Le présent amendement prévoit que les nominations aux emplois de procureurs généraux, décidés en conseil des ministres, seront désormais soumises à un avis préalable du Conseil supérieur de la magistrature.
Si les pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature sont relativement étendus s'agissant des magistrats du siège - ils sont inamovibles et nommés soit sur proposition, soit sur avis conforme du Conseil -, en revanche, ils sont restés particulièrement modestes concernant les magistrats du parquet. Cela explique les multiples controverses qui ne cessent de se développer, comme nous l'avons encore vu récemment.
En effet, les procureurs sont actuellement nommés après un simple avis du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui laisse au garde des sceaux toute latitude dans le choix de la hiérarchie du parquet avec laquelle il souhaite travailler.
Quant aux procureurs généraux, ils sont nommés directement en conseil des ministres, sans que le Conseil supérieur de la magistrature puisse donner son avis, serait-il « simple ».
Je rappelle que pour éviter les nominations susceptibles de prêter à controverse ou à discussion, le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature - débattu en 1998 par le Parlement avant d'être abandonné - prévoyait que toutes les nominations devaient être soumises à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.
Si cette mesure avait été retenue - il est vrai que la majorité sénatoriale de droite y est particulièrement hostile -, elle aurait constitué un progrès par rapport à l'existant, même si le Conseil supérieur de la magistrature ne se voyait toujours pas accorder le pouvoir de proposition pour les parquetiers.
Nous souhaitons aller au bout de cette logique d'indépendance et, en conséquence, aligner les procédures de nomination des magistrats du parquet sur celles qui sont en vigueur pour les magistrats du siège.
Ainsi, en pratique, le fait que le garde des sceaux ait le pouvoir de proposition implique que si une personne n'est jamais proposée, elle pourra n'être jamais nommée. On le constate, l'indépendance de la justice trouve ici ses limites. Il n'y aura pas d'innovation notable ni de changements radicaux dans ces procédures de nomination.
Force est de constater que la grande réforme de la justice que la commission d'enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de la justice dans l'affaire d'Outreau a laissé espérer butte sur des oppositions très importantes.
Nous considérons que l'indépendance des magistrats constitue avant tout un droit du justiciable.
En effet, au regard des principes constitutionnels, tels que l'égalité des citoyens devant la loi et la protection des libertés individuelles, l'indépendance des magistrats est la condition essentielle pour garantir le justiciable de toute forme d'injustice ou d'inégalité.
La nomination des magistrats du parquet devrait relever d'un organisme qui ne puisse pas être identifié à un pouvoir politique. Il faudrait alors distinguer le statut fonctionnel et le statut personnel des parquetiers afin de garantir l'équilibre nécessaire entre une politique pénale unitaire sur l'ensemble du territoire et une indépendance permettant aux magistrats du parquet de résister aux pressions du pouvoir exécutif. Leur statut fonctionnel les lierait directement au pouvoir exécutif pour la politique pénale et ses missions d'administration, leur statut personnel, calqué sur celui des magistrats du siège, leur assurerait une autonomie propre face au pouvoir politique.
Compte tenu de la part prépondérante que conservent le Président de la République et le garde des sceaux au sein du Conseil supérieur de la magistrature - ils continuent de participer à ses travaux et de voter -, l'exécutif, on le voit bien, a la mainmise sur le judiciaire. Une récente nomination l'a encore montré.
Il est donc, à notre sens, nécessaire de modifier les dispositions relatives au Conseil supérieur de la magistrature.
Tel est le sens de cet amendement, en attendant une éventuelle réforme.