Nous avons complété ces éléments grâce à un débat public. Celui-ci, organisé de façon remarquable par la Commission nationale du débat public au dernier trimestre de 2005, a permis à nos concitoyens de s'informer sur ce sujet et d'exprimer leurs préoccupations. Il a éclairé le Gouvernement en lui apportant un « panorama des arguments ». Enfin, nous avons reçu le 15 mars dernier l'avis du Conseil économique et social.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai choisi de vous présenter les principaux objectifs et dispositions de ce projet de loi. La discussion générale et surtout l'examen des amendements qui la suivra nous permettront d'entrer davantage dans les détails.
En premier lieu, ce projet de loi institue un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, qui concernera non seulement les résidus de haute activité et à vie longue mais aussi, comme le recommandaient de nombreux participants au débat public, toutes les autres substances radioactives issues des activités nucléaires, c'est-à-dire les sources scellées utilisées dans la radiographie industrielle ou la médecine, les déchets issus des activités militaires, les résidus des mines d'uranium ou encore les anciens paratonnerres au radium.
Le projet de loi fixe trois principes essentiels, qui fonderont le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.
Tout d'abord, afin de réduire la quantité et la nocivité des déchets, les combustibles nucléaires usés qui sont issus des centrales électriques seront traités pour être recyclés dans des centrales.
Ensuite, les déchets qui ne peuvent être recyclés seront conditionnés dans des matrices robustes et stables et entreposés temporairement en surface.
Enfin, après entreposage, ceux des déchets ultimes qui ne pourraient être gardés définitivement en surface ou à faible profondeur seront stockés en couche géologique profonde, de façon réversible pendant une première période.
Pour le Gouvernement, il s'agit là d'une question de responsabilité. Notre génération, qui bénéficie de l'énergie nucléaire, a le devoir de définir des solutions sûres et de long terme pour tous les déchets radioactifs.
Avec le traitement des combustibles usés, le conditionnement et l'entreposage en surface pour refroidissement des déchets, enfin le stockage réversible en couche géologique profonde de ces derniers, nous choisissons une solution sûre, un schéma de référence dans lequel chacun des trois axes de recherche que j'ai énoncés joue un rôle important. Tel est l'objet de ce plan.
Un autre grand principe s'ajoute aux précédents : le projet de loi confirme l'interdiction de stocker en France des déchets étrangers et renforce la législation sur le sujet. Il prévoit que le traitement des combustibles usés en provenance de l'étranger sera encadré par des accords intergouvernementaux, qui fixeront des délais limités pour l'entreposage de ces matières et des déchets qui en sont issus après traitement.
Ces délais seront fixés au cas par cas, en fonction des contraintes techniques liées au traitement et au transport de ces substances. Le projet de loi institue un régime de contrôles et de sanctions, qui n'avait pas été prévu en 1991.
En second lieu, le projet de loi fixe un programme de recherches et de travaux, assorti d'un calendrier, afin de mettre en oeuvre le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.
Les recherches seront poursuivies selon les trois axes que j'ai indiqués, en fonction de leur degré de maturité respectif.
L'entreposage, tout d'abord, constitue déjà une réalité industrielle, même si nous pouvons encore l'améliorer afin de concevoir des installations pour lesquelles nous pourrons garantir des durées de fonctionnement plus longues.
Le stockage en couche géologique, ensuite, a été reconnu par les évaluateurs comme « faisable » et « incontournable ». L'ANDRA, dont les travaux ont été corroborés par des expertises nationales et internationales, a démontré sa faisabilité. Il faudra quelques années à l'ANDRA pour conforter les études, tester des maquettes à l'échelle 1/1, choisir un site précis et déposer une demande d'autorisation de construction.
La transmutation, enfin, reste un objectif de plus long terme, puisqu'il faut développer une nouvelle génération de réacteurs nucléaires afin d'aller encore plus loin dans le recyclage des combustibles et la réduction des déchets ultimes. Un prototype sera mis en service vers 2020.
Ces trois axes de recherche sont complémentaires. Il n'y a pas lieu de les opposer. Chacun a son utilité, mais pas au même moment ni pour les mêmes déchets. Le projet de loi dresse ainsi le bilan des quinze dernières années de la recherche scientifique et fixe des orientations pour la poursuite des investigations et des études jusqu'à la réalisation d'installations.
