Monsieur le sénateur, vous posez, comme à l'accoutumée, une question avisée sur un sujet important, qui, à l'évidence, préoccupe de nombreux élus locaux. Je ne m'étonne pas que vous vous en fassiez ainsi l'écho. Cette question appelle une réponse à la fois prudente et précise.
Cette question appelle d'abord une réponse prudente, et ce pour deux raisons. La première est que, comme vous le savez sans doute, la circulaire du 2 décembre 2005 prise pour l'application de l'article 89 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales a fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État. La seconde est que, comme vous le soulignez vous-même, l'enjeu de cette question est la conciliation du principe de parité entre école publique et école privée, ainsi que la liberté de choix des parents, à laquelle nous sommes, vous et moi, attachés. La prudence commande donc d'attendre que le Conseil d'État se soit exprimé avant d'apporter une réponse définitive.
Cette question appelle ensuite une réponse précise, et ce également pour deux raisons : d'une part, parce que l'application de l'article 89, qui résulte d'un amendement de votre collègue Michel Charasse, est un sujet à la fois très sensible pour les communes et les familles concernées et relativement complexe d'un point de vue juridique ; d'autre part, parce que vous n'ignorez pas que l'article 89 et la circulaire du 2 décembre 2005 ont suscité des interrogations légitimes, voire des incompréhensions, auxquelles il convient de répondre, même à titre provisoire.
Pour commencer, rappelons la portée de cet article. Il porte sur la prise en charge par les communes de résidence des dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat pour les élèves scolarisés dans une autre commune, dite commune d'accueil. Pour les écoles publiques, cette question est traitée par l'article L. 212-8 du code de l'éducation.
En vertu de l'article L. 442-9 du code de l'éducation, le principe de la répartition des dépenses de fonctionnement par accord entre commune d'accueil et commune de résidence était déjà applicable au financement des écoles privées sous contrat. Mais, faute de procédure de résolution des conflits, aucune disposition ne permettait de surmonter d'éventuels désaccords.
L'article 89 a donc pour objectif et pour effet d'étendre au financement des écoles privées la procédure de résolution des conflits et les modalités de calcul des contributions de la commune de résidence, telles qu'elles sont prévues par les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 212-8.
Cette première précision est, au demeurant, une manière de rappeler que cette procédure n'a vocation à intervenir que dans les cas où aucun accord n'a pu être obtenu pour la prise en charge des dépenses de fonctionnement afférentes aux élèves « non-résidents ».
Lorsqu'il est nécessaire de mettre en oeuvre cette procédure, deux situations se présentent alors.
Si la commune de résidence est dépourvue de capacités d'accueil dans ses établissements scolaires - c'est le premier cas de figure -, il appartient au préfet de déterminer la contribution de celle-ci, après avis du conseil départemental de l'éducation nationale, le CDEN, en tenant compte de ses ressources, du nombre d'élèves concernés et du coût moyen par élève.
C'est dans le second cas de figure, si la commune de résidence dispose de capacités d'accueil dans ses établissements scolaires, qu'il existe à l'évidence une divergence d'interprétation entre l'Association des maires de France et les représentants de l'enseignement catholique, qui représente environ 97 % de l'enseignement privé sous contrat.
Selon l'AMF, la contribution de la commune n'est obligatoire que dans les cas où celle-ci devrait participer au financement d'une école publique extérieure qui accueillerait le même élève, c'est-à-dire, concrètement, si elle a donné son accord à une scolarisation extérieure ou si cette scolarisation extérieure est liée aux obligations professionnelles des parents, à l'inscription d'un frère ou d'une soeur dans un établissement scolaire de la même commune ou à des raisons médicales. Dans tous les autres cas, la commune serait exonérée.
Selon l'enseignement catholique - dont j'ai d'ailleurs rencontré les représentants, voilà quelques jours -, si cette exonération est justifiée s'agissant des écoles publiques - puisqu'il s'agit de dérogations à la carte scolaire -, elle ne saurait s'appliquer aux écoles privées.
Le ministère de l'intérieur, en liaison avec le ministère de l'éducation nationale, a eu à coeur, ces dernières semaines, de susciter un dialogue entre l'Association des maires de France et le Secrétariat général de l'enseignement catholique.
Nous leur avons proposé un modus vivendi, qui devrait être prochainement acté, reposant sur trois principes.
Le premier principe est de conserver à la procédure de fixation des contributions communales par le préfet son caractère résiduel, et donc de privilégier les accords locaux, dans leurs différentes formes.
Le deuxième est de prendre acte de la divergence d'interprétation et de considérer qu'elle doit être tranchée, dans la mesure du possible, dans un cadre national, par le Conseil d'État.
Le troisième principe est donc, dans l'attente de cette clarification, d'appliquer l'article 89, au moins pour tous les cas qui ne font pas l'objet d'une divergence d'interprétation.
Je terminerai en soulignant que le dialogue entre les représentants des maires et ceux de l'enseignement catholique a été marqué par une grande qualité d'écoute réciproque, qui reflète d'ailleurs la réalité du dialogue qui se noue au plan local, dans la plupart des départements. Le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a d'ailleurs demandé aux préfets, qui étaient réunis hier, de prolonger ce dialogue dans leurs départements.
Je crois, monsieur Mercier, que ce dialogue est de nature à régler la plupart des difficultés rencontrées et à assurer la mise en oeuvre de l'article 89 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales dans un climat apaisé et constructif.