Un minimum d'articles mais un maximum d'effet, tel pourrait être le résumé de cette proposition de loi.
L'article 3 semble être le plus anodin et, pourtant, c'est bien celui dont les effets pourraient être les plus ravageurs.
En ce qui concerne la prorogation jusqu'en 2008 du régime spécial applicable aux petites et moyennes entreprises, les PME, le risque est de graver dans le marbre une dualité du marché du travail puisque la trente-sixième heure de travail continuera jusqu'en 2008 à ne pas être décomptée dans le contingent d'heures supplémentaires, échappant à toute majoration.
Même l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, dénonce cette disposition qui va nuire à l'attractivité de ces entreprises.
Quant au Conseil constitutionnel, il n'avait accepté la prorogation de ce régime dérogatoire qu'à la condition qu'il soit transitoire. Le sera-t-il encore après l'adoption de cet article ?
Mais le plus dangereux, c'est l'alinéa qui instaure le système de l'opting out, système venu de Grande-Bretagne qui remet totalement en cause l'architecture de notre droit du travail. Pour la première fois, un accord passé entre un salarié et un employeur pourra contredire un accord collectif.
En donnant un avis favorable à cet article, le Gouvernement anticipe la discussion actuellement en cours au niveau européen sur le projet de révision de la directive 2003/88/CE sur le temps de travail.
Ce projet de directive comporte une série de régressions qui, toutes, visent à surflexibiliser le marché du travail.
Il prévoit en effet l'annualisation du temps de référence sur lequel est calculée la durée maximum hebdomadaire de quarante-huit heures de travail, la consécration de l'opting out, la définition plus stricte du temps de travail en distinguant le temps de garde de la « période inactive du temps de garde », c'est-à-dire le temps pendant lequel le travailleur, bien que présent sur son lieu de travail, n'exerce pas ses fonctions.
La Confédération européenne des syndicats et l'ensemble de la gauche européenne sont fermement opposés à cette directive.
Quant au Gouvernement, lors de la réunion des ministres du travail de l'Union européenne du 7 décembre 2004, il s'est dit défavorable au système des dérogations individuelles, mais il le laisse pourtant introduire dans le droit français avec cette proposition de loi. Une nouvelle fois, les actes contredisent le discours !
Le Gouvernement fait mine de dénoncer le chantage à l'emploi de certaines entreprises qui menacent de délocaliser leur activité si leur accord sur les 35 heures n'est pas révisé, mais, en réalité, il introduit par ce texte la même logique au sein de chaque entreprise.
Désormais, c'est l'individualisation du temps de travail qui va primer, le rapport de force étant toujours défavorable au salarié.
Monsieur le ministre, mes collègues et moi-même essaierons de vous démontrer, par nos amendements, la nocivité de cet article 3 auquel nous nous opposerons très fermement.