Intervention de Josette Durrieu

Réunion du 12 janvier 2010 à 22h00
Moyen-orient — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Josette DurrieuJosette Durrieu :

Les Palestiniens sont divisés, nous l’avons également tous dit. Monsieur le ministre, nous avons une lourde responsabilité concernant les élections de 2006 remportées par le Hamas. C’est un déni de démocratie : on ne reconnaît pas le résultat d’élections que nous sommes allés observer et que nous avons pourtant validées ! Nous devons en assumer les conséquences : la guerre et le blocus de Gaza.

La réconciliation, on le sait, passera par de nouvelles élections. Mais nous ne sommes pas en mesure de faire que ces élections puissent se dérouler : elles sont sans cesse reportées. Quand auront-elles lieu ?

On a fondé beaucoup d’espoirs dans le nouveau président des États-Unis, Barack Obama. Il ne pouvait sûrement pas tout faire ; il a néanmoins essayé et il faudra pourtant bien qu’il parvienne à faire quelque chose !

L’intention était bonne : il a remis au centre du débat le problème israélo-palestinien. La centralisation de ce problème était indispensable, il l’a dit. La stratégie initiale était judicieuse. Le sénateur George Mitchell a fait une tournée, certes sans succès, mais le Président Obama avait probablement investi le meilleur des émissaires. Les discours étaient bons mais ils n’ont pas abouti. Ensuite, il y a eu ce que certains appellent la volte-face du Président, et les discours malheureux de Mme Clinton.

Où en sommes-nous maintenant ?

L’Union européenne, chacun d’entre nous le dit, est un nain politique, mais c’est aussi un bon payeur. Monsieur le ministre, nous avons accompagné et financé des projets en leur accordant des sommes importantes de plusieurs millions voire de plusieurs milliards d’euros.

Le projet ASYCUDA, mis en place en 2001, concerne le contrôle des douanes. Or on ne contrôle rien dans un pays qui n’a pas de frontières ! On pourrait au moins contrôler la frontière entre Gaza et l’Égypte mais ce fameux logiciel, qui est l’un des plus performants du monde, ne fonctionne pas à Rafah. C’est bien dommage !

Dans le cadre du projet Seyada de renforcement du système judiciaire palestinien, mis en place en 2009, on crée des structures, on forme des juges et on crée des réseaux entre les tribunaux de Cisjordanie. Est-ce vraiment la priorité aujourd’hui ?

La formation de la police était en revanche une excellente démarche. Les policiers ne pouvant être formés en Palestine, ils le sont à l’étranger. Mais à quoi servent-ils puisque 80 % du territoire est maîtrisé par Tsahal ? Cependant, ces policiers sont efficaces là où ils se trouvent, à Naplouse notamment.

Que penser de cette opération sur l’enregistrement foncier, le cadastre en Cisjordanie aujourd’hui ?

On se préparait sans doute à faire vivre un État le jour où il a été créé. Mais, monsieur le ministre, jusqu’à présent combien d’argent a été engagé par la Communauté européenne et par la France ? Jusqu’à quand va-t-on continuer dans ces conditions ?

Certes, cet état des lieux est rapide ; d’autres en ont proposé un plus complet et différent.

J’en viens aux raisons de cette situation et aux responsabilités de chacun. Bien sûr, il faut citer George Bush et Tony Blair – George Bush, surtout. Il faut évoquer aussi la faiblesse de l’Europe, on l’a dit et on ne cessera de le dire.

Mais pourquoi une telle obstination destructrice d’Israël ? Comme le dit toujours le diplomate et historien Elie Barnavi – que vous connaissez sans doute personnellement, monsieur le ministre –, si ça continue, il en sera fini du rêve israélien !

La politique menée par Israël est destructrice. Qui peut le faire comprendre aux gens sensés – et il y en a – de ce pays ?

Il faudrait connaître un peu plus le rapport Goldstone qui, au-delà des murs et des miradors, évoque ces pratiques et ces méthodes tout à fait condamnables.

Concernant la communauté internationale, c’est-à-dire nous, monsieur le ministre, je reviendrai sur un certain nombre de principes qui vous sont chers, j’en suis sûre.

On ne peut déposséder les Palestiniens à la fois de leur terre et de leurs droits !

À la suite des élections de 2006 a été commis un déni de démocratie. L’élection du Hamas était probablement prévisible ; elle a été consternante. Mais, vous avez raison, monsieur Marini, il fallait l’accepter, par la force des choses. On ne pouvait pas aboutir à un résultat pire que celui-ci ! Il fallait faire évoluer le Hamas. Pouvait-il évoluer ? Quoi qu’il en soit, il était un interlocuteur incontournable et il le reste : nous ne sommes pas plus avancés aujourd’hui.

Par ailleurs, nous, l’Europe et la France, surtout, comment pouvons-nous ne pas rappeler des droits qui sont également ceux des Palestiniens et des peuples du Moyen-Orient ?

Monsieur le ministre, au-delà du respect du droit au retour pour les réfugiés, il faudra maintenir ce principe, dont les modalités d’application seront bien sûr modulées, et on le sait très bien.

Comme Yasser Arafat me l’avait dit à la Mouqata’a, les Palestiniens installés au Chili ne reviendront évidemment pas, mais le droit au retour est un principe sacré.

Le droit à la résistance et à l’oppression existe : il est inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Nous, Français, oserons-nous un jour rendre leurs droits à ces hommes et à ces femmes ? En tant que fille de résistant, je n’ai pas envie que ce droit à la résistance soit identifié au terrorisme. On peut transformer des résistants en terroristes quand on ne les entend pas, et c’est évidemment ce qui se passe. Il faudrait de temps à autre parler du droit à la résistance et définir réellement ce qu’est le terrorisme.

Lors de vos déplacements, vous devez souvent entendre parler, monsieur le ministre, de cette politique de « deux poids deux mesures » à laquelle faisait référence Jean François-Poncet. Il ne s’agit pas seulement des résolutions de l’ONU, qui ne sont jamais respectées par les Israéliens. Il s’agit aussi de l’ambiguïté par rapport au problème du nucléaire.

On veut éviter la prolifération du nucléaire en le refusant à l’Iran, soit ! Mais comment peut-on accepter l’armement nucléaire de l’Inde et du Pakistan, qui ont signé le traité de non-prolifération, …

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