Intervention de Brice Hortefeux

Réunion du 7 septembre 2010 à 21h45
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion générale

Brice Hortefeux, ministre :

Comme je l’indiquais tout à l’heure, la délinquance d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier ni a fortiori celle de demain. J’en parlais avec le grand ministre de l’intérieur que fut Charles Pasqua : ce n’est pas avec les recettes d’il y a quinze ans que l’on peut combattre avec succès la délinquance actuelle, caractérisée notamment par une plus grande violence, par le développement des bandes, qui comportent désormais des filles…

Monsieur Bel, monsieur Anziani, je suis fermement attaché à ce que nos forces de sécurité disposent de moyens humains qui soient à la hauteur de leurs missions : vos chiffres ne sont pas exacts.

À cet instant, je souhaite rétablir quatre vérités.

Première vérité, les effectifs de policiers et de gendarmes présents dans les services auront augmenté d’exactement 4 301 personnes entre le 31 décembre 2000 et le 31 décembre 2010. La baisse de 1 329 emplois prévue initialement en 2010 est compensée par le recrutement en cours, qui s’achèvera en janvier 2011, des 1 500 adjoints de sécurité supplémentaires que m’a accordés le Premier ministre, soit un solde positif, pour l’année 2010, de 171 emplois sur le terrain.

Deuxième vérité, les effectifs des corps de fonctionnaires dit actifs, c’est-à-dire les gardiens de la paix, les officiers et les commissaires, ont progressé, passant de 115 922 en 2001 à 117 270 aujourd’hui.

Troisième vérité, pendant toute la période des dix dernières années, pour la police et la gendarmerie, un effort a été mené pour recruter des personnels administratifs sur les postes de gestion et permettre de remettre ainsi sur le terrain des personnels de police et de gendarmerie. Je tiens bien entendu tous les chiffres à votre disposition.

Quatrième vérité, comme je l’ai déjà indiqué tout à l’heure, les effectifs seront quasiment stabilisés en 2011 puisque, entre le 31 décembre 2010 et le 31 décembre 2011, on comptera au maximum 712 emplois budgétaires de moins dans la police : on retrouvera donc sur le terrain, en 2011, 99, 5 % des effectifs de 2010. Bien sûr, ce n’est pas une augmentation, mais on ne saurait parler d’un bouleversement des effectifs ! Il en va d’ailleurs de même des effectifs de gendarmerie, qui connaîtront une baisse de 96 emplois seulement par rapport à l’année précédente dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, qui n’épargne personne.

Au total, la diminution du nombre d’emplois atteindra donc 808, sur les 243 000 emplois qui relèvent du ministère de l’intérieur au titre de la mission « Sécurité ». C’est là une contribution de mon ministère à l’effort gouvernemental de réduction des déficits budgétaires, mais reconnaissez que la situation n’est pas celle qui est trop souvent décrite à partir d’approximations.

En outre, on ne peut pas réduire la stratégie aux seuls effectifs. Le niveau des effectifs est important, bien sûr, et joue un rôle majeur dans l’obtention des résultats, mais l’organisation du travail, la mobilisation, les conditions d’emploi, la répartition entre les services entrent également en ligne de compte : il n’y a pas que le nombre, il y a aussi ce que l’on fait avec les effectifs.

Je remercie M. Jean Faure d’avoir souligné avec force, conviction et talent qu’il est assez curieux de dénoncer une baisse des effectifs lorsque l’on a soi-même soutenu un gouvernement ayant réduit la durée hebdomadaire du temps de travail, ce qui a entraîné une réduction de 10 % – pas de 0, 5 % ! - des effectifs. Le fait qu’il ait également mis en exergue l’importance du rapprochement de la police et de la gendarmerie me donne en outre l’occasion de faire taire les Cassandre. Depuis la loi du 3 août 2009, la gendarmerie nationale fait partie intégrante de ce grand ministère de la sécurité qu’est le ministère de l’intérieur. Je veille quotidiennement et personnellement à ce que la gendarmerie nationale prenne toute sa place en son sein et que ce rapprochement s’effectue dans un esprit de complémentarité, d’efficacité et d’équilibre.

Je remercie M. Laménie d’avoir souligné, avec raison, les résultats très positifs du plan « tranquillité seniors » et des efforts qui ont été accomplis, notamment par la gendarmerie, afin d’assurer le succès de cette opération. Dans le même ordre d’idées, la mise en œuvre du plan « tranquillité vacances » a permis d’obtenir un taux de cambriolages presque nul, grâce à une surveillance plus étroite des domiciles des personnes qui avaient signalé auprès des commissariats ou des gendarmeries leur absence pendant l’été. Cela témoigne de la pertinence de cette initiative.

Il n’a jamais été question de fusionner les services judiciaires de la police et de la gendarmerie, ce qui serait d’ailleurs contraire à l’esprit de la loi du 3 août 2009.

Par ailleurs, aucun plan de fermeture massive de 500 brigades de gendarmerie n’a jamais été envisagé. Je le dis notamment à l’adresse de M. Pierre Bordier, dont je connais l’intérêt pour la gendarmerie.

Enfin, je veux rappeler que l’intégration de la gendarmerie au sein du ministère de l’intérieur se fait dans le strict respect de son identité militaire.

En ce qui concerne les synergies opérationnelles, plusieurs mesures ont été prises.

J’ai ainsi décidé de renforcer ou de créer des unités de coordination entre la police et la gendarmerie : unités de coordination des forces mobiles, unités de sécurité dans les transports en commun, unités de lutte contre l’insécurité routière et unités pour les forces d’intervention.

