« J'ai accompli de délicieux voyages, embarqué sur un mot », disait Honoré de Balzac. C'est un tel voyage que vous m'avez fait faire, monsieur le garde des sceaux, avec le mot « lié », qui évoque, d'une part, la privation de liberté, mais, d'autre part, l'attachement que l'on porte aux choses.
C'est dans ce deuxième sens que je l'employais lorsque je disais que le garde des sceaux serait « lié » par les conclusions de la commission chargée d'examiner les réclamations. Ainsi revêtue d'un véritable pouvoir et d'une véritable compétence, cette dernière apparaîtrait, aux yeux des citoyens, comme vraiment garante de leurs droits et répondrait à leurs attentes.
Comment pourriez-vous expliquer à l'opinion publique qu'une décision de saisine du CSM ne soit pas transmise par le garde des sceaux ? Je ne peux croire à une telle possibilité ! Ou alors, c'est que la commission ne vaut rien... C'est pourquoi il me paraît préférable que le garde des sceaux ne soit pas « lié » par cette commission.
À titre d'exemple, imaginez un seul instant que le comité de filtrage pour la saisine de la Cour européenne des droits de l'homme doive passer par un commissaire : plus personne ne croirait en la valeur de la justice !
Un homme - ou une femme - peut diriger, gérer ou prendre seul des décisions politiques, mais, en matière de réclamations et donc de justice, il faut une collégialité, et une collégialité indépendante. À défaut, le justiciable ne peut avoir confiance.
C'est la raison pour laquelle je n'ai pas compris votre réaction, monsieur le garde des sceaux. Soyez assuré qu'il n'y avait pas d'animosité dans mon approche : j'ai beaucoup d'estime pour vous et je sais, je le dis devant tous mes collègues ici présents, que vous faites un excellent travail, mais, en l'espèce, j'attendais de vous plus d'audace. Je regrette que vous n'alliez pas plus loin, mais, après tout, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.