Intervention de Henri Revol

Réunion du 30 mai 2006 à 16h00
Gestion durable des matières et des déchets radioactifs — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Henri RevolHenri Revol, rapporteur :

Mais au final, reconnaissons que la gestion des déchets radioactifs restera comme un exemple inédit d'échanges entre la société civile, la communauté scientifique et les responsables politiques, dont le point d'orgue aura été un débat public national, mené à la demande du Gouvernement, et qui a été d'une qualité remarquable, en particulier en matière de pédagogie.

Au terme de ces quinze années, nous voici donc appelés à nous prononcer sur le projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, après avoir fait l'objet d'un avis du Conseil économique et social, avis que vient de nous exposer avec talent Mme le rapporteur Anne Duthilleul.

Pour résumer le rapport de la commission des affaires économiques, je dirai que ce projet de loi est à la fois un texte qui voit loin et qui voit large.

C'est un texte qui voit loin parce qu'il prolonge la démarche engagée par la loi Bataille en précisant les dates auxquelles les différentes solutions pourront entrer en vigueur, sur la base des études déjà réalisées et de celles qui restent à réaliser.

Pour la séparation et la transmutation, devront être arrêtées, en 2012, les perspectives industrielles liées aux recherches sur la quatrième génération de réacteurs. À ce propos, M. le ministre a précédemment indiqué que, en 2020, nous devrions disposer d'un premier prototype. Je ne reviens pas sur les retards occasionnés, dans ces recherches sur la transmutation, par l'arrêt du précieux outil que constituait le réacteur Superphénix.

Pour le stockage réversible en couche géologique profonde, il est prévu de réunir en 2015 tous les éléments nécessaires à une autorisation. Quant au centre éventuel, sa date de mise en fonctionnement est fixée à l'échéance 2025, ce qui est tout à fait compatible avec le calendrier de production des déchets à haute activité et à vie longue, issus du cycle nucléaire français.

C'est également un texte qui voit large puisqu'il apporte deux éléments essentiels dans des domaines non couverts par la loi de 1991.

D'une part, il propose une véritable politique de gestion nationale pour l'ensemble des déchets, mais aussi pour les matières radioactives, c'est-à-dire toutes les substances radioactives, comme l'a rappelé M. le ministre, qu'elles soient ou non valorisables, en instituant un plan national de gestion des déchets radioactifs, demandé depuis plusieurs années par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et par les associations.

D'autre part, ce texte donne enfin un cadre législatif au démantèlement des installations nucléaires, et en particulier à la question des provisions financières totalement sécurisées constituées par les exploitants pour que le montant global estimé de 69 milliards d'euros, aujourd'hui jugé nécessaire par la Cour des comptes, soit disponible le jour où l'on en aura besoin. Le Parlement participera très activement au contrôle de ces provisions financières et de leur « sanctuarisation » dans les comptes des entreprises.

Enfin, ce texte renforce l'accompagnement socio- économique des territoires concernés par un éventuel stockage. La différence avec ce que l'on pensait en 1991, c'est que la perspective d'un centre de stockage concerne aujourd'hui une seule zone : celle de Bure. Le projet de loi renforce les groupements d'intérêt public de développement local déjà créés en Meuse et en Haute-Marne ; il vise à mieux impliquer directement les industriels du nucléaire dans des projets industriels locaux et il conforte le statut de la structure locale de concertation et d'information des élus et des populations.

Ce texte a été amélioré sur plusieurs points par l'Assemblée nationale, qui a notamment clairement posé le principe de réversibilité du stockage pendant au moins cent ans. Cela signifie que, à l'issue de cette période, l'installation doit permettre aux générations futures de choisir entre trois options : la sortie des colis de déchets du centre pour les stocker ailleurs ou les traiter avec des méthodes que la science aura découvertes entre-temps; la fermeture définitive du site avec les déchets à l'intérieur ; une éventuelle prolongation de la période de réversibilité.

La commission des affaires économiques du Sénat, quant à elle, a déposé des amendements concernant, d'une part, la politique d'ensemble des déchets nucléaires et, d'autre part, l'environnement du site de l'actuel laboratoire souterrain de Bure. Sur ce dernier point, mes chers collègues, elle vous propose de donner au Parlement la possibilité de bloquer l'autorisation d'un centre de stockage réversible en couche géologique profonde si certaines conditions n'étaient pas remplies au moment où une telle décision serait sur le point d'être prise.

Permettez-moi maintenant de m'adresser plus particulièrement à certains de nos collègues siégeant dans cet hémicycle et à certains de nos concitoyens.

Je souhaite tout d'abord me tourner plus directement vers nos collègues de l'opposition. Je veux en effet leur faire part d'une conviction qui n'a cessé de grandir au cours de ces quinze années : si le processus prévu par la loi Bataille a pu être mis en oeuvre de façon aussi exemplaire, c'est parce qu'il a bénéficié d'un atout essentiel, à savoir une adoption de ce texte à l'unanimité des représentants de la nation.

On entend parfois parler de crise de la démocratie représentative. Il n'empêche que, face aux interrogations et aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens, sur le plan tant national que local, l'existence d'un consensus sur la loi Bataille a constitué un argument fort en termes de confiance et de légitimité. C'est bien ce que nous pressentions lorsque, malgré notre opposition au gouvernement en place en 1991, nous avions décidé de voter ce texte.

La preuve nous est aujourd'hui donnée que nous avions fait le bon choix, celui de la responsabilité, ...

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