Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me souviens des débats, ô combien réduits, qui ont accompagné la mise en service de la centrale nucléaire de Fessenheim.
Ceux qui, à l'époque, sans acrimonie, posaient des questions sur le devenir des déchets produits par cette centrale n'étaient pas forcément antinucléaires. Beaucoup le sont devenus à l'écoute des arguments péremptoires qui leur furent opposés alors : une solution sûre serait trouvée avant même que cette centrale ne soit démantelée grâce aux progrès de la science...Trente ans plus tard, aucune solution acceptable ne s'est imposée. Aujourd'hui comme hier, l'aval du cycle reste, plus que les questions de sûreté et au même titre que le risque de prolifération, le maillon faible de la filière nucléaire.
Quinze ans après la loi du 30 décembre 1991, dite « loi Bataille », nous avons de nouveau rendez-vous pour examiner l'état d'avancement des recherches sur les déchets radioactifs portant sur les trois axes que sont la séparation-transmutation, l'entreposage de longue durée et le stockage en couche géologique profonde.
Ce nouveau rendez-vous devait se dérouler après un grand débat public, en considérant qu'il s'agissait non pas seulement d'examiner la faisabilité technique des différentes pistes mais d'opérer un véritable choix de société engageant notre pays pour plusieurs générations.
Ce texte semble n'avoir été présenté que pour tenir l'engagement pris en 1991, alors même que tous s'accordent à reconnaître que les études sont insuffisantes. Que les choses soient claires : je crois utile que le Parlement soit amené à se prononcer sur ce sujet important, mais je doute que le moment soit venu de marquer, dans le brouillard, une préférence prématurée, en la qualifiant de solution de référence, pour la solution du stockage profond.
Tous les acteurs, et non des moindres, s'accordent à dire que les études menées sont insuffisantes : la Commission nationale d'évaluation, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'Autorité de sûreté nucléaire, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, tous conviennent que les recherches doivent être poursuivies.
Que penser d'un texte qui ne tire aucun bilan des résultats décevants des recherches menées sur la transmutation ? Comment peut-on à la fois reconnaître l'insuffisance des résultats obtenus et présenter, l'instant d'après, un texte qui entérine ces options comme si de rien n'était ? Je n'y vois que deux explications : une foi aveugle en la science ou une irresponsabilité à l'égard de nos concitoyens et des générations futures.
Les trois axes de recherche définis dans la loi Bataille ont été mis en oeuvre inégalement depuis 1991.
Le premier axe est celui de la séparation et de la transmutation.
Il semblerait que les recherches sur la séparation aient pas mal avancé. Encore faut-il souligner que rien n'est dit des quantités d'énergie considérables qui seraient nécessaires pour séparer les différents produits de fission à l'échelle industrielle.
Concernant la transmutation, nous n'en sommes pas aussi loin. L'utilisation de ce système à l'échelle industrielle n'est pas pour demain. Elle suppose l'utilisation de réacteurs nucléaires de quatrième génération, beaucoup plus performants, utilisant moins de combustible, produisant moins de déchets, faute de quoi la technique de la transmutation pourrait nécessiter autant d'énergie pour transformer certaines matières radioactives que l'énergie obtenue par la fission des atomes d'uranium au départ. Le choix de cette technique est donc étroitement lié à l'option de pérennisation du nucléaire et à la modernisation du parc français, ainsi que le font remarquer MM. Dessus, Laponche et Marignac dans leur contribution à la Commission nationale du débat public.
Ainsi, on saute plusieurs étapes importantes et on se contente d'établir un calendrier totalement irréaliste, sans avoir réfléchi aux implications en termes de choix économiques et de société.
Dans l'article 1er du projet de loi, il est écrit que l'on évaluera « les perspectives industrielles de ces filières » et que l'on mettra « en exploitation un prototype d'installation avant le 31 décembre 2020 » : ce n'est pas très cohérent, monsieur le ministre !
On note une réelle perplexité dans le milieu scientifique. M. Tissot, président de la Commission nationale d'évaluation, le souligne. Il émet une réserve importante sur la transmutation et considère qu'entre la transmutation et le réacteur de quatrième génération un rêve mangera l'autre au fur et à mesure que se précisera la faisabilité technique.
