Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 3 mars 2005 à 15h00
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 3

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Les contraintes inhérentes au fonctionnement des petites entreprises ont décidément bon dos !

Quant à la cohésion juridique et à l'équité, exigences à géométrie variable selon les besoins du Gouvernement et de sa majorité, elles aussi sont invoquées pour justifier des régimes dérogatoires, le renoncement des salariés à la réduction du temps de travail et aux avantages afférents, ou l'institutionnalisation d'inégalités entre salariés selon la taille de leur entreprise.

Votre tactique de camouflage est scandaleuse, nous l'avons déjà dit. Sous couvert de liberté - la liberté de choix des salariés -, vous sacrifiez les droits et les garanties collectives de ces derniers, le code du travail, et même les normes sociales issues de la négociation collective.

Vous ne respectez pas les partenaires sociaux et le dialogue social, que vous dites pourtant vouloir privilégier. Marché oblige !

Vous l'avez compris, l'article 3, dans son ensemble, nous est particulièrement insupportable.

Plusieurs raisons de fond motivent l'amendement de suppression que nous vous présentons.

Tout d'abord, nous ne pouvons accepter la nouvelle prorogation jusqu'en 2008 d'un dispositif spécifique aux entreprises de moins de vingt salariés en matière d'heures supplémentaires, pénalisant financièrement les salariés qui voient le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires bloquées à 10 % et facilitant pour les entreprises le dépassement du contingent annuel en permettant l'imputation des heures supplémentaires sur ce dernier à compter seulement de la trente-septième heure.

En effet, cette dérogation, accordée hier à titre transitoire, devait permettre une adaptation en souplesse des très petites entreprises, les TPE, et des PME à la réduction du temps de travail.

Pourquoi, aujourd'hui, alors que la réduction du temps de travail n'est plus actuelle, chercher à faire de l'exception une règle ?

Pour contenter certaines organisations patronales, dont la CGPME et le MEDEF, en oubliant que d'autres, dont l'UPA, reconnaissent que les distorsions de droits, de salaires, de statuts, entre les grandes et les plus petites entreprises desservent ces dernières, en accentuant les difficultés de recrutement, et donc leurs possibilités de développement.

Le représentant de l'UPA n'a-t-il pas reconnu devant la commission des affaires sociales du Sénat que les entreprises artisanales devraient nécessairement tenir compte des avantages proposés par les grandes entreprises, et que c'était la condition nécessaire pour inciter les candidats à l'emploi à s'intéresser aux PME et aux TPE ?

Craignant la censure du Conseil constitutionnel, qui avait émis un certain nombre de réserves sur la loi Fillon - jugeant notamment recevable l'argument tiré de l'inégalité de traitement entre salariés -, le Premier ministre a cru bon de devoir s'assurer que la solution médiane trouvée, à savoir la prorogation et non la pérennisation, se solderait par une harmonisation par le haut du régime des heures supplémentaire. Permettez-moi d'en douter tant que cela ne se sera pas effectivement concrétisé.

Dans l'immédiat, le Gouvernement dépose des sous-amendements afin de « garantir » le caractère strictement transitoire des règles applicables aux heures supplémentaires dans les petites entreprises.

Nous sommes ravis d'apprendre que, à compter du 1er janvier 2009, ce seront les règles de majoration et de décompte de droit commun qui s'appliqueront, dans la mesure où ce régime de droit commun modifié par M. Fillon laisse, lui aussi, la place à une majoration des heures supplémentaires de 10 % et où le contingent annuel sera, lui aussi, plus facilement contournable et les repos compensateurs plus facilement échangeables.

Reste que, dans l'attente de 2009, les discriminations touchant injustement les salariés des petites entreprises perdureront. Ce qui n'est pas sans paradoxe pour ceux qui prétendent valoriser le travail et fustigent les 35 heures et leur bilan social prétendument calamiteux !

Monsieur le ministre, la seconde série de mesures contenues dans cet article, qui établit - là encore à titre transitoire - un dispositif de renonciation des jours et des heures accordés au titre de la réduction du temps de travail, est tout aussi inadmissible.

Je le répète, vous incitez les salariés placés dans une situation de subordination à renoncer à la réduction du temps de travail effectif dont ils bénéficiaient ainsi qu'aux avantages garantis par l'accord sur les 35 heures ou par la loi. Pour cela, vous introduisez dans le droit français, bien que vous vous en défendiez, la clause d'opting out, qui place le salarié et l'employeur hors convention, hors code du travail, dans une négociation individuelle en vue de troquer des jours de repos contre une hypothétique augmentation salariale.

A la lecture de cet article, nous prenons la mesure de la satisfaction, je dirai même de la joie, du MEDEF et de tous ceux qui souhaitent que les acquis sociaux cèdent le pas à la nécessité économique.

C'est pourquoi nous renouvelons avec force notre demande de suppression de l'article 3.

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