Intervention de Pierre Fauchon

Réunion du 6 février 2007 à 16h00
Recrutement formation et responsabilité des magistrats équilibre de la procédure pénale — Articles additionnels après l'article 1er A

Photo de Pierre FauchonPierre Fauchon :

Comme je l'ai souligné à l'occasion de la discussion générale, cet amendement vise à attirer l'attention sur un problème qui me paraît essentiel : la formation des magistrats.

Pour ma part, si j'accueille les mesures proposées avec l'espoir qu'elles apporteront certaines améliorations, je suis convaincu qu'elles ne remédieront pas fondamentalement aux problèmes de notre justice. À cet égard, nous avons assisté aux projections des auditions d'une célèbre affaire judiciaire à laquelle il a souvent été fait référence dans cet hémicycle. À cette occasion, nous avons pu dresser plusieurs constats. Nombre de magistrats vivent enfermés dans un monde clos et leur formation est toute théorique ; ils n'ont donc peut-être pas toutes les qualités requises pour faire preuve du discernement qui s'impose.

D'ailleurs, les plus hautes autorités judiciaires, que l'on peut difficilement suspecter d'être hostiles aux magistrats, ont également souligné le problème de la formation, qu'elles estiment essentiel.

À cet égard, permettez-moi de mentionner les propos de M. Canivet, Premier président de la Cour de cassation, qui, lors de la séance solennelle de rentrée voilà un an, déclarait ceci : « La formation du juge conditionne l'authenticité de la justice. Elle lui apprend non seulement à rendre des décisions conformes au droit ; bien plus, elle l'incite à réfléchir à son rôle, à sa place dans les institutions [...], à ses présupposés, à la vérité, à l'équité... ».

Un an plus tard - c'était il y a quelques semaines -, M. Nadal, le procureur général près la Cour de cassation, reprenait pratiquement le même discours : « Ne nous y trompons pas, c'est une crise majeure. Elle implique de reconsidérer les fondations avant même de modifier telle ou telle disposition de procédure civile ou pénale. Je ne crois pas que quelques ajustements de procédure nous sortiront de l'ornière. C'est, je le répète, aux fondations qu'il faut s'attaquer. Par là, j'entends principalement la formation des magistrats [...]. »

Je ne suis pas de ceux qui croient que savoir rédiger de bonnes compositions ou réussir de brillants exposés oraux rendent, à eux seuls, capable de comprendre les réalités de la vie. Parce que ces réalités ne se comprennent qu'à condition de les avoir vécues, je propose de poser en principe général que seules des personnes ayant exercé des activités professionnelles puissent accéder à la magistrature ; il ne s'agit pas nécessairement d'activités judiciaires, mais d'activités exercées dans des entreprises, des associations, des administrations, pourvu que ce soit dans des postes de responsabilités.

C'est ainsi que les juges pourraient acquérir davantage de réalisme - bien entendu, il n'y a jamais de miracle -, de sensibilité au réel et de discernement, toutes choses qui sont si importantes et que l'on n'apprend pas avec l'art de passer des concours.

Je ne veux pas me référer au système anglo-saxon, qui est probablement le meilleur, où seuls des avocats confirmés accèdent à la fonction de magistrat. Sans aller jusque là, je pense qu'il serait tout à fait souhaitable qu'on ne devienne pas magistrat sans avoir une expérience professionnelle de cinq ou dix ans.

Je mesure naturellement la difficulté d'improviser la mise en oeuvre d'une telle disposition dans le cadre limité du projet de loi dont nous sommes saisis. Je souhaite surtout qu'elle nous aide à tourner notre attention vers ces problèmes de formation, qu'elle nous encourage à aller plus loin dans la direction ainsi ouverte et à développer une réflexion approfondie et comparée, car nous vivons dans un espace judiciaire européen. Il est très instructif de savoir ce que font les grandes démocraties voisines et amies.

Je souhaite que nous engagions une action d'information : je crois savoir que le président de la commission des lois y pense et je le remercie par avance de ce qu'il pourra me dire à ce sujet. Cela me permettra de voir jusqu'à quel point je dois pousser ma proposition.

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