M. Birraux, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, souligne lui aussi, à la page 16 de son rapport, que les recherches n'ont pas encore réellement porté leurs fruits et que bien des décisions doivent être prises avant de poursuivre le travail. Ainsi souligne-t-il qu'il faudrait choisir entre les réacteurs de génération IV et les réacteurs pilotés par des accélérateurs de type ADS.
Pas un mot dans ce texte n'évoque la liaison entre, d'une part, les choix technologiques et, d'autre part, les choix énergétiques. Les Françaises et les Français souhaitent-ils que l'escalade nucléaire se poursuive et que, sous couvert de choix en matière de déchets, des décisions importantes concernant l'avenir même de la filière nucléaire soient prises ? Je ne le crois pas.
Évidemment, certains, comme Christian Gaudin, ont évoqué des craintes irrationnelles. C'est à la fois exaspérant et dégradant, comme si le soutien de certains fanatiques du nucléaire ne revêtait pas, lui aussi, un caractère parfois irrationnel.
Je voudrais tout de même vous rappeler le consensus qui semblait s'être opéré, toutes forces politiques confondues, autour d'une volonté de maîtrise de la demande énergétique associant efficacité énergétique, choix des meilleures technologies disponibles - les plus efficaces, les plus souples, les plus riches en emplois, les plus sûres - et diversification des choix énergétiques. Avec ce texte, nous en sommes loin !
J'en viens au deuxième axe de la loi Bataille : le stockage en couche géologique profonde.
La loi Bataille prévoyait que des recherches soient effectuées sur plusieurs formations géologiques différentes. Elle prévoyait que soit testée la capacité, dans ces différentes formations géologiques, d'assurer l'isolement, l'étanchéité, le confinement des déchets, en tenant compte des failles, des circulations d'eau, de la diffusion dans les matériaux.
À la suite d'un important travail préparatoire, effectué notamment par la Commission nationale d'évaluation, la décision a été prise de rechercher en priorité les conditions de la réversibilité du stockage.
MM. Longuet et Sido ont rappelé, pour s'en féliciter, que j'avais apposé ma signature au bas du décret autorisant la mise en service du laboratoire de Bure. J'avais effectivement signé ce texte parce que, à l'époque, il était question d'ouvrir plusieurs laboratoires et de mener des recherches afin de fournir au public des éléments concernant à la fois l'étanchéité et la réversibilité. Je m'étais alors assurée qu'aucune source radioactive ne serait placée dans ce laboratoire. Or j'ai le sentiment que ma confiance, tout comme celle des Lorrains, a été trahie.
Je regrette, monsieur Sido, d'avoir apporté ma caution à ce qui m'apparaît aujourd'hui, s'il s'avère que tous les termes du contrat ne sont pas remplis, comme une manipulation scandaleuse.
Vous avez eu raison de le souligner, il s'agit d'un sujet complexe, propice, selon vos propres termes, « aux manipulations des démagogues ». Il s'en trouve dans les deux camps ! Je pense être une personne assez responsable et il m'est arrivé d'assumer des décisions difficiles, résultant de choix techniques qui n'ont jamais été ceux de mon parti. Mais je ne peux pas accepter la disqualification permanente de toute voix discordante.
La complexité n'est qu'apparente. Elle est amplifiée par le jargon ad hoc, par l'usage constant de termes inappropriés et par l'abus du secret.
Tous les experts s'accordent à dire que les études doivent être poursuivies. Y a-t-il urgence à décider ? Je ne le crois pas car, dans leur quasi-totalité, les déchets doivent d'abord refroidir et ils sont stockés pour des durées excédant parfois plusieurs décennies, à proximité des sites de production.
Poursuivons donc ces recherches et décidons plus tard. Rien ne presse ! En tout cas, gardons-nous de prendre de façon hâtive une décision irréparable.
J'entends Mme Dupuis, directrice de l'ANDRA, dire que de l'iode radioactif remontera certainement à la surface d'ici un millier d'années, mais que cela n'est pas très grave, car d'ici là l'iode aura perdu une partie de son activité. Puis-je vraiment être rassurée ?
