Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 6 avril 2006 à 15h00
Engagement national pour le logement — Article 2 bis supprimé, amendement 16

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, affirmer un engagement national pour le logement implique, en particulier, de donner à l'effort de construction une portée nouvelle et significative.

Si pratiquement tout un chacun constate l'existence d'une crise majeure en matière de logement, il est évident que les solutions préconisées n'ont pas toutes la même teneur.

Il convient de revenir sur les caractéristiques de la crise actuelle.

En effet, le niveau des loyers pratiqué dans le secteur privé a littéralement explosé au cours des cinq dernières années, la progression du poste logement ne cessant de croître dans le budget des familles. De fait, aujourd'hui, pour nombre de familles, le logement constitue un poste budgétaire plus important que l'alimentation, absorbant en moyenne près de 18 % de leur revenu.

En six ans, la hausse des loyers a atteint 100 %, soit une progression quatre fois plus rapide que celle du revenu des ménages.

S'agissant du parc locatif social de fait, il est, sous les coups répétés de la loi Méhaignerie, dont la philosophie continue de s'appliquer, en voie d'extinction rapide, et certains poussent aujourd'hui les feux de la disparition définitive de ce parc dit « de la loi de 1948 ».

L'investissement locatif privé, particulièrement favorisé fiscalement, prend un tour nouveau. Nombre d'opérateurs sont passés d'une logique de revenus fonciers à rentabilité annuelle stable, comprise entre 3 % et 4 %, à une logique purement spéculative, visant à retirer au plus vite des logements une plus-value maximale, ce qui se traduit notamment par des changements fréquents de propriétaire.

Mais, comme nous l'avons dit, le secteur locatif privé connaît depuis vingt ans de profondes mutations. Les modalités de fixation des loyers, notamment par référence aux pratiques de voisinage, permises par la loi Méhaignerie, ont conduit à alourdir sensiblement la facture supportée par les locataires, les politiques publiques étant dès lors centrées sur l'assurance de la rentabilité des investissements. La hausse des loyers a garanti cette rentabilité ; les revenus fonciers constituent un élément important des revenus de certains contribuables.

Mais la crise du logement est bien présente, frappant lourdement les familles les plus modestes et les contraignant bien souvent à accepter des conditions de logement indignes de notre époque.

Un véritable parc locatif privé ayant des objectifs sociaux doit émerger dans le cadre de la politique nationale du logement, afin que cesse cette distorsion, engendrée par la situation actuelle, entre l'offre et la demande.

Un effort particulier est donc demandé à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, que d'aucuns veulent aujourd'hui transformer en « super agence » immobilière.

Pour autant, que vaut cette politique au regard de ce qui se pratique par ailleurs, notamment le dispositif « Robien » ou encore la montée en puissance des sociétés de placement collectif immobilier, véritables SICAV de la pierre ou « Robien du pauvre » ?

Nous comprenons bien que le dispositif appelé « Borloo populaire » vise à se substituer au dispositif « Robien », mais la philosophie qui le sous-tend reste la même : il constitue un produit d'optimisation fiscale avant d'être un outil de production d'un parc locatif privé à vocation sociale.

Notre pays compte plus de 1, 8 million de logements vacants, qui méritent d'être réhabilités en vue de leur location. À cette fin, il conviendrait de mener une ample politique de remise en état et de transformation de ces logements. L'amendement n° 16 vise à rendre encore plus volontariste la politique menée en la matière et plus ambitieux les objectifs fixés par le Gouvernement.

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