Intervention de Michel Dreyfus-Schmidt

Réunion du 6 février 2007 à 16h00
Recrutement formation et responsabilité des magistrats équilibre de la procédure pénale — Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

Photo de Michel Dreyfus-SchmidtMichel Dreyfus-Schmidt :

À l'époque, on avait dit : « Plus jamais ça ! » Et puis on a oublié jusqu'au nom du juge Pascal, ou du moins celui de Me Leroy !

Ensuite, nous avons connu l'affaire Roman. Il s'agissait d'un garçon nommé Richard Roman, qui passa quinze mois en détention avant que son innocence ne soit prouvée, par hasard et parce qu'un second juge d'instruction avait porté un regard différent sur le dossier, le coupable étant en réalité un certain Didier Gentil.

Or personne, ou presque, ne se souvient de cette affaire ; en tout cas, il est très difficile d'en retrouver la trace car, je le répète, tout le monde ne parle que d'Outreau, encore d'Outreau, toujours d'Outreau !

Mes chers collègues, je formulerai un certain nombre de réflexions.

Tout d'abord, le projet de loi organique relatif au recrutement, à la formation et la responsabilité des magistrats dispose que « constitue notamment un manquement aux devoirs de son état la violation grave et intentionnelle par un magistrat d'une ou plusieurs règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties, commise dans le cadre d'une instance close par une décision de justice devenue définitive. ».

Une telle hypothèse ne doit pas se présenter souvent, mais admettons que ce soit le cas ! Si un justiciable veut se plaindre de la faute grave d'un magistrat, il doit pouvoir saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature, qui aura alors à se prononcer. Mais ce n'est pas ce que prévoit ce texte. Selon nous, il est tout à fait inutile de passer par une commission de transparence de la justice et, surtout, de saisir M. le ministre. Celui-ci nous a affirmé en commission qu'il était le seul à pouvoir statuer et à prendre une telle responsabilité ! Au contraire, nous estimons que ce rôle doit revenir au Conseil supérieur de la magistrature.

Monsieur le ministre, vous rétorquerez que Mme Guigou avait proposé un système qui ressemble quelque peu à celui que vous nous présentez aujourd'hui. Toutefois, nous l'avions combattu ici même, en soulignant qu'il était nécessaire de pouvoir saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature, ce que nous continuons à penser.

J'en viens à présent à l'École nationale de la magistrature. Tout d'abord, faut-il la maintenir ? C'est un point qui peut être discuté. Ensuite, la formation doit-elle associer à la fois des membres du parquet et des magistrats du siège ? Ce n'est pas certain, nous pouvons en débattre, et pour ma part je ne le crois pas.

Aujourd'hui, on prévoit d'associer également à cette formation une trentaine d'avocats. Mais qu'apporteront ces trente avocats, sur les milliers qui exercent, aux travaux de l'ENM ? Rien, et ce d'autant plus qu'il y a avocat et avocat ! §Certains avocats sont en fait des sortes de conseillers fiscaux, qui ne mettent jamais les pieds dans un palais de justice ; ils n'ont évidemment, eux, rien à voir avec des pénalistes !

Vous voulez inviter les magistrats à accomplir des stages chez les avocats - on reviendrait ainsi au système qui existait avant la guerre -, mais encore faudrait-il qu'il s'agisse d'avocats pénalistes ou au moins d'avocats qui plaident devant des magistrats !

J'en viens maintenant au projet de loi qui a pour objet de renforcer l'équilibre de la procédure pénale.

Nous avons saisi l'occasion de ce projet de loi pour déposer un amendement tendant à supprimer la disposition selon laquelle le président de la chambre d'accusation est saisi et statue sous réserve de la décision qui sera prise ensuite par la chambre. En effet, permettez-moi de le dire un peu brutalement, c'est tout simplement idiot ! Dans presque 100 % des cas, j'imagine - il serait utile de disposer de chiffres en la matière, monsieur le garde des sceaux -, la chambre d'accusation suit l'avis de son président. Cette disposition est donc inutile.

S'agissant maintenant de l'appel des décisions de cours d'assises, vous avez signé, monsieur le garde des sceaux, une circulaire tout à fait extraordinaire selon laquelle il serait moins coûteux de désigner la nouvelle cour dans le même ressort judiciaire.

Nous estimons au contraire que la seconde cour d'assises doit être désignée dans un autre ressort, car il est préférable que les magistrats qui examinent successivement un même dossier ne soient pas en contact quotidien, ou presque, les uns avec les autres !

Pour le reste, en ce qui concerne le renforcement de l'équilibre de la procédure pénale, ce texte tend surtout à substituer des collèges aux pôles, et inversement !

Curieusement, et sans qu'on sache d'ailleurs vraiment pourquoi, le Sénat prend systématiquement le contre-pied de l'Assemblée nationale, qui peut-être n'a pas bien compris de quoi il s'agissait, à moins que ce ne soit la Haute Assemblée ! En tout cas, quand des articles du projet de loi prévoyaient des collèges de magistrats, la rédaction de la commission les remplace la plupart du temps par des pôles, et inversement.

Pour notre part, nous avons déposé un amendement tendant à autoriser les avocats à assister à tout moment à la garde à vue. Cette mesure est urgente, et elle pourrait être mise en place tout de suite, à la différence des autres dispositions du texte !

En effet, vous nous affirmez que la création des pôles de juges d'instruction n'est pas possible dans l'immédiat, d'autant que - et vous avez apparemment envisagé ce problème - de nombreux magistrats et greffiers partiront bientôt en retraite. Aux termes du rapport, cette mesure ne pourra donc être appliquée avant cinq ans...

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