J'entends les experts de l'IRSN évoquer la présence de failles sur le site de Bure, puis, quelques mois plus tard, affirmer que cet élément inquiétant n'est pas avéré. Pouvez-vous m'expliquer, monsieur le ministre, comment, en quelques mois, et sans présenter le moindre argument, des experts publics passent d'une attitude de prudence, expliquant que les études doivent être poursuivies, à l'affirmation que rien n'empêche, malgré tout, de commencer l'exploitation d'un site de stockage ? N'est-ce pas quelque peu étrange ?
Il me semble en tout cas qu'aucun engagement ne devrait être pris tant que les objectifs de la loi Bataille n'ont pas été atteints. Malgré l'amélioration apportée au texte lors de son examen par l'Assemblée nationale, la rédaction actuelle laisse penser que le stockage se fera même si nous ne sommes pas capables d'avancer sur la question de la réversibilité.
Ainsi, l'article 3 du projet de loi dispose que « le stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs est le stockage de ces substances dans une installation souterraine spécialement aménagée à cet effet, dans le respect du principe de réversibilité ».
La réversibilité est en effet un principe auquel on ne devrait pas pouvoir déroger lorsqu'il s'agit de déchets à haute activité et à vie longue, HA-VL, dont on nous dit par ailleurs qu'il faudrait être en mesure de les reprendre pour le cas où des avancées notables dans le domaine de la séparation-transmutation seraient réalisées.
La réversibilité totale d'un stockage, monsieur le ministre, ça n'existe pas ! Vous-même le reconnaissez à l'article 8 du projet de loi : « L'autorisation fixe la durée minimale pendant laquelle, à titre de précaution, la réversibilité du stockage doit être assurée. Cette durée ne peut être inférieure à cent ans. » Soit c'est réversible, soit ça ne l'est pas ! D'ailleurs, parmi les personnalités auditionnées au Sénat, certaines, comme M. Tissot, considèrent qu'un site ne pourra garantir la réversibilité que pendant trente ans après la fin de son exploitation, tandis que d'autres, tel M. Repussard, de l'IRSN, ne cachent pas que la fin de l'exploitation d'un stockage, c'est la fin de la réversibilité.
Pour ma part, je suis plus prudente encore : je garde en effet en mémoire le fait que nous ne savons toujours pas, quelques décennies à peine après la fin des activités, ce qui existe sur le site du fort d'Aubervilliers, ni ce qui a été immergé exactement, et en quelle quantité, dans les fosses océaniques ; nous ne savons pas non plus ce qui est stocké à Marcoule et à Valduc.
Par ailleurs, je n'ai qu'une confiance très mesurée dans la sagesse et dans la stabilité des sociétés humaines.
Je crois, monsieur le ministre, que la réversibilité est d'abord un concept destiné à rassurer le chaland, ce qui n'en fait pas un choix plus acceptable.
J'en viens à la troisième voie : l'entreposage.
Certes, ce n'est pas la panacée, en premier lieu parce que, quelle que soit la solution technique retenue, la charge du devenir ultime des déchets pèsera sur les générations futures. Mais il me semble que l'on évacue un peu vite cette piste, en faisant mine de l'opposer au stockage, comme si tous les déchets nucléaires n'étaient pas d'abord entreposés, parfois pendant des décennies, avant d'être éventuellement stockés ; car certains seront peut-être même définitivement entreposés.
Je note d'ailleurs que, si les données scientifiques ne permettent pas pour l'heure d'envisager la fabrication de béton résistant au-delà de quatre-vingts ans, ce qui nécessitera des opérations de renouvellement, la Commission nationale du débat public, que vous avez sollicitée, pointe le fait que la seule piste compatible avec la reprise des colis, c'est l'entreposage. La Commission du débat public a étudié la solution d'un entreposage pérenne, comme l'a rappelé lors de son audition son président, Georges Mercadal, qui n'est pas homme, monsieur Sido, à adopter la politique de l'autruche.
Je veux évoquer une dernière dimension de ce problème.
