Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 6 février 2007 à 21h45
Recrutement formation et responsabilité des magistrats équilibre de la procédure pénale — Article 5 A

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

L'article 5 A, qui a été introduit à l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement, tend à compléter la définition de la faute disciplinaire afin d'en clarifier la portée au regard des actes juridictionnels.

Aux termes de l'article 43 de l'ordonnance de 1958, « Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire ».

La question de la responsabilité des magistrats fut soulevée lors de l'affaire dite d'Outreau, mais pas seulement à cette occasion. Nous avons tous en effet en tête les propos du ministre de l'intérieur exprimant le souhait que le juge puisse « payer pour sa faute ».

La confusion a ainsi été introduite dans les esprits : les magistrats sont-ils irresponsables, voire intouchables ? Faut-il modifier leur serment ? Faut-il permettre de les poursuivre dans le cadre de leur activité juridictionnelle ?

Toutes ces questions sont légitimes. Toutefois, elles ne trouvent pas de réponse dans le texte qui nous est présenté aujourd'hui, ni dans un sens ni dans l'autre.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a tout d'abord essayé de modifier le serment des magistrats. Cette initiative a été fort heureusement abandonnée, mais ce fut au profit de cet article 5 A.

La « précision » apportée au premier alinéa de l'article 43 de l'ordonnance de 1958 change-t-elle réellement quelque chose ou sert-elle simplement d'affichage vis-à-vis de l'opinion ?

Si la réponse à ma première interrogation devait être positive, cela reviendrait à balayer d'un revers de main la jurisprudence fournie du Conseil supérieur de la magistrature en matière de sanction des fautes disciplinaires.

Par ailleurs, l'article 5 A soulève un autre problème. En effet, il concerne assez directement l'acte juridictionnel, puisqu'il prévoit une nouvelle forme de contrôle de l'application des règles de procédure. Or le CSM a également été très clair sur ce point. Ainsi, il rappelle que la décision juridictionnelle doit être prise en toute indépendance et à l'abri de toute pression ; elle doit donc rester exclue du champ disciplinaire.

Le Conseil supérieur de la magistrature a toujours écarté du domaine disciplinaire les décisions juridictionnelles, n'y faisant exception que dans l'hypothèse où un juge avait, de façon grossière et systématique, « outrepassé sa compétence ou méconnu le cadre de sa saisine, de sorte qu'il n'avait accompli, malgré les apparences, qu'un acte étranger à toute activité juridictionnelle ».

Il s'agit donc non pas de garantir une immunité au juge, mais bien de respecter l'égalité de tous les citoyens devant la loi.

Pour répondre à la question que je posais en introduction, je crois devoir affirmer que, si les juges ne sont ni intouchables ni irresponsables, ils doivent toutefois pouvoir exercer leur activité juridictionnelle en toute indépendance. Or ce n'est pas exactement ce que garantit l'article 5 A. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à le supprimer.

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