Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer le travail, tout à fait remarquable, de nos collègues députés, qui ont, sous bien des aspects, sensiblement enrichi le projet de loi initial. Je pense en particulier à la garantie des droits du Parlement, lequel se prononcera, le moment venu et le cas échéant, sur les conditions de réversibilité d'un éventuel stockage.
Je tiens aussi à saluer l'initiative du Gouvernement, heureuse et très attendue, de lever l'urgence sur ce texte. Sur une question de cette nature, qui transcende les sensibilités politiques, construire le consensus le plus large est indispensable. Pour ce faire, il faut, au préalable, prendre le temps d'échanger et de discuter.
Le sujet de la gestion des déchets nucléaires est difficile. Très technique, faisant appel à un jargon incompréhensible au non-initié, il offre aux apprentis démagogues un terrain idéal pour alimenter les craintes et les fantasmes, et semer le trouble dans les esprits. Ceux-ci ne s'en privent d'ailleurs pas.
Aussi, il me semble que notre conduite doit se fonder sur quatre principes : le sens des responsabilités, la transparence dans l'information, la pédagogie dans l'expression, l'équité envers les territoires haut-marnais et meusiens, ces quatre lignes directrices devant, à mon sens, rester au coeur de nos préoccupations et guider nos travaux.
Pour ce débat, le plus grand sens des responsabilités doit nous accompagner. Depuis plusieurs années, en matière de recherche sur la gestion des déchets radioactifs, ce sens des responsabilités n'a pas fait défaut, à droite comme à gauche.
Je salue Mme Voynet, qui en son temps, en qualité de ministre de l'écologie, a signé le décret d'autorisation d'implantation et d'exploitation du laboratoire de Bure, exploité par l'ANDRA.
Nous avons à débattre d'un texte qui constitue l'aboutissement de multiples travaux menés depuis le vote de la loi du 30 décembre 1991, dite loi Bataille. Cette loi portait en elle-même son terme, lequel arrive à échéance en décembre 2006. Il s'agit donc pour nous d'en renouveler l'ambition.
L'ambition de la loi du 30 décembre 1991 était, d'après son article 1er, d'assurer une gestion des déchets radioactifs à haute activité « dans le respect de la protection de la nature, de l'environnement et de la santé, en prenant en considération les droits des générations futures ».
La prise en compte des générations futures, du long et du très long terme, voilà l'originalité, la difficulté et la véritable ambition de la gestion des déchets radioactifs. Cette réflexion sur le très long terme est réellement une difficulté pour tous. « Gouverner, c'est prévoir », disait Émile de Girardin ; prévoir à long terme, c'est donc mieux gouverner.
Sans cette perspective, le développement durable restera un concept pour spécialistes, et nos concitoyens n'auront pas pleinement conscience des tendances lourdes qui se dessinent, puis se confirment et dont il nous appartient d'anticiper les conséquences.
Ici, sur un sujet complexe, qui exige de recourir à des données scientifiques variées, nous avons l'ambition de travailler pour le très long terme. Ne soyons pas myopes, ne sacrifions pas l'avenir aux facilités du présent. Il s'agit d'un principe éthique : puisque nous avons décidé, il y a quarante ans, de produire des déchets, nous devons en assumer financièrement et techniquement la gestion, sans nous défausser lâchement sur nos enfants et petits-enfants.
D'ailleurs, monsieur le ministre, pourquoi avoir attendu si longtemps, c'est-à-dire la fin des années 1980, pour rechercher des solutions ? C'est dès le lancement du programme en 1973, à la suite du choc pétrolier, qu'il aurait fallu, me semble-t-il, s'en préoccuper !