Ma question porte sur la répartition de plus en plus inquiétante de la population médicale en médecine générale dans les zones déficitaires en offre de soins.
Le diagnostic est unanime : la densité médicale, qui atteint actuellement des sommets avec environ 340 praticiens pour 100 000 habitants, va chuter inéluctablement, au moins jusqu'en 2020, pour atteindre 280 médecins pour 100 000 habitants.
Le risque, selon le professeur Yvon Berland, qui vient de vous remettre le rapport de la commission « Démographie médicale » qu'il présidait, c'est que les régions qui comptent déjà peu de médecins en comptent moins encore à l'avenir. La pénurie de médecins ne touche d'ailleurs pas uniquement les campagnes : comme souvent, le monde rural partage ce problème avec les banlieues défavorisées.
La situation relève d'une simple question de courbe des âges : de nombreux médecins vont partir à la retraite dans les prochaines années et leur départ ne sera pas compensé par l'arrivée de jeunes médecins.
Le numerus clausus, qui avait été diminué ces dernières années, ne permet pas de former en nombre suffisant les étudiants qui se destinent à la médecine, en particulier à la médecine générale. Il faut près de dix ans pour former un médecin, les effets de son récent relèvement ne seront donc pas immédiats.
En Lorraine, par exemple, les chiffres sont assez alarmants : en 2005, pour 137 postes ouverts en médecine générale à l'examen national classant des internes, 53 seulement ont été pourvus, c'est-à-dire un peu plus d'un tiers, la proportion n'étant déjà que de la moitié l'année précédente. Il existe donc, cette année, un déficit de 84 postes en médecine générale. Pour la période 2006-2015, nous avons calculé que 931 médecins généralistes pourront faire valoir leurs droits à la retraite et nous savons d'ores et déjà que plus de la moitié d'entre eux ne seront vraisemblablement pas remplacés. Quatre cantons lorrains, comptant jusqu'à 4 000 habitants, n'ont déjà plus de médecin généraliste.
Certes, des explications sont avancées : l'aspiration au confort de vie des médecins, les conditions éprouvantes d'exercice en milieu rural et, d'une manière générale, le désintérêt des futurs médecins pour la médecine générale.
Monsieur le ministre, au mois de janvier, vous avez informé les parlementaires de la situation de la démographie médicale dans chacun des départements et présenté le plan « démographie des professions de santé ».
Mon département, la Meurthe-et-Moselle, est classé en zone de faible densité médicale. D'ailleurs, nous nous en doutions, car la consultation que nous avions engagée dans quelques cantons à l'occasion de la mise en oeuvre de la circulaire du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire sur l'accès au service public en milieu rural a clairement mis en évidence que l'accès aux soins et la permanence des soins étaient la première préoccupation de la population.
Ce paradoxe permet de constater que les quelques mesures mises en place depuis plusieurs années sont peu efficaces et montre clairement le manque d'anticipation des politiques publiques en matière de santé et d'aménagement du territoire.
Les mesures financières incitatives demeurent très insuffisantes pour enrayer puis inverser la courbe. Certaines d'entre elles font d'ailleurs appel aux collectivités locales, qui n'en ont par nature pas les moyens, et aux organismes sociaux.
Une vraie question est donc posée : le système libéral en matière d'offre de soins, en particulier le libre choix de l'installation, ne paraît-il pas en bout de course, à un moment où la santé de nos concitoyens relève plus que jamais d'une obligation de service public et où le rôle pivot du médecin généraliste dans le parcours de soins vient d'être réaffirmé ?
Je vous demande en conséquence, monsieur le ministre, ce que le Gouvernement compte faire pour remédier à une situation qui devient de plus en plus préoccupante.