Comme beaucoup de Français, je suis convaincu de la nécessité de renforcer notre procédure pénale en améliorant les droits de la défense et le principe du contradictoire.
À cet égard, permettez-moi de mentionner un exemple. Certains intervenants se sont demandé s'il était véritablement urgent de mettre en oeuvre une réforme de la justice, en affirmant que nous aurions la reporter au lendemain des prochaines échéances électorales. Je vais donc vous faire part d'un élément qui me semble tout à fait probant.
Aujourd'hui, on peut être placé en détention provisoire en l'absence de tout avocat. Une fois cette réforme adoptée, la présence d'un avocat sera obligatoire. Si certains estiment pouvoir attendre encore six mois avant la proclamation d'une liberté à mes yeux aussi fondamentale, c'est que nous ne partageons décidément pas la même conception des droits de la défense ! Pour ma part, je me réjouis de tels progrès. À mon sens, on ne pouvait pas attendre.
S'agissant des fautes disciplinaires, je n'ai pas prétendu être le seul capable d'apprécier la nécessité de saisir le CSM. En revanche, j'ai simplement rappelé que j'étais le seul à avoir des moyens pour caractériser le comportement des magistrats, puisque j'ai à ma disposition l'Inspection générale des services judiciaires.
Permettez-moi de vous faire part d'un autre argument. Vous souhaitez que tout citoyen puisse saisir le CSM. Mais n'avez-vous pas conscience que vous risquez de déstabiliser immédiatement l'institution judiciaire ? Avec un tel système, nous aurions cinq dépôts de plainte par jour la première année et plus de dix par jour dès la deuxième. Cela correspondrait donc à des milliers de dépôts de plaintes par an, qui concerneraient des milliers de magistrats. Réfléchissez donc bien avant d'adopter un tel dispositif. Pour ma part, je suis totalement opposé à ce système, qui me semble de nature à mettre en cause l'équilibre même de l'institution judiciaire.
Je voudrais également vous rappeler les délais d'application de cette réforme, puisque vous ne les avez visiblement pas compris.
D'abord, la plupart des mesures seront mises en application seulement quatre mois après l'adoption du présent projet de loi.
Ensuite, j'avais prévu un délai de neuf mois - mais j'ai déposé un amendement tendant à porter ce délai à douze mois - pour la mise en place des pôles de l'instruction, afin que nous disposions d'un temps suffisant pour former les magistrats. Je le rappelle, quarante postes budgétaires de magistrats supplémentaires sont prévus dans la loi de finances pour 2007. Mais, en fonction du périmètre que vous donnerez à la réforme de la justice, le ministère des finances abondera notre budget pour l'exécuter et l'appliquer.
Vous le savez, le coût de cette réforme est estimé à 30 millions d'euros. Si toutes les réformes avaient un coût similaire, nous n'aurions aucun problème pour les mettre en oeuvre. Par rapport au budget de la justice, qui s'élève à 6, 2 milliards d'euros, une réforme à 30 millions d'euros ne représente qu'un effort tout relatif. Il n'y aura donc aucune difficulté pour appliquer la loi que vous aurez adoptée.
Monsieur Lecerf, je vous remercie d'abord de l'ensemble de votre propos et de votre clarté. J'ai été particulièrement sensible à certains des points que vous avez soulignés.
Vous l'avez notamment rappelé, le Gouvernement et la majorité ont respecté les engagements qu'ils avaient pris devant les Français suite à l'acquittement de certains des accusés d'Outreau. Je vous remercie d'avoir rappelé qu'il n'y a pas, et c'est heureux, de « Grand Soir » en matière de réforme de la justice, sauf à bouleverser nos institutions et à les rendre inefficaces.
La lutte contre la solitude et l'irresponsabilité est non pas une « réformette », mais bien une nécessité liée à l'importance des pouvoirs exercés par les magistrats. Je vous remercie d'avoir rappelé cette vérité.
Enfin, vous avez, me semble-t-il, raison : l'apport du regard extérieur sur les dysfonctionnements de la justice par l'intermédiaire du Médiateur de la République constitue une véritable innovation. Comme vous, je crois possible de simplifier encore notre dispositif en supprimant le filtre des parlementaires. Je le rappelais d'ailleurs voilà un instant.
Madame Boumediene-Thiery, vous avez évoqué une « réforme ambitieuse réclamée par tous les magistrats ». Le problème est que personne ne s'accorde sur le contenu éventuel d'une telle réforme.
Les uns prônent la fusion des différents corps de magistrats, quand d'autres plaident pour l'indépendance du parquet. Pour d'autres encore, la grande réforme réside dans la suppression du juge d'instruction. Pour ma part, je n'ai pas vu le moindre début de commencement d'unanimité parmi les principaux responsables de la magistrature, les plus hauts magistrats, les universitaires et les avocats. J'attends donc cette fameuse « grande réforme » avec le sourire et je serais curieux d'en connaître le contenu.
Vous évoquez le caractère dangereux de la nouvelle faute disciplinaire. Je suis un peu surpris. En effet, si vous avez suivi, ce dont je ne doute pas, les travaux de la commission des lois, vous savez qu'un amendement déposé par M. le président Hyest et par le rapporteur M. Zocchetto permet de se rapprocher de l'avis très restrictif du Conseil d'État. Nous n'avons donc pris aucun risque sur ce dossier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d'avoir pris part à ce débat. Si besoin est, je serai heureux d'expliciter les positions du Gouvernement lors de la discussion des articles.