Le comédien Claude Piéplu, récemment décédé, disait dans le dessin animé qui l'a rendu célèbre : « S'il n'y a pas de solution, c'est qu'il n'y a pas de problème. » Je pense pour ma part que, s'il n'y a pas de solution, c'est peut-être parce que le problème est mal posé et que l'on n'examine pas plusieurs scénarios possibles, en l'occurrence en se penchant sur la question du devenir de l'ensemble des déchets et des matières nucléaires.
Cette préoccupation a émergé à plusieurs reprises dans les débats de la Commission particulière du débat public. En prenant en compte tous les déchets et toutes les matières nucléaires - le combustible usé, les matières séparées, les déchets ultimes -, on s'assure que les futurs choix énergétiques ne dépendront pas de l'endroit où l'on place le curseur entre déchets et matières radioactives supposées recyclables.
La dimension démocratique semble vous avoir totalement échappé. Pourtant, il me semble que le travail de la Commission du débat public doit être examiné de près, car elle a inventé les outils démocratiques qui permettent d'échapper au face-à-face stérile opposant les « pro » et les « anti » nucléaires.
Cette commission a élargi sa réflexion à l'ensemble des déchets et des matières nucléaires. Elle a formulé des propositions visant à organiser et à clarifier les rôles de chacun : par exemple, la création d'une autorité administrative indépendante chargée du contrôle de la sûreté. Elle a insisté sur la participation du public et le partage des connaissances. Elle a également proposé d'assouplir les règles de confidentialité, de légitimer et de financer les CLI, et enfin d'organiser des rendez-vous périodiques avec les citoyens.
Quelles sont les conclusions de la Commission du débat public ?
Après avoir imposé l'EPR à nos concitoyens, au mépris du débat public qui était en train de se dérouler, vous nous mettez une fois de plus devant le fait accompli, sans retenir la moindre idée parmi les recommandations et les conclusions du débat public sur les déchets nucléaires.
Pourtant, si l'évaluation du risque et la formulation des alternatives incombent aux experts, l'acceptation du risque revient au citoyen.
Or qu'a dit le citoyen ?
Premièrement, il a estimé que les choix technologiques à opérer étaient indissociables des choix énergétiques de la France. Si cela n'était pas pris en considération, nous pourrions nous retrouver dans la situation où le choix d'une gestion ambitieuse des déchets entraînerait une escalade de la production d'énergie d'origine nucléaire et, au final, engendrerait des quantités de plus en plus importantes de déchets ultimes et de matières radioactives à gérer. L'option de non-production des déchets est à examiner au même titre que celle qui voit dans l'électronucléaire la composante majeure du système énergétique français.
Deuxièmement, les recherches n'ont pas encore porté tous leurs fruits, qu'il s'agisse de la transmutation, du stockage ou du conditionnement des déchets pour une durée supérieure à cent ans. Les objectifs fixés par la loi Bataille n'étant pas encore atteints, il convient de n'entériner aucune décision avant l'heure.
Troisièmement, la question se pose de la place du citoyen dans le processus décisionnel. Il doit y avoir un véritable partage des connaissances, et non une confrontation entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas.
Enfin, la Commission particulière du débat public insiste sur la réversibilité : celle des choix, avec la reprise des déchets stockés, mais aussi celle des décisions, avec le refus de s'engager dans une démarche linéaire d'enchaînement automatique de décisions gigognes soigneusement verrouillées.
Les citoyens restent réticents à l'égard du stockage profond, car ils ont l'impression que cette démarche relève d'un comportement un peu infantile, consistant à cacher ce qui déplaît en espérant s'en être débarrassé, mais aussi parce qu'ils ne sont pas dupes : ils pressentent que le concept d'irréversibilité est une commodité rhétorique utilisée pour leur faire accepter une solution éthiquement très contestable.
Enfin, ils éprouvent un grand trouble eu égard aux conditions dans lesquelles leur consentement et celui de leurs élus ont été obtenus. Certes, on peut ne pas employer de termes humiliants et éviter de dire que le consentement a été acheté. Mais il faut convenir que, dans ces zones parfois déshéritées, cet élément a été tout à fait déterminant dans le choix de certains.
