Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 30 mai 2006 à 10h00
Questions orales — Aménagement du tunnel du fréjus et conditions de circulation dans les alpes

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Monsieur le président, il s'agit d'une question alpine, mais néanmoins internationale !

Monsieur le ministre, je souhaite, par votre intermédiaire, alerter M. Dominique Perben sur l'annonce faite par la commission intergouvernementale de contrôle du tunnel du Fréjus d'une préconisation de percement d'une galerie nouvelle, dite de sécurité, de huit mètres de large, parallèle à l'actuel tunnel existant.

Comme je l'avais exprimé lors de ma précédente question sur ce sujet, le 9 mars 2005, chacun est convaincu de la nécessité de sécuriser les tunnels en France. Ce type de mesures a été rendu indispensable après le drame de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc, que nous avons encore tous à l'esprit.

A contrario, de nombreux Savoyards, mais plus largement les populations alpines, s'inquiètent à juste titre de la solution proposée. Celle-ci consisterait tout simplement à percer un deuxième tube susceptible d'être accessible à la circulation permanente, ouvrant ainsi la voie, sans le dire, à un doublement du tunnel. Rappelons pour étayer cette crainte que les pouvoirs publics italiens, par l'intermédiaire du ministre des transports du gouvernement de M. Silvio Berlusconi, avaient avancé une telle idée.

Devant le dimensionnement d'un tel ouvrage, dont le coût financier apporterait une justification à un usage autre que l'amélioration de la sécurité, les déclarations d'intention des deux gouvernements sur la pérennité des modalités d'utilisation de cette galerie ne sont franchement pas de nature à rassurer les populations concernées sur tout l'axe de transit entre l'Italie et la France.

Je pense plus particulièrement, du côté français, aux populations résidant dans l'avant-pays savoyard, dans la cluse de Chambéry, où passent d'ores et déjà en plein centre-ville 100 000 véhicules par jour, au sein de la combe de Savoie et bien évidemment aux habitants de la vallée de la Maurienne. Je souhaite vous indiquer que, récemment, des communes françaises, comme celle de la Motte-Servolex, viennent de délibérer contre ce projet. Le maire de Bardonecchia, du côté italien, qui a fait de la lutte contre le percement de ce nouveau tube l'objet principal de son mandat, a été réélu hier, avec 70 % des voix.

Dans la. réalité, ce nouvel ouvrage pourrait être utilisé pour accroître les capacités de circulation routière dans les Alpes. Nous serions donc en totale contradiction non seulement avec nos engagements internationaux, tels que la convention alpine ratifiée par le Parlement, mais aussi avec l'expérience Modalhor en cours dans la vallée de Maurienne avec la SNCF et RFF, avec l'aspiration des populations riveraines des axes d'accès à cette vallée à voir diminuer la circulation de transit, et, enfin, avec la Charte de l'environnement adoptée par le Congrès le 26 février 2005.

Dire aujourd'hui que le percement d'une nouvelle galerie est la seule condition pour assurer la sécurité de l'actuel tunnel du Fréjus ne convainc pas : d'autres solutions ont été avancées à la suite d'études conduites par le ministère des transports.

Par ailleurs, si telle était la seule solution, envisagez-vous dans un souci de cohérence de l'imposer à tous les autres tunnels existants sur le territoire national ? Dans la négative, le tunnel du Fréjus, ainsi doublé pour la traversée des Alpes, serait une voie de passage que les pouvoirs publics ne manqueraient pas de privilégier, voire même d'imposer, par rapport aux autres, notamment au tunnel du Mont-Blanc.

Ni les élus, ni les associations, ni les populations ne sont dupes face à l'argumentation actuelle qui veut qu'une nouvelle percée de huit mètres de large ne sera utilisée demain que pour accueillir une seule chaussée, dans un sens unique de circulation.

Accepter ce discours, c'est, d'une certaine façon, rejeter la responsabilité sur ceux qui auront à assumer dans l'avenir la gestion de cet équipement et des traversées alpines : ils nous démontreront alors qu'il serait incohérent de ne pas rentabiliser des capacités inexploitées face à une augmentation du trafic routier international. L'ouvrage, lui, sera durable, une fois que seront passés les initiateurs du projet et oubliés leurs engagements.

Aussi, je vous invite à préserver avant tout l'avenir du projet ferroviaire « voyageurs » et « fret » de la liaison Lyon-Turin, à ne pas suivre l'avis préconisé par la commission de contrôle du tunnel et à choisir une solution alternative, plus respectueuse des finances et des aspirations de nos populations en matière de trafic international.

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