Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour compléter et renforcer les propos qu'a tenus notre collègue Bernard Piras, au nom du groupe socialiste, je voudrais revenir sur quelques points que j'avais eu l'occasion d'aborder devant vous en avril 2005, à l'occasion du débat d'une question orale sur la gestion des déchets nucléaires.
Pour commencer mon propos, je tiens à insister sur le caractère inapproprié de la déclaration d'urgence sur ce projet de loi relatif à la gestion des déchets nucléaires. Mais il semble, monsieur le ministre, que la situation ait évolué et que vous deviez annoncer des changements en la matière...
En effet, la loi Bataille, ainsi que l'a rappelé Bernard Piras, prévoyait un nouveau débat législatif en 2006 et permettait donc de préparer sereinement les éléments de réflexion. Car, s'il est un domaine où la sérénité doit primer dans la discussion, c'est bien celui de la production d'énergie et des déchets qui y sont liés.
Le Gouvernement et la représentation nationale se doivent donc d'organiser clairement les débats, car les citoyennes et les citoyens français ne sauraient accepter un manque de transparence, qu'ils dénoncent plus fortement encore depuis le terrible accident de Tchernobyl et les erreurs manifestes d'appréciation et de communication qui l'ont accompagné.
Est-il nécessaire de rappeler que la loi Bataille prévoyait la mise en place de plusieurs laboratoires souterrains afin de créer des centres de stockages ? Or nous n'en avons qu'un !
Un projet de laboratoire existait pour le site de Marcoule, installé sur la commune de Chusclan, dans le département du Gard dont je suis l'élu. Ce projet était soutenu à l'époque par l'ensemble des parlementaires du département, par le conseil régional et le conseil général à l'unanimité et par les communes. Il n'a pas été retenu pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas aujourd'hui.
Un seul site existe donc, implanté sur la commune de Bure, dans le département de la Meuse. Cette situation n'est pas satisfaisante au regard de la nécessité de disposer d'un maximum d'éléments permettant de prendre les décisions ultérieures en connaissance de cause. Nous le savons tous, il ne serait pas judicieux de jouer aux apprentis sorciers dans ce domaine. Il est donc impératif de relancer la réflexion sur la création de laboratoires souterrains afin de respecter les grands axes et les engagements de la loi Bataille.
Dans le cas de Marcoule, et depuis cette décision négative lourde de conséquences, l'avenir du site réside dans les opérations de démantèlement. Encore faudrait-il que les engagements de chacun des partenaires soient clairement définis et tenus !
J'avais déjà eu l'occasion de faire part de mes réticences et de mes interrogations quant au mode de financement de ce démantèlement. Celles-ci demeurent malheureusement d'actualité. Je vais donc reprendre mon argumentaire pour essayer, je l'espère, d'obtenir cette fois de vraies réponses.
Je vous rappelle les conclusions du rapport de la Cour des comptes qui faisait part de ses plus grandes réserves quant aux capacités du CEA et d'EDF à financer les opérations de démantèlement. En effet, le mécanisme de financement ne semblait pas sécurisé : selon la Cour des comptes, dans le cadre de l'ouverture du capital d'AREVA et d'EDF sur des marchés devenus fortement concurrentiels, le risque existait que les conséquences financières de leurs obligations de démantèlement et de gestion de leurs déchets soient mal assurées et que cette charge incombe in fine à l'État.
Or, si l'État peut seul se porter garant au regard des enjeux et des risques dans le domaine nucléaire, la crédibilité de cette industrie suppose que les engagements futurs soient assumés techniquement et financièrement et, dans la mesure du raisonnable, que les coûts encourus soient supportés par les consommateurs actuels et non transférés aux générations futures. La réponse de M. Devedjian, ministre de l'industrie de l'époque, ne faisait état d'aucun financement garanti et ne précisait aucun chiffre. C'est malheureusement toujours le cas aujourd'hui.
Il est également utile de rappeler que la COGEMA et EDF ont versé une soulte libératoire de 1, 6 milliard d'euros au CEA, correspondant aux provisions constituées, majorées d'une prime pour risque d'erreur d'évaluation. Mais certains aspects essentiels et non négligeables du démantèlement n'ont pas été intégrés dans le devis initial, à savoir la déconstruction des bâtiments et la dépollution des sols. C'est donc à l'État qu'il reviendra d'en assumer la responsabilité et le financement si EDF et la COGEMA sont libérées de leurs obligations.
En m'appuyant sur ces éléments, j'avais déposé, avec Bernard Piras et un certain nombre de collègues, une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête sénatoriale chargée de vérifier les engagements d'EDF, d'AREVA et du CEA. À l'époque, la commission des affaires économiques de notre assemblée avait rejeté cette proposition, aggravant l'opacité qui prévaut quant à l'avenir de la gestion des déchets nucléaires dans notre pays.
Cette préoccupation reste d'actualité et j'envisage donc, monsieur le ministre, si je ne reçois pas de réponse claire et chiffrée de la part du Gouvernement, de déposer à l'issue de ce débat une nouvelle demande de création d'une commission d'enquête. Accepter la création de cette commission permettrait de lever certains doutes légitimes : la représentation nationale pourrait ainsi faire preuve de transparence dans la gestion de ce dossier.
Pour terminer mon propos, je reprendrai la proposition présentée par notre collègue député Christian Bataille et l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, tendant à créer un fonds dédié au financement des recherches sur les déchets radioactifs et leur gestion industrielle. Ce fonds, placé sous la responsabilité de l'État et géré par la Caisse des dépôts et consignations, collecterait les contributions des producteurs de déchets. La proposition du Gouvernement de confier la gestion de ce fonds à l'ANDRA n'est pas raisonnable, car celle-ci ne peut être à la fois gestionnaire et bénéficiaire du fonds. Dans une telle hypothèse, la sécurisation du financement et des actifs dédiés ne serait pas assurée.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous attendons aujourd'hui de votre part de véritables engagements quant à l'approfondissement des orientations tracées par la loi Bataille en matière de gestion des déchets nucléaires.