pas si mal ?

Dans l'exécution du budget de 2004, vous êtes, certes, parvenu à une réduction du déficit budgétaire de 13 milliards d'euros et à une certaine stabilisation de nos dépenses. Les artifices y sont-ils étrangers ? La réduction du déficit de l'Etat n'est-elle qu'apparente et, surtout, est-elle due à une hausse mécanique des prélèvements obligatoires et des recettes supplémentaires consécutives à une croissance économique moyenne et meilleure qu'on ne le croyait ?

Quoi qu'il en soit, la dette publique de la France n'a cessé de s'aggraver, notre pays accumulant les déficits année après année. Pensez-vous avoir mis fin à cette évolution ?

Aucune des mesures ou réformes décidées n'a été à la hauteur de la gravité de la situation dans laquelle se trouvent nos finances publiques. La charge que supporteront nos enfants est consternante.

Référons-nous à la Cour des comptes, qui a souligné, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances, que la réduction de 10 milliards d'euros du besoin de financement de l'Etat est, au mieux une façade, au pire le résultat de manipulations comptables relatives à la transformation du BAPSA, à la reprise du FOREC par la CADES et au versement d'une soulte de plus de un milliard d'euros par EDF et la COGEMA au CEA.

Nous confirmez-vous que la soulte de deux nouvelles entreprises publiques, La Poste et la RATP, seront mises à contribution dans le prochain projet de loi de finances ?

Monsieur le ministre, des mesures ponctuelles peuvent améliorer une situation budgétaire, mais aucune ne peut inverser cet inexorable accroissement de la dette. Le concept budgétaire doit non seulement évoluer, mais aussi changer.

Malgré des paramètres très aléatoires - prix du baril, évolution de la consommation, évolution des investissements, déficit des comptes sociaux -, tous les ministres des finances aboutissent à une résultante qui est un chiffre de croissance escompté. Ils savent pourtant qu'ils seront vraisemblablement démentis - il va falloir geler des chiffres, supprimer des crédits budgétaires - et donc qu'ils devront se livrer à des acrobaties entre les divers budgets ministériels. Tout cela, bien sûr, a des conséquences politiques négatives.

Un espoir réside dans la LOLF, qui est un progrès formidable, car elle introduit la notion de performance. Nous sommes convaincus que vous saurez utiliser à plein ce nouvel outil.

Allons plus loin : j'ose deviner que vous avez peut-être le désir secret d'aller plus avant. Vous rêvez - ou est-ce moi ? - d'un budget au caractère uniquement comptable, calculé sur une croissance nulle, qui vous permettrait d'utiliser une partie du surplus généré, dans la grande majorité des cas, par une croissance même modeste pour rembourser la dette. Peut-être même imaginez-vous des budgets qui évolueront, en cinq ans, d'une dépense à croissance nulle en euros constants vers des euros courants.

De nombreux pays ont réussi ce redressement budgétaire : le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Suède... J'arrête là une liste qui devient humiliante ! Au nom de quoi la France, qui a toujours su se redresser, ne serait-elle pas capable d'un effort comparable ? Il faut oser parler d'effort, un mot qui semble proscrit du vocabulaire des politiques.

Ceux qui prétendent que tout finira par s'arranger sans parler d'effort nous mentent ou, comme disait Talleyrand, « cela finira par s'arranger, mais mal ».

Rétablir la situation sera très difficile. Nous y sommes obligés non seulement du fait de la contrainte communautaire, mais aussi pour ne pas être la seule génération politique à laisser à nos enfants une situation moins bonne que celle que nous avons prise en charge.

Monsieur le ministre, chacun reconnaît ou a été amené à reconnaître les talents de chef d'entreprise du ministre des finances. Les Français ne lui pardonneraient pas de ne pas y adjoindre le courage.

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