S'agissant du détail du texte, je tiens à souligner qu'il n'y est à aucun moment question du principe de la réduction des déchets à la source. Non seulement cette formule n'est jamais utilisée, mais, dans l'article 4, un « notamment » a été astucieusement supprimé - au cas où ! -, afin de bien montrer que la réduction des déchets à la source n'a pas sa place dans ce projet de loi. Vous entérinez ainsi le principe du retraitement des déchets radioactifs et de l'abandon des déchets les plus dangereux au fond d'un trou.
Je souhaite ici m'interroger sur les effets pervers du choix qui a été opéré, de façon totalement antidémocratique et dans un contexte diplomatique et historique très différent, du « retraitement » - terme impropre puisque rien, en fait, n'est retraité - et de l'isolement du plutonium, dont la criticité, la toxicité et le potentiel proliférant ont été sous-estimés.
Ce choix a été mis en oeuvre pendant plusieurs dizaines d'années, à une époque où le plutonium, au moment de la guerre froide, pouvait être considéré comme une matière première pour le nucléaire militaire.
Aujourd'hui, on peine à utiliser le plutonium. Une filière mixte uranium-plutonium a été développée, mais elle pose à son tour des problèmes majeurs de gestion des déchets puisque ce MOX usé irradié doit lui-même, compte tenu de sa température, être entreposé pendant quatre-vingts à cent ans, avant de faire l'objet d'un stockage définitif.
Par ailleurs, vous revenez sur l'interdiction de stockage des déchets radioactifs étrangers, en procédant selon votre habitude, c'est-à-dire en disant tout et son contraire dans le même article, voire dans la même phrase.
Ainsi, dans l'article 5, vous réaffirmez une interdiction déjà en vigueur pour mieux la torpiller quelques lignes plus loin, en renvoyant la durée de stockage de ces déchets radioactifs étrangers à des accords internationaux bilatéraux, et ce au mépris de la transparence et du droit de regard de notre société sur les activités de la COGEMA, principes pourtant réaffirmés par la Cour de cassation dans son arrêt du 7 décembre 2005.
Quels sont, en réalité, les intérêts des pays qui nous envoient leurs déchets et ceux de la COGEMA, censée les retraiter ? Ils sont parfaitement convergents : il s'agit, dans un cas, de se débarrasser de ces déchets pour une durée maximale et, dans l'autre, de les garder le plus longtemps possible, au nom de la rentabilité économique. Car tout se paie, et l'entreposage de déchets étrangers est facturé très cher par la COGEMA.
J'évoquerai enfin la manière scandaleuse dont est traité le problème de l'indemnisation des conséquences des accidents éventuels.
Je rappelle que la construction d'une installation classée ne peut être autorisée que si son exploitant justifie de garanties financières lui permettant de faire face aux conséquences éventuelles d'accidents nucléaires. Mais l'article 14 « parle » de lui-même : « Les exploitants d'installations nucléaires de base évaluent, de manière prudente, les charges du démantèlement de leurs installations ou, pour leurs installations de stockage de déchets radioactifs, leurs charges d'arrêt définitif, d'entretien et de surveillance. »
En abandonnant à l'exploitant, déjà dispensé d'assurer son installation, le soin de définir lui-même le montant des garanties financières, on écarte en réalité tout mécanisme d'assurance de l'industrie nucléaire.
Ma conclusion portera sur le lien que nous ne pouvons manquer d'établir entre ce texte et le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dont nous débattrons - pour la forme, si j'ai bien compris - demain ou après-demain.
En comparant ces deux textes, on voit émerger distinctement deux principes gouvernementaux : premièrement, l'abandon des pouvoirs régaliens de l'État sur la sûreté nucléaire, son abandon de la maîtrise des risques d'accidents nucléaires ainsi que de la conduite d'une politique de gestion des déchets, confiée aux exploitants et non plus au politique ; deuxièmement, l'abandon des principes de transparence, mais aussi l'abandon du respect du public, de sa liberté, ainsi que du respect dû aux assemblées parlementaires par la confiscation de principe et quasi systématique de l'étape de la deuxième lecture.
Monsieur le ministre, avez-vous donc aussi abandonné les principes démocratiques de base ?
Je suivrai ce débat avec intérêt, mais je doute de pouvoir approuver ce texte compte tenu de la nature des arguments qui ont d'ores et déjà été échangés lors de son examen à l'Assemblée nationale.