Nous n'avons pas demandé à discuter d'une réforme de la procédure judiciaire. Mais à partir du moment où il a été décidé d'en débattre, autant s'efforcer de poser les problèmes de fond.
La base de travail que constitue la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau n'est quand même pas mauvaise. Ainsi, dans la synthèse des propositions formulées par cette commission, il est question de rendre obligatoire l'enregistrement audiovisuel de tous les interrogatoires réalisés pendant la garde à vue ; il n'est pas précisé « pendant l'audition par le magistrat instructeur ».
Cela dit - et c'est le point essentiel sur lequel j'ai déjà eu l'occasion d'insister -, le problème n'est pas là ! On ne peut pas, d'un côté, répéter, en long et en large dans la presse, à longueur d'année, que, dès qu'il y a un risque quelconque, il faut mettre les gens en prison, peine éventuellement assortie de mesures de sûreté, et, de l'autre, s'émouvoir que des innocents aillent en prison. Quelle hypocrisie ! Un jour, on s'occupe des victimes des monstres et, le lendemain, on s'inquiète des victimes de la justice. À quoi cela rime-t-il ?
Le problème est qu'il faut aborder la question de front : dans une démocratie comme la nôtre, quand il y a un doute - ce qui se produit souvent, même dans les affaires les plus simples, comme on l'a bien constaté pour celle d'Outreau, qui, au départ, est extrêmement simple puisque l'on sait où sont les coupables et les innocents -, il faut choisir entre libérer un monstre ou mettre en prison un innocent dont on va ruiner la vie.
Là est le véritable drame, qui se reproduira tant que l'on n'aura pas tranché cette question, tant que l'on se contentera de proclamations abstraites sur le principe de la présomption d'innocence et que, dans la réalité, les juges seront, sous la pression - je réalise ce que cela peut représenter pour eux -, poussés à prendre le maximum de précautions, afin de couper court à tout reproche ultérieur.
Il ne faut donc pas s'étonner que des innocents soient massacrés dans de telles circonstances. Réunir tout le monde sous le vocable de « victimes », et prétendre s'occuper de ces victimes en modifiant la procédure, c'est de l'hypocrisie pure et simple !