Mes chers collègues, si nous débattons au milieu de la nuit, nous ne sommes pas pour autant coupés du monde extérieur. Et nous ne légiférons pas pour faire plaisir à quiconque, ni pour nous faire plaisir, mais parce que tel est le devoir que nous avons vis-à-vis de nos concitoyens.
Or, s'agissant de la responsabilité des magistrats, question au centre de ce projet de loi organique et au coeur de nos discussions, nous devons davantage prendre en compte les souhaits de nos concitoyens, qui veulent une réforme profonde, mais aussi des garanties. Or, malheureusement, je ne vois rien, dans le texte qui nous est présenté, qui réponde à l'attente de nos concitoyens, et je le regrette profondément.
J'avais trouvé très intéressante l'idée de Jean-Jacques Hyest de créer, non pas une « commission Théodule », mais une commission dédiée au tri, à l'examen et à l'étude des plaintes, dotée de moyens appropriés et destinée à éviter l'engorgement des diverses instances. Nous savons tous, en effet, qu'un grand nombre de saisines seront purement fantaisistes.
Mais une telle commission ne peut, selon moi, répondre à l'attente de nos concitoyens que si ses décisions sont suivies d'effets. C'est pourquoi je ne comprends pas la volonté de M. le garde des sceaux de rester le maître du jeu.
Le ministre de la justice a pourtant assez de tâches à assumer pour ne pas, en plus, s'occuper des réclamations de nos concitoyens !
Que se passerait-il si cette commission, ou le Médiateur - si nous en revenions à cette idée -, se prononçait pour la saisine, par l'intermédiaire du garde des sceaux, du Conseil supérieur de la magistrature, et que le garde des sceaux ne donne pas suite à la décision ? Un tel comportement, scandaleux, ne serait pas compris par l'opinion !
Si nous voulons vraiment répondre à l'attente de nos concitoyens, pourquoi faire intervenir le garde des sceaux, qui sera lié, en tout état de cause, par la décision de la commission ? Il serait plus simple de prévoir d'emblée qu'il doit rester en dehors de ce dispositif. Il sera, ainsi, protégé et ne pourra être accusé de s'immiscer dans le fonctionnement de la justice.
La proposition de la commission des lois me semblait donc excellente, pour autant que la logique soit suivie jusqu'au bout et que l'instance mise en place soit une véritable commission de vérification et de tri des plaintes, placée auprès du Conseil supérieur de la magistrature.
Il en a, hélas ! été décidé autrement. Je vous le dis, et vous le verrez bien, l'opinion publique nous reprochera de ne pas être allés assez loin ! Le candidat à l'élection présidentielle que je soutiens a d'ailleurs insisté, récemment, sur la nécessité, pour tout homme et toute femme détenant un pouvoir sur les autres, d'assumer ses responsabilités et de rendre des comptes. Chacun est concerné et, en tant qu'élus, nous le sommes au premier chef.