Mme Assassi et M. Bel sont revenus sur la prétendue « politique du chiffre » que nous pratiquerions. C’est naturellement faux ! Certes, la LOPSI 1 de 2002 a ouvert la voie à la « culture du résultat ». Il n’est pas question pour nous de nous en excuser ni de nourrir de complexes sur ce sujet : nous entendons en effet pratiquer la culture du résultat, et la LOPPSI 2 consacre cette évolution en l’élargissant à la notion de performance.

Le bien-fondé de la culture du résultat est démontré, par exemple, par la baisse continue du nombre des atteintes aux biens, par le recul de la délinquance de proximité, par la diminution des atteintes à l’intégrité des personnes et par l’augmentation spectaculaire du taux d’élucidation. Chacun peut constater ces résultats.

En ce qui concerne maintenant le contenu même du projet de loi, j’aborderai trois points essentiels : les moyens humains, les moyens juridiques et les moyens techniques.

Ce projet de loi a tout d’abord pour objet les moyens humains. M. Louis Nègre a souligné à juste titre que les polices municipales constituent, aux côtés de la police et de la gendarmerie nationales, la troisième force de sécurité intérieure. Elles regroupent près de 22 000 personnes, dont un peu plus de 18 000 policiers municipaux stricto sensu.

M. Jean-Patrick Courtois et Mme Catherine Troendle ont rappelé avec raison l’importance des missions des polices municipales. J’ai souhaité que les policiers municipaux puissent disposer de nouveaux moyens juridiques.

Bien entendu, la sécurité intérieure est d’abord l’affaire de l’État : personne ne le conteste. Pour autant, il n’est pas interdit de renforcer les complémentarités entre les services de l’État et les maires, partenaires naturels de l’État dans ce domaine.

Par ailleurs, les entreprises de sécurité privées doivent à mon sens prendre toute leur part dans le combat contre la délinquance. Certains ont agité le spectre de la privatisation des missions régaliennes de l’État, argument ultime lorsque l’on n’a plus grand-chose à dire. Il n’en est bien entendu pas question : au contraire, comme l’a très bien rappelé Jean-Patrick Courtois, le projet de loi vise à assurer une meilleure formation des agents de sécurité, une meilleure régulation et un meilleur contrôle de l’activité de ces entreprises, que ce soit dans le domaine de l’intelligence économique ou dans celui des activités privées de sécurité.

S’agissant des moyens juridiques, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer à plusieurs reprises, je suis convaincu que la première et la meilleure des préventions réside dans la certitude de la sanction, même s’il n’y a pas que cela. MM. Anziani, Mézard et Zocchetto ont évoqué l’échelle des peines. Toutes les propositions du Gouvernement, y compris sur la perpétuité réelle, trouvent leur justification dans la gravité des faits correspondant à la peine envisagée. Nous ne durcissons pas la répression, nous nous intéressons à l’exécution effective de la peine prononcée. Demain, les assassins de policiers ou de gendarmes encourront tout comme aujourd’hui la réclusion criminelle à perpétuité, à cette différence près que, si cette peine est prononcée, le verdict de la cour d’assises ne sera pas virtuel. C’est ce que les Français attendent, et cela me paraît relever du bon sens ! En d’autres termes, les jurés pourront décider, dans un tel cas, que cette peine ne sera jamais aménagée, ou en tout cas pas avant trente ans.

Madame Dumas, je vous remercie du soutien que vous apportez à ce texte. Vous avez mis en exergue les dispositions qui complètent les moyens d’action des forces de l’ordre et de la justice ou renforcent les sanctions existantes dans le domaine de la contrefaçon via internet et de la vente à la sauvette. Je vous indique d’ores et déjà que le Gouvernement soutiendra votre amendement relatif à l’interdiction des faisceaux laser à haute puissance qui servent à des actes de délinquance et peuvent aussi mettre en péril la sécurité aérienne, comme les médias s’en sont fait l’écho à juste titre. Quelque 600 plaintes ont été déposées par des pilotes de ligne depuis le début de l’année 2010.

Concernant le blocage des sites pédopornographiques, lorsque la maison brûle, on ne demande pas au juge l’autorisation d’envoyer les pompiers ! Comment peut-on réclamer une protection efficace et immédiate contre la pédopornographie sans prévoir les moyens nécessaires ? Je précise qu’aucun accès à internet ne sera supprimé ; il s’agit seulement de bloquer les pages ou l’accès aux contenus manifestement illicites.

Le projet de loi prévoit également de nouveaux moyens destinés à mieux protéger les mineurs, mais aussi à responsabiliser les parents. Selon moi, l’un ne va pas sans l’autre.

Je remercie M. Serge Dassault d’avoir rappelé l’importance de la prévention de la délinquance des jeunes de 16 à 18 ans et la nécessité de travailler en amont sur l’insertion professionnelle des jeunes. Quand nos compatriotes entendent la radio annoncer que deux mineurs ayant retiré le casque d’un policier avant de le frapper à coups de marteau ont été présentés au juge des enfants, les bras leur en tombent ! Ne soyons pas déconnectés des réalités : dans l’esprit des auditeurs d’une telle nouvelle, ces jeunes sont avant tout des délinquants, et l’annonce de leur présentation à un juge des enfants peut surprendre des personnes qui ne sont pas au fait de l’organisation de notre système judiciaire.

Je ne suis pas de ceux qui, comme M. Jean-François Voguet, recherchent les raisons du mal-être des délinquants pour les excuser.

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