Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 6 février 2007 à 16h00
Recrutement formation et responsabilité des magistrats équilibre de la procédure pénale — Article additionnel après l'article 1er C

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Cette proposition préconisant l'exécution par les auditeurs de justice d'un stage d'une durée d'un mois dans une collectivité locale de taille moyenne ou petite pourra paraître routinière et superfétatoire. Encore un stage, me direz-vous ! Sauf que la situation et le rôle des maires par rapport à la justice sont tout à fait particuliers.

D'abord, aux termes du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, les maires sont les coordonnateurs des politiques de prévention et de l'action de leurs divers acteurs. Destinataires d'informations sur les troubles à l'ordre public survenus sur le territoire de leur commune et des suites judiciaires qui leur sont données, ils seront amenés à travailler en concertation avec le procureur de la République et le juge des enfants tout particulièrement.

Sauf à considérer qu'il ne s'agit là que de dispositions décoratives, il serait très utile que, durant leur formation, les futurs magistrats puissent acquérir un minimum de connaissances sur la fonction municipale et ses conditions d'exercice.

Ensuite, comme chacun le sait, une politique efficace de lutte contre la récidive passe par l'organisation systématique de la sortie de prison, le pire étant la sortie sèche, sans préparation ni dispositif d'accompagnement.

En ce domaine, les collectivités locales peuvent et devraient jouer un rôle essentiel. Elles peuvent fournir des terrains quasi illimités pour la mise en oeuvre de chantiers de travaux d'intérêt collectif, socialement utiles, valorisés aux yeux de la collectivité et des détenus eux-mêmes, ce qui est essentiel.

Dans le Var, ont été mis en place de tels chantiers de débroussaillement de la forêt et de réhabilitation du patrimoine avec des détenus en fin de peine. Pour vous être rendu sur place, monsieur le garde des sceaux, vous savez qu'ils donnent entière satisfaction ; aussi avez-vous encouragé ce type d'action et son extension à d'autres territoires.

Le développement de ces actions suppose cependant que certaines préventions soient levées de part et d'autre, ce à quoi les stages que nous préconisons peuvent concourir fortement.

Enfin, pour les maires et nonobstant la loi du 10 juillet 2000 due à notre excellent collègue Pierre Fauchon, la question de la responsabilité pénale pour délit non intentionnel n'est toujours pas réglée de manière satisfaisante. Responsables de tout, les maires savent qu'ils seront un jour coupables de quelque chose.

Comme le souligne une étude de la jurisprudence postérieure à la loi du 10 juillet 2000 réalisée par le cabinet Landot pour le compte de l'Association nationale des élus de la montagne, la loi Fauchon a eu comme résultat non pas une meilleure prise en compte par le juge des conditions d'exercice réelles du mandat local, mais... un souci plus grand dans la motivation des décisions.

Je me limiterai à un seul exemple, la condamnation du maire d'une petite commune du sud de la France à la suite d'une électrocution lors d'un bal public. Non seulement le manque de moyens dont disposait le maire n'a pas été retenu à sa décharge, mais il l'a été à charge. Le jugement a été confirmé en cassation.

Pour la cour d'appel, en tant que « maire d'une commune de 870 habitants n'ayant que quatre employés, il se devait d'être d'autant plus présent que sa commune est petite » ! Cela ne s'invente pas et cette phrase signe à elle seule le fossé d'incompréhension actuel entre les magistrats et les élus locaux, fossé que le présent amendement vise à combler, au moins partiellement.

Au total, il y a donc au moins trois raisons majeures de réserver dans la formation des magistrats un moment - un mois, c'est très court - où ils pourront apprécier, directement et par eux-mêmes, les conditions d'exercice de la fonction de maire.

Quant au caractère peut-être réglementaire de cette disposition, que l'on va sans doute m'objecter, je répondrai par avance qu'un stage dans une commune n'est pas une disposition plus réglementaire qu'un stage dans un cabinet d'avocats.

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