Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 12 octobre 2005 à 15h00
Règlement définitif du budget de 2004 — Débat sur les crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche

Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis vraiment très heureux que le Sénat ait retenu le ministère de l'agriculture pour l'examen de l'exécution de son budget de 2004, et j'en remercie personnellement le président de la commission des finances. J'en suis d'autant plus heureux que cet exercice préfigure une partie du fonctionnement budgétaire dans le cadre de la LOLF, pour laquelle je me suis investi dans mes précédentes fonctions ministérielles, que Jean-Pierre Raffarin avait bien voulu me confier.

Je me souviens d'ailleurs de nos débats, monsieur le président de la commission des finances, au moment de l'examen de la loi de règlement l'an dernier. Vous aviez alors dit, à juste titre, que cette loi ne devait plus être un exercice purement formel. Vous aviez souhaité à juste raison que, dans le cadre de la LOLF, elle constitue un véritable compte rendu de l'utilisation par le Gouvernement des crédits votés. Avec la LOLF, il sera possible de vérifier, à l'euro près, l'utilisation des crédits. Naturellement, l'exercice prendra de plus en plus une dimension politique importante.

Pour répondre à M. le rapporteur spécial et à M. le rapporteur pour avis, j'évoquerai tout d'abord l'application de la LOLF au ministère de l'agriculture, puis l'exécution du budget de 2004 et, pour finir, la protection sociale agricole, sujet cher à M. Boyer.

Je suis très attaché à la LOLF, qui permettra une gestion plus efficace et précise des performances. Je sais tout le travail qu'ont accompli MM. Alain Lambert et Didier Migaud, ainsi que, depuis quatre ans, les gouvernements successifs et les assemblées, en vue de redéfinir le budget de l'Etat.

Chaque politique publique devra être évaluée en rapprochant les indicateurs de performance, fixés sous le contrôle du Parlement - je sais que la commission des finances du Sénat y a été très attentive, monsieur Arthuis -, des objectifs fixés.

S'agissant du ministère de l'agriculture, des échanges ont notamment permis de faire émerger un programme « forêt ». Nous avons également identifié, à l'image des deux volets de la politique agricole commune, un programme « valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », pouvant être mis en regard du premier pilier de la PAC, et un programme « gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural », correspondant au second pilier. Il y a donc une correspondance avec les politiques de l'Union européenne.

La souplesse de gestion introduite par la LOLF constitue une opportunité ; elle est aussi une exigence de résultat. Les projets annuels de performance, ou PAP, selon la terminologie « lolfienne », du ministère de l'agriculture, présentent 34 objectifs et 57 indicateurs. Les remarques formulées par les assemblées et la Cour des comptes sur les « pré-PAP » établis l'hiver dernier ont fait l'objet d'un examen particulier : la plupart d'entre elles ont été intégrées dans les PAP 2006.

Nous sommes donc entrés dans une logique d'amélioration constante, et le Parlement aura toute sa place dans la réflexion sur notre budget.

La LOLF est également un formidable outil d'accompagnement de la réforme de l'Etat et de modernisation de l'administration. D'ailleurs, dans le nouveau gouvernement, le ministre du budget est également responsable de la réforme de l'Etat. Dans ce cadre, le ministère de l'agriculture a souhaité - c'est à mettre à l'actif d'Hervé Gaymard - une vaste déconcentration de la gestion budgétaire et des crédits.

La plupart des crédits d'intervention seront désormais gérés à l'échelon régional, niveau de coordination des politiques locales. Les crédits de fonctionnement seront mis directement à la disposition des responsables de structures : les directions régionales et les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, ainsi que les directions départementales des services vétérinaires, puisqu'il n'existe pas de niveau régional pour les services vétérinaires.

M. Bourdin a souligné à juste titre l'objectif de déconcentration de l'ensemble des crédits de personnel et les craintes de la Cour des comptes sur ce sujet. Je suis persuadé que les connaissances et les idées d'amélioration du service public sont les plus avancées au sein même des administrations et que, en donnant à chaque responsable de terrain la possibilité de gérer la totalité de ses moyens, nous pourrons offrir un service de plus grande qualité, en particulier au monde agricole et rural.

La gestion des statuts et la gestion au quotidien des corps, des promotions par exemple, resteront pilotées par le secrétariat général du ministère de l'agriculture, que j'ai récemment créé : la Cour des comptes, et vous-même, monsieur le rapporteur spécial, pouvez donc être pleinement rassurés.

Enfin, la nouvelle architecture résultant de la LOLF démontre l'étendue des compétences du ministère de l'agriculture, lesquelles sont très horizontales. En effet, 40 % des crédits de ce ministère sont concentrés sur trois missions interministérielles : la mission « recherche et enseignement supérieur », la mission « enseignement scolaire » et la mission « sécurité sanitaire ». Ce caractère interministériel démontre, s'il en était besoin, la place tout à fait spécifique et importante de l'agriculture dans l'économie et la société françaises.

J'en viens à l'exécution du budget de 2004, marquée, comme l'a très bien rappelé M. César, par des crises. Elle est assez exemplaire des nouvelles perspectives offertes par la LOLF.

En termes d'événements budgétaires, le ministère de l'agriculture a subi de nombreux aléas en 2004, aléas au sujet desquels les parlementaires sollicitent, souvent à juste titre, les pouvoirs publics et auxquels ces derniers doivent pouvoir réagir rapidement.

En 2004 - MM. Bourdin et César l'ont indiqué -, plusieurs décrets d'avance et de virement ainsi que des mouvements de dégel sont intervenus pour traiter la fin de la terrible sécheresse de 2003, la crise viticole qui s'annonçait - je pense au vignoble du bordelais qui vous est cher, monsieur César -, les crises dans le secteur des légumes - les tomates en été, les choux-fleurs en automne - et, enfin, pour lutter contre certaines maladies des végétaux.

