Voilà à peine plus d’un an, en votant la loi « télévision du futur » à l’issue d’un débat démocratique et d’un travail fructueux de la commission des affaires culturelles du Sénat, le Parlement se préparait à modifier le paysage audiovisuel à travers le passage au « tout-numérique ». Je rappelle que les sénateurs de la commission des affaires culturelles avaient insisté sur trois points inscrits dans la loi : l’importance de procéder entre 2008 et 2011, étape par étape, région par région ; l’importance de mener des campagnes nationales et locales sur les conséquences ; et l’impérieuse nécessité d’assister et d’accompagner tous les Français, surtout les plus fragiles.
C’est pour concrétiser ces trois points que la loi a créé un groupement d’intérêt public baptisé « France Télé Numérique ».
Alors, concrètement, où en sommes-nous aujourd’hui ?
Depuis un an, le débat a complètement été confisqué par les spécialistes de la question. On entend parler de plan cible, plan transitoire, dividende numérique, MPEG-2, MPEG-4, le tout oubliant totalement l’essentiel : les foyers français et les conséquences du passage au tout-numérique. À force de parler de technique, ce sont nos concitoyens qui sont oubliés et ce sont eux qui vont devoir agir pour s’adapter à cette nouvelle façon de regarder la télévision.
Or, la première étude de perception du grand public face au passage au tout-numérique, qui a été présentée le 29 avril à la commission des affaires culturelles, est riche de deux enseignements. Premièrement, le niveau de connaissance de nos concitoyens quant à la nature de leur réception analogique ou numérique est très faible, quasi nul ! Deuxièmement, 22% des Français, soit un sur cinq, estiment que ce changement leur posera problème, qu’il leur faudra une aide concrète et soutenue pour adapter leur installation télévisuelle au numérique.
Les deux principales craintes exprimées par cette catégorie sont le coût de l’équipement et la complexité anticipée du changement !
Alors, face à ces enseignements, face au retard français, plusieurs questions se posent, monsieur le secrétaire d’État, notamment pour mesurer et contrôler l’engagement de l’État et celui des chaînes historiques de télévision.
Pour l’État, et ce qui relève à 100% de son financement, à quel moment pourra-t-on savoir qui est aidé et éligible au fonds d’aide de l’article 102 ? Quel est le montant financier sur lequel l’État va s’engager pour ce fonds ? Alors que la loi a été promulguée en mars 2007, le décret d’application n’est toujours pas publié avant la première expérimentation de Coulommiers. C’est là une question majeure pour les élus ! À quel moment l’État va-t-il mandater France Télé Numérique pour enfin lancer la première campagne nationale de communication ? Quelles sont les estimations budgétaires allouées aux futures campagnes, au moins pour l’année 2009 ?
S’agissant maintenant de la partie communication locale et accompagnement des Français que les chaînes financent à 50 % : pour mémoire, les chaînes de télévision historiques se sont engagées, dans la convention constitutive du GIP France Télé Numérique, à financer un plafond de cent cinquante millions d’euros, les cent cinquante autres millions revenant à l’État. Cent cinquante millions d’euros, cela signifie : quarante-cinq millions d’euros pour France Télévisions ; trente millions d’euros pour TF1 ; trente millions d’euros pour Canal Plus ; trente millions d’euros pour M6 ; et quinze millions d’euros pour Arte France.
Alors, ma question est simple : les chaînes ont-elles l’intention de tenir leurs engagements financiers ? Sans cet engagement, c’est bien l’assistance concrète des personnes âgées, des personnes isolées, des personnes handicapées qui sera sacrifiée. Or, je rappelle qu’en contrepartie de ces engagements les chaînes privées ont reçu de la part du gouvernement un cadeau anticipé, une chaîne bonus pour TF1, M6 et Canal Plus. Et, au cas où cela ne suffirait pas, on y ajoutera les cadeaux de demain : transfert de la publicité de France Télévisions et possibilité de la seconde coupure publicitaire ! Comme l’a dit Michel Boyon, président du CSA, le passage au tout-numérique est un chantier national inédit. Il convient donc d’y allouer des moyens inédits.
Je terminerai, monsieur le secrétaire d’État, avec une double crainte : que le calendrier ne puisse être tenu puisque nous avons un retard d’un an et demi au démarrage, et que les chaînes et l’État finissent, une fois de plus, par vouloir faire payer aux collectivités territoriales la solidarité nécessaire à ce projet. Au regard des cadeaux reçus par les chaînes privées, les élus ne sauraient tolérer une telle démarche, d’autant plus que nous serons en première ligne en cas de difficultés pour les plus fragiles de nos concitoyens !