Intervention de Michel Billout

Réunion du 12 janvier 2010 à 22h00
Moyen-orient — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Cette proposition me paraît d’une extrême actualité, et j’y reviendrai dans quelques instants.

Je voudrais tout d’abord rappeler que l’offensive militaire israélienne était totalement disproportionnée par rapport aux tirs de roquettes en provenance de Gaza qui l’avait motivée : elle a fait plus de 1 400 victimes palestiniennes, dont 60 % de civils, parmi lesquels un grand nombre de femmes et d’enfants.

Les conditions mêmes de cette opération ont d’ailleurs suscité un rapport commandé par la commission des droits de l’homme de l’ONU, qui, bien qu’il mette aussi en accusation le mouvement Hamas, est accablant pour les autorités militaires israéliennes : il leur impute très précisément des crimes de guerre.

Depuis un an, la population de la bande de Gaza, qui a subi cette guerre, souffre d’un nouveau blocus total. Il prolonge celui qui avait été instauré par Israël à la suite de la prise du pouvoir par le Hamas sur ce territoire en juin 2007 au détriment de l’Autorité palestinienne.

Cette mesure s’apparente à une punition collective. Elle a de dramatiques conséquences humanitaires et sanitaires, car la population civile manque d’eau, d’électricité et a difficilement accès aux soins médicaux. Avec le blocus, la reconstruction des infrastructures et des habitations détruites est impossible, l’économie et l’agriculture sont asphyxiées.

Depuis un an, les divisions, qui se traduisent parfois par des affrontements armés entre les différentes factions palestiniennes, se sont malheureusement accentuées.

Faute d’un accord entre le Fatah et le Hamas, la direction de l’OLP, l’Organisation de libération de la Palestine, avait, en effet, été obligée de différer, le 16 décembre dernier, la date des élections présidentielle et législatives, et de prolonger les mandats de Mahmoud Abbas à la présidence de l’Autorité palestinienne et du Parlement.

Il semblerait toutefois ces jours derniers que la réconciliation entre les différents groupes, sous les auspices de l’Égypte et de l’Arabie saoudite, puisse revenir à l’ordre du jour. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous apporter des précisions sur ce sujet.

Depuis un an également, un élément nouveau est intervenu avec le triple refus du gouvernement israélien de mettre un terme définitif à sa politique de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, de reconnaître Jérusalem comme capitale des deux États et de lever le blocus de Gaza. C’est le principal obstacle à une reprise des négociations entre Israël, les Palestiniens et les États arabes.

Dans ce conflit, l’impression prévaut que ce qu’il est convenu d’appeler « la communauté internationale » a laissé Israël agir en toute impunité et ignorer toutes les résolutions de l’ONU qui condamnaient sa politique. Nous devons réagir face à cette passivité de la communauté internationale qui, depuis un an, n’a pratiquement pris aucune initiative de nature à régler ce conflit.

Le Président Obama, tant dans son discours du Caire que par l’envoi du négociateur George Mitchell dans la région, avait suscité de grands espoirs. À la différence de l’administration précédente, il s’était clairement prononcé pour une solution à deux États et a demandé l’arrêt complet de la colonisation. Il a malheureusement déçu en acceptant par la suite le moratoire israélien sur cette question décisive pour la création d’un État palestinien viable.

L’Union européenne, qui a des atouts en tant que premier partenaire économique d’Israël et principal contributeur en matière d’aide aux territoires palestiniens, s’est pour sa part toujours refusée à prendre une position qui lui soit propre.

Elle se contente de suivre la stratégie de l’administration américaine.

C’est la raison pour laquelle les pays européens, bien qu’ils dénoncent la poursuite de la colonisation et se prononcent eux aussi pour une solution à deux États, se satisfont d’un moratoire de dix mois sur la colonisation en Cisjordanie excluant Jérusalem-Est.

La semaine dernière, l’émissaire spécial pour le Proche-Orient, George Mitchell, a évoqué la possibilité pour les États-Unis de retirer leur soutien aux garanties de prêt à Israël – système grâce auquel l’État hébreu a bénéficié de milliards de dollars de prêts à des taux préférentiels – afin de faire pression sur le gouvernement israélien. Aussi, une pression de l’Union Européenne concernant les conditions d’application de l’accord d’association serait pertinente. C’est encore l’objet de la proposition de résolution déposée par le groupe CRC-SPG.

Quant à la France, sa position est extrêmement ambiguë.

Après s’être abstenu de participer au vote ayant abouti à l’adoption du rapport Goldstone à l’Assemblée générale de l’ONU, notre pays a également considérablement affaibli la portée de la résolution proposée lors du Conseil Affaires étrangères le 8 décembre dernier par la présidence suédoise et prévoyant la reconnaissance de Jérusalem-Est comme capitale d’un futur État palestinien en refusant que cette mention y figure. Et je préfère ne pas évoquer les déclarations consternantes de notre ambassadeur à Tel-Aviv qui s’interroge sur la crédibilité des crimes de guerre, la réalité du blocus de Gaza ou même, selon Le Canard enchaîné, sur la pertinence de vouloir stopper la colonisation.

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