Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la récente transformation d’EDF en société anonyme va engendrer un certain nombre de conséquences, dont l’une des principales est, en matière de renouvellement des concessions hydrauliques, la mise en concurrence des entreprises intéressées, aiguisant désormais l’appétit de certains. Jusque-là, EDF, premier producteur hydroélectrique européen, gérait seul les barrages. À l’avenir, qui le fera, et surtout comment, si l’entreprise nationale n’est pas retenue ou si, dans certains cas, elle n’est pas candidate, malgré son expérience et son savoir-faire reconnu dans le monde entier ?
Telle est la double question que se posent les élus de mon département, légitimement inquiets pour l’avenir du secteur hydroélectrique, dont je rappelle qu’il est, dans notre pays, la première source renouvelable d’électricité et la plus propre.
Pour autant, les choses sont-elles claires ? Force est de constater que non ! En effet, le décret 2008-1009 du 28 septembre 2008 qui a trait à la mise en concurrence des concessions et à la déclaration d’utilité publique des ouvrages utilisant l’énergie hydraulique me paraît particulièrement flou, malgré le développement des huit étapes principales qui détaillent le processus de la mise en concurrence. Du reste, plusieurs arrêtés ministériels doivent compléter ce décret, et une circulaire à l’usage des DRIRE est actuellement en cours de rédaction.
Considérant que le renouvellement des concessions se fera toujours, assure-t-on, « dans le cadre de la délégation de service public », je me demande de quelle manière ce principe pourra être respecté si la société EDF n’est pas retenue. Monsieur le secrétaire d'État, cela m’amène à vous poser les questions suivantes.
Comment le Gouvernement compte-t-il prendre l’avis des collectivités territoriales concernées pour mieux cerner leurs besoins et leurs aspirations, en particulier en veillant au développement économique local et social ?
Comment le Gouvernement compte-t-il s’assurer de la compétence des sociétés choisies pour garantir l’efficacité énergétique de l’exploitation des chutes d’eau, en matière aussi bien de projets nouveaux que de rénovations des barrages – certains sont anciens –, et contribuer ainsi à la sécurité des berges, des ouvrages et des zones situées aux alentours desdits barrages ?
Compte tenu des compétences reconnues à EDF – contrôle systématique de l’état et de la sûreté des ouvrages, conduite des aménagements en période de crue, mesures destinées à assurer la sécurité du grand public, expertises ingénierie, ajustement en permanence de la production aux variations de la demande d’électricité, amélioration des performances –, qu’en sera-t-il avec ses concurrents ?
Comment le Gouvernement compte-t-il s’assurer du respect de toutes les autres contraintes environnementales, c’est-à-dire effectuer une gestion équilibrée de l’eau et des milieux aquatiques, notamment par la mise à disposition de millions de mètres cubes d’eau pour soutenir les débits de nos rivières ? Les barrages de la Truyère, par exemple, sont essentiels aux débits de la Garonne.
Enfin, comment le Gouvernement compte-t-il préserver les emplois distants, au nombre de 4 700 à ce jour ? On ne sait s’ils seront conservés si les nouveaux objectifs recherchés relèvent exclusivement de la seule logique du profit, comme c’est généralement le cas de certaines sociétés étrangères.
Les barrages français appartiennent non pas à EDF, mais à la nation. De ce fait, ils constituent une partie du patrimoine économique national. C’est pourquoi l’évidente « fragilité » du décret cité plus haut, pour ne pas parler des « zones d’ombre » qui entourent les procédures techniques du futur renouvellement des concessions hydrauliques, me conduit à m’interroger sur ses véritables motifs. Cette mise en concurrence ne cache-t-elle pas une privatisation qui n’ose pas dire son nom, avec tout ce que cela implique, notamment en matière de sécurité ?
Monsieur le secrétaire d'État, soyez assuré que votre réponse est attendue avec intérêt par les nombreux élus des collectivités territoriales des zones de montagne et de semi-montagne, parmi lesquels ceux de l’Aveyron, département où les seize aménagements hydro-électriques d’EDF produisent chaque année l’équivalent de la consommation d’un million d’habitants, évitant ainsi la consommation de 200 000 tonnes de pétrole et donc un rejet massif de CO2 dans l’atmosphère.