Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, évoquant cet article 3 le 7 février dernier à l'Assemblée nationale, M. Louis Giscard d'Estaing, député, indiquait qu'il lui paraissait « tout à fait intéressant ».
Finalement, la question est de savoir pour qui il est intéressant. Pour les salariés, ou pour le petit patronat ?
En ce qui me concerne, cet article me paraît scandaleux à deux titres.
En premier lieu, comme à l'article 2, les auteurs de la proposition de loi posent le principe que, pour gagner plus, le salarié doit travailler plus. En un mot, l'augmentation du pouvoir d'achat doit s'accompagner d'une augmentation de la productivité et de la rentabilité. Qu'il s'agisse des grandes entreprises ou des PME, cette exigence m'apparaît inacceptable.
Nous l'avons dit et souvent répété au cours de ce débat, il ne s'agit pas d'une liberté de choix offerte aux salariés. C'est une voie purement libérale qui est suivie, la possibilité d'une redistribution des richesses dans l'entreprise étant écartée par principe.
Comment ne pas s'offusquer de ce détournement d'une juste aspiration à l'augmentation du pouvoir d'achat au profit d'une exploitation toujours accrue du salariat ?
Qui peut nier ici - en tout cas pas vous, monsieur le ministre, car vous devez connaître les chiffres - que, durant la décennie passée, la part du travail dans la valeur ajoutée a considérablement diminué ? C'est là le noeud du problème : ce sont les actionnaires, les marchés financiers qui n'ont cessé de s'enrichir et qui ont tiré, seuls trop souvent, leur épingle du jeu libéral.
Cette affirmation vous déplaît, chers collègues de la majorité sénatoriale, comme on a pu le constater depuis le début de l'examen de ce texte, mais elle correspond à la stricte réalité, dont les médias se sont fait l'écho ces derniers jours.
En second lieu, les dispositions de l'article 3 nous paraissent inacceptables parce que les salariés les moins protégés sont ceux des PME. Comment oublier que la quasi-totalité de ces dernières sont dépourvues de sections syndicales et que l'on y rencontre rarement des délégués du personnel ? La bataille pour le respect du droit du travail est un combat permanent, de chaque jour, de chaque instant dans une large majorité de PME.
Or c'est au bénéfice de ces entreprises que les auteurs de la proposition de loi, le Gouvernement et la majorité sénatoriale entendent proroger encore et toujours une disposition qui, de transitoire, devient pérenne. Cette disposition, c'est la réduction de 25 % à 10 % du taux de majoration de la rémunération des quatre premières heures supplémentaires effectuées par le salarié.
Nous avions exprimé notre opposition à cette dérogation lors de son instauration, en 2000. Elle devait devenir caduque en 2002. Sa prolongation jusqu'au 31 décembre 2005 par la loi Fillon du 17 janvier 2003 masquait mal la volonté de la pérenniser.
La disposition de l'article 3 du présent texte visant à maintenir la dérogation jusqu'au 31 décembre 2008 s'apparente à une reconduction automatique, ne respectant pas les observations du Conseil constitutionnel relatives à la seconde des lois dites « Aubry ».
En effet, le Conseil constitutionnel avait justifié l'inégalité de traitement ainsi instituée entre salariés par le caractère « temporaire » de la mesure. Cependant, le temporaire tend à s'éterniser, puisque la disposition aura finalement été appliquée pendant huit ans.
Cet article 3 détourne donc la loi. Il instaure une inégalité de traitement entre salariés qui est manifestement inconstitutionnelle, puisque le caractère temporaire de la dérogation en question a disparu de fait.
Pour cet ensemble de raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposeront nettement à l'adoption de l'article 3 de la proposition de loi.