Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 12 janvier 2010 à 22h00
Moyen-orient — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est-il utile ? Voilà une question qui, au fil du temps, aura fait couler beaucoup d’encre. Certains saluent sa prudence, sa sagesse, et s’en réjouissent. D’autres dénoncent son conformisme, et le déplorent.

Ce soir, en tout cas, cette question ne se pose pas, car le rapport qui sert de support à notre débat fournit, sur des sujets aussi sensibles et complexes que ceux qui sont relatifs à la situation au Moyen-Orient, un diagnostic minutieux, alliant précision et discernement, et ce sans exonérer quiconque de ses responsabilités dans les déséquilibres et les blocages constatés aujourd’hui, je tiens aussi à le souligner Il faut ici reconnaître et saluer comme il le mérite le travail considérable de Jean François-Poncet et Monique Cerisier-ben Guiga.

Seulement voilà : si ce rapport est remarquable, il est malheureusement presque certain qu’il n’aura guère d’impact sur ceux qui auraient tout intérêt à le lire. La raison en est toute simple : bon nombre de ses recommandations n’ont manifestement pas été portées à la connaissance de ceux qui, à l’Élysée, décident des orientations de la diplomatie française, de ceux qui, chaque fin de semaine, portent la bonne parole dans les capitales du Moyen-Orient.

Monsieur le ministre, il est permis de s’interroger : quelle est réellement la position de la France et comment nos interlocuteurs peuvent-ils s’y retrouver face aux signaux contradictoires envoyés par notre pays ?

Le temps qui nous est imparti pour ce débat ne permet pas de revenir en profondeur sur chacune des crises que connaît la région, mais leur simple évocation suffit à traduire l’ampleur des inquiétudes en la matière.

En Iran, les aspirations démocratiques exprimées par une large partie de la population, lors des fêtes religieuses de l’Achoura, ont été réprimées dans le sang par un régime dont on sait qu’il ambitionne de se doter de l’arme nucléaire.

L’Irak, dont il est à présent admis que l’invasion a été décidée sur la base d’arguments fallacieux, reste confronté au défi du maintien de son unité, les États-Unis ayant imposé, après la destitution de Saddam Hussein, une architecture institutionnelle ignorante de la donne locale et propice à un éclatement confessionnel, matérialisé, comme nous l’avons vu, par plusieurs années de chaos.

L’Afghanistan, déjà handicapé par l’affrontement des expansionnismes sur son territoire au xixe siècle, instrumentalisé durant la Guerre froide par la mobilisation des intégrismes pour des causes étrangères, connaît une nouvelle intervention de la communauté internationale. Si elle est juridiquement légitime, elle n’a pas évité les faux pas stratégiques. Manque de cohérence et de coordination entre les différents intervenants, insuffisante prise en compte du tissu multiethnique et religieux, nombreuses sont les raisons qui expliquent l’enlisement actuellement constaté.

« La France n’enverra pas un soldat de plus [en Afghanistan] », a annoncé le Président de la République en octobre dernier, alors que le Président Obama était encore dans sa phase de réflexion sur l’ajustement de la stratégie américaine. Aujourd’hui, c’est Nicolas Sarkozy qui semble encore en train de réfléchir, puisqu’il n’exclut plus d’envoyer également des troupes pour venir gonfler le contingent français sur place. Rien n’est décidé, bien sûr.

Après le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ici, et alors qu’il est patent que cette décision n’a pas contribué à renforcer l’autonomie décisionnelle de la France, …

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