Intervention de François Loos

Réunion du 30 mai 2006 à 16h00
Gestion durable des matières et des déchets radioactifs — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

François Loos, ministre délégué :

Il ne s'agit pas de forcer sa nature, mais ma volonté est claire : toute question qui mérite d'être débattue le sera. Il ne saurait ici y avoir d'impasse. Il ne faut pas retomber dans certains travers qui avaient cours voilà trente ans. Nous avons une position responsable, celle de faire des choix qui nous engagent, et c'est avec cette façon de travailler que je vous invite à poursuivre nos échanges.

S'agissant de la comparaison entre les déchets radioactifs et les déchets toxiques en général, on insiste sur la longue durée des premiers. Mais il ne faut pas se voiler la face : les déchets toxiques ont une durée de vie infinie !

Des déchets toxiques, la France en produit 100 kilos par an et par habitant, mais des déchets radioactifs, elle en produit 5 grammes par an et par habitant. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas important. C'est même si important qu'on y consacre une loi, ainsi que des moyens et de la conviction. Mais il n'y a pas que les déchets radioactifs : il y en a aussi d'autres qui doivent être traités.

La durée de vie des sites d'entreposage constitue une vraie question. Aujourd'hui, cette durée de vie est de 100 ans. C'est ce qui ressort de l'expérience que nous avons des bétons. Rappelons qu'il s'agit tout de même de déchets radioactifs. On le sait, la demi-vie du plutonium, c'est 24 000 ans ! Il faut 300 000 ans pour arriver à seulement 10 % de radioactivité. Autrement dit, nous avons affaire à des déchets qui conservent une dangerosité bien au-delà des 100 ou 200 ans des entreposages que nous connaissons. Ce sujet, il faut l'aborder sans tabou.

Gérard Longuet a parfaitement situé le sujet, en soulignant toute la gravité de la responsabilité que nous avons à prendre, compte tenu de cette échelle de temps.

Il est important de fixer les futurs rendez-vous parlementaires, qui permettront de traiter précisément de ces questions.

Il faut également être le plus clair possible sur le point qu'a évoqué M. Biwer : comment, sur le plan local, les GIP fonctionnent et comment on inscrit dans la réalité l'objectif que nous visons à travers un texte de loi qui n'est jamais qu'un texte.

Il ne doit pas y avoir d'attitude ambiguë et il n'est pas question de laisser un territoire en marge. Au contraire, cette activité nouvelle qui peut arriver sur un territoire de stockage doit, dès maintenant, être porteuse de croissance et d'emplois.

M. Christian Gaudin a insisté sur le rôle de la transmutation et sur son lien avec le projet de création d'un générateur de quatrième génération. Une centrale nucléaire de ce type a vocation à consommer plus de déchets. La séparation-transmutation, c'est la séparation des déchets nucléaires, donc une séparation chimique et physique, certains de ces déchets pouvant être consommés par un réacteur. L'association de la séparation-transmutation et du générateur de quatrième génération permet de réduire aussi substantiellement que possible les déchets et leur activité. Nous y travaillons et, comme je le disais à Mme Didier, nous avons d'ores et déjà apporté des crédits supplémentaires au CEA au titre de ce programme.

Nous travaillons aussi en concertation avec les États-unis, le Japon et la Russie sur ces questions : le réacteur de quatrième génération est en fait un programme international auquel nous participons. La décision de créer une centrale pour 2020, fût-ce un prototype, est un coup d'accélérateur par rapport au programme international qui ne visait pas a priori cette date de 2020.

M. Sutour a évoqué le financement du démantèlement et de la gestion des déchets. Nous aurons l'occasion d'y revenir longuement au cours du débat, mais, à ce stade, je dirai simplement que notre choix s'explique par des raisons tout à fait objectives et non par des raisons idéologiques qui voudraient que l'on ait plus confiance dans les entreprises que dans l'État.

Sur ces questions de financement, je répondrai aussi bien à M. Sutour qu'à MM. Teston et Bizet que l'évaluation du démantèlement qui est réalisée aujourd'hui s'inspire des recommandations formulées par la Cour des comptes.

Certains mettent en cause le fait de confier aux entreprises les fonds grâce auxquels elles vont démanteler et gérer les déchets, au lieu de les confier à un établissement public ou à l'État. Mais on n'est absolument pas sûr que les montants resteront constants dans le temps. Au fur et à mesure que les démantèlements vont se faire, au fur et à mesure que la gestion des déchets prendra corps, au fur et à mesure que les études avanceront, on constatera que les montants en jeu évoluent. C'est probablement ce que remarquera d'emblée un auditeur d'EDF, qui demandera de constituer des provisions par rapport à un coût supplémentaire généré plus tard.

Par conséquent, en sortant ces fonds des entreprises, on se retrouverait, en fait, avec des fonds à l'extérieur tout en gardant des provisions à l'intérieur. En d'autres termes, la gestion de ces fonds serait deux fois plus compliquée, deux fois plus lourde, entraînant une déresponsabilisation qui n'est absolument pas souhaitable compte tenu de l'enjeu et de la technicité de ces programmes.

Notre choix des fonds internes, assorti d'un encadrement très serré, fait d'ailleurs suite à l'observation de la situation que connaît actuellement la Suède, où se posent différents problèmes liés aux normes comptables internationales que chacun se doit d'appliquer.

Monsieur Sido, vous avez, en des termes remarquables, mis l'accent sur tous les enjeux de ce dossier, qui engage non seulement les générations présentes vis-à-vis des générations futures, mais aussi l'ensemble des Français vis-à-vis des populations meusiennes et haut-marnaises.

Vous avez su montrer le besoin de consultation, tout en faisant état des limites des référendums et des enquêtes publiques. Souscrivant pleinement à vos propos, je serai favorable à l'amendement que vous avez déposé à cet égard.

Vous avez également souligné l'importance de l'accompagnement économique et proposé une hausse effective, mais raisonnable, que je ne saurais sans doute refuser.

Cela étant dit, je suis, comme vous, convaincu que la question principale est non pas « combien d'argent ? », mais « pour quoi faire ? » C'est la raison pour laquelle je poursuis l'action engagée par mon prédécesseur, à votre demande, en mobilisant le Comité de haut niveau.

De l'intervention de Mme Voynet, j'ai surtout cru devoir retenir que rien ne trouvait grâce à ses yeux. Toutefois, après l'avoir écoutée très attentivement, je me suis aperçu que nous étions tout de même d'accord sur deux ou trois points.

Ainsi souhaite-t-elle que des études supplémentaires soient réalisées. Or cela est d'ores et déjà prévu dans le présent projet de loi. En outre, elle affirme qu'il convient de confronter tous les points de vue, ce que nous n'avons pas manqué de faire en essayant de les prendre en compte de la façon la plus objective possible.

Ne rien décider tout de suite ? Il faut tout de même décider de décider bientôt, sous réserve que certaines conditions soient remplies : c'est sur cette base qu'est construit ce texte.

En conséquence, je suis tout à fait ouvert à un dialogue avec Mme Voynet, si elle le souhaite, même si je ne partage pas du tout ses a priori. En la matière, nous tenons à nous montrer prudents. Cependant, au regard des engagements que nous prenons dans ce projet de loi, on ne peut pas dire que nous cherchons à faire prendre des risques à qui que ce soit.

Enfin, je tiens à remercier M. Guené d'avoir mis en avant la dimension humaine du sujet, tout en insistant sur les perspectives internationales.

Bien entendu, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'aurai à coeur de revenir, dans la discussion des articles, sur les points à propos desquels je n'ai pu apporter les éclaircissements souhaités.

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