En troisième lieu, le projet de loi renforce l'évaluation indépendante des recherches, l'information du public et la concertation sur ce sujet, en prévoyant des procédures particulièrement complètes.
Tout d'abord, la Commission nationale d'évaluation voit son indépendance, qui était déjà totale, réaffirmée, sa composition élargie et ses prérogatives renforcées. Elle continuera de rendre chaque année un rapport public sur le programme de recherche.
Le comité local d'information et de suivi est maintenu, mais il devra plus que par le passé s'adresser au grand public. Sa mission est précisée et sa présidence confiée au président du conseil général. Son financement est rendu indépendant des producteurs de déchets.
Le projet de loi prévoit que le stockage pourra être autorisé par décret, après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire, débat et enquête publics, et avis des collectivités locales concernées. Aucune installation industrielle ne fait l'objet d'une procédure aussi complète !
La décision effective de construction d'un centre de stockage ne pourra intervenir que lorsque toutes les conditions de sûreté et de consultation prévues auront été remplies. D'ici là, des entreposages sûrs continueront d'accueillir les déchets.
Au cas où les études menées dans les prochaines années mettraient en évidence une difficulté technique - je n'ai aujourd'hui aucune raison de le penser -, ces entreposages continueront de jouer leur rôle aussi longtemps que nécessaire.
Sur ce sujet emblématique des débats entre science et société, la recherche est nécessaire mais elle ne suffit pas. Nous poursuivrons et renforcerons donc les évaluations indépendantes, l'information et la concertation, afin que chacun puisse se forger une opinion et s'assurer de la sûreté des solutions proposées.
Dans cet esprit, j'ai souhaité que le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs ainsi que l'inventaire national de ces substances soient régulièrement mis à jour, transmis au Parlement et rendus publics.
L'Assemblée nationale a souhaité aller encore plus loin, en prévoyant un nouveau rendez-vous parlementaire, afin que les conditions de réversibilité d'un stockage en couche géologique soient fixées avant qu'une autorisation individuelle ne puisse être accordée par décret, conformément à la répartition des pouvoirs prévue par la Constitution.
En inscrivant ce programme de recherches, d'études et de réalisations dans un calendrier d'objectifs, nous progressons dans la mise en oeuvre de solutions de gestion sûres et pérennes pour chaque type de déchets radioactifs, de façon contrôlée sur les plans technique, administratif et financier.
Confrontés à des durées si longues, nous devons éviter les deux écueils que sont la précipitation et l'indécision. En fixant ce programme, cette feuille de route, nous nous gardons de l'attitude facile qui consiste à toujours poursuivre les recherches sans jamais en dresser le bilan ni en tirer les conclusions. En inscrivant ce programme dans la durée, en laissant aux recherches et aux études le temps et les moyens qui leur sont nécessaires, nous nous gardons d'aller trop vite.
En dernier lieu, le présent projet de loi apporte les outils qui garantiront le financement de la gestion des déchets.
Deux taxes additionnelles sur les exploitants d'installations nucléaires financeront les recherches sur la gestion des déchets radioactifs ainsi que les actions de développement économique dans les départements concernés. Jusqu'à présent, en effet, ces dépenses étaient couvertes grâce à des conventions signées volontairement par les industriels. À l'avenir, ces derniers continueront à les financer, mais par le biais d'une taxe dont le niveau sera déterminé par la loi de finances.
L'accompagnement économique avait été introduit par la loi de 1991, afin de marquer la reconnaissance de la Nation à l'égard des départements concernés. Il devra être maintenu dans la transparence et l'efficacité, mais sans ostentation.
La protection de leur santé et de l'environnement est naturellement primordiale pour nos concitoyens. Le débat public a montré que l'accompagnement économique ne venait qu'ensuite dans leurs préoccupations, mais qu'il restait très attendu, ce qui ne doit pas nous étonner.
En effet, même lorsque l'on est rassuré sur la sûreté des solutions proposées, on peut encore, naturellement, préférer que le stockage soit réalisé chez le voisin plutôt que chez soi et demander un accompagnement économique.