Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec satisfaction, vous n'en serez pas étonnés, que je constate l'unanimité sur l'article 1er de cette proposition de loi, qui corrige, comme nous l'avions indiqué en première lecture, une incohérence mettant en péril la fonction précieuse et nécessaire pour l'école de la République des DDEN, les délégués départementaux de l'éducation nationale.
Je tiens d'ailleurs à saluer ici la grande réactivité de ce corps de la communauté éducative, qui, dès le lendemain de l'adoption de l'article 40 de la loi Fillon, m'a interpellée à ce sujet, comme bon nombre de mes collègues parlementaires. Notre groupe avait d'ailleurs déposé une proposition de loi sur ce thème dès le mois de juillet 2005.
Chacun s'accorde à reconnaître l'apport indispensable des DDEN, historiquement liés à l'école publique et laïque ; ils assurent une fonction essentielle, tant par la diversité de leurs missions que par leur engagement citoyen.
Ces délégués portent attention à tout ce qui contribue, sur le plan matériel, à la qualité de la vie scolaire. En outre, leur rôle d'animateur et de personne ressource dans et autour de l'école n'est plus à démontrer, dans l'intérêt de l'école publique et laïque, afin de la rendre plus accueillante et efficace, pour le mieux-être des enfants.
Leur apport est d'autant plus indispensable que ce sont des acteurs de proximité, mieux à même d'appréhender l'environnement socio-économique dans lequel se situe l'école. Dissocier le lieu d'exercice de la fonction du lieu de résidence revenait à nier la dimension intrinsèque de proximité attachée à leurs missions.
Toutefois, si je me félicite de l'unanimité sur l'article 1er, je tiens à manifester mon profond mécontentement, ma colère même, quant à l'article 2, inséré par voie d'amendement par le Gouvernement. Celui-ci est l'illustration parfaite du « cavalier gouvernemental », même si le ministre, puis le rapporteur ont tenté avec habileté, dans la discussion générale, de trouver un lien avec le texte.
Adopté à la sauvette à l'Assemblée nationale, cet article permet au Gouvernement d'asseoir juridiquement le recrutement avec des contrats aidés en l'élargissant aux écoles.
Si les collèges et les lycées, en tant qu'établissements publics locaux d'enseignement, ont la personnalité juridique ainsi que l'autonomie administrative et financière leur permettant de procéder directement à ces recrutements, cela n'est pas le cas des écoles, dépourvues de personnalité juridique propre.
Monsieur le ministre, à vouloir réformer à tout prix, vous confondez vitesse et précipitation. Aussi vos mesures restent inappliquées et vous devez les corriger par ce type de subterfuge !
Cette proposition de loi avait d'ailleurs initialement avec son article unique le même objet, qui était de corriger un article voté dans la précipitation et sans aucune concertation avec les principaux intéressés, comme je l'ai dit précédemment !
Cette pratique, qui tend à devenir coutumière, non seulement traduit un mépris total du travail parlementaire, et donc des représentants du peuple français, mais également illustre pour cette occasion le peu d'égard du Gouvernement envers les DDEN.
De plus, elle nous paraît dangereuse pour la démocratie !
Lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre sa politique, le gouvernement auquel vous appartenez s'arroge le droit d'utiliser tous les artifices procéduriers. Mais, lorsqu'il s'agit d'obtenir des avancées sociales majeures, il fait preuve d'une soudaine et rigide déontologie !
J'en veux pour preuve le débat sur le projet de loi pour l'égalité des chances où nombre de nos amendements ont été rejetés, tant par la commission des affaires sociales du Sénat que par le Gouvernement, sous le prétexte fallacieux qu'ils étaient des cavaliers législatifs.
Ainsi, notre amendement tendant à accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections locales a été déclaré irrecevable. Pourtant, cette mesure allait vers plus d' « égalité des chances », pour reprendre votre expression, et avait donc un lien direct avec le texte !
Pour mon groupe, cet article que vous nous proposez, monsieur le ministre, est condamnable non seulement sur la forme, mais également sur le fond.
Le présent « cavalier » est un cheval de Troie à peine camouflé, un coup de bélier supplémentaire contre le code du travail !
Ces contrats que vous nous proposez pour l'embauche des personnels en emploi vie scolaire sont soit des contrats d'avenir, soit des contrats d'accompagnement dans l'emploi, les CAE, qui, dans le domaine de la précarité, font office de figure de proue !
Je vous rappelle à ce sujet notre opposition totale à ces dispositifs.
Lors de la discussion du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale instituant ces contrats, nous avions proposé la création d'un contrat unique suffisamment souple pour s'adapter aux situations individuelles, mais aussi très exigeant en termes d'accompagnement, de formation, d'insertion dans l'emploi stable ou de droits sociaux, afin de répondre aux besoins des personnes, et pas seulement, comme le conçoit le Gouvernement, « en fonction de la situation du marché du travail local » !
En ce qui concerne le présent texte, ces contrats répondent pour partie aux besoins des écoles en permettant aux directrices et aux directeurs d'envisager ces embauches de manière pérenne pour leur équipe éducative et aux personnes embauchées de bénéficier d'un emploi stable et formateur afin d'appréhender leur avenir plus sereinement.
Bien évidemment, ces emplois ne peuvent pas, à eux seuls, subvenir aux emplois qualifiés demandés par les chefs d'établissements.
Finalement, l'objectif non avoué de cet article 2 n'est-il pas pour le Gouvernement, et particulièrement pour M. Borloo, de sortir de l'échec de ces contrats d'avenir en « mettant le paquet », si vous me permettez l'expression, sur les établissements scolaires ?
En effet, je rappelle que seuls 13 500 contrats d'avenir ont été signés à la fin de l'année 2005, alors que la loi de programmation pour la cohésion sociale avait fixé un objectif de 185 000 contrats d'avenir !
Pour ces raisons, le groupe CRC conditionnera son vote au sort qui sera réservé à notre amendement tendant à supprimer l'article 2.