Intervention de Denis Detcheverry

Réunion du 15 décembre 2009 à 9h45
Questions orales — Freins au développement économique de saint-pierre-et-miquelon

Photo de Denis DetcheverryDenis Detcheverry :

Madame la ministre, comme vous le savez, en adéquation avec le souhait exprimé par le Président de la République, lors du premier conseil interministériel de l’outre-mer, ainsi qu’avec le projet de réforme des collectivités territoriales, j’ai demandé que le Sénat mette en place une mission sur les problèmes institutionnels de Saint-Pierre-et-Miquelon. L’archipel connaît de réels problèmes de gouvernance et de fonctionnement, qui empêchent tout développement économique adapté et durable.

Pourtant, depuis l’arrêt brutal de la pêche en 1992, de nombreux projets porteurs de développement économique ont été élaborés. Tous ont cependant rencontré des barrières administratives infranchissables et n’ont donc jamais vu le jour, malgré une assistance financière très importante de l’État. La situation se dégrade, aucun projet structurant d’avenir n’a été mis en place et la population est en déclin.

Bien sûr, en vertu de l’article 74 de la Constitution, la responsabilité du développement économique appartient aux collectivités d’outre-mer. On me le rappelle souvent, ici, à Paris. Mais, comme vous le savez, Saint-Pierre-et-Miquelon n’est peuplé que de 6000 habitants. Il est difficile, au sein d’une masse critique aussi basse, de trouver la ressource humaine nécessaire pour constituer des dossiers complexes, surtout quand il s’agit de servir de trait d’union entre le continent nord-américain et l’Europe, comme nous tentons de le faire aujourd’hui.

Malheureusement, nous avons actuellement une administration d’État pléthorique, qui a pour mission - et je ne saurais lui en vouloir puisqu’il s’agit de la seule mission qui lui a été assignée - de gérer au jour le jour une situation économiquement exsangue, alors que le conseil territorial n’a pas les moyens de se doter d’une administration de développement au niveau de ses besoins.

Certes, notre statut actuel, qui date de 1985, stipule que « les agents et les services de l’État sont mis à la disposition de la collectivité et du président du conseil territorial, de façon permanente et en tant que de besoin », mais cela ne fonctionne pas dans les faits. Il suffit que le président du conseil territorial et le préfet en place ne s’entendent pas pour que tout s’effondre.

En fait, nous sommes dans un système bicéphale en fonction duquel on ne sait plus qui est le réel décideur, et donc le réel responsable. De ce fait, on n’arrive pas à évaluer pour améliorer, et rien n’avance. Bien souvent, on attend la fin du séjour du préfet, qui dure de douze à dix-mois mois, et on recommence à zéro.

À l’image du « paradoxe outre-mer », compris et souligné par le Président de la République dans son discours lors du conseil interministériel de l’outre-mer, les états généraux à Saint-Pierre-et-Miquelon ont fait ressortir de nombreuses questions sur le statut et sur le transfert d’un certain nombre de compétences vers la collectivité, ainsi que en même temps la demande forte d’un « plus » ou d’un « mieux » d’État, d’un État régulateur, mais aussi d’un État partenaire.

En premier lieu, il faudrait que l’État, outre ses missions régaliennes, joue plus amplement un rôle d’arbitre grâce à des règles et des indicateurs précis. La répartition des rôles de chacun doit être claire et les moyens humains et financiers doivent correspondre à cette répartition.

Il faut dire qu’il y a un déficit criant concernant les indicateurs à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ainsi, nous ne connaissons ni la réalité du chômage, ni la réalité des prix par rapport à la métropole, pour ne citer que quelques-uns des indicateurs qui nous font défaut.

Une fois cette méthode et cette transparence bien établies, l’État pourra devenir un vrai partenaire de développement économique, un partenaire technique et pas seulement financier, permettant à tous plus d’efficience, ainsi qu’une meilleure utilisation de l’argent public mis sur la table par chacune des parties.

Madame la ministre, à l’issue de cette mission sénatoriale qui devrait être menée dans les mois à venir, pouvez-vous m’assurer que vous nous donnerez les moyens humains et techniques, et que vous nous accompagnerez pour une mise en œuvre concrète et efficace afin que nous puissions bâtir ensemble le véritable projet de territoire dont Saint-Pierre-et-Miquelon a besoin pour un redémarrage de son économie ?

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