Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, plusieurs d’entre nous y ont fait plus ou moins allusion au cours de ce débat : l’été que nous venons de vivre aura été marqué par une petite musique de piètre qualité.
Beaucoup ont eu le sentiment qu’on leur servait, une nouvelle fois, une recette éculée, dont l’objet était de faire oublier les incessants rebondissements d’un feuilleton, véritable saga politico-financière, qui porte atteinte à l’idée même que nous nous faisons de notre République.
Cet été, discours incantatoires, déclarations tonitruantes et coups de menton présidentiels ont, au fond, traduit le choix qui a été fait de promouvoir ce qui divise, ce qui oppose, ce qui déchire, à l’heure où, en période de crise, notre pays a besoin de lien social et de réhabilitation du politique !
Au grand étonnement, en particulier, de nos voisins européens, nous avons assisté à une communication faite de surenchère, de stigmatisation, de chasse aux sorcières, en un mot, un spectacle ayant peu de chose à voir avec l’idéal républicain qui, y compris sur ces travées, rassemble nombre d’entre nous, au-delà même de nos différences !
Cependant, le sentiment prévaut que, cette fois, la ficelle est un peu grosse et que la manœuvre ne trompe personne. Elle ne masque rien des réalités que vivent les Français, et d’abord sur le front de l’emploi, de la croissance, du pouvoir d’achat. Elle ne masque rien de la vie de plus en plus difficile de nos concitoyens.
En matière de sécurité comme ailleurs, et contrairement aux longs plaidoyers d’autosatisfaction du ministre de l’intérieur, le constat est également inquiétant. Non, les résultats que vous nous annoncez depuis que vous êtes aux responsabilités ne sont pas au rendez-vous !
Depuis plus de huit ans, Nicolas Sarkozy prétend faire régner l’ordre dans notre pays, mais aucun problème n’a véritablement été réglé, on l’a bien vu.
Le Gouvernement s’abrite derrière le recul de la délinquance générale. Les faits sont pourtant têtus ! Ainsi, en 2009, les vols avec violence ont progressé de 6 %, les violences contre les personnes de 3 %, soit, pour ces dernières, une hausse de 16 % en cinq ans ! Et que dire de l’augmentation de plus de 12 %, sur la même période, des délits financiers, la fameuse « délinquance en col blanc » ?
Le projet de loi LOPPSI 2 apporte-t-il des solutions aux problèmes que rencontrent les Français en matière de sécurité ?
Vous évoquez une loi d’orientation, mais aucune orientation claire ne se dégage de ce texte ! Comme cela a été dit, nous avons affaire à un projet de loi « fourre-tout », sans fil conducteur, sans ligne directrice. C’est une juxtaposition de mesures tous azimuts, sans véritable vision ni projet politique pour une sécurité républicaine.
En définitive, la seule orientation claire qui ressort de la politique que vous mettez en avant, c’est celle de la stigmatisation et de la défausse.
Stigmatisation, d’abord : certains d’entre nous y ont fait allusion au cours de l’après-midi, nous avons entendu un ministre désigner les élus locaux comme étant responsables des échecs de son propre Gouvernement. C’est inadmissible, et le Sénat, qui représente les collectivités territoriales, ne peut l’accepter !
Toujours dans l’ordre de la stigmatisation, vous avez, de fait, désigné des boucs émissaires faciles, la communauté des Roms. Non, messieurs les ministres, quand on a à prendre des mesures – c’est souvent nécessaire –, on ne juge pas les gens sur ce qu’ils sont, mais plutôt sur ce qu’ils font !
Défausse, ensuite : vous vous déchargez de pans entiers des politiques de sécurité sur les collectivités territoriales, mises en demeure de prendre en charge des investissements lourds, notamment en matière de vidéosurveillance.
Défausse encore, puisque vous vous apprêtez à sous-traiter au secteur privé la sécurité et l’intelligence économiques, alors que ce secteur régalien, comme l’indiquait précédemment Jean-Pierre Chevènement, est plus que jamais stratégique à l’heure de la mondialisation.
Vous évoquez une loi de programmation, mais aucune programmation précise ne nous est proposée.
Vous évoquez également une loi sur la performance, mais comment ne pas voir que la performance se résume à une politique du chiffre, simpliste et brutale ?
Comment, en outre, parler de « performance » quand on sait que les hommes et les femmes qui servent dans les forces de l’ordre en sont la première richesse, mais que vous vous apprêtez à engager un gigantesque plan social dans la gendarmerie et la police nationales ?
Il y a aujourd’hui moins de policiers qu’en 2002 ! Sur la période couvrant les années 2009 à 2011, près de 7 000 postes seront supprimés au total.
Quelle sera donc la performance dans ce contexte ?
Vous évoquez enfin une loi sur la sécurité intérieure, mais votre doctrine de sécurité intérieure est illusoire. Elle nous propose de poursuivre le rapprochement entre gendarmerie et police nationales sans se prononcer clairement sur l’avenir de la gendarmerie et le respect de son identité.
Les sénateurs de mon groupe sont aussi des élus ayant une connaissance du terrain. À ce titre, ils ont pour souci de bâtir une vraie politique de sécurité articulée autour de trois orientations.
La première orientation est celle de l’efficacité. Nous n’avons pas peur de le dire, toute infraction mérite sanction. C’est évident ! Mais cette sanction doit être juste et proportionnée, et non aveugle. Elle doit être rapide, alors que vous déstabilisez le système judiciaire en lui imposant sans cesse de nouveaux textes inapplicables et, d’ailleurs, bien souvent inappliqués.
La deuxième orientation est celle de la proximité et de l’ancrage territorial. Il faut, bien sûr, tirer les leçons de nos échecs passés, mais comment ne pas voir que rien ne remplacera jamais la connaissance du terrain et le travail de fond dans la durée ?
La troisième et dernière orientation est celle de la mobilisation de toutes les politiques au service de la sécurité. Vous opposez la prévention et la répression pour mieux justifier le recours exclusif à la seconde, mais une politique de sécurité, comme toute politique, doit marcher sur ses deux jambes ! L’éducation, la politique de la ville, une réponse judiciaire adéquate sont autant d’éléments aujourd’hui négligés.
Faute de prendre en compte ces orientations, votre texte n’atteint pas sa cible. Il comporte de nombreux reculs et bien peu d’avancées concrètes. Vous donnez des leçons à la terre entière, mais vous ne tirez aucune leçon de vos échecs passés.