Au total, plus de 100 millions d'euros ont été redéployés en cours de gestion, ce qui constitue une somme importante. S'y ajoutent 198 millions d'euros ouverts en loi de finances rectificative. Au total, 10 % des crédits d'intervention du ministère de l'agriculture ont fait l'objet de mouvements en gestion.

Deux applications peuvent résulter de la LOLF.

Tout d'abord, le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche doit, dès la conception du projet de loi de finances initiale, prévoir des crédits suffisants pour la gestion des éventuelles crises et le soutien aux agriculteurs en difficulté. C'est la raison pour laquelle, après plusieurs années de baisse excessive, j'ai décidé de doubler dans le projet de loi de finances pour 2006 les crédits dits « Agridiff » et les crédits du fonds d'allégement des charges des agriculteurs, ces deux instruments étant classiquement utilisés dans la gestion des crises.

Ainsi que M. César l'a lui aussi souligné, et je l'en remercie, nous nous sommes également engagés dans le développement de l'assurance récolte. Un doublement des crédits est prévu : ils passeront de 10 millions à 20 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2006, puisque les choses démarrent très bien, les offres de Groupama et du Crédit agricole dans ce domaine étant une réussite.

Nous avons fait le choix de laisser aux exploitants la liberté de s'assurer ou non. Toutes les cultures, c'est vrai, ne sont pas encore assurées. Des pistes restent à explorer. Nous devons trouver des solutions originales pour les fourrages. Par ailleurs, nous devons affiner notre intervention financière, peut-être en la spécialisant - ce point a d'ailleurs été évoqué la nuit dernière lors des débats à l'Assemblée nationale sur le projet de loi d'orientation agricole - afin de mieux cibler les cultures où l'assurance n'est pas encore très développée.

Je pense également au caractère spécifique de l'assurance aux récoltes outre-mer, monsieur Adrien Giraud. Nous pouvons également travailler dans cette direction. Ce point a également été évoqué par les députés au début de l'examen du projet de loi d'orientation agricole.

Nous allons créer un comité national pour l'assurance en agriculture. C'est un point du projet de loi d'orientation agricole, monsieur César, texte que vous aurez prochainement l'occasion de rapporter, au nom de la commission des affaires économiques.

Enfin, nous allons également utiliser les crédits communautaires du 1 % de modulation budgétaire dédiés à la gestion de crise : c'est un point dont nous sommes convenus avec nos partenaires européens.

J'en viens à une seconde application.

La LOLF nous offre des simplifications nous permettant des redéploiements en cours de gestion. Des marges de manoeuvre peuvent être trouvées en cours d'année pour traiter rapidement, de manière conjoncturelle ou structurelle, les crises sectorielles. C'est une nécessité qui nous est encore apparue au cours de cette année s'agissant des problèmes viticoles. Nous avons pu ainsi mobiliser sur le budget du ministère, par redéploiement, 17 millions d'euros d'aides directes en faveur des vignobles en difficulté dans notre pays et 70 millions d'euros de prêts de consolidation, en particulier pour des exploitations ou des coopératives.

Nous mobilisons également les offices agricoles pour faire de la restructuration de filières et de la promotion.

Je répondrai maintenant plus précisément à MM. les rapporteurs sur les questions des bâtiments d'élevage, des CTE et des CAD.

Avant 2005, un peu moins de 20 millions d'euros, dispersés dans une multitude de dispositifs illisibles, étaient consacrés aux bâtiments d'élevage. En 2005, sur l'initiative d'Hervé Gaymard, a été créé un fonds unique « bâtiments d'élevage » doté de 80 millions d'euros de crédits de paiement, mais financé, en réalité, sur reports.

Dans le projet de loi de finances pour 2006, 90 millions d'euros sont d'ores et déjà affectés à ce fonds unique, auxquels s'ajoutent 20 millions d'euros que j'ai décidé de déléguer immédiatement aux directions régionales afin de résorber les files d'attente. Vous m'avez en effet indiqué que, dans de nombreux départements et régions, il n'était plus possible, en fin d'année, de répondre à la demande très forte suscitée par cette politique, qui connaît un grand succès sur le terrain.

Les crédits de paiement sont donc sécurisés, ils sont inscrits « en dur » dans le projet de loi de finances, si vous me permettez cette expression, et, pour les années à venir, notre objectif est d'affecter 120 millions d'euros par an à cette politique.

La précédente majorité nous avait laissé une formidable bombe budgétaire, avec les CTE : alors que ces contrats avaient été dotés de moins de 70 millions d'euros, ils avaient fini par coûter 250 millions d'euros.

Nous avons donc essayé de trouver un dispositif plus simple et mieux encadré à travers les contrats d'agriculture durable. La dotation pour 2006 est de 160 millions d'euros en autorisations d'engagement, avec un cofinancement de l'Union européenne. Cela nous permettra de financer environ 6 000 contrats, mais je suis ouvert à toutes les réflexions susceptibles de nous permettre de simplifier encore le dispositif.

J'en viens aux problèmes ayant trait à la protection sociale agricole, me réservant de compléter ma réponse après l'intervention de M. Boyer, qui souhaitera certainement évoquer également ces problèmes.

Faut-il regretter le bon vieux BAPSA ? La disparition de ce dernier en tant que budget annexe - je parle sous le contrôle du président Jean Arthuis - est une conséquence directe de la LOLF. §Par ailleurs, même à l'époque du BAPSA, la problématique du financement existait déjà. Nous avons connu des lois de finances rectificatives visant à « boucler » le BAPSA, avec, « in extremis », des appels à recettes spéciales, des prélèvements divers, par exemple sur les réserves des caisses de la mutualité sociale agricole.

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