Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 6 février 2007 à 16h00
Recrutement formation et responsabilité des magistrats équilibre de la procédure pénale — Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « désastre judiciaire sans précédent » selon le Président de la République, « fiasco judiciaire » selon la proposition de résolution adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale pour la création d'une commission d'enquête, « véritable naufrage, séisme, échec judiciaire sans précédent » selon le principal syndicat de magistrats, l'affaire d'Outreau a bouleversé et traumatisé les Français et porté gravement atteinte à leur confiance dans la justice.

Monsieur le garde des sceaux, « plus rien ne sera désormais comme avant », m'affirmait déjà votre prédécesseur à la Chancellerie au lendemain du verdict de la cour d'assises de Saint-Omer, alors qu'il restait encore un long chemin à parcourir pour faire triompher la vérité et reconnaître l'innocence.

Mes chers collègues, vous me permettrez de m'éloigner quelque peu dans mon introduction des propos de notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, l'ombre d'Outreau plane sur ces deux projets de loi dont le Sénat commence l'examen avec l'ardente obligation de faire en sorte que ce drame humain n'ait pas été inutile et ne s'ajoute pas à la liste déjà trop longue des échecs judiciaires, à côté de l'affaire de Bruay-en-Artois ou de celle du petit Grégory, par exemple, mais qu'il suscite au contraire une réconciliation entre le peuple français et la justice qui est rendue en son nom.

Ne pouvons-nous déjà considérer comme une première avancée encourageante l'attention soutenue et jamais démentie que l'opinion publique a accordée aux retransmissions télévisées des auditions de la commission d'enquête parlementaire ?

La qualité du travail de nos collègues députés, la dignité des acquittés, la profondeur de la réflexion, le dépassement des clivages politiques ont permis en partie aux Français, me semble-t-il, de se réapproprier leur justice.

Les conditions se trouvent aujourd'hui réunies pour que la justice, pour la première fois, prenne toute sa place dans le grand débat démocratique de ce printemps 2007. Sans doute se rendra-t-on alors compte de l'existence d'un assez large consensus sur les grandes orientations d'une indispensable réforme de la justice. En effet, s'il y a certes, çà et là, des opinions divergentes, elles sont loin de coïncider avec les frontières habituelles des formations politiques.

De là, tout naturellement, ma première interrogation : n'aurait-il pas mieux valu laisser le débat se poursuivre et confier au nouveau Président - ou à la nouvelle Présidente - de la République et à la nouvelle majorité, forte de la légitimité immaculée du suffrage universel, le soin de mener à bien une réforme en profondeur de notre justice ?

En réalité, nous ne pouvions nous contenter d'attendre, me semble-t-il, d'une part parce que l'actualité judiciaire et l'actualité électorale ne se recouvrent pas et que d'autres Outreau restent chaque jour possible et, d'autre part, en raison du formidable espoir né dans la population, espoir qu'il eût été bien imprudent de décevoir.

À l'inverse, la proximité des élections présidentielles rendait inopportune l'ouverture de certains chantiers, comme l'indispensable refonte du Conseil supérieur de la magistrature, qui nécessitera la réécriture de l'article 65 de la Constitution.

Mes chers collègues, j'éprouve déjà quelques difficultés à me persuader de la pertinence, au moins en termes de calendrier, de l'ensemble des révisions constitutionnelles qui nous mèneront à Versailles à deux mois du premier tour des élections présidentielles. Je suis convaincu que celle-ci eût été de trop !

Est-ce à dire que nous serions confrontés aujourd'hui à une réforme a minima ? Je ne le crois pas davantage.

D'une part, le « Grand Soir », celui où l'on passerait de l'ombre à la lumière, m'apparaît encore plus surréaliste s'agissant de la justice qu'en